A défaut de nous confronter au réel, nous entretenons des mythes. Ainsi, certains persistent à affirmer que, sous sa forme actuelle, l’école française, ciment de l’égalité républicaine, peut donner sa chance à tous les élèves et favoriser l’ascension sociale au mérite. Hélas, l’étude Pisa 2012 le rappelait, le système éducatif français est, de l’OCDE, celui qui renforce le plus les inégalités sociales. Champion du monde des inégalités face à la réussite scolaire pour le pays de Jaurès ; insupportable distorsion entre les paroles et les faits. Ce déni de réalité freine l’évolution nécessaire de notre système, fait peser l’échec scolaire sur l’unique responsabilité individuelle et favorise le développement de stratégies familiales pour sortir gagnant de la grande compétition scolaire. Dans le fond de l’air, la question de l’effort revient comme un leitmotiv, sous-entendant que les enfants de maintenant seraient moins méritants qu’avant. Alors, si l’échec est d’abord ce manque d’effort déployé par un individu, posons la question : «Les enfants de pauvres sont-ils fainéants ?». Si oui, alors ils n’ont que ce qu’ils méritent. Sinon, il est scandaleux et injuste qu’ils soient les premières victimes de la production d’échec scolaire massif de notre système éducatif.
En réalité, les difficultés scolaires sont le fruit du croisement entre la situation individuelle de l’élève, le contexte social ou familial, et le fonctionnement de l’école. C’est donc, bien, sur ces trois leviers qu’il faut agir. Pour appréhender la réalité vécue par nombre d’enfants de milieu populaire, représentons-nous le parcours type d’un des 150 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme. Arrivé en dernière année de maternelle, il a moins profité des apports de l’école que ceux qui sont dans un bain culturel favorable (1) et se retrouve au moment de l’apprentissage de la lecture en CP face à un mur. 90% des élèves en difficulté en 6e l’étaient déjà au CP. Il suit avec difficulté sa scolarité en école primaire, intériorisant à chaque zéro pointé le fait qu’il est nul. Dans un collège pensé comme un petit lycée au climat scolaire très dur (2), il commence à décrocher ou subit son orientation vers le lycée professionnel. Là, soit il décroche au bout de la première année, soit il se reconstruit scolairement et obtient son bac pro. Mais, à défaut de trouver une place en BTS, pris d’assaut par les lycéens de filière générale, il échoue à la fac (3) ou tenter de trouver un travail en mesurant à chaque étape de son parcours professionnel le poids du diplôme en France… "Viendra la poursuite d’études supérieures ou l’entrée dans le monde du travail où il mesurera, à chaque étape de son parcours professionnel, le poids du diplôme en France..." Que peut-on y faire ? Les pistes d’amélioration existent et en réalité font, pour beaucoup d’entre elles, consensus d’autant qu’elles ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Mais, ici, réformer l’école n’est pas simple, c’est un euphémisme. Les derniers mois l’ont encore prouvé.