Le 16 juin, lors d'une manifestation des personnels soignants à Paris. Photo Thibault Camus. AP
Les syndicats de médecins hospitaliers qualifient de «très insuffisante» l’enveloppe de 300 millions d’euros que l’exécutif entend consacrer à la revalorisation des carrières et appellent à manifester ce mardi.
«C’est consternant» : Jacques Trévidic en bégaie presque. Le président de l’intersyndicale Action Praticiens Hôpital vient de découvrir le montant de l’enveloppe que l’exécutif entendait consacrer à la revalorisation des salaires des médecins hospitaliers. En tout et pour tout, 300 millions d’euros. Et pas avant 2021. De quoi revaloriser de 150 euros brut par mois la prime d’engagement de service public exclusif accordée aux médecins hospitaliers qui n’ont pas d’activité libérale en parallèle ; de relever un peu les indemnités pour gardes et astreintes et d’améliorer les rémunérations des plus de vingt-cinq ans de carrière. Rien de véritablement substantiel aux yeux de Trévidic. Pour lui, le Ségur de la Santé, installé fin mai par le Premier ministre pour «refonder le système de soins», est bien loin de tenir ses promesses.
«Ce n’est pas avec ça qu’on va retenir les médecins à l’hôpital public», peste le syndicaliste au sortir de son rendez-vous avec le ministre de la Santé, Olivier Véran et la «madame Loyale» du Ségur, Nicole Notat. «Il y a aujourd’hui une différence de rémunération telle entre le privé, l’intérim et l’hôpital public qu’on ne peut pas espérer pourvoir avec si peu les 30% de postes de médecins aujourd’hui vacants dans les services hospitaliers. On va faire des contrepropositions à Notat et Véran mercredi. On n’envisage pas de signer un accord dans ces conditions.»
«Ils veulent la fin de l’hôpital public»
C’est peu dire que Trévidic s’attendait à mieux. Mercredi, c’est une enveloppe de 6 milliards d’euros qu’Olivier Véran avait mise sur la table pour revaloriser les salaires des paramédicaux (infirmiers, aides-soignants, personnels administratifs et techniques…) des hôpitaux et Ehpad publics, mais aussi, pour partie, du secteur privé. Une somme rondelette, même si dans les faits elle suffit à peine à satisfaire la revendication phare des soignants, à savoir une hausse de 300 euros net par mois. Mais pour les médecins hospitaliers qui, au sein du Ségur, négocient en parallèle des paramédicaux, c’est surtout le signe que l’exécutif est prêt à desserrer largement les cordons de sa bourse pour éteindre la colère qui couve dans les établissements de santé. D’où leur espoir d’obtenir une rallonge substantielle pour satisfaire leurs doléances.
La désillusion est cruelle. «On attendait un choc d’attractivité, on a eu un choc de déception», s’emporte Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicale nationale des praticiens hospitaliers (INPH). «Ils veulent la fin de l’hôpital public ! Depuis fin mai, ils ont fait monter l’espoir, et le Président semblait vouloir prendre les décisions qu’il fallait pour sauver l’hôpital public. Mais les promesses de Macron n’étaient qu’illusion.» Du côté des internes, la déception est tout aussi palpable. «On demandait une revalorisation de 300 euros net mensuels, comme les paramédicaux», précise Léonard Corti, secrétaire général de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni). «Véran nous propose 150 euros brut mensuels à partir de 2021 sur deux ans, puis 75 euros brut les quatre années suivantes. Les indemnités de garde, soit quatorze heures trente de travail de nuit, seraient revalorisées de 10 euros… Cela fait des semaines qu’on discute et on nous sort ça ! Et on nous dit quasiment que c’est à prendre ou à laisser. Ils ne sont vraiment pas doués pour le dialogue social…»
La clôture des négociations approche
Jeudi, veille de la clôture du Ségur de la santé, les syndicats de praticiens hospitaliers ont de nouveau rendez-vous avec Nicole Notat. D’ici là, ils espèrent faire monter la pression. Ce mardi, tous les personnels hospitaliers médicaux et paramédicaux sont appelés à une journée nationale de mobilisation. A Paris pourtant, la manifestation pourrait manquer d’unité pour faire masse. Ce n’est pas un mais deux cortèges qui devraient s’ébranler de part et d’autre de la Seine.
Rive gauche, FO et la CGT, rejoints par plusieurs syndicats de médecins hospitaliers dont l’IAPH et l’INPH, défileront de l’ancien hôpital du Val-de-Grâce jusqu’au ministère de la Santé, avenue de Ségur. Rive droite, SUD Santé, l’Unsa, la CFDT et le collectif Inter Urgences marcheront de l’hôpital Lariboisière, proche de la Gare du Nord, jusqu’à l’hôpital Bichat, en bordure de périphérique. Quel que soit le parcours, l’espoir est partagé que les «balcons descendent dans la rue».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire