Dans une maison de retraites, à Nice le 21 avril. Photo Eric Gaillard. Reuters
Nos proches et aînés ne doivent plus être considérés comme des citoyens français de seconde zone sécuritaire.
Tribune. Les Français et les Françaises hébergés en établissements sociaux médicaux, maisons de retraite, Ehpad, résidences collectives, ainsi que leurs proches n’acceptent plus la situation discriminative et d’enfermement qui leur est faite. Le confinement total des établissements médico-sociaux pris dans l’urgence mais qui perdure révèle à présent une représentation dichotomique de ce qu’est un véritable individu et qui peut être défini par la conscience qu’il a d’exister, comme être biologique, moral et social.
Ne prendre en compte que l’état de santé d’une personne, voire d’un collectif de personne pour justification, quelles que soient les raisons invoquées réduit l’individu, l’assimile à sa partie de conscience corporelle à peine supérieure à celle de l’animal. Il n’y a que la mort qui définisse pour une personne cette situation terrible qu’est la séparation de l’âme et du corps. La santé physique, et plus particulièrement encore des personnes âgées ou handicapées, ne doit pas être mise en avant du mental, elle doit aller de pair avec la fonction psychique.
Le droit à la vie, à la santé morale et le principe de sauvegarde de la dignité humaine ont été oubliés au profit relatif d’un sommaire droit à la santé que l’on va sans doute porter en exergue, car identifiable en statistiques.
Interdire d’abord dans la durée l’accès de personnes extérieures à un établissement, ce qui est inédit et sans doute est une grave erreur.
Permettre des visites très limitées derrière un parloir ou un écran, ou à travers une ouverture de fenêtre, semble plus une façon de protéger la réputation statistique ou pénale de l’autorité sanitaire, et qui sont prises «si loin» de toute humanité qu’on a du mal à imaginer qu’une quelconque notion de ce qu’est une personne a germé dans cette prise de décision.
L’écran, qu’il soit de Skype ou du plexiglas de box, n’est généralement pas de la génération de naissance de ces personnes en établissement. Ces visites, qu’on pourrait qualifier de «courtoisies» tellement elles sont artificielles, sont souvent strictement surveillées, encadrées, limitées, programmées, sanctionnables et font en général beaucoup plus de mal que de bien.
Ne parlons pas des sorties interdites pour des soins normaux et dont les conséquences vont se retourner contre le résident et ses proches.
Beaucoup de proches des résidents de ces établissements palliaient, parfois quotidiennement, l’accompagnement, l’insuffisance de contacts et de soins, et aussi le manque de personnel de ces structures et ont donné de leur temps et de leur cœur. Il ne me semble percevoir dans cette situation une méconnaissance de ce que cela représente comme investissement participatif «citoyen» par ailleurs.
La chambre du résident est en principe un lieu de «droit individuel», certes à l’intérieur d’un établissement. Il était parfaitement possible sous couvert de quelques protections sommaires et sans surveillance particulière de rendre visite au résident pour une personne responsable (un proche, ami ou aidant) dans sa chambre, qui est un lieu intime et personnel.
Considérant que la personne en établissement est une personne à part entière, nous pensons qu’il n’y a aucune raison qu’elle soit «surprotégée» plus qu’une autre. Ce qu’elle n’est d’ailleurs jamais le reste du temps au vu de la piètre qualité de l’alimentation, du soin physique et psychique au quotidien, par manque de personnel ou de formation. Il semblerait plutôt que cette soudaine précaution carcérale à l’encontre des aînés ne soit donc qu’une façade.
Vous ne trouverez aucun(e) résident(e) qui recevait de la visite qui accepte cette situation.
Quelqu’un leur a-t-il d’ailleurs demandé leur avis, l’autorisation de les enfermer ?
Chaque résident, chaque proche ressent en effet cette situation comme un véritable enfermement.
Les Français(e)s ont démontré de manière générale leur sens des responsabilités pendant le confinement, et un visiteur n’est pas plus contaminant que les dizaines de personnels qui gravitent et s’investissent comme jamais autour de nos proches. La propagation de la contamination entre personnels et résidents pendant la période de confinement a d’ailleurs prouvé son inefficacité.
Une personne qui visite un résident dans une chambre ne comptabilise-t-elle pas moins de contact qu’un membre du personnel en contact direct avec vingt résidents ou plus, plusieurs fois dans la journée ?
Pour les personnes qui ont eu le malheur d’avoir un proche décédé du Covid dans un de ces établissements et qui ont porté plainte, il y a comme à chaque fois cette part de profonde frustration, d’impuissance à remédier à la dégradation de la personne, de n’avoir obtenu aucune information, de ne pas avoir pu voir leurs proches.
Notre demande a donc évolué par rapport à notre pétition, au vu de la situation générale faite à la population et nous voulons visiter nos proches dans la chambre sans un contrôle et une surveillance discriminative de type carcéral qui nous distinguerait une fois de plus de la population «normale», et qui ne saurait rendre la visite humaine.
Nous n’acceptons plus que nos proches et aînés continuent d’être considérés comme des citoyens français de seconde zone sécuritaire.
Nous devons les libérer !
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