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vendredi 13 avril 2018

Un parcours au-delà des gènes

Ariane Giacobino, médecin généticienne, raconte comment l’épigénétique a bouleversé sa vision du vivant et de la biologie.

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO  | Par 

Le livre. L’épigénétique ? Ce terme un peu abscons a plusieurs sens. En premier lieu, il englobe les mécanismes qui font qu’à partir d’un même programme génétique, d’abord contenu dans une cellule ­unique, un organisme développe et entretient une vaste panoplie de tissus et d’organes différents.

Ensuite, l’épigénétique renvoie à toutes les influences, y compris extérieures à l’individu – alimentation, environnement, microbes, stress… – qui régulent l’activité des gènes. Enfin l’épigénétique pose la question de la transmission à travers les générations de ces influences qui s’exercent sans même ­modifier la séquence de notre ADN.

C’est peu dire que ces dernières années, ce champ de recherche a explosé. Ariane Giacobino, médecin généticienne (faculté de médecine de l’université de Genève) a été aux premières loges pour observer et participer à cette révolution. Mais son livre intitulé Peut-on se libérer de ses gènes ? se distingue par son caractère personnel : c’est en fait une autobiographie scientifique et médicale, où les avancées de la recherche se mêlent intimement au parcours de vie.

Pas de grand livre de la vie


D’abord déroutant, ce choix révèle au fil de la lecture toute sa richesse. Ariane Giacobino, dans sa pratique médicale liée à la fertilité et au dépistage des maladies génétiques, est confrontée à des situations humaines parfois dramatiques, à des choix éthiques difficiles. Elle ne cache rien de la façon dont ce contact avec les patients a pu faire évoluer sa vision de la médecine et de ses enjeux.

Concernant le volet scientifique, elle a aussi l’honnêteté de ne pas occulter certaines « naïvetés » concernant son propre sujet d’étude : à l’aube du XXIe siècle, lire enfin le « grand livre de la vie », à travers le séquençage du génome, n’a pas été la révélation espérée, les choses étant bien plus complexes, notamment en raison des mécanismes épigénétiques, rappelle-t-elle.

Les recherches d’Ariane Giacobino portent sur l’aspect le plus « sulfureux » de l’épigénétique, parce qu’il réhabilite les idées lamarquiennes sur l’hérédité des caractères acquis : les marques laissées sur le génome par ces facteurs environnementaux peuvent-elles se transmettre d’une génération à l’autre ? Elle a montré, sur des souris, que c’était le cas après une exposition à un pesticide. D’autres équipes ont constaté l’influence de stress psychologiques ou alimentaires sur la descendance.

Ces découvertes, et les travaux qu’elle a ­menés sur les liens entre épigénétique et psychiatrie, alimentent une réflexion ­féconde sur « la marge de manœuvre du ­vivant par rapport à sa détermination ». Il ­importe de prendre en compte l’impact du vécu sur la biologie de l’individu et de ses descendants, constate-t-elle auprès de protagonistes du conflit rwandais. Avec l’épigénétique, l’« adversité » est devenue un véritable objet scientifique, dont l’avenir – et peut-être Ariane Giacobino – dira si les effets peuvent être biologiquement réversibles.

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« Peut-on se libérer de ses gènes ? L’épigénétique », de Ariane Giacobino (Stock, 242 p.)

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