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mardi 10 novembre 2020

Face au Covid-19, la Suède à visage découvert

Le pays, qui n’avait pas confiné sa population au printemps, est l’un des seuls au monde à ne pas recommander le port du masque, à cause notamment du sentiment de « fausse sécurité » qu’il procure.

Par  Publié le 10 novembre 2020

Dans le centre de Stockholm, le 30 octobre.

LETTRE DE STOCKHOLM

Pour un visiteur étranger débarquant en Suède, le contraste doit être saisissant. D’un côté, les médecins font part de leur inquiétude face à l’augmentation très rapide des contaminations et, depuis début novembre, des hospitalisations. L’une après l’autre, les régions durcissent leurs recommandations, dans l’espoir d’endiguer cette deuxième vague de la pandémie due au coronavirus. Les habitants sont exhortés à limiter au maximum les contacts et à éviter les transports en commun, les magasins ou les salles de sport.

De l’autre côté, les Suédois continuent de sortir à visage découvert. Que ce soit dans le métro à Stockholm, dans les centres commerciaux, ou même pour rendre visite à une personne âgée en maison de retraite, la très grosse majorité des 10 millions d’habitants du pays ne porte pas le masque. Pas plus les pharmaciens que les techniciens de maintenance dans les grandes surfaces, les chauffeurs de taxi, les coiffeurs ou les enseignants…

Pas de masque non plus pour le premier ministre, Stefan Löfven, sauf quand il se rend à Bruxelles pour un sommet européen et qu’il doit s’accommoder des réglementations locales. Autre exception : les employés des boutiques de marques étrangères, comme Apple ou Chanel, soumis aux consignes venues de sièges sociaux basés dans d’autres pays. L’entreprise de télécommunications suédoise Ericsson a elle aussi décidé d’imposer le masque à ses 100 000 salariés dans le monde, dont 17 000 sur le territoire national. Mais rares sont ceux qui l’utilisent, puisque la plupart travaillent à distance.

Pour les Suédois, il ne s’agit pas d’un acte de défiance à l’égard des autorités sanitaires ou du gouvernement. Au contraire, assure Elin Lindberg, jeune mère de famille et prothésiste dentaire à Malmö : « Si l’Agence de la santé publique recommandait de le porter demain, je pense que presque tout le monde le ferait. »

La France citée comme exemple à ne pas suivre

Mais voilà : pour le moment, il n’en est pas question. Après s’être distingué, au printemps, en choisissant de ne pas confiner sa population, le royaume scandinave continue de se démarquer. Alors que le masque est désormais utilisé dans près de 180 pays, les autorités sanitaires suédoises, non seulement ne l’ont pas rendu obligatoire, mais continuent de ne pas en recommander le port.

Sur son site Internet, l’Agence de la santé publique estime que les bases scientifiques prouvant son efficacité pour limiter les contaminations sont « faibles ». Elle s’inquiète par ailleurs des risques de le préconiser, notamment celui de donner un sentiment de « fausse sécurité » faisant oublier les principales recommandations, qui sont de ne pas sortir en cas de symptômes et de garder ses distances. « Il y a aussi le risque de toucher le masque et, de cette façon, de propager le virus par les mains, plus encore que sans le masque », note l’agence.

Le chef épidémiologiste Anders Tegnell, architecte de la stratégie suédoise contre le Covid-19, persiste et signe dans un entretien au journal Dagens Nyheter publié le 7 novembre. Pour lui, la meilleure preuve du manque d’efficacité du masque se trouve du côté des nations qui l’ont rendu obligatoire : « Nous pouvons voir que dans de nombreux pays, avec des règles très strictes (…), le virus se propage très vite, observe-t-il. Donc penser que le masque est notre salut est assez dangereux. » La France, qui vient de dépasser la Suède en termes de morts par million d’habitants (627 contre 598), est souvent citée comme l’exemple à ne pas suivre.

Dans le royaume scandinave, le propos est rarement contesté, si ce n’est par les mêmes scientifiques – une vingtaine de chercheurs – qui, depuis le début de la pandémie, s’opposent à la stratégie mise en place. Même ceux qui portent le masque – souvent des personnes âgées ou d’origine étrangère – soutiennent en général la position de l’Agence de la santé publique, à qui 68 % des Suédois font confiance, selon un sondage Ipsos paru le 30 octobre.

Sortie faire quelques courses dans le centre de Malmö, un masque cousu main sur le visage, Magdalena explique : « Je travaille à la maison et je suis les recommandations, en voyant le moins de personnes possible. Mais comme je risquais de croiser des gens, j’ai décidé de mettre un masque. Je ne suis pas pour le rendre obligatoire, mais comme on le porte dans le reste du monde, je me suis dit que cela ne pouvait pas faire de mal. »

Le 26 octobre, en raison de la recrudescence des contaminations, la région Scanie a décidé de l’imposer au personnel de santé, quand il est impossible de maintenir une distance de plus de deux mètres avec un patient. Jusque-là, il n’était obligatoire, dans les hôpitaux, les centres de soins et les maisons de retraite, que lorsqu’un patient était contaminé ou présentait des symptômes.

« Plus important de garder ses distances »

Les directives varient d’une région et d’une commune à l’autre. Pour le moment, la plupart n’ont pas rendu le masque obligatoire pour les visites en Ehpad – des établissements qui ont pourtant payé un lourd tribut à la pandémie au printemps, totalisant 45 % des 6 057 victimes du Covid-19. « Nous pensons qu’il est plus important de demander aux gens de garder leurs distances, et surtout de ne pas venir en cas de moindre symptôme », justifie Alf Jönsson, directeur de l’administration de la région Scanie.

On a beau lui faire remarquer que les Suédois ne gardent pas toujours leurs distances, il maintient sa position : « Nous devons faire mieux, mais imposer le masque ne résoudra rien. Au contraire, plus de gens encore risquent de ne pas respecter les distances. » Lui-même ne le porte pas : « Par contre, je n’ai pas vu mes parents depuis janvier », précise le sexagénaire.

Sur la scène politique, le masque est un non-sujet. Seul le chef de file de l’extrême-droite, Jimmie Åkesson, a fait campagne pour le rendre obligatoire. Mais en participant à un débat au Parlement, mi-septembre, en présence des leaders de toutes les formations politiques, avec des symptômes grippaux et sans s’être fait tester en dépit des recommandations, il a perdu toute crédibilité.



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