| 28.06.2018
La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) appelle les pouvoirs publics à mettre en place des soins somatiques adaptés pour les personnes souffrance de pathologies psychiatriques, dans un chapitre de son rapport sur l'évolution des charges et produits présenté ce 28 juin.
La santé mentale représente 14,5 % des dépenses totales de l'assurance-maladie (derrière les hospitalisations, et devant les cancers et maladies cardioneurovasculaires). En 2016, ces dépenses s'élèvent à plus de 20 milliards d'euros pour sept millions de personnes (plus d'un Français sur 10). Sur ces 7 millions, deux millions souffrent de troubles névrotiques ou de l’humeur ou de troubles psychotiques. Leur prise en charge (hospitalisations) coûte 14 milliards d'euros. Leur nombre a augmenté de 200 000 entre 2012 et 2016, ce qui peut s'expliquer par leur meilleur repérage.
Les cinq autres millions de personnes suivent un traitement chronique par psychotropes (antidépresseurs/médicaments régulateurs de l'humeur ou anxiolytiques), pour un coût de six milliards d'euros.
Sur-risques cardioneurovasculaires et oncologiques
À partir de sa cartographie médicalisée des dépenses de santé, la CNAM documente le sur-risque très important de maladies cardioneurovasculaires et de cancer du poumon qui touche les personnes atteintes de pathologies psychiatriques.
En 2016, ces patients, en particulier ceux souffrant d'un trouble addictif, ont deux fois plus de risques d'être pris en charge pour une ou plusieurs pathologies cardio-neurovasculaires (AVC, insuffisance cardiaque aiguë, AOMI, Embolie pulmonaire aiguë). Ces résultats se confirment en regardant l'évolution des pathologies entre 2013 et 2016 chez des personnes suivies en psychiatrie. Leur risque est plus élevé de faire une embolie pulmonaire (X 2,2 et jusqu'à 18, en cas d'antécédent cardioneurovascluaire) ou un AVC (x 2,6 pour les personnes soignées pour troubles addictifs). Cela s'expliquerait par des facteurs de risques intrinsèques de ces populations (effets secondaires des traitements, usage de tabac, stress), mais aussi une prise en charge moins adaptée, un moindre recours aux soins et une moins bonne adhérence à la prise en charge.
Les personnes vivant avec un trouble psychiatrique sont aussi plus souvent traitées pour un cancer du poumon, lié à une consommation tabagique importante. Moins, pour des cancers du sein ou du côlon, d'évolution plus lente, qui pourraient n'être pas dépistés. Le cancer est la première cause de décès des personnes avec des troubles psychiatriques (26 % vs 33 % en population générale), suivi par les maladies cardioneurovasculaires (20 vs 24 %) et par les causes externes (10 % vs 6 %).
L'assurance-maladie confirme une surmortalité des patients psychiatriques par rapport à la population générale (multipliée par 2 à 3) ainsi qu'une mortalité prématurée (avant 65 ans) 4 fois supérieure à celle de la population générale chez les personnes souffrant d'un trouble névrotique ou de l'humeur ou d'un trouble psychotique ou addictif. La mortalité prématurée est aussi très élevée chez les personnes avec une déficience mentale ou un trouble psychiatrique ayant débuté dans l'enfance. Elle est doublée chez les personnes sous traitement chronique par psychotrope.
Pour inverser les courbes, l'assurance-maladie propose de favoriser le développement et le renforcement d'une offre de soins médicaux somatiques spécifique dédiée aux publics atteints de pathologiques psychiatriques lourdes, et d'adapter les campagnes et actions de prévention cardiovasculaire et de dépistage des cancers aux spécificités de ces populations.
Elle suggère aussi de prendre en compte la gravité des pathologies somatiques des personnes hospitalisées en établissement psychiatrique dans l'affectation de la dotation annuelle de financement (DAF).
Pour une meilleure prescription des psychotropes
L'assurance-maladie pose un regard critique sur les prescriptions de psychotropes. La durée des traitements antidépresseurs est inférieure dans près de la moitié des cas aux six mois recommandés et la consultation de suivi, trop tardive. Aussi suggère-t-elle d'introduire des indicateurs relatifs à cette prescription dans la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) des médecins traitants.
En outre, la prise en charge médicamenteuse des troubles bipolaires est variable et loin des recommandations qui placent le lithium en première ligne - alors que dans les faits, un antipsychotique de seconde génération est prescrit initialement dans la moitié des cas (48 %) - ce qui interroge eu égard au profil de risque cardiovasculaire important de cette classe -, ou un thymorégulateur conventionnel dans 42 % des cas et une association des deux dans 10 %. Le lithium est prescrit dans moins de 5 % des cas, derrière le valproate (30 %) et la rispéridone (15 %).
L'assurance-maladie propose de définir avec l'ensemble des acteurs une stratégie pour améliorer la pertinence des prescriptions de psychotropes chez les bipolaires, et réaffirmer la place du lithium.
Dernier point d'inquiétude : l'augmentation de la consommation de méthylphénidate en France chez les personnes avec un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). L'assurance-maladie propose la constitution d'une cohorte de personnes TDHA traitées par Ritaline pour évaluer le traitement à long terme.
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