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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 9 mai 2010



La planète psy dans tous ses états

Les analysants n'ont que faire de savoir si Freud était un héros ou un sale type par Daniel Sibony


07.05.10


Si l'on écarte les colères qui émergent à l'occasion de la nouvelle charge contre Freud, il reste quelques reproches précis que M. Onfray a alignés. "J'aurais aimé, dit-il, un article qui m'explique : pourquoi Freud fait une dédicace élogieuse à Mussolini en 1933 ; pourquoi il s'est rangé du côté du chancelier autrichien profasciste Dollfuss ; pourquoi il travaille avec les nazis pour que, sous couvert de l'Institut Goering, la psychanalyse puisse continuer à exister sous le IIIe Reich ; pourquoi il envisage de promouvoir le psychanalyste non juif Felix Boehm ; pourquoi il existe nombre de textes contre le bolchevisme et aucun contre le fascisme ou le nazisme ; pourquoi il n'a pas guéri l'homme-aux-loups ; pourquoi il n'a pas pris de pauvres sur son divan ; pourquoi il a mis en place le concept d'attention flottante qui permet que l'analyste dorme pendant la séance ; pourquoi il prenait si cher..."

A ces grandes questions qui tiennent dans le creux de la main, la réponse est simple. Freud, en tant qu'homme, était du genre honorable, conformiste, d'autant plus avide de reconnaissance que sa trouvaille restait méconnue.

Ce n'était ni un fin politique ni un suicidaire ameutant les foules contre le nazisme triomphant. Il écrit sur les Soviétiques qui sont loin, mais alerter l'Europe sur le nazisme, à l'époque et quand on est juif, vu que l'Europe était déjà très alertée contre vous, eût été une gageure ; il ne l'a pas tenue. Il a même cru que la puissante Église catholique empêcherait Hitler d'entrer à Vienne...

Il a parlé avec les responsables institutionnels nommés par le pouvoir nazi avec l'espoir de protéger la psychanalyse ; il a fait une dédicace élogieuse à Mussolini, qui n'était pas pour l'extermination des juifs et ne voulait pas, jusqu'en 1937, que les Allemands entrent en Autriche (des fois qu'il puisse être utile un jour...) ; il a plutôt recherché des clients riches et influents pour se faire reconnaître (mais il en prenait certains gratuitement) ; il a cherché à promouvoir des analystes non juifs, de Jung à Jones, pour qu'on ne dise pas que sa trouvaille était une science juive (ce qui à ses yeux en limiterait la portée).

Il n'a pas guéri tous ses patients, loin de là, mais aucun analyste ou thérapeute d'aucune sorte ne l'a fait. Aucune thérapie ne vient à bout de l'esprit humain et de ce qu'il peut inventer, et tant mieux.

Bref, ces accusations n'en font ni un héros ni un sale type. C'est un homme supérieurement intelligent qui a eu la chance de "tomber sur un truc génial", lequel a eu d'énormes conséquences, bien au-delà du peuple "psy".

Et si c'était un sale type ? Admettons-le un instant. On serait alors devant une épreuve banale, fréquente et dure à supporter : le même homme peut faire des vilenies et créer des choses sublimes.

C'est le genre de situations qui met à rude épreuve notre narcissisme : on aime à s'identifier à un homme pour ses prouesses, mais, s'il présente aussi des ombres ou des grosses taches, elles rejaillissent sur nous et nous salissent. C'est désagréable. En même temps, cela nous protège de l'idolâtrie. De sorte que ce double partage - de l'autre et de nous-même - va plutôt dans le sens de la vie.

En fait, tous ceux qui souffrent et qui ont bénéficié de l'apport freudien n'idolâtrent pas Freud. Ce n'est pas qu'ils s'y refusent, ils s'en foutent, l'essentiel est ailleurs. C'est la psychanalyse, et quand elle est bien faite, par des gens doués et généreux, elle aide le sujet à devenir un penseur de sa vie, à la penser en acte et non en appliquant tel ou tel philosophe, fût-il fameux.

Je n'ai encore vu personne se tirer d'affaire et retrouver le chemin de sa vie parce qu'il a lu un manuel de philosophie.

Et c'est peut-être là que l'on peut comprendre la rage du philosophe qui cherche des poux à Freud. Quand c'est un nietzschéen, comme cela semble être le cas, il ne peut qu'être exaspéré par le fait que chaque vérité produite par Nietzsche intuitivement, et parfois génialement, la psychanalyse la découvre ou la retrouve dans sa pratique à une échelle bien plus vaste et en la menant beaucoup plus loin dans la vie des sujets.

Un exemple ? Nietzsche dit quelque part : "Tu ne deviendras jamais que ce que tu ignores de toi-même." C'est joli, mais en termes "psy" cela veut dire que ce que tu refoules revient irrésistiblement et l'emporte sur tes ratiocinations. Mais l'avantage, c'est que la psychanalyse ouvre avec cela un vaste champ où s'étudie le refoulement et ses retours, ses craquages, ses rafistolages symptomatiques ; cela ouvre l'immense étude des fantasmes, des symptômes, des blocages, des mal-être...

Ce que Nietzsche découvre à la main, elle le découvre à la force d'une vaste machinerie où s'impliquent des millions de gens qui en prennent conscience et en tirent des conséquences pratiques.

On pourrait ainsi multiplier les exemples. En somme, M. Onfray a dû se dire que la psychanalyse avait diminué son Père Nietzsche, alors il diminue le père de la psychanalyse. Mais, ce faisant, il œuvre dans un sens obscurantiste, car beaucoup de ceux qui auraient vraiment besoin d'une analyse, et qui pourraient être aidés par une cohorte de jeunes analystes assez libres et doués, ceux-là ajouteront le livre d'Onfray à l'empilement de leurs résistances.

Au mieux, ils prendront des cours de philo, mais philosopher comme Nietzsche ou Aristote ne vous fera pas connaître le penseur que vous êtes de la vie, que vous seul êtes capable de penser et de vivre.

Daniel Sibony est psychanalyste et écrivain, auteur des "Sens du rire et de l'humour" (éd. Odile Jacob, 240 pages, 23 euros) et du "Peuple "psy" : situation actuelle de la psychanalyse" (Points, 2007).

Article paru dans l'édition du 08.05.10 




Le ressentiment du philosophe, une demande d'analyse en souffrance, par Marc Strauss

07.05.10

Il le dit, la psychanalyse, ça ne tient pas, et il le démontre. Il est vrai que pour cette démonstration tout lui est bon, la théorie comme la vie et les légendes de son inventeur et ses héritiers. Bien sûr on nous dira, et les meilleures plumes l'ont fait, que Freud a changé radicalement la perspective sur ce qui anime l'être humain ; qu'il a permis d'intégrer dans sa connaissance un vaste champ jusqu'à lui maintenu dans l'ignorance, dédaigné ou exploité à des fins d'asservissement ; qu'il a ainsi offert à la souffrance de l'homme une boussole pour lui permettre de supporter le fardeau de sa vie jusqu'aux limites de l'impossible en traçant sa propre route.

Mais Michel Onfray a néanmoins raison, rien ne tient. Tout, tout le temps, est prêt à s'abîmer dans la contradiction et l'échec. Une théorie ? Vérité aujourd'hui, erreur demain. Les neurosciences ne sont-elles pas chaque jour sur le seuil de nous démontrer que nous sommes des machines moléculaires ? Un projet, voire un engagement passionnel... une simple rage de dents vous en détourne ! (Freud, L'Introduction au narcissisme). Certes, les savants et les moralistes ont depuis longtemps renoncé à leurs visées totalitaires et impérialistes et font preuve quant à leur savoir d'une modestie de bon aloi. N'a-t-on pas appris, il y a quelques jours, qu'à la suite des découvertes faites avec le télescope Hubble la physique était à réinventer ? Pendant ce temps, les psychanalystes, refusant toute réfutabilité, s'arc-boutent sur quelques mêmes textes datés.

En réalité, il n'est pas un concept de Freud qui n'ait été discuté, critiqué, voire combattu par Freud lui-même ou ses successeurs. Néanmoins, il est vrai que le geste fondateur de la psychanalyse reste pour eux, sinon inexplicable, du moins indiscutable : l'association libre.

Encouragez quelqu'un à parler de manière à ce qu'il accepte d'essayer de vous dire tout ce qui lui passe par la tête, et il s'en déduira toute une série de conséquences. En particulier le fait que le sujet tienne à continuer, parce que ça lui fait un effet très particulier. Il peut même, sans nécessairement s'en rendre compte, tenir à la relation qui se noue avec qui l'écoute.

Là donc, ça tient, et rudement. Le fait est, d'expérience. Pourquoi ça tient, et où ça va, tout cela se discute. D'autant que toujours le sens fuit, comme disait Lacan. Autrement dit, il n'y a pas de dernier mot de la vérité et là, Michel Onfray a bien saisi le truc. Le problème, c'est qu'il en déduit du coup que la psychanalyse est invalidée, alors que justement ce n'est que par là qu'elle fonde sa certitude.

Freud d'abord, Lacan ensuite, se sont échinés à saisir, au-delà de l'image, le traumatisme inaugural qui fait l'être humain en souffrance d'une vérité qui lui échappe. Et ils ont trouvé. Freud l'a exprimé d'un mythe, la castration, dont Lacan a montré qu'elle était le nom de l'impossibilité à tout dire, qui nous frappe tous, et dont nous recouvrons l'horreur dernière par nos croyances, conscientes aussi bien qu'inconscientes. Ils ont trouvé, au-delà de ces croyances incertaines, le moyen pour qui le souhaite d'ouvrir les yeux sur ce qui, dans la vie, le supporte, dans ce qu'il a de plus intime, de plus singulier.

On l'aura compris, si nous donnons raison à Michel Onfray, ce n'est que pour la moitié du chemin. Que n'a-t-il mesuré que c'est à partir de ses conclusions mêmes que la psychanalyse se poursuit et se démontre, dans ce qu'elle a d'unique : l'accès à ce qui fait le réel propre à chaque sujet, qui n'est bien sûr pas le réel universel de la science, mais n'en est pas moins sans conséquences majeures dans la vie de tous.

Est-il pertinent de se demander pourquoi Michel Onfray n'a pas poursuivi son chemin au-delà de sa découverte de l'inconsistance de la vérité, ce qui l'aurait amené, à n'en pas douter, à exercer son intelligence dans une tout autre direction ? On nous permettra d'interpréter l'épaisseur de son livre et les relais nombreux qu'il a trouvés dans les médias comme l'expression d'un ressentiment, partagé par beaucoup. Un ressentiment, fruit d'un amour déçu, pour s'être cru abusé, et qui n'a pas trouvé le relais congru pour s'interroger sur la tromperie de l'amour, voire de la parole elle-même.

Autrement dit, le livre de Michel Onfray, avec ses outrances, ses excès, sa mauvaise foi, ses pensées nauséabondes, ressemble par trop à ce qui se déchaîne sur un divan pour n'y pas voir une demande d'analyse restée en souffrance. La perspective de rester seul avec une angoisse folle de se tromper justifie quiconque de se montrer aussi brouillon que téméraire dans son assaut contre son idole du moment.

Et parce que notre époque spécialement y contraint les meilleurs et les plus sensibles, Michel Onfray n'est pas seul à s'indigner de ce que, malgré toutes leurs promesses, les savoirs se révèlent trompeurs. De surcroît, il est tout à fait justifié de prendre la psychanalyse comme cible centrale de cette rancoeur, car elle a les moyens, à défaut de le résoudre, de répondre du malaise dans la civilisation. Encore, il est vrai, faudrait-il que les psychanalystes ne l'oublient pas, et s'emploient mieux à le faire entendre.

Raison de plus pour être attentifs à quelques pensées dignes qui, loin de rendre les armes devant la solitude du sujet contemporain égaré dans un amas de mensonges, lui ouvrent une voie où il peut trouver à s'appuyer, les pensées d'un Freud, d'un Lacan, ou d'un Kertész dont le dernier livre paru en français, L'Holocauste comme culture (Actes Sud), ne traite de rien d'autre.

Marc Strauss est psychiatre-psychanalyste, membre fondateur de l'Ecole de psychanalyse des forums du champ lacanien (EPFCL).

Article paru dans l'édition du 08.05.10
 

mercredi 5 mai 2010




PSYCHIATRIE et HOSPITALISATION d’OFFICE : Durcissement de la contrainte, élargie “à la ville”

Conseil des Ministres

Un durcissement attendu et discuté depuis de longs mois par les médecins et professionnels en psychiatrie.  Hospitalisation d’office “simplifiée”, soins sous contraintes élargis à la ville, impossibilité de sortir d’HO sans décision du Préfet, le conseil des ministres examinait mercredi 5 mai, le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes sur les modalités de l'hospitalisation d'office (HO) en psychiatrie. Zoom sur les principales mesures présentées.

Ce projet de loi poursuit la ligne du projet présenté en 2008 par Nicolas Sarkozy et de la récente circulaire du 11 janvier 2010 laissant aux Préfets la décision finale sur les sorties d’essai, une circulaire qui avait inquiété psychiatres et  soignants donnant priorité à l’analyse de l’état clinique du patient plutôt qu’à une volonté de contrôle social. Cette réforme annoncée par le Président, concerne près de 70.000 patients par an qui souffrent de troubles mentaux rendant impossible leur consentement aux soins. “Tout en garantissant aux patients le respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés individuelles, cette loi doit permettre une meilleure qualité des soins psychiatriques et garantir la sécurité du patient et celle des tiers”, précise le compte rendu de l’Elysée.

L’HO sur décision du corps médical : Parmi les mesures adoptées en Conseil des ministres, l’hospitalisation sans consentement toujours  possible sur demande d’un tiers, devient également possible, par seule décision du corps médical et sans l'accord d'un tiers. L’entrée en HO peut s’effectuer sur demande d’un tiers sans second certificat médical. Les principales motivation d’HO restent le trouble grave à l’ordre public et la nécessité de soins immédiats, conformément la loi du 4 mars 2002.

Les soins sous contrainte sont élargis à la ville : Le remplacement de la notion d’hospitalisation par celle de « soins », ouvre la possibilité d’une prise en charge en hospitalisation ou en soins ambulatoires : jusque-là pris en charge à l'hôpital psychiatrique,  les soins sous contrainte sont élargis à la ville. Mais est-il réaliste de vouloir containdre un patient atteint de troubles psychiques à se soigner, en dehors de l'hôpital?

Seules des sorties de courte durée d’une durée de 12 heures maximum subsistent, c’est donc un durcissement par rapport à la précédente circulaire du 11 janvier 2010. Un collège de soignants (deux psychiatres et un cadre infirmier) fourniront un avis médical aux préfets sur les sorties de l’hôpital pour les patients placés en hospitalisation d’office. Sur ce point, la circulaire laissait diligence au Prefet d’autoriser les sorties: « l’appréciation de l’état de santé mentale de la personne revient au seul psychiatre, en revanche il appartient au Préfet d’apprécier les éventuelles conséquences en termes d’ordre et de sécurité publics ». En conclusion, une fois en HO, le malade ne peut quitter l'hôpital jusqu’à décision du préfet sur proposition du Collège de soignants ou du Juge.
Un projet de loi condamné par certaines organisations de psychiatres et de soignants pour sa “dérive sécuritaire” et sa “banalisation de la contrainte” mais qui recueille l’agrément de l’Union Nationale des Amis et Familles de Malades psychiques.

Sources : Élysée,  Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et leurs modalités de prise en charge,  Union syndicale de la Psychiatrie ; Collectif psychiatrie, Psychiatrie : circulaire du 11 janvier 2010 : Hospitalisation d’office. Sorties d’essai,

mise en ligne Alexis Yapnine, santé log, le 5 mai 2010



Les psychiatres de ville pourront délivrer des soins sans consentement

LEMONDE.FR avec AFP | 05.05.10

La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a affirmé dans un entretien à Libération, mercredi 5 mai, que les psychiatres de ville pourront délivrer des soins sans consentement. Une évolution censée "moderniser" les soins imposés à certains malades mentaux jusqu'ici limités à la seule hospitalisation. Roselyne Bachelot doit présenter mercredi en conseil des ministres un projet de loi sur la psychiatrie prévoyant ces soins sans consentement.

"Les psychiatres des villes pourront délivrer des soins sans consentement, sous la responsabilité du médecin de l'hôpital qui suit le patient", a-t-elle précisé.  "C'est une loi importante car elle remplace la notion d'hospitalisation par celle de soins", a estimé la ministre de la santé. Ce texte attendu avait été souhaité par le président de la République en 2008, après la mort, à Grenoble, d'un étudiant poignardé par un malade échappé de l'hôpital.

SOIXANTE-DIX MILLE PATIENTS CONCERNÉS

Ce texte concerne soixante-dix mille patients par an qui souffrent de troubles rendant impossible leur consentement aux soins et vise à leur offrir "une meilleure prise en charge", à "assurer leur sécurité et aussi celle des autres", a expliqué le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, au sortir du conseil des ministres. Dans la grande majorité des cas, l'entrée dans les soins se fera en hospitalisation complète, avec "un premier temps d'observation et de soins, d'une durée maximale de soixante-douze heures, comportant trois certificats médicaux". Passé ce temps, il sera possible de prendre en charge le patient, sans son consentement, "soit en hospitalisation partielle, soit en soins ambulatoires [hors de l'hôpital]", a-t-elle expliqué.

Interrogée sur les sorties d'essai, la ministre a annoncé qu'"un collège de soignants (deux psychiatres et un cadre infirmier) aura pour mission de fournir un avis écrit au préfet sur les sorties d'hôpital pour les patients en hospitalisation d'office ou hospitalisés en unité pour malades difficiles".

La loi actuelle, du 27 juin 1990, prévoit deux types d'hospitalisation sous contrainte si le patient présente un danger pour lui-même ou pour autrui : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (famille, voisinage, collègue...) sur la base d'au moins un certificat médical et l'hospitalisation d'office prononcée par arrêté préfectoral.

"ON NOUS DEMANDE DE GARANTIR L'ORDRE PUBLIC"


Face à ce projet, les psychiatres et leurs syndicats sont partagés. Nombre dans la profession réclament une véritable politique de santé mentale et les moyens de la mettre en œuvre. "Il y a des avancées", commente le docteur Norbert Skurnik, de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) et psychiatre de secteur. Cependant, entre autres critiques, il réclame un recours "systématique" à la justice, conformément à la jurisprudence européenne sur la privation de liberté, en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur la poursuite ou non d'une hospitalisation ou de soins ambulatoires sous contrainte.

"Le curseur se déplace d'une optique sanitaire vers une optique sécuritaire", a pour sa part récemment regretté Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux. Le docteur Angelo poli, président du Syndicat des psychiatres d'exercice publique, relève des aspects positifs dans le texte, comme la simplification de l'admission, avec un seul certificat au lieu de deux. "Par contre, ce qui pose problème c'est la tâche de contrôleur de l'ordre public affectée aux soignants. On nous demande de garantir l'ordre public", déplore-t-il.
Or "il n'y a pas de risque zéro", et les drames comme celui de Grenoble sont "exceptionnels", contrairement à ce que pourrait faire croire leur médiatisation à outrance, assure-t-il.









L’économie selon le psychanalyste Antoine Fratini

Tandis que certains hommes politiques déclarent que la crise économique est désormais en phase de dépassement et invitent les citoyens et les entrepreneurs à reprendre leurs habitudes de consommation et leurs investissements, le nouveau livre d’Antoine Fratini, président de l’Association Européenne de Psychanalyse et membre de l’Académie Européenne Interdisciplinaire des Sciences, remue la couteau dans la plaie en affirmant que ce que l’on nomme communément « économie » serait plus proche d’une religion que d’un système rationnel. La rédaction de www.aepsi.fr a interviewé l’auteur en lui posant quelques questions.
 
Rédaction : Le titre de votre nouveau livre La religion du dieu Économie (Edilivre, Paris 2010) est des plus explicite et peut être même provocateur. Pourriez vous en quelques mots expliquer ce que vous entendez par « religion économique » ?

Antoine Fratini : Pour commencer je n’entend pas une simple expression. Il s’agit plutôt d’une affirmation basée sur une analyse soignée du rapport de l’homme moderne avec ce que l’on nomme « économie ». Toute une série de comportements relatifs à tel rapport apparaissent profondément ritualisés, même si les citoyens ne s’en rendent pas compte. Par exemple, les banques ressemblent toujours plus à des sortes d’églises : on parle à voix basse, on se soumet à de modernes et technologiques rites d’entrée et de sortie et les divers bulletins sur le déroulement des actions qui s’affichent sur les écrans se substituent aux messages « numineux » envoyés par les saints. D’autre part, nous pourrions voir dans le motif de « l’homme de succès » un des éléments liturgiques majeurs de cette religion inconsciente.

R : Quels seraient donc selon vous les dynamiques obscures à la base de cet inconscient « échange ou superposition de religion » ?

A.F : Sur l’économie sont projetées des valeurs qui dépassent largement le cadre de ce qu’il est rationnellement permis de s’attendre d’un instrument finalisé à la gestion des ressources. En gros, une des thèses soutenues dans mon ouvrage est que dans le discours politique d’aujourd’hui le signifiant « économie » s’est substitué au signifiant « bonheur ». Ceci attribue une nouvelle signification inconsciente à tous les discours dans lesquels la parole « économie » est employée. La croyance et l’espoir que le profit puisse nous apporter une condition heureuse sont particulièrement forts, diffus et aliénants. Cet équivoque porte à un état de possession proche à ce qui dans la religion catholique est nommé « passion » et qui porte en soi la souffrance et le sacrifice de soi en vue du salut de l’âme. C’est pourquoi, malgré l’aisance matérielle, beaucoup de personnes nourrissent l’impression que leur vie soit un sacrifice.

R : Vous parlez aussi d’un panthéon économique…

A.F : Il m’est que trop aisé d’énumérer les figures de ce panthéon : Développement, Croissance, Profit, Achat, Succès… toutes ces figures sacrées sont soumises à Economie qui fait la part du dieu majeur, comme Zeus dans l’Olympe de la mythologie grecque. Par exemple, quand on parle de richesse on sous-entend toujours « richesse matérielle » et on écarte automatiquement tout autre type de richesse…

R : Existe t-il alors une solution pour sortir de cette condition de possession ?

A.F : Étant donnée la manière dont la croyance est enracinée dans l’esprit de l’homme moderne, un véritable changement ne peut que passer avant tout par une prise de conscience adéquate de la situation. Mais une telle prise de conscience suscite des peurs, des résistances et demande donc beaucoup de temps et d’efforts. La crise que l’économie mondiale est en train de traverser actuellement pourrait vraiment représenter une occasion pour amorcer un rapport plus sain avec une économie conçue plus rationnellement. Ce qui la rendrait aussi moins dangereuse et plus fonctionnelle. En même temps, les valeurs inconscientes qui actuellement y sont liées pourraient trouver une collocation plus heureuse dans le monde de la Nature (autre grand thème traité dans mon livre), comme c’est le cas notamment des civilisations tribales dont la culture traditionnelle prévoit un lien spécial et amplement vérifié depuis des millénaires entre inconscient et Nature. En ce sens, rattraper l’écart qui sépare Homme et Nature pourrait réellement contribuer à la félicité de l’homme du futur.

Biographie de l'auteur

Antoine Fratini est Président de l’Association Européenne de Psychanalyse. Il est aussi membre de l’Académie Européenne Interdisciplinaire des Sciences et directeur du Festival de la Psychanalyse de Fidenza (Italie). Parmi ses publications en langue française figurent La statue du psychanalyste? Quel statut, quelle liberté? paru aux Editions Edilivre en 2010 et La psychanalyse au bûcher (Le Manuscrit, Paris 2009).





Communiqué

JACQUES-ALAIN MILLER

Un hebdomadaire m’avait commandé un texte de 4 000 signes. Je le vois publié tronqué. Je le donne ici complet. JA Miller
La cohorte est longue, des philosophes français inspirés par la psychanalyse. Sartre inventa une psychanalyse dite existentielle, où la mauvaise foi remplaçait l’inconscient. Ricoeur tira de Lacan une théorie néo-spiritualiste de l’interprétation, Althusser une théorie néo-marxiste de la lecture. Foucault embrassa une version néo-heideggerienne de l’analyse avant de célébrer, puis de critiquer, sa version structuraliste. Derrida en nourrit sa « déconstruction ». Deleuze en tira une « schizo-analyse ». Tous, subtils.

M. Michel Onfray ne mange pas de ce pain-là. « Déniaisé », écrit-il, à l’école de ces militants dits révisionnistes qui, depuis vingt ans, donnent de Freud un portrait en sale type qui dupa son monde, il se fait leur émule. Il y va au canon. Mais le boulet, en fait, il le porte à la cheville : c’est son postulat
de départ, il n’en décolle pas. Ce postulat est double : 1) la psychanalyse est une philosophie ; 2) toute philosophie est l’autobiographie déguisée de son auteur, une construction faite pour soulager sa « douleur existentielle », « mettre de l’ordre dans sa vie ». Il s’ensuit que la psychanalyse est une
thérapie à l’usage du seul Freud. Elle prétend valoir pour d’autres ? extrapolation abusive, imposture. CQFD. Ce canevas délirant est d’une logique imparable dès que le postulat est admis.

Sur cette lancée, l’ouvrage prétend reconstituer la vie sexuelle de Freud. On croirait lire le canular de Botul sur Kant. Page 572, l’auteur met carrément la main dans la culotte du zouave : relevant que les poches de ses pantalons avaient souvent de gros trous, il subodore aussitôt le masturbateur compulsif. Plus grave : gouverné par un gros complexe d’OEdipe, Freud persuada tout un chacun qu’il était dans le même cas. Pire encore : il fut mari incestueux, amant incestueux, père incestueux. On s’étonne qu’il ne lui soit pas aussi imputé d’avoir été pédophile. Conclusion : inceste et onanisme sont les mamelles du freudisme.

La partie épistémologique est non moins expéditive. Les concepts freudiens ? une fantasmagorie, « un cirque », ceci redit mille fois. L’ouvrage est parsemé de points d’exclamation, qui signifient : qui peut croire pareilles sornettes ? L’inconscient fait des calembours ! Il est illogique ! Insaisissable ! On ne le voit jamais ! Et Freud qui a le toupet de nous parler de ça ! Et Freud qui se contredit ! M. Onfray, jamais. Il ne se fie, dit-il, qu’à « la raison raisonnante et raisonnable ». L’histoire des idées le montre, jamais. Il ne se fie, dit-il, qu’à « la raison raisonnante et raisonnable ». L’histoire des idées le montre,
ce genre de boussole s’affole toujours devant la psychanalyse. Faute d’admettre qu’un réel puisse répondre à d’autres principes que la non-contradiction aristotélicienne, on se retrouve vite dans la position d’un Monsieur Homais aux prises avec une imbaisable Arlésienne.

Quelques mots suffisent enfin pour expliquer le ressort de l’imposture : la magie du verbe, l’alliance des gredins, la crédulité des dupes. C’est que ce livre puise dans le même trésor d’idées reçues que toutes les théories conspirationnistes. Il ravira cette famille d’esprits.

On aimerait croire que « tout ce qui est exagéré est insignifiant ». A l’âge médiatique, rien n’est moins sûr. La pensée freudienne, qui s’avance sur des pattes de colombe, délicate, scrupuleuse, attentive au détail le plus menu, se transformant à plaisir pour épouser les méandres de l’expérience clinique, et supposant, comme dit Valéry, « l’action de présence des choses absentes », cette pensée ne pouvait que rebuter la masse. Du coup, ses partisans crurent bon de populariser une image de Freud en saint laïque. Cette idéalisation, qui fut surtout le fait des analystes de langue anglaise, ne manqua pas de provoquer des contrecoups agressifs, dont nous avons aujourd’hui un remake. Mais ce ne sont pas de tels couplets qui menacent la psychanalyse. Non, c’est le succès même de sa méthode. Le sens commun la dilue, toutes sortes de thérapies conversationnelles en dérivent. Entre-temps, la notion se répand que rien n’existe que ce qui est chiffrable.

RADIO LACAN

Radio-a

Chers auditeurs, chers internautes Radio-a a maintenant sept mois d'existence, et la barre des cent visiteurs différents par jour a été franchie.Ce mois-ci, la rubrique sur l'autisme est mise en ligne avec cinq séquences qui se suivront mensuellement. Sur l'autisme, écoutez aussi Jean Pierre Maleval, psychiatre, psychanalyste, invité par l'association Cause Freudienne VLB ( Val de Loire-Bretagne). Plusieurs débats avec les psychanalystes Gérard Wacjman, Philippe Lacadée, Philippe Degeorges,

Plusieurs débats avec les psychanalystes Gérard Wacjman, Philippe Lacadée, Philippe Degeorges, François Ansermet sont par ailleurs ici diffusés. Nous ne pouvons énumérer et commenter l'ensemble des conférences de JA Miller auxquelles vous pouvez vous reporter, sans compter les deux derniers forumpsy des mois de février et avril. Enfin l'association des Psychologues Freudiens a souhaité enrichir la rubrique qui lui est dédiée. Toute l'équipe de Radio-a vous souhaite une bonne consultation et une bonne écoute!

http://www.radio-a.com/
Prix de la psychanalyse Lacanienne attribué à Tim Burton pour son film "Alice au pays des Merveilles"

http://www.24presse.com/search_cp/indexb.php?id=991384&page=1&th=Culture

communiqué rédigé par Guy Massat
Lundi 03 Mai 2010
 
Les psychanalystes du Cercle Psychanalytique de Paris , l'Inconscient c'est ça.

Le 29 avril 2010 au Café Clovis à Paris 1er les psychanalystes du Cercle Psychanalytique   de Paris, réunis par Guy Massat, psychanalyste, ont décerné le prix  de Psychanalyse Lacanienne à Tim Burton pour son film « Alice au pays des Merveilles »

Le jury, composé de vingt psychanalystes, a estimé  que le prologue et l'épilogue ajoutés par Tim Burton à l'œuvre de Lewis Carroll illustraient dans ce film, avec un  talent inégalé à ce jour, le délire comme  langage d'autoguérison et de reconstruction du sujet, selon l'enseignement de Lacan.

 Tous les personnages de Lewis Carroll que Tim Burton utilise à sa façon illustreraient dans ce film des concepts de la psychanalyse lacanienne.

Le site : http://www.cercle-psychanalytique-paris.fr/

Le détective de Freud
de Olivier Barde-Cabuçon

Intrigue au pays des rêves et des lapsus











Résumé éditeur :
 
Paris, 1911. Missionné par Sigmund Freud en personne pour enquêter sur la mort mystérieuse d'un confrère, le docteur du Barrail se lance dans une aventure où la vérité se cache loin en deçà des choses. Epaulé par Max Engel, un drôle de détective marxiste, et le sémillant psychiatre suisse Carl Jung, le jeune homme interroge les faits et sonde les esprits. Mais il ne peut s'empêcher de soigner aussi les âmes ! Trouvera-t-il la clé de cette énigme dont trois femmes semblent être les troublantes héroïnes ? Contre toute attente, le propre passé de du Barrail refait alors surface ...
Entre quête d'identité, suspense et histoire d'amour, un roman haletant qui nous transporte dans le Paris de la Belle Epoque, sur les pas des pionniers de la psychanalyse.

vendredi 30 avril 2010







Soins sans consentement : projet de loi en conseil des ministres mi-mai

La ministre de la Santé a annoncé sur LCP qu’elle présenterait mi-mai son projet de loi concernant les « soins sans consentement » en conseil des ministres. « Je veux dans cette loi aller de la notion de l’hospitalisation sous contrainte, sans consentement, avec l’hospitalisation d’office demandée par le préfet quand le malade est dangereux ou l’hospitalisation à la demande d’un tiers quand il est dangereux pour lui ou sa famille, à la notion de soins sans consentement », a-t-elle expliqué.

Le dispositif, dont la grande nouveauté est avant tout d’ouvrir la possibilité de soins sans consentement en ambulatoire, prévoit notamment un délai de 72 heures d’observation avant de prendre toute décision de soins (ou pas), en hospitalier ou en ambulatoire. S’agissant des autorisations de sortie, Roselyne Bachelot insiste sur sa volonté d’« un avis collégial et non plus porté par un seul médecin ».

Les professionnels, eux, militent pour une « grande loi sur la santé mentale et la psychiatrie ». Les Cliniques psychiatriques privées de France craignent notamment que « cette loi à vocation unique continue à installer un climat de peur et de stigmatisation à l’encontre de toutes les personnes souffrant d’une maladie mentale ».

AU. B.

Quotimed.com, le 28/04/2010









28/04/2010

«La psychiatrie a besoin de moyens, de visites à domicile, pas seulement de médicaments»

INTERVIEW
Recueilli par Marie Piquemal


Dimanche à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), un père de famille a été poignardé dans son jardin. L'agresseur présumé souffre de schizophrénie, selon le procureur. Et a été hospitalisé onze fois entre 2002 et 2008. Le mois dernier, un homme de 50 ans a été poussé sous la rame du RER à Paris. Là aussi, l'agresseur présumé était diagnostiqué comme schizophrène depuis 2005.

Ces faits divers soulèvent les mêmes questions: pouvait-on éviter le drame? Quelle prise en charge pour les malades souffrant de troubles psychiques ? Le gouvernement mijote un projet de loi pour élargir l'obligation des soins. Qui fait bondir le psychologue Pascal Ollivier, porte-parole du collectif «Sauvons le soin psychique».

On a le sentiment qu'une meilleure prise en charge aurait permis d'éviter ces drames. Qu'en pensez-vous ?


Le risque zéro n'existe pas. Il n'y a pas plus de passage à l'acte qu'auparavant. Ce qui a changé, c'est le traitement médiatique. Aujourd'hui, les faits divers sont amenés sur le devant de la scène, avec cette idée portée par les politiques: «On aurait dû, on aurait pu empêcher ce drame.» L'État se présente comme étant capable de prémunir ses citoyens de tous les dangers. Quand il n'y parvient pas, il cherche systématiquement un responsable sur qui rejeter la faute. C'est vrai pour tout: la tempête Xynthia, l'épidémie de grippe A... Dans le cas des personnes souffrant de troubles psychiques, l'Etat répond par un projet de loi pour donner des médicaments de force. Or, l'expérience le montre, l'injonction thérapeutique n'est pas la solution.

Pour quelle raison ?


On fait croire aux gens qu'une personne dangereuse, pour elle-même ou pour autrui, ne peut pas être soignée de force. C'est faux, la loi le prévoit depuis longtemps. On peut hospitaliser un malade contre son gré à la demande d'un membre de la famille à condition d'avoir deux certificats médicaux. Ou d'office sur arrêté du préfet. Le juge peut aussi imposer un traitement médicamenteux. L'injonction de soin existe, et ne résout pourtant pas tout. Comment s'assurer que les malades se soignent? En envoyant des policiers à leur domicile pour s'assurer qu'ils prennent bien leur pilule? Ce serait de la folie, ils n'ont aucune compétence en la matière. On ne prend pas en charge une personne dans un état psychotique délirant comme on interpelle un individu lambda dans la rue!

Il n'y a donc aucun moyen d'agir ?

Si, il faudrait redonner les moyens à la psychiatrie d'assurer l'accompagnement humain des malades. Permettre à nouveau aux professionnels de faire régulièrement des visites à domicile. Ce qu'on ne fait plus, faute de personnel. On le sait, les problèmes surviennent souvent quand le malade arrête les soins. Il prend les médicaments depuis quelques temps, se sent mieux, se croit guéri, interrompt le traitement... Et rechute. Sauf qu'il n'est plus en état de le reconnaître et de demander de l'aide. Seul un professionnel peut renouer le lien et éviter le passage à l'acte. Mais pour ça, il faut de l'argent.

La psychiatrie française manque-t-elle à ce point de moyens ?

Faites le test, appelez votre centre médico-psychologique pour prendre un rendez-vous: six mois voire un an d'attente! La psychiatrie en France est dans un état catastrophique. A l'hôpital, le nombre de lits dans les services de psychiatrie a été divisé par dix en vingt ans, faute de personnel. Un patient que l'on gardait autrefois six mois ou un an dans nos services, sort aujourd'hui au bout de trois semaines en moyenne... Souvent, les médecins psychiatres n'ont d'autre choix que de forcer la dose du traitement médicamenteux pour que le malade tienne le coup jusqu'au prochain rendez-vous.

Ce n'est pas la solution. Faut-il le répéter, un médicament ne guérit pas une maladie psychique. Il permet juste à la personne d'avoir suffisamment de conscience pour entreprendre des soins de fond. D'ailleurs, certains patients passent à l'acte alors qu'il sont sous traitement médicamenteux. C'est une idée fausse de croire que les médicaments protègent, cela sert les intérêts des laboratoires pharmaceutiques. C'est tout.

Votre collectif «Sauvons le soin psychique» se bat depuis plus d'un an contre la refonte de la convention collective de 1966 qui régit quelque 250.000 salariés travaillant dans le secteur associatif auprès des personnes dites «fragiles». Quelles peuvent être les répercussions pour les malades souffrant de troubles psychiques ?

On est en train de s'attaquer au dernier bastion médical et social qui existe aujourd'hui: les associations. Je l'ai déjà dit, le service public de psychiatrie est aujourd'hui un cadavre debout. Dans la pratique, les malades sont renvoyés dans le meilleur des cas vers le secteur associatif qui a encore les moyens d'une prise en charge. Je travaille dans un hôpital de jour, géré par une association, qui s'occupe des adolescents de 13-21 ans souffrant de troubles psychiques graves. On dispose encore des moyens de travailler. Parfois, un jeune reste trois ou quatre ans dans nos unités. Le temps de faire un travail de fond pour qu'à l'âge adulte, il soit stabilisé.

Demain, si la refonte de notre convention collective était menée à terme, les conditions d'exercice de soins seraient compromises. Un diplôme de psychologue ou d'éducateur spécialisé ne serait plus requis, il suffirait d'avoir des compétences psychologiques ou d'encadrement. On se bat sans relâche, une nouvelle manifestation est prévue le 11 mai. Car si ce dernier filet saute, les malades seront soit à la rue, soit en prison. 





http://www.mediapart.fr/club/blog/tsaint-prix/280410/de-lhopital-au-magasin-le-changement-de-paradigme-en-psychiatrie

De l'hôpital au magasin : le changement de paradigme en psychiatrie.

28 Avril 2010


Par T. Saint Prix

D'abord infirmier de secteur psychiatrique dans un CHS lyonnais, puis psychologue clinicien pour le compte d'un CHS du département de l'Ain, j'ai en 20 ans - car je date les premiers effets perçus de cette psychiatrie contemporaine aux années 1990 -  vu le contexte des soins psychiatriques changer totalement. Il ne s'agit pas tant d'évolution,  modernisation,  maturation de pratiques et délaissement d'autres, que d'une substitution de paradigme: en place d'une psychiatrie  humaniste, œuvrant aux soins des malades mentaux, s'est substituée la culture d'entreprise au service des troubles de la santé mentale. Une des différences majeures est que là où le sujet, aidé par famille et médecin, était l'acteur de sa démarche -ou sur le point de le redevenir- il est aujourd'hui un trouble, un symptôme à lui tout seul - un hyperactif, un suicidaire, un autiste, un addicté, un état-limite, un adolescent anorexique, un surdoué, un schizophrène, etc - qui doit se diriger vers le bon local de reconditionnement. Le magasin, connecté au marché, en fonction de celui-ci, ouvrira, fermera, reconvertira, délocalisera afin de répondre à la demande. Il n'y a, sur le principe, plus d'impossible  à traiter: chaque attente a sa réponse en rayonnage. La seule limite est financière. Des arbitrages y pourvoient, à moyens constants, voire diminuants ce qui bien sûr est mieux. Le magasin a cependant des missions de service publique: si par exemple "on" décide que le paquet doit être mis sur les "urgences", tous les locaux de (re)traitements devront faire la preuve qu'ils ont mis à jour leur logiciel. Et si demain la priorité absolue est: les adolescents suicidaires, les professionnels devront réécrire le logiciel local afin que la connection au réseau soit optimisée sur cet "ithème" en temps réel. Comme tout ne rentre (heureusement) pas dans les petites cases, les meilleures équipes seront celles qui feront de la contrebande. Par exemple, avec un budget "dépistage des troubles la relation précoce mère/enfant" si chère à notre société sécuritaire, une équipe organisera un lieu d'accueil parents et jeunes enfants, lieu de parole et de rencontre entre de grands sujets et leur petit sujet...d'inquiétude. Mais il faudra apprendre à maquiller les statistiques (un cancer, cette chose là !), et à parler le vocabulaire maison: "extraction d'indice de productivité", "démarche qualité",  connaitre sigles et acronymes à profusion. Le sujet est devenu un consommateur, plus ou moins contraint (mais qui ne l'est pas aujourd'hui ?), rencontrant une offre de soin théorique infinie...mais très restreinte concrètement (d'où de sérieuses "incompréhensions"). Dans ce contexte global, l'hôpital psychiatrique est devenu un centre de retraitement de l'aïgu, avec des séjours extrêmement courts, et une rotation des lits optimisée (celui-ci peut-être utilisé dans la même journée par plusieurs "clients": celui qui vient la nuit en semaine, celui qui est en hôpital de jour , celui qui est en "séquentiel" le week-end). Ensuite, dans le meilleure des cas, il y aura un suivi en ambulatoire, mais il faudra composer avec un délais d'attente qui frise les 6 à 12 mois en moyenne dans les grandes villes.

Le changement de paradigme amène un paradoxe: tout est possible potentiellement ( l'imagination d'une certaine medecine est là-dessus impayable, qui bilante à outrance le manque de concentration de Toto en classe), mais peu l'est en réalité (le centre de bilan renvoit Toto et son énorme dossier au médecin de famille, qui l'adresse finalement au petit Centre-Médico-Psychologique du coin.

Mais il n'y a pas que le sujet du soin qui, dans le contexte de la culture d'entreprise, a muté. Les acteurs n'ont pas été épargnés, et le management, depuis 20ans, ne leur épargne rien. On ravale son chapeau plus souvent qu'à son tour, surtout quand des gens qui ne connaissent rien  au soin, à la clinique, viennent vous intimer  de vous conformer aux attentes des tutelles...dont il est souvent difficile de savoir plus précisément qui y demande quoi. On peut vous dire: vous fermez demain, vous allez trente kilomètres plus loin, et il inconvenant de solliciter une explication.

J'ai écrit qu'il n'y a plus d'impossible à traiter, que la seule limite est financière. Bien sûr, c'est faux: l'impossible, comme le disait le docteur Jacques Lacan, revient toujours à la même place. Cette place est propre à chacun, singulière. Et c'est cette singularité qui, aujourd'hui dans la culture de consommation de masse ("surdoué", "trouble oppositionnel", "dysgraphie, dyslexie, 10 puissance 10..." n'a bientôt plus de lieu pour adresser les termes de son exil. Le fou, celui qui est en chacun de nous, est en réel danger d'indigence.

L'étonnant, est que le monde soignant soit resté, c'est mon constat, dans sa grande majorité silencieux face à ce bouleversement paradigmatique. Sidéré ? Trop content de quitter un monde...trouble,  pour celui plus compréhensible qui propose une multitude de méthodes dédiées au symptôme ? Freud nous avait pourtant enseigné qu'à ne soigner seulement que le symptôme, on s'expose à un dépalcement de celui-ci. Malaise dans la civilisation: le discours d'entreprise travaille déjà aux futures solutions...




Édition du jeudi 29 avril 2010
Mende.
VIE SYNDICALE CGT


Refus de l'ordre infirmier

Une délégation CGT a déposé en préfecture, le 20 avril, les premières signatures contre l'ordre infirmier, d'autres suivront. Les représentants du syndicat, reçus par la directrice des services du cabinet du préfet de la Lozère, ont alors rappelé que les infirmiers ne voulaient pas payer pour travailler, les 13,73 % de votants à ces élections en attestent.
Par ailleurs, ils demandent aux parlementaires de faire abroger les ordres kiné et infirmier. La CGT demande ainsi au préfet d'agir pour que cessent les intimidations auprès de ces travailleurs paramédicaux : « Les employeurs n'ont pas à être les gendarmes des ordres, surtout qu'aucun décret n'est paru ».
La CGT a aussi dénoncé le chantage fait aux infirmiers du secteur public : « ils perdent la reconnaissance de la pénibilité de leur métier en échange de l'accession à la catégorie A ».
Le syndicat a également rappelé que les réelles revendications des infirmiers sont liées à de nombreux facteurs : la dégradation des conditions de travail, la résorption de l'emploi précaire, les nécessaires revalorisations salariales, l'augmentation du quota des élèves infirmiers, à l'arrêt du glissement des tâches, le retour à la formation d'infirmiers en psychiatrie.
La CGT demande par conséquent à tous les professionnels du secteur de la santé de continuer à refuser l'ordre que le gouvernement veut leur imposer pour masquer les problèmes du secteur. « La CGT dit non à une vision uniquement comptable de notre système de soins : la santé n'est pas une marchandise ».





Maisons du handicap : le Médiateur s’inquiète du manque de moyens 

Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, exprime dans un communiqué son inquiétude quant aux MDPH (maisons départementales des personnes handicapées). L’un des points phares de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, les MDPH, guichet unique d’accueil destiné à faciliter les démarches, « peinent encore à assumer pleinement les missions qui leur sont dévolues », regrette le Médiateur.

Il faut renforcer les moyens et diminuer les délais d’instruction des dossiers mais aussi et surtout favoriser le règlement amiable des litiges, insiste-t-il, soulevant« les difficultés d’organisation des MDPH consécutives à l’absence de stabilisation des équipes ».

Concernant l’accès à l’emploi, le Médiateur a lancé trois pistes de réforme, rappelle-t-il dans son communiqué, pour les personnes atteintes d’un handicap psychique ou d’une affection chronique dont l’état s’améliore, pour celles qui exercent une activité en ESAT (établissement de service et d’aide par le travail) et pour les invalides pensionnés.

Le manque de moyens s’étend évidemment aux structures d’accueil adapté en général, notamment pour les enfants, qui d’ailleurs s’expatrient en Belgique. C’est la raison pour laquelle le Médiateur réclame une évaluation du nombre de familles concernées et une meilleure coordination entre les deux pays.

Pour finir, il prône la professionnalisation des métiers de l’accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire en rapprochant notamment les auxiliaires de vie scolaire (AVS) aux auxiliaires de vie sociale.

› AU. B.

Quotimed.com, le 30/04/2010

Onfray ou on f'rait mieux d'se taire
René Major répond au dernier gag onfrayesque effrayant

Vu dans Libé cette réponse de René Major et Chantal Talagrand aux énormités d'Onfray, qui dit bien la double dimension de la dernière invention d'Onfray, plaisanterie saumâtre et délirante, diagnostic que je suggérai ici même.

Michel Onfray ou la folie raisonnante

Par RENÉ MAJOR Psychanalyste, CHANTAL TALAGRAND Psychanalyste

On f’rait mieux de se taire. Taciturire, comme le disait Blanchot, devant l’outrance de la provocation ou les âneries qui porteront désormais un autre nom : les «onfrayries» qu’une certaine «confrayrie» de médias s’empresse de répandre dans le ciel de la pensée pour tenter de paralyser tout ce qui, depuis un siècle, n’a cessé d’éclairer les sources inconscientes des rapports entre les hommes. De quoi Michel Onfray est-il donc devenu le nom ? Du symptôme du rabaissement de la pensée qui déferle quotidiennement dans la presse ou à la télévision. En venir, en effet, à faire de Freud un antisémite est le comble de l’onfrayrie.

On croirait lire un canular. L’auteur n’hésite pas à dire que «Freud n’écrit jamais contre Hitler, contre le nationalsocialisme, contre la barbarie antisémite», alors que, le jour même où Hitler est nommé chancelier, Freud écrit : «Nous sommes tous inquiets de ce qui va advenir du programme du chancelier Hitler dont la seule visée politique est les pogroms» et, dans la remarque préliminaire au Moïse en voie de rédaction, il est on ne peut plus explicite : «Dans le cas du peuple allemand […] on constate que la régression vers une barbarie presque préhistorique s’accomplit sans s’appuyer sur une quelconque idée de progrès.» Le 10 juin 1933, il écrit aussi : «L’Allemagne est la pire cellule de la gigantesque prison qu’est devenu le monde […] Ils ont commencé en prenant le bolchevisme pour leur mortel ennemi mais ils finiront comme eux - à ceci près que, malgré tout, le bolchevisme a adopté des idéaux révolutionnaires alors que ceux de l’hitlérisme sont purement médiévaux et réactionnaires.» On ne peut non plus laisser faire croire que Freud aurait pactisé avec la psychothérapie allemande aryanisée, lui qui fit procéder, avec l’accord de tous les membres, à la dissolution de la Société psychanalytique de Vienne.

 Onfray feint-il de ne pas comprendre que, dans son livre sur Moïse, Freud analyse le délire d’élection auquel est en proie le peuple allemand sous l’impulsion de son Führer dans la rivalité métaphysique qu’il prétend entretenir avec le peuple juif ? Hitler avait bien déclaré que le peuple allemand était le peuple de Dieu et qu’il ne pouvait exister deux peuples élus. Où donc Onfray va-t-il chercher, à contresens, que Freud se propose de «tuer le père des Juifs» en parlant de l’homme Moïse ? Faire de Freud un fasciste parce qu’il remet un exemplaire de Pourquoi la guerre ? écrit avec Einstein en 1932, à Eduardo Weiss qui lui demande un de ses livres pour Mussolini, c’est ne rien comprendre à l’humour, parfois acerbe, de Freud. D’abord, le choix de ce livre dans lequel sont dénoncés les motifs cachés de la guerre qui se profile à l’horizon et où se trouve analysée la soif de pouvoir ; ensuite, la dédicace ironique qui «reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture». Comment Freud aurait-il pu sérieusement considérer Mussolini comme un héros de la culture ?

 Il faut être aussi naïf que Onfray - ou que Mussolini - pour le croire. Onfray va-t-il prêter à Freud une admiration pour les SS quand, lui faisant signer une déclaration selon laquelle il aurait été bien traité par eux avant son départ de Vienne, Freud ajoute en post-scriptum - et au péril de sa vie - qu’il recommande la Gestapo à quiconque ? D’autres philosophes se sont intéressés à Freud bien avant Onfray. Foucault, par exemple, n’a-t-il pas écrit que ce fut «l’honneur politique de la psychanalyse d’avoir suspecté dès sa naissance ce qu’il pouvait y avoir d’irréparablement proliférant dans ces mécanismes de pouvoir qui prétendaient gérer le quotidien de la sexualité […] et que la psychanalyse doit d’avoir été en opposition théorique et pratique avec le fascisme» ? Derrida, pour sa part, n’aura-t-il pas insisté sur le «révisionnisme» qui tente de nier la découverte freudienne et son impact dans notre culture en voulant procéder à une plate restauration de tout ce qui avait cours auparavant, où la psychanalyse, le nom même de la psychanalyse et celui des héritiers de cette pensée seraient désormais associés au mal lui-même ou à un remède pire que le mal. Car la psychanalyse, telle qu’inventée par Freud, s’est employée et s’emploie encore, avant même toute idée thérapeutique ou sinon avec elle, à envisager, sans alibi et sans prétexte, sans souci d’épargner la pensée bien pensante, les racines du mal radical, d’un mal généralement abandonné à la religion, à la métaphysique ou au théologico-politique.

 Allons Onfray, si, comme vous le prétendez, la psychanalyse est une philosophie et toute philosophie une autobiographie déguisée de son auteur, on ne donne pas cher de la vôtre. Elle est à reléguer aux poubelles de l’histoire. Allons, remettez-vous de votre folie raisonnante qui prend tout à rebours de la vérité de l‘histoire. Lisez Sérieux et Capgras qui ont magnifiquement décrit cette folie.

 [fin  de citation]

Entre canular qui ne mérite qu'un éclat de rire et folie  ratiocinante dont il est difficile d'admettre les "arguments" , c'est  également mon diagnostic, nietzschéen bien sûr, car nul n'ignore que Nietzsche faisait des diagnostics des penseurs. Notre philosophe  du bocage normand vient de se livrer, au-delà de ce qu'il imagine avec ce livre grotesque qui témoigne de sa croyance selon laquelle, il suffirait de faire les poubelles et montrer que l'auteur n'est ni un héros ni un saint pour invalider sa pensée et le travail de toute une vie. En l'occurrence  Freud dont la pensée a révolutionné le siècle.

Onfray, outre qu'il est peu digne de voir ses écrits reconnus comme "philosophiques" , est finalement un moraliste sévère et un donneur de leçons rabat-joie  professionnel, à l'esprit rigide, dépourvu d'humour,  et étonnament peu bon vivant pour un hédoniste [ceci, vient de sa folie ratiocinante]. Figurez-vous qu'il croit flinguer Freud et sa pensée en le dénonçant pour avoir pris  un temps de la cocaïne -Freud l' avait découverte pour ses propriétés anesthésiantes, et en ignorait les effets nocifs et addictifs-  et parce qu'il aurait -aux dires d'Onfray-qui-a-soudoyé-la-femme-de-chambre- trompé sa femme.  Quand bien même ce serait vrai, Freud doit être le seul et le premier et cela donc, interdit d'accorder quelque crédit à sa pensée.

Onfray est un curé hédoniste moralisateur pisse-froid sans humour , qui se réclame de Nietzsche dont il est éloigné par des années-lumières et qui déteste la contradiction... chez les autres... Ce qui n'empêche pas ses contre-sens qui relèvent d'une autre dimension que le simple contre-sens .

Une farce !

Alithia








Assassinat manqué de Freud par Onfray : BHL se prononce
Bernard-Henri Lévy
Pour Sigmund Freud


Michel Onfray se plaint d’être critiqué sans être lu ?
Eh bien, donc, je l’ai lu.
Je l’ai fait en m’efforçant, autant qu’il est possible, de laisser de côté les camaraderies anciennes, les amitiés communes ainsi que, mais cela allait de soi, le fait que nous soyons, tous deux, publiés par le même éditeur.
Et la vérité oblige à dire que je suis sorti de cette lecture plus consterné encore que ne le laissaient présager les quelques comptes rendus dont, comme tout le monde, j’avais pu avoir connaissance.
Non que je sois de ceux pour qui l’« idole » Freud doive être intouchable : de Foucault à Deleuze, Guattari et d’autres, beaucoup s’y sont frottés et, sans être d’accord avec eux, je n’ai jamais nié qu’ils aient fait avancer le débat.
Ce n’est pas davantage le ressentiment antifreudien, voire la colère, voire même la haine, qui, comme je l’ai lu ici ou là, créent, pour moi, le malaise dans ce « Crépuscule d’une idole » : on fait de grands livres avec la colère ! et qu’un auteur contemporain mêle ses propres affects à ceux d’un glorieux aîné, qu’il se mesure à lui, qu’il règle ses comptes avec son œuvre dans un pamphlet qui, dans la chaleur de l’affrontement, apporte des arguments ou des éclairages nouveaux, cela est, en soi, plutôt sain – et Onfray l’a d’ailleurs fait, souvent, ailleurs, et avec un vrai talent.
Non.
Ce qui gêne dans ce « Crépuscule », c’est qu’il est, soudain, banal, réducteur, puéril, pédant, parfois à la limite du ridicule, inspiré par des hypothèses complotistes aussi abracadabrantes que périlleuses et assumant, ce qui est peut-être le plus grave, ce fameux « point de vue du valet de chambre » dont nul n’ignore, depuis Hegel, qu’il est rarement le meilleur pour juger d’un grand homme ou, mieux encore, d’une grande œuvre…
Banal : j’en prends pour seul exemple la petite série de livres (Gérard Zwang, Pierre Debray-Ritzen, René Pommier) auxquels Onfray a d’ailleurs l’honnêteté de rendre hommage, à côté d’autres, en fin de volume et qui défendaient déjà la thèse d’un Freud corrupteur des mœurs et fourrier de décadence.
Réducteur : il faut avoir le cœur bien accroché pour supporter, sans rire ou sans effroi, l’interprétation quasi policière que fait Onfray du beau principe nietzschéen qu’il connaît pourtant mieux que personne et selon lequel une philosophie est toujours une biographie cryptée ou déguisée (en gros : si Freud invente le complexe d’Œdipe, c’est pour dissimuler, p. 111, ses pensées ulcérées à l’endroit de son gentil papa et pour recycler, p. 505, ses non moins vilaines pulsions en direction de sa maman).
Puéril : le regret (p. 477) de ne pas avoir trouvé, dans « les six mille pages » des œuvres complètes, cette « franche critique du capitalisme » qui eût comblé d’aise le fondateur de l’Université populaire de Caen.
Pédant : les pages (73-76) où il se demande, gravement, quelles dettes inavouables le fondateur de la psychanalyse aurait contractées, mais sans vouloir le reconnaître, auprès d’Antiphon d’Athènes, d’Artemidore, d’Empédocle ou de l’Aristophane du « Banquet » de Platon.
Ridicule : c’est la page où, après de douteuses considérations sur son probable recours à l’onanisme, puis une non moins curieuse plongée dans les registres d’hôtel, « luxueux pour la plupart » (p. 162), où le Viennois aurait abrité, pendant des années, ses amours coupables avec sa belle-sœur, Onfray, emporté par son élan de brigadier des mœurs, finit par le soupçonner d’avoir engrossé ladite belle-sœur alors parvenue à un âge où ce genre de bonheur n’arrive, sauf dans la Bible, que fort rarement.
Le complot : c’est, comme dans « Da Vinci Code » (mais la psychanalyse, selon Onfray, n’est-elle pas l’équivalent d’une religion ?), l’image fantasmée de gigantesques « containers » d’archives enterrés, en particulier, dans les caves de la bibliothèque du Congrès de Washington et au seuil desquels veilleraient des milices de templiers freudiens aussi cupides, féroces, rusés, que leur maître vénéré.
L’œil du valet de chambre, enfin : c’est la méthode, toujours bizarre, qui consiste à partir des supposées petites faiblesses de l’homme (son habitude, p. 169, de choisir lui-même, allez savoir pourquoi ! le nom de baptême de ses enfants « en rapport avec sa mythologie personnelle »), de ses non moins supposés travers (désir de gloire, cyclothymie, arythmies cardiaques, tabagisme, humeur vacillante, petites performances sexuelles, peur des trains – je n’invente rien, ce catalogue de « tares » se trouve aux pages 102 et 157 du livre), éventuellement de ses erreurs (telle dédicace à Mussolini, connue depuis toujours mais qu’Onfray semble découvrir et qui, tirée de son contexte, le plonge dans un état de grande frénésie) pour conclure à la non-validité de la théorie dans son ensemble : le sommet est, d’ailleurs, atteint quand, à la toute fin (p. 522), il s’appuie carrément sur le livre de Paula Fichtl, c’est-à-dire sur les souvenirs de la propre femme de chambre, pendant cinquante ans, de la famille Freud puis de Freud lui-même, pour dénoncer les accointances avec le fascisme autrichien de l’auteur de « Moïse et le monothéisme ».
Tout cela est navrant.
J’ai peine, en tous les sens du terme, à retrouver dans ce tissu de platitudes, plus sottes que méchantes, l’auteur des quelques livres – entre autres, « Le ventre des philosophes » – qui m’avaient, il y a vingt ans, paru si prometteurs.
La psychanalyse, qui en a vu d’autres, s’en remettra. – Michel Onfray, j’en suis moins sûr.

(Le Point, Bloc-notes du 29 avril 2010)



Décréputide, ou la prédominance du crétin

26 Avril 2010

Par Michel Rotfus
http://www.mediapart.fr/club/blog/michel-rotfus/260410/decreputide-ou-la-predominance-du-cretin

Après Onfray, Crépu. Au règne de l’imposture s’ajoute celui de la prédominance du crétin. Le voilà, Michel Crépu, dans la page Rebond de Libération de ce matin, qui en rajoute au brouillage de sens. En pervertissant l’héritage de la Revue des deux Mondes, qui se réclame encore de « …la liberté d’esprit, l’indépendance intellectuelle, le goût pour l’exercice critique, le primat de la lucidité sur toute autre forme d’approche du réel… », il  confond lucidité de l’esprit critique et déversement de bile. Quand il était petit, on a dû lui retirer des mains arcs  et pistolets à flèches, tellement il devait se tromper de cibles. Que n’a-t-il lu les 600 pages d’Onfray pour en faire l’analyse et en montrer les failles, les erreurs, les approximations, les faux grossiers, et les soubassements idéologiques aux odeurs nauséabondes au lieu de s’en prendre à celle qui la première, et avec quelle efficacité et quel talent, à révélé la nouvelle imposture d’Onfray.  Il peste et rage contre Élisabeth Roudinesco qui encore une fois, défend la psychanalyse contre les attaques de bas étages aux couleurs et aux odeurs douteuses. « N y a-t-il donc personne dans cette baraque freudienne, qui puisse faire entendre une autre voix ? » peste-t-il dans ses éructations. Mais  à qui s’en prend-il ici sinon aux psychanalystes et peut-être même à ses amis, à leur silence et à leur incompétence. Au lieu de réclamer qu’ils sortent de leur tour d’ivoire et de leur superbe, enfermés dans leurs Écoles, société, et cercles de formation et d’auto reproduction, certes nécessaires pour que les demandes de soins et de cures soient satisfaites et que les générations d’analysants se renouvellent, mais totalement inefficaces pour contrer pas à pas les attaques idéologiques dont les enjeux dépassent de loin la thérapie analytique, il s’en prend à celle qui le fait et qui détient les titres et les compétences pour le faire. Crépu, en s’attaquant à Elisabeth Roudinesco, s’en prend à une universitaire, spécialiste d’histoire de la psychanalyse dont la compétence est mondialement reconnue par ses pairs. Si Crépu lisait celle qu’il injurie ainsi, en injuriant à travers elle la rigueur du travail universitaire qui fonde son autorité,  il découvrirait que dans sa réédition en Pochothèque de son Histoire de la psychanalyse, elle déplore l’état de décrépitude, pardon, de décrépitude de la psychanalyse en France, enjoignant les psychanalystes de s’intéresser enfin, et sérieusement, à leur propre histoire. Crépu présente un cas intéressant de pathologie dont pourrait s’enrichir la prochaine livraison du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : ses noires vapeurs de la bile lui montant au cerveau, il attaque l’adversaire de son adversaire.





 








 

Freud et le nazisme. Une tribune de Frédéric SchiffterPhilosophe se réclamant de l'héritage de Schopenhauer et de Cioran

Michel Onfray, ou la philosophie à coups de ragots


PAR FRÉDÉRIC SCHIFFTER (PHILOSOPHE)

A la suite de la publication, sur BibliObs.com, d'un commentaire qu'y avait écrit le philosophe Frédéric Schiffter, celui-ci nous adresse ce texte dans lequel il détaille son point de vue sur Freud, le nazisme, et ses griefs contre Michel Onfray

Le vendredi 9 avril, lors de l'émission de Franz-Olivier Giesbert, « Vous aurez le dernier mot », Michel Onfray déclare textuellement
: « On nous dit : "Autodafés !" ; "On brûle les livres de Freud !". Mais on a brûlé les livres de Freud parce qu'il était juif, pas parce qu'il était psychanalyste ! Les Juifs gênaient le national-socialisme, pas la psychanalyse !».  Et d'ajouter que Freud, « admirateur » de Mussolini et de Dollfuss, avait même« collaboré » avec l'Institut Göring « jusqu'à la fin ».

Je ne suis pas un spécialiste du mouvement psychanalytique.
Peu m'importent la question de la scientificité de la psychanalyse comme celle de son efficacité thérapeutique. En revanche la vision freudienne de la condition humaine m'intéresse depuis longtemps dans la mesure où, à partir d'une clinique et d'une réflexion rationnelle, elle rejoint des thèmes et des thèses chers à mes maîtres matérialistes, athées et pessimistes - Hobbes, La Rochefoucauld, Schopenhauer. Voilà pourquoi je répondrai ici à quelques unes des allégations relatives au prétendu fascisme de Freud que Michel Onfray ne cesse de trompeter tranquillement dans les médias.

1) « On nous dit : "Autodafés !" ; "On brûle les livre de Freud !"
. Mais on  a brûlé les livres de Freud parce qu'il était juif, pas parce qu'il était psychanalyste !».
Faux, bien sûr. Si en mai 1933, les nazis, déjà pressés - avant Onfray - d'incendier la légende de Freud précipitent ses œuvres dans les flammes, c'est parce qu'il est le fondateur de la psychanalyse stigmatisée comme une « science juive » et « anti-allemande ».

2) « Les Juifs gênaient le national-socialisme »
- on appréciera la tournure toute faurissonienne de la formule. Ainsi, selon Onfray, quand les historiens affirment que c'était plutôt les nazis qui « gênaient » les Juifs, ils affabulent ?

3) Freud et Mussolini

Si Freud, à la demande du père d'une patiente, se fend d'une dédicace mi-figue mi raisin à Mussolini sur un exemplaire de son « Pourquoi la guerre ? » - co-écrit en 1932 avec Albert Einstein -, cela ne fait pas de lui un fasciste. Rien, dans l'œuvre de Freud, ne permet de déceler un parti pris idéologique. « Malaise dans la civilisation »,texte antérieur de trois ans, exprime un scepticisme radical à l'égard des idéaux totalitaires, de droite comme de gauche. Freud a fait sienne la maxime de Hobbes : homo homini lupus - l'homme est un loup pour l'homme. Politiquement, c'est un légaliste conservateur.  Mais, intellectuellement, il passe pour un subversif aux yeux de la société autrichienne de son temps, catholique et puritaine, en raison de ses thèses sur la sexualité.

4) Freud et Dollfuss

Onfray dénonce les sympathies de Freud à l'égard du chancelier Engelbert Dollfuss qui, en 1932, dissout le parti communiste autrichien et réprime dans les sang une insurrection populaire. Onfray oublie de préciser que Dollfuss, dans le même temps, avec le soutien de Mussolini (eh, oui !) mène aussi une guerre sans merci aux nazis autrichiens pangermanistes, interdit leur parti, en envoie certains à la potence et enferme les autres dans des camps de détention. En 1934, ces derniers finiront par l'abattre lors d'un putsch raté. Si, donc, Freud avait quelque indulgence pour Dollfuss, ce n'était pas parce qu'il approuvait son césarisme anticommuniste, mais sa fermeté implacable à l'égard des nazis et autres milices antisémites. On peut le comprendre.

5) Freud, Jung et Göring

Le docteur Matthias Göring, le cousin d'Hermann, médecin psychiatre et nazi de la première heure, fonde en septembre 1933, après les autodafés de mai et après avoir liquidé la Société psychanalytique de Berlin, la Société Générale Allemande de Médecine Psychothérapeutique. Influencé par Alfred Adler, psychanalyste d'origine juive converti au protestantisme, Göring entend « arianiser » la psychanalyse freudienne en la vidant de son athéisme, de sa théorie de la sexualité infantile et de celle de l'inconscient. Autant dire que son but est d'exterminer la pensée de Freud. À cette fin, il fonde en 1936 un Institut Allemand de Recherche en Psychologie et Psychothérapie - qui portera son nom - et dont il confiera la direction à Carl Gustav Jung, l'ennemi intime de Freud et antisémite notoire. Immédiatement après l'Anschluss, en mars 1938, Göring ordonne la dissolution de la Société Psychanalytique de Vienne. Jung, lui, dirigera l'Institut Göring jusqu'en 1940.
Quand, donc, Onfray accuse Freud d'avoir collaboré « jusqu'à la fin » (?) avec l'Institut Göring, veut-il dire que depuis Vienne, voire depuis Londres, il discutait le bout de gras au téléphone avec Jung même si les deux hommes étaient fâchés à mort depuis 1912 et cela pendant que des fanatiques brûlaient ses livres et persécutaient ses amis allemands ?

6) Onfray et Nietzsche

Onfray rappelle constamment que Nietzsche lui inspire sa méthode de contre-historien selon laquelle pour connaître le fond de la pensée d'un philosophe, il faut se référer à sa vie. Toute philosophie est une« pathographie » - un symptôme, dirait Freud. Soit. Mais alors, imaginons qu'un jour, un disciple d'Onfray, soucieux de rendre compte de la doctrine de son maître, suive cette méthode avec la scrupuleuse méticulosité que ce dernier lui a enseignée. Il se rappellerait qu'Onfray relate dans un ouvrage qu'il est gravement malade du cœur, pathologie imposant une médication lourde ayant pour effets secondaires la fin des matins triomphants et volcaniques. Suspectant alors l'hédonisme bêta-bloqué du philosophe, l'émule divulguerait-il ce ragot ?
Onfray professe depuis des années une philosophie alter-universitaire auprès d'un parterre bon public si peu instruit, et surtout si peu critique, que ce dernier ne voit pas en quoi la parole du mandarin est, en effet, contre-historique. Pareil enfarinement n'aurait nulle importance s'il se limitait à la Basse-Normandie. Or, dès lors que la télévision, la radio, la presse relaient l'enseignement du Zarathoustra du bocage, tout se passe comme si ces médias prenaient les téléspectateurs, les auditeurs et les lecteurs du reste de la France pour des bas-normands de la jugeote. Mais, en ces temps de récession intellectuelle généralisée, sans doute est-ce le cas.
F. Sch.








"Le pamphlet contre S. Freud et la psychanalyse, une nouvelle imposture !"

Par Paul Machto

 

Édition : Contes de la folie ordinaire



Voici une prise de position du Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire à propos de l'apport de la psychanalyse dans le champ psychiatrique.


Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire


Communiqué

"Le pamphlet contre S. Freud et la psychanalyse, une nouvelle imposture !"

En tant que soignants (psychiatres, éducateurs, psychologues, infirmiers…), certains, psychanalystes, d’autres non, mais tous engagés dans un mouvement contre une psychiatrie sécuritaire, normative et hygiéniste, nous ne pouvons que nous insurger contre le propos récent de Michel Onfray.

Pierre Delion, qui fait partie des fondateurs de notre mouvement a su dire tout ce que nous devons à la fondation freudienne pour l’invention d’une pratique de psychothérapie institutionnelle, forgée dans la résistance au nazisme et à l’indifférence devant les 40000 malades mentaux morts de faim et d’abandon.

Ce qui compte pour nous c’est une politique de la folie et une éthique fondée sur une mise en acte d’un inconscient qu’il faut bien appeler freudien, ainsi qu’une méthode qu’il s’agit de réinventer sans cesse à partir d’une écoute et d’une « pratique de la folie »  soutenant des soins psychiques relationnels.

A rebours de toute idolâtrie comme de tout dévoiement de la psychanalyse, la transmission d’une pratique de la psychiatrie en prise avec l’inconscient ne peut être qu’une refondation permanente d’un savoir clinique qui laisse aussi sa place aux savoirs, trouvailles et inventions de la psychose.

La pratique nous permet de vérifier chaque jour la pertinence d’une approche soignante qui accueille le délire comme tentative de guérison, et donne la possibilité au patient de s’ouvrir au monde en le reconstruisant.

Il est assez scandaleux que les attaques que nous subissons depuis ces vingt dernières années de la part des tenants de l’économie néolibérale, et qui visent à éradiquer la subversion  d’un accueil de la parole folle, trouvent aujourd’hui un relais de la part de quelqu’un qui se prétend de notre bord et se présente sous le jour d’une posture pseudolibertaire. Se dévoile  ainsi un discours prétendument démystificateur qui fait le jeu de la marée montante de tous les courants obscurantistes visant à faire taire le sujet, à le formater ou à l’enfermer.

Il nous semble donc essentiel de soutenir le socle fondateur de nos pratiques contre une prétention nihiliste  à dire n’importe quoi au mépris de toute vérité historique. Cette imposture qui est un trait de notre époque est la même qui empêche la transmission et rejette notre engagement pour une psychiatrie orientée par l’hospitalité pour la folie.

Le 30 avril 2010

Le collectif des 39
www.collectifpsychiatrie.frhttp://www.collectifpsychiatrie.fr/









Lettre au «philosophe de gauche qui me séduisait»

30 Avril 2010


Édition : Les invités de Mediapart Contes de la folie ordinaire

Dominique Lanza, psychologue clinicienne, suivait Michel Onfray «avec une certaine sympathie» depuis des années. Considérant qu'aujourd'hui, son «ouvrage porte un tort irréparable à tous ceux qui pratiquent une psychanalyse populaire que [Michel Onfray ignore] superbement», elle lui adresse une lettre.

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Monsieur Onfray,
Psychologue clinicienne, formée à la psychanalyse, j'ai écouté l'émission «Du grain à moudre» sur France Culture le 22 avril. J'avais eu l'occasion de vous entendre à plusieurs reprises et de vous voir aussi, lors d'émissions télévisées. Le philosophe de gauche me séduisait, l'université populaire complétait le tableau de l'homme qui met ses actes en conformité avec ses idées, bref, je vous suivais avec une certaine sympathie.

Quelle n'a pas été ma déconvenue à l'écoute de cette émission dont il ressort que vous semblez penser que la psychanalyse se circonscrit aux textes et à la personne de Freud, à un petit nombre de ses disciples (particulièrement des lacaniens) et à quelques quartiers parisiens.
A l'homme qui a crée l'Université populaire de Caen, je dois dire que son ouvrage porte un tort irréparable à tous ceux qui pratiquent une psychanalyse populaire que vous ignorez superbement. Je ne parlerai pas du contenu de votre ouvrage, d'autres l'ont fait et le feront. C'est son extériorisation médiatique qui me heurte, par les arguments que vous avez choisi de présenter, par le texte de la quatrième de couverture.

Au philosophe de gauche qui, je cite, dit : «Mon propos c'est de faire un travail sur Freud dans son temps, je ne parle pas des patients ce n'est pas mon propos», je réponds que nous qui travaillons au plus près de la souffrance psychique et sociale, nous occupons précisément des patients. A l'heure où nous luttons pour tenter de maintenir une qualité de soin qui laisse à la personne sa place de sujet face à une rationalisation du vivant que le néo-libéralisme promeut, vos propos viennent accréditer l'idée que nous sommes tous fourvoyés dans une lecture dépassée et malsaine de l'humain, guidés par un gourou falsificateur. Or Mr Onfray, l'inconscient existe, nous en avons chaque jour la preuve dans notre pratique, auprès des plus démunis aussi. Mon propos n'est pas de relayer ici, les conflits de territoire qui animent les débats entre les promoteurs des thérapies comportementales et cognitives (TCC) et les défenseurs de la psychanalyse, les deux pratiques ont leur place. Le problème est que les thérapies comportementales et cognitives, au-delà de la validité plus ou moins grande de leur pratique, se trouvent répondre davantage à l'idéologie néolibérale en réduisant l'humain à un segment de comportement et la psychothérapie à un conditionnement technique. En disant que la psychanalyse équivaut à un effet placebo (30 pour cent d'effet thérapeutique), vous annexez l'humain au quantifiable comme le font les tenants de l'idéologie libérale. Si politiquement vous êtes où vous le dites, vous vous trompez de cible.

Les 450 euros (honoraires perçus par Freud pour une consultation selon votre calcul) que vous mentionnez à l'envie dans toutes vos interventions, laissent penser aux personnes étrangères au milieu psychanalytique que c'est aujourd'hui ce qui se pratique. Vous demandez avec une naïveté, j'en suis convaincue, non feinte: «est-ce qu'il y a vraiment une classe modeste chez des psychanalystes avec des tarifs concurrentiels?» A croire que vous n'êtes que peu informé et que vous ne savez pas que la psychanalyse se pratique dans les dispensaires depuis longtemps déjà puisque vous préconisez par la suite, de le faire. Quand votre interlocuteur vous informe de la gratuité de certaines consultations de psychanalystes, vous lui opposez: «Alors ce ne sont pas des psychanalystes» preuve que vous ne vous êtes pas intéressé à ce qu'est devenue la psychanalyse, comme si elle n'avait jamais, avant vous, été questionnée. Pensez-vous, Mr Onfray que les royalties que peuvent rapporter certains ouvrages à succès soient le lot commun des droits d'auteurs ?
Nous les praticiens de l'hôpital public, formés à la théorie psychanalytique, sommes mis en difficulté par votre ouvrage. Vous discréditez sans nuances et sans états d'âme tout un milieu professionnel qui travaille au quotidien avec les plus vulnérables et dont le salaire hebdomadaire correspond à celui que vous indiquez pour une séance d'une heure! Qui affabule?

Quand vous citez le livre le journal d'Anna G, bel exemple de vanité bourgeoise et de luxe introspectif, selon la description que vous en faites, vous assimilez tous les patients qui font une démarche analytique à un milieu, une minorité, cela ne dit rien de ce qu'est cette pratique aujourd'hui. Cette référence a pour seule fonction de présenter la psychanalyse comme réservée à des nantis et ce au mépris de la vraie souffrance, celle que vous prétendez vouloir défendre, celle qui s'exprime auprès de nous les psy. Et vous parlez de la «brutalité libérale aujourd'hui»! Qui construit une légende dorée pour les tueurs de Freud comme les amis des auteurs du Livre noiraiment s'appeler eux-mêmes?

A quel titre et de quelle place voulez-vous, comme vous le dites dans l'émission,«revaloriser le métier de psy» et «refonder la psychanalyse»? «C'est un livre que j'aimerais qu'il puisse servir à ça, refonder la psychanalyse de manière postfreudienne.... des  psychothérapeutes qui soient soucieux de repenser une psychanalyse post freudienne qui soit elle capable de soigner les gens gratuitement dans les dispensaires.» Mr Onfray, dans quel monde vivez-vous? Tout cela existe depuis bien longtemps. Que connaissez-vous réellement de nos métiers, de nos pratiques et de nos patients?

Une chose, entre autres, que la pratique individuelle de la psychanalyse nous fait découvrir, est notre propre ambivalence. Elle peut parfois se révéler par des actes manqués. Ils sont une richesse, ils disent notre fragilité et nous éloignent de l'illusion du savoir. C'est peut être au rang de cette fragilité là qu'il faut ranger votre présentation de l'ouvrage, un acte manqué, sinon personnellement, au moins politiquement. Vous qui aimez vous revendiquer de Nietzsche pour dire que toute œuvre est la forme déguisée d'une autobiographie, qu'en est-il ici de votre propre ouvrage?

La  quatrième de couverture de votre livre est une injure au travail intellectuel, en l'acceptant, vous cédez aux sirènes de la rentabilité éditoriale, au risque de révéler n'être plus que marchandise de votre éditeur.
En espérant vous retrouver sur un terrain moins médiatique et plus politiquement pensé.

Dominique Lanza.
Psychologue clinicienne.



jeudi 29 avril 2010





La psychiatrie aura son atlas

20.04.10

Il y a davantage de suicides en Artois et dans le Cambrésis que dans la métropole lilloise. C'est dans les mêmes secteurs géographiques que la consommation de médicaments psychotropes est la plus élevée. Voilà le genre d'informations qui seront disponibles dans l'atlas de la psychiatrie et de la santé mentale* qui sort aujourd'hui. Cette base de données a été rassemblée par la Fédération régionale de recherche en santé mentale (F2RSM) qui regroupe établissements publics et privés. Elle présente aussi une carte des offres de soin, secteur par secteur.G. D.




Sainte-Anne, hôpital psychiatrique
Documentaire (Société)
VENDREDI 7 MAI 2010 / 22H55

RÉSUMÉ
Durant plusieurs mois, la vie des patients et des soignants dans les services fermés de l'hôpital Sainte-Anne à Paris, une unité psychiatrique.

CRITIQUE TELERAMA



Documentaire d'Ilan Klipper (France, 2010). 90 mn. Inédit.

Saisissante introduction. Une jeune femme attend, assise dans un bureau. Derrière elle, un couloir d'hôpital, d'où proviennent des cris déchirants : « J'en ai ras-le-bol ! J'en ai ras-le-bol ! J'en ai ras-le-bol ! » La jeune femme ne bouge pas, comme immobilisée par la peur. Où est-on ? Qui est-elle ? Soudain, un psychiatre déboule. S'adresse brusquement à elle : « Je vais vous hospitaliser. Pour vous protéger de vous-même. » A peine le temps de (mollement) protester, là voilà embarquée dans le labyrinthique hôpital Sainte-Anne.

Sainte-Anne... Dans l'esprit des Parisiens, ce nom est empreint de mystère et d'effroi. L'institution psychiatrique n'ouvre pas souvent ses portes aux caméras. C'est donc de manière exceptionnelle que le réalisateur Ilan Klipper a pu s'y installer pendant plusieurs mois. A bonne distance mais sans rien cacher, il y filme les patients, délirants, lucides, énervants, attachants, paumés, drogués. Le personnel médical, compétent et dépassé, précis et tâtonnant. De cette violente et étouffante plongée ressort l'impression que le secteur psychiatrique, sinistré par les coupes budgétaires, tente de maintenir la tête hors de l'eau, au jour le jour. Et que la France s'occupe bien mal de ses malades mentaux.

Lucas Armati

Télérama, Samedi 1 mai 2010



La fessée revient en force


Le Conseil de l'Europe organise aujoud'hui à Strasbourg, avec l’ONG Save the children, un débat international sur l’interdiction de la fessée. Pour cela, le Conseil a sorti les grands moyens : spots télévisés, conférences, incitation à une “parentalité positive” mais aussi pétition de “people”. Parmi les signataires figurent Claudia Cardinale, le prince Felipe de Bourbon, Mikhaïl Gorbatchev, ou encore la reine Silvia de Suède. A l’heure actuelle, 20 pays sur 47 au Conseil de l’Europe ont d’ores et déjà aboli les punitions physiques à l’égard des enfants.

Pourtant, Alexandra Echkenazi souligne, dans le Parisien, que la fessée séduit à nouveau grand nombre de parents en France et cite le psychologue Didier Pleux : « Tombée aux oubliettes dans les années 1970, la fessée connaît actuellement un retour en force. Les parents sont de plus en plus nombreux à me dire dans mon cabinet que c’est l’unique moyen qu’ils trouvent pour exercer leur autorité. »

Ce que confirme une étude récente menée par l’Union des familles en Europe auprès de 685 grands-parents et 856 parents. Près de 84 % des grands-parents reconnaissent avoir déjà ainsi réprimandé leur enfant lorsqu’il était petit, contre 87 % pour les parents. Soit 3 points de plus d’une génération à l’autre. Les deux groupes sont 95 % à penser que la fessée fait partie des traditions françaises et établissent une distinction entre cette correction considérée comme peu violente et les autres châtiments corporels. La gifle, en revanche, est à la baisse : 54 % des papis et mamies en ont déjà donné, contre 25 % des parents.

Les coups sur les fesses traduiraient pour les spécialistes un aveu d’impuissance des parents d’aujourd’hui. « C’est le résultat des théories éducatives en vogue depuis le début des années 1970. Cela fait trente ans qu’on dit aux adultes qu’il faut écouter les enfants, tout leur expliquer, être plus permissif… Résultat : ils se retrouvent confrontés à des enfants ne supportant plus aucune frustration et ils ne savent plus exercer leur autorité autrement qu’en infligeant cette punition à leur progéniture », poursuit Didier Pleux.

Mais il faut savoir que les enfants qui reçoivent régulièrement des fessées à trois ans sont plus agressifs à l’âge de cinq ans, selon une étude américaine publiée dans la revue Pediatrics. Catherine Taylor de l’Université Tulane (La Nouvelle-Orléans) a mené cette étude avec 2 500 mères d’enfants de 3 ans. Les chercheurs ont tenu compte, dans l’analyse des données, d’autres facteurs qui peuvent avoir une influence sur le développement de l’agressivité chez les enfants tels que la négligence, la consommation de drogue ou d’alcool, le stress et la dépression chez la mère. (Voir sur le site du New York Daily News)