| 07.12.2018
Les infirmiers en pratique avancée (IPA) feront-ils évoluer la pratique des généralistes ? Les jeunes généralistes ont découvert les contours de la collaboration avec ces futurs professionnels ce vendredi, lors d'un atelier des 7e rencontres nationales du syndicat ReAGJIR qui se poursuivent à Avignon. Les médecins de ville demeurent confus sur le rôle que pourront jouer, à l’avenir, ces super-infirmières, confirmant certaines inquiétudes exprimées dans notre récent sondage.
Pour cause, ce nouveau métier « a davantage été pensé pour l’exercice hospitalier que pour l’ambulatoire », affirme le Dr Yannick Ruelle, ancien président de ReAGJIR et généraliste en centre de santé à Pantin (93). L'enseignant à l’université Paris XIII, travaille actuellement sur le contenu de formation de ces futures IPA. La faculté de Bobigny compte en effet rejoindre à la rentrée 2019, les 8 facs qui ont ouvert un master cette année. « Aujourd’hui, pour ouvrir un master IPA, le représentant doit être un hospitalier. Le décret paru en juillet est également conçu pour un exercice hospitalier » déplore le généraliste. Sur les 400 futures IPA qui débutent leur formation en 2018, la très grande majorité est issue du monde hospitalier.
Bientôt un master plus axé sur la ville
Les médecins de ville tentent donc de s’imposer pour bénéficier eux aussi des IPA en soins primaires. D'après le décret précisant leurs fonctions, ces infirmières peuvent prendre en charge certains patients chroniques stabilisés*. Le Dr Ruelle estime donc qu'un « hold-up de la médecine ambulatoire » sur la pratique avancée est nécessaire. Il souhaite orienter le futur master de Bobigny sur la ville, en développant la recherche en soins infirmiers avec plus de stages ambulatoires. Pour valider son master, l’infirmière doit en effet effectuer un stage de 6 mois qui s’apparente à un stage d’étudiant en médecine. « Pour l’instant, comme ce sont les premières promotions d’IPA, les maîtres de stages seront essentiellement des médecins », précise Corinne Lehmann, infirmière clinicienne diplômée des premières promotions de pratique avancée de Marseille. Faisant partie des IDE pionnières diplômées d'un master avant l’apparition du cadre réglementaire, elle devra passer une validation des acquis pour être reconnue en tant qu’IPA. Avant de se lancer dans la pratique avancée, elle était infirmière libérale. Mais son profil est plutôt l’exception. « Dans une promotion de 20, nous n’étions pas plus de 5 infirmières libérales », témoigne-t-elle.
Il est en effet plus difficile pour une IDE libérale de mettre son activité entre parenthèses pour se former deux années de plus. Pour rappel, le décret impose une expérience professionnelle de 3 ans minimum avant de pouvoir exercer en tant qu’IPA. De nombreuses candidates reprennent donc leurs études en parallèle de leur activité.
La situation est plus favorable pour les infirmières hospitalières qui, mises en disponibilité, continuent à toucher leur salaire pendant la formation. Les établissements prennent souvent en charge leurs frais de déplacement.
Corinne Lehmann a elle dû suspendre son activité d’infirmière libérale la semaine pour suivre ses cours à la faculté de Marseille. Elle continuait alors son activité le week-end dans le Cantal.
Se former en tant que libérale, un parcours du combattant
Certaines agences régionales de santé (ARS) comme en PACA proposent aujourd’hui des aides financières compensatoires aux infirmières libérales qui souhaitent se lancer dans la formation avec une enveloppe d’environ 20 000 euros pour les deux années de master. Cette aide est précieuse, le coût des formations étant très variable, allant « de 500 euros par an à Paris Diderot à 5 000 euros à Marseille » précise Corinne Lehmann, par ailleurs membre du syndicat d’IPA GIC-Répasi. La pratique avancée en ambulatoire est donc d’un véritable défi professionnel pour les infirmières qui souhaitent se lancer.
La question de leur rémunération constitue aussi une inquiétude. Le gouvernement doit faire paraître début 2019 un arrêté encadrant leur rémunération. À l’hôpital et en centre de santé, une grille de salaire devrait voir le jour. Selon nos informations, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS-ministère) plancherait sur deux options pour les IDE libérales. La première serait de réserver ces IPA aux structures de groupe (maisons de santé et CPTS) qui touchent des subventions de l’Accord-cadre interprofessionnel en y ajoutant un nouveau critère. Elles seraient alors salariées de ces structures via les SISA. La deuxième idée serait de rémunérer les infirmières libérales au forfait, dans le cadre des expérimentations de rémunération au parcours de soins.
La possibilité d’un exercice mixte pour les infirmières a aussi été évoquée. « Avoir une casquette d’infirmière « classique » et par ailleurs assurer des consultations de suivi de maladies chroniques stabilisées en tant qu’IPA pourrait brouiller le message envoyé au patient, à qui il faudra déjà faire de la pédagogie pour expliquer le rôle des IPA » prévient le Dr Vanessa Fortané, généraliste en Picardie et vice-présidente de ReAGJIR. La valeur de ces rémunérations demeure une inconnue, sachant que les IDE militent depuis plusieurs mois pour la revalorisation de leurs actes au sein de négociations conventionnelles tendues avec l’Assurance maladie. Suspendues depuis l’été, celles-ci doivent reprendre la semaine prochaine dans le but d'aboutir, notamment, à des modalités de rémunération des IPA.
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