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jeudi 7 mai 2020

Contrôle de l’épidémie de Covid-19, aux confins de l’isolement

Publié le 06/05/2020




En l’absence de vaccins, les moyens de contrôler la pandémie mondiale de Covid-19 se limitent à des mesures simples : distanciation sociale, traçage des cas contacts dans certains pays et isolement des cas symptomatiques ou biologiquement positifs.

A Wuhan (Chine), toutes ces mesures, y compris le traçage par géolocalisation, la quarantaine de masse ont été mises en œuvre en janvier et en février 2020, cependant que les écoles étaient fermées. Tous les cas identifiés par RT-PCR sur prélèvement nasopharyngé étaient immédiatement mis à l’isolement manu militari dans des bâtiments construits à cette fin. Cette logique s’appuie sur une constatation confinant à l’obsession : plus l’on tarde à isoler, plus le risque de transmission augmente et se perpétue.

Deux stratégies d’isolement différentes

La plupart des pays européens et les Etats-Unis ont mis en place des mesures voisines sur un mode moins autoritaire avec un confinement moins drastique qu’en Chine- quoique variable d’un pays à l’autre- mais en accordant une large place à l’isolement selon diverses modalités : hospitalisation dans les formes sévères ou quarantaine à domicile pour les formes légères ou les cas contacts. L’observance de ces mesures est plus ou moins étroite en dépit de la limitation encadrée des déplacements, plus ou moins contraignante selon les pays. En Israël, par exemple, 57 % des sujets atteints d’une infection non confirmée ne les respectaient pas pour des motifs compréhensibles : l’absence de compensation financière et le manque d’informations précises sur les mesures strictes d’isolement quand il s’agit du domicile.

L’isolement des cas positifs au sein d’une institution conçue à cet effet a le mérite de faciliter un contrôle strict des allées et des venues, tout en veillant au respect des gestes barrières et en les rappelant au besoin : c’est la politique adoptée en Chine où pendant l’épidémie il était totalement interdit de sortir. Il est probable que cette stratégie est plus efficace que l’isolement au domicile plus propice aux entorses au règlement. En effet, elle permet de diminuer les contacts domestiques de 75 % et ceux au sein de la communauté de 90 %. Les pratiques plus libérales des pays occidentaux conduiraient à des chiffres de respectivement 50 % et 75 %. Pour ce qui est des cas contacts, la réduction des interactions atteindrait globalement 50 % dans les deux cas de figure. Les infections asymptomatiques, pour leur part, échappent à tout contrôle.

Un seul modèle testé : GeoDEMOS-R

Toutes ces notions éparses ont été confrontées à un modèle dit GeoDEMOS-R qui a le mérite de les intégrer pour simuler la propagation d’un agent infectieux au sein d’une population urbaine et calculer l’impact des mesures suivantes sur l’évolution de l’épidémie : quarantaine sous toutes ses formes, pratiques de distanciation sociale et fermeture des écoles.

Le taux de reproduction de base-R0- a été fixé à 2 pendant les quatre premières semaines de l’épidémie de Covid-19 et a diminué, par la suite, du fait de la mise en œuvre des mesures précédentes. Dans ce modèle, l’’infection se propage au sein d’une cité de 4 millions d’habitants qui n’est pas sans rappeler la cité-état de Singapour. Par rapport à l’état basal sans mesures de contrôle, deux situations peuvent se produire selon la technique d’isolement : (1) au domicile : le pic de l’épidémie est retardé de 8 jours (écart interquartile EIQ 5-11 et le nombre de cas au pic réduit de 7 100 (EIQ 6 800–7 400), cependant que 190 000 (EIQ 185000–194000) cas sont évités pendant l’épidémie et jusqu’à son terme (soit une réduction de 20 %); (2) en institution, les chiffres correspondants sont respectivement de 18 jours, de 18 900 cas (EIQ 18700–19100) … et 54 6000 cas (EIQ 540 000–550 000) (soit une réduction de 57 %).

La stratégie des fangcangs de Wuhan

Il est clair que l’isolement des cas positifs en dehors de la famille dans une institution dédiée a le mérite de casser les chaînes de transmission domestiques et communautaires : c’est là en théorie l’explication du succès rapide obtenu par les autorités sanitaires de Wuhan qui ont saisi à bras le corps l’épidémie de Wuhan sans faire dans le détail, compte tenu de l’urgence sanitaire extrême.

Des hôpitaux-refuges dits fangcangs ont été construits – ou aménagés au sein de lieux publics préexistants- en toute hâte pour y accueillir les sujets réellement ou potentiellement infectés : car si les masques ne manquaient pas, tel n’était pas le cas des kits de PCR qui eux faisaient cruellement défaut. Ces lieux qui s’apparentent à des hôpitaux de campagne permettaient de trier les patients, de leur apporter les premiers soins, de les surveiller, de les référencer et de les isoler au besoin. Ils auraient joué un rôle crucial dans le contrôle de l’épidémie de Wuhan, mais il faut reconnaître qu’une telle stratégie n’est guère envisageable à l’identique dans les pays occidentaux.

S’il n’est pas question de faire dans le style fangcang lors du déconfinement en vue dans des pays comme la France, l’isolement de certains cas positifs ou contacts n’en mériterait pas moins de passer par des locaux adaptés, qu’il s’agisse d’hôtels reconvertis à cet usage, de dormoirs ou d’autres lieux aménagés pour briser les chaînes de transmission. Cette stratégie est d’ailleurs dans l’air du temps, tout au moins pour ceux qui ne peuvent s’isoler au mieux à leur domicile et exposent de ce fait leur famille ou leurs proches à un risque élevé de contamination. Si l’on en croit le modèle GeoDEMOS-R, il y a tout lieu de procéder ainsi même si les règles adoptées ne sont pas aussi strictes qu’en Chine ou à Singapour au début de la pandémie …

Dr Peter Stratford
RÉFÉRENCE
Dickens BL et coll. : Institutional, not home-based, isolation could contain the COVID-19 outbreak. Lancet : publication avancée en ligne le 29 avril. doi.org/10.1016/ S0140-6736(20)31016-3.

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