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lundi 20 janvier 2020

Syndrome d’Ophélie : quand Shakespeare rencontre la neuroimmunologie…

Publié le 16/01/2020




Souvent les syndromes ou maladies portent le nom du médecin qui les a le premier décrits. Dans le cas du syndrome d’Ophélie, le Dr Ian Carr a puisé son inspiration dans la littérature.

Ce père de famille a rapporté pour la première fois ce syndrome en 1982, en observant les signes cliniques développés par sa fille Jane, alors adolescente.

Dans un article court et passionnant, il souligne l’intelligence et la vivacité de sa fille qui assez subitement, s’est mise à ne plus faire ses devoirs, oublier ses livres au lycée, et tenir des propos de plus en plus décousus, ce qui est mis au début sur le compte de l’adolescence. Rapidement toutefois, ce père s’inquiète. Mais les examens réalisés notamment les dosages hormonaux sont normaux.

Jane est alors traitée pour un syndrome dépressif.

À l’apparition d’hallucinations, Jane est hospitalisée et l’imagerie montre une masse pulmonaire qui s’avère être un lymphome de Hodgkin.

Le Dr Carr soupçonne rapidement un syndrome paranéoplasique avec la présence de neurotransmetteurs semblables à des molécules secrétées par la néoplasie provoquant les signes neurologiques.

Il appelle syndrome d’Ophélie l’association de perte de mémoire et lymphome de Hodgkin en hommage au personnage d’Ophélie dans la pièce « Hamlet » de Shakespeare.

Jane sera traitée par chimio et radiothérapie et son état s’améliorera progressivement.

Quels liens avec le personnage d’Hamlet ?

Un article espagnol récent fait le lien entre la malade et l’héroïne de Shakespeare.

Ophélie est une jeune femme, saine d’esprit, douce et aimante. Elle obéit aux ordres de son père, Polonius, et repousse les avances de Hamlet qui va tuer ce dernier. Ophélie victime du "poison de la douleur profonde", sera dès lors "divisée d'elle-même et de son jugement équitable" et sombrera dans la folie qui l’entraînera vers la mort.

Ainsi, dans les 2 cas, les jeunes femmes perdent leur équilibre mental du fait d’un facteur externe (lymphome conduisant le système immunitaire à produire des auto-anticorps et perte brutale du père).

Mais la comparaison s’arrête là, car heureusement Jane a survécu.

Depuis cette première description, on a démontré l’existence d’anticorps anti récepteurs glutamate de type 5 (mGluR5), anticorps paranéoplasiques liés au lymphome de Hodgkin à l’origine des troubles neuropsychiatriques. Les auteurs rappellent que d’autres anticorps sont associés au Hodgkin (Hu, NMDAR, SOX, PCA2), mais aussi les anti Tr (DNER).

Les anti-mGluR5 sont des anticorps réputés rares et ils sont  peu recherchés. Cependant, il est intéressant de connaître leur existence, car il semblerait qu’ils ne soient pas si rares comme en témoigne mon expérience personnelle avec 2 cas diagnostiqués en décembre 2019.

Dr Sylvie Coito
RÉFÉRENCE
Soto-Rincón CA et coll. : The poor insane Ophelia : reconsidering Ophelia syndrome. Arq Neuropsi quitr. 2019; 77(11): 828-831. doi: 10.1590/0004-282X20190105

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