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mardi 9 juillet 2019

«Un sexologue au lycée, ce serait libérateur»

Par ZEP Zone d'expression prioritaire — 
«Un sexologue au lycée, ce serait libérateur»
«Un sexologue au lycée, ce serait libérateur» Dessin James Albon

Lors d’ateliers d’écriture organisés par la «ZEP» avec l’association les Enfants du canal, des jeunes ont été invités à s’exprimer sur leur rapport à la sexualité.

Alex, 21 ans, Nanterre : «Il y a une pression sociale autour du sexe»

«Cela fait plus de deux ans que je n’ai pas eu de rapports sexuels. Je n’en ai pas eu l’occasion, et mes études et ma recherche d’indépendance me prennent beaucoup de temps. Mais quand ça fait aussi longtemps, c’est comme si, petit à petit, l’envie était partie. Par contre, l’évoquer en société me met mal à l’aise. Je n’ose pas en parler du fait de la pression sociale autour du sexe chez les jeunes. Je l’ai surtout ressentie quand j’étais puceau. Une fois en particulier, j’étais en soirée avec des amis et des personnes plus âgées que je ne connaissais pas, on jouait à "action ou vérité". Elles n’hésitaient pas à raconter leurs déboires sexuels. A ce moment-là, il était impossible pour moi de leur annoncer que je ne l’avais pas encore fait. J’ai préféré mentir.

«La dernière fois que j’ai menti à propos de ma sexualité, c’était il y a environ un an, j’étais en troisième année de fac, mes amis parlaient de la journée de dépistage gratuit contre le sida. Ils disaient qu’ils avaient eu un rapport sexuel récemment. Ils voulaient donc se faire dépister pour continuer à avoir des relations sereinement. Je n’avais pas envie qu’ils abordent le sujet avec moi, j’étais un peu gêné. Je n’avais pas envie d’avouer que ça faisait un an et demi que je n’avais pas eu de relations. J’avais peur d’être jugé, j’ai hésité à mentir mais finalement, j’ai réussi à détourner la question pour qu’on ne rentre pas dans les détails de ma vie sexuelle. Aujourd’hui, je ne suis plus puceau, mais à cause de l’importante pression sociale sur le sujet, il y a encore des moments où je ne me sens pas à l’aise pour parler de ma sexualité. Cela dépend beaucoup des personnes avec qui je suis.»

Amanda, 20 ans, Paris : «Il n’y a pas de tabou dans mon couple»

«Après plus d’un an de vie commune, mon copain et moi avons développé une véritable complicité. Ça s’est installé avec le temps, au fil des conversations. Il n’y a pas de tabou dans notre couple, on peut aborder tous les sujets sans gêne. Si mon couple se porte bien, c’est justement parce qu’on communique. Dans la vie de tous les jours, on parle souvent de sexualité, c’est important. On peut en parler avant ou après un rapport. On parle de ce qui nous plaît, et de ce qui ne nous plaît pas. Cela arrive naturellement. Il suffit, par exemple, de voir un baiser dans un film. Plein de choses nous ramènent à la sexualité et sont érotiques dans le quotidien. On discute aussi des pratiques de nos amis, quand ils nous en font part. On parle d’orientation sexuelle, comme de la bisexualité. On aime bien se raconter des anecdotes que je ne raconterais à personne d’autre.
«Comme tout le monde, il nous arrive aussi d’avoir des disputes. On les gère en essayant de privilégier la discussion, et parfois on les règle sur l’oreiller. D’un autre côté, le dialogue soulève parfois des doutes ou nous rappelle des expériences précédentes quelquefois douloureuses. Tout n’est pas forcément bon à ramener sur le tapis. Parler de nos pratiques sexuelles, c’est très intime, et cela en dit beaucoup sur la personne. Alors tout partager, c’est aussi se mettre en danger.
«Ce n’est pas toujours facile de tout se dire. Mais je trouve dommage qu’il n’y ait pas toujours dans un couple cette sorte de cocon qui fait qu’on est protégé des regards et des jugements des autres. Dans cette bulle intime, on a besoin d’être rassuré, ou juste de discuter des problèmes, des envies et des désirs. C’est ce qui me paraît le plus fondamental dans la vision que j’ai du couple. Même dans cinq ans, j’espère que j’aurai toujours la même envie et la même capacité à partager ce qui me tient à cœur dans ma vie sexuelle avec mon partenaire.»

Phyne, 17 ans, Creil : «Coucher avant le mariage, hors de question !» 

«Pendant deux ans, j’ai fréquenté un mec gentil, attentionné et doux. Tout ce que les meufs recherchent. Le seul problème, c’est qu’il était en demande de sexe. Ça me mettait mal à l’aise, parce que je ne voulais pas le faire. Vis-à-vis de ma religion et de mon éducation. Plus petite, je me disais : «Obligé, ma première fois sera à mes 18 ans.» Mais aujourd’hui, le sexe ne figure plus parmi mes priorités. Je suis chrétienne, alors faire l’amour avant le mariage, c’est un grand péché. Imaginez, je sors avec 18 mecs avant le mariage ? Dix-huit gars auront donc vu mon corps. Pour moi, cela diminue ma valeur en tant que femme. Mais je ne vous cache pas que j’ai des désirs qui me rendent folle aussi. Croyante ne veut pas dire sainte. Eh oui ! Cela m’arrive d’avoir des pensées parfois malsaines… Mais j’apprends à contrôler mes pulsions. Ce n’est pas facile, je vous jure, il y a des moments où mon corps me demande de lui ramener un homme, il veut se faire caresser, mais je me contrôle. J’ai une technique qui fonctionne tout le temps : lorsque vous êtes excitée, prenez une douche avec de l’eau froide, mais genre froide comme l’eau de l’Antarctique !
«Après, je ne suis pas une antisexe. Loin de là. Mais chaque chose doit se faire en son temps. Le sexe ne peut pas être une priorité dans nos vies et je pense que la société doit arrêter de nous mettre la pression. La relation dont je vous ai parlé a failli me détruire. Mon ex me blessait énormément : «Si tu m’aimes, obligé, tu couches avec moi sans hésiter. Si tu hésites, ça veut dire que tu ne m’aimes pas.» J’ai failli céder à ses avances ! Les préliminaires, c’est dangereux. Au début, on se dit que ça ne va pas aller loin, mais une fois excités, c’est compliqué de s’arrêter. J’ai déjà failli ne plus réussir à me contrôler, mais la petite voix au fond de moi m’a sauvée, et je n’ai plus jamais fait de préliminaires. Je me suis remise en question et puis je me suis dit : «Cocotte, un homme qui t’aime que pour ton corps et rien d’autre t’abandonnera le jour où il aura trouvé une nouvelle proie.» Il ne m’aimait pas assez pour attendre. Je me suis donc dit que je n’avais rien à faire avec lui.
«Aujourd’hui, je suis célibataire et fière de l’être. Je ne suis pas pressée. Le jour où il faudra que je me mette en couple n’est pas encore arrivé.»

Posty, 16 ans, Aulnay-sous-Bois : «J’aurais besoin de personnes sérieuses pour en parler»

 «Il y a un mois, j’ai regardéSex Education. Cette série est intéressante parce qu’elle met en scène des jeunes qui viennent en aide à d’autres. Je parle rarement de sexualité avec mes parents. Quelquefois avec mes cousins, cousines et des amis plus âgés. Avec eux, je me sens libre de parler de tout ce qui touche aux maladies, au sida, aux préservatifs, parce que ça reste entre nous. Leurs réponses sont pertinentes, mais parfois, ça ne me suffit pas. Ils savent plus de choses que des gens de mon âge, mais ils en savent quand même moins que les adultes. Avec ceux de mon âge, on échange sur ce qu’on a fait ou ce qu’on aimerait faire, on se questionne ensemble sur notre sexualité. On se fait des blagues, c’est léger. Parfois, on fait des remarques blessantes. On se moque des goûts des uns et des autres en matière de filles. Alors que les filles que j’aime bien, ça ne regarde que moi, ils n’ont pas à juger. Mais la plupart du temps, on s’écoute. Avec les adultes, on ne peut pas faire ça. Ils pourraient nous apporter des réponses qu’on n’a pas. Mais ils nous renvoient vers des gens de notre âge plutôt que de prendre le temps de nous expliquer.
«Je sens que j’aurais besoin de personnes sérieuses pour en parler. J’aimerais par exemple leur demander si je suis trop jeune pour commencer à avoir des relations sexuelles, s’il faut que j’attende, etc. Au collège, des intervenants sont venus pour parler du sida et de l’éducation sexuelle. Au lycée, il y a eu une visite médicale avec l’infirmier. Il m’a rappelé qu’il fallait se protéger. Mais on a besoin de parler plus profondément et plus longtemps de toutes ces questions.
«S’il y avait un jeune sexologue dans mon lycée, je pense que ça nous aiderait beaucoup. Ce serait vraiment libérateur pour beaucoup d’entre nous, filles comme garçons. C’est important de pouvoir se confier à quelqu’un proche de notre âge, qui sait ce qu’on vit au quotidien et qui comprend les questions qu’on se pose.»

Célia, 20 ans, Paris : «Je suis passée d’ado paumée à jeune femme en un simple coup de reins» 

«Cinq heures du matin. Bourrée à l’arrière d’un scooter à pleine vitesse sur l’autoroute, entre le vent glacé qui frappait mon visage et la chaleur de mon corps alcoolisé, je me sentais bien. J’ai vu pour la première fois l’heure bleue. C’était nouveau, une lumière particulière à laquelle je n’avais jamais fait attention. Autant dire que ce soir-là, j’en ai découvert des choses ! J’ai connu pour la première fois la sexualité. Ah oui, j’ai 20 ans. J’étais la dernière de mes potes. Filles comme mecs. J’avais l’impression qu’être vierge faisait partie de moi. C’était mon choix, et j’avais l’impression d’être plus courtisée, qu’il y avait une excitation en plus, justement parce que personne n’avait «réussi» à pénétrer en moi. C’était important pour moi car on se souvient tous de notre première fois, qu’elle soit désastreuse ou incroyable. Ça faisait déjà un moment qu’on flirtait, alors on est rentrés ensemble, chez lui. On s’est embrassés encore et encore. Des frissons, sa chaleur, et puis merde, j’y suis allée. Pas de galère, pas de gêne. C’était simple avec lui. C’était plus ou moins évident et c’est juste arrivé. C’est sûrement son honnêteté et la sincérité qui se dégageait de lui qui m’ont mise en confiance.
«Avant ça, quand mes potes parlaient de cul, je ne savais pas quoi dire. J’avais vécu des choses, mais futiles par rapport à ce dont ils parlaient. Du coup, je me taisais, j’étais même un peu gênée et frustrée de ne pas pouvoir entrer dans les discussions. Surtout à notre âge. Les mecs parlent de meufs et les meufs parlent de mecs. Moi, j’ai pas eu de vraie relation, je suis jamais tombée amoureuse et j’avais même idéalisé cette «première fois» en me disant que ça devait être avec»the» mec alors que je l’ai juste fait avec «un» mec. C’est comme ça qu’il se décrit, «juste un mec».
Aujourd’hui, je peux en parler. C’est cool et beaucoup moins frustrant, mais je ne me vois pas coucher avec quelqu’un d’autre, j’aurais l’impression de refaire ma première fois. Ça m’a aussi paumée, j’ai kiffé puis regretté. J’ai même cru que, forcément, j’allais tomber amoureuse de lui, du coup j’ai eu peur. Je pense que c’est normal de passer par toutes ces émotions. Finalement, le fait de découvrir le sexe avec lui, c’est archi-marrant, parfois ça fail mais on se tape des barres et c’est ça qui me plaît. J’ai pas peur d’être ridicule ou de faire mal les choses.
«Parfois, je me redécouvre aussi. Je n’ai plus l’impression d’être dans la vraie vie, mais dans un univers parallèle où je laisse mon corps vaquer à ses envies et je trouve ça incroyable de vivre cette sensation. La vraie vie et la vie sous les draps… Ça n’a aucun rapport ! J’ai l’impression d’avoir aussi grandi, que mon innocence est partie. Je redoutais un peu ce moment et finalement, ça a été libérateur. Je suis passée de ma vie d’ado paumée à ma vie de jeune femme en un simple coup de reins.»

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