Cet ouvrage collectif a été mitonné par et pour des personnes autistes. Un ouvrage inclassable, coloré et joyeux.
Le livre. C’est ce qu’on pourrait appeler un OANI – un ouvrage Aspi non identifié. « Aspi », c’est le petit nom que se donnent parfois les personnes atteintes du syndrome d’Asperger, ces autistes de haut niveau qui ont des difficultés dans les interactions sociales mais ne présentent aucun déficit intellectuel. La preuve : le philosophe Josef Schovanec, l’un des coauteurs de Je cuisine un jour bleu, est lui-même un Aspi.
C’est en rencontrant au hasard d’une conférence un passionné de gastronomie, Claude Carat, que ce « saltimbanque de l’autisme » a eu l’idée de ce projet collaboratif : des recettes de cuisine concoctées par et pour des personnes autistes. Il en résulte un livre inclassable, illustré, coloré et joyeux. Aux antipodes du rapport sur le devenir professionnel des personnes atteintes de TSA (troubles du spectre autistique) remis par le même Schovanec, en mars 2017, au secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées, afin de nourrir le 4e plan autisme dont la présentation est attendue début avril. Aux antipodes, également, du traité médical ou du régime diététique.
Cuisiner un jour bleu
« Le silence du monde savant quant à la richesse alimentaire des habitants de l’Autistan ne peut qu’être cause d’amers regrets », écrit-il avec humour dans son avant-propos, louant à cette occasion les efforts passés de ses parents, « qui parvinrent seuls à surmonter quelques-unes des plus difficiles années de leur progéniture, marquées de troubles alimentaires sans nom ».Je cuisine un jour bleu – le titre fait référence à l’ouvrage d’un autre autiste de haut niveau, Daniel Tammet : Je suis né un jour bleu (Les Arènes, 2007) – a pour objet de combler ce silence. L’ouvrage mêle habilement les recettes inventées par des parents d’autistes ou par leurs enfants devenus adultes avec leurs commentaires « sur le vif », ce qui en fait tout le charme et l’intérêt.
« Dans les témoignages des personnes avec TSA tout comme dans ceux des parents, les anecdotes concernant l’alimentation reviennent souvent », remarque la sociologue Amandine Rochedy, auteure d’une thèse sur les particularités alimentaires des personnes autistes. Ces derniers, en effet, présentent fréquemment une sensibilité inhabituelle aux stimuli sensoriels, dont attestent les ressentis de ces gourmets en herbe. L’odeur du fromage dérange Julien, Mattheo et Roméo ne mangent que des mets rouges, Ewan ne supporte pas les consistances molles ou mixées, tandis qu’Amélie adore la purée « volcanique »et que Corentin n’aime rien tant… que les spaghettis bleus. Autant d’enseignements et de sources d’inspiration pour les parents en détresse, comme pour les professionnels travaillant en instituts médico-éducatifs (IME) ou en Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad).
Je cuisine un jour bleu. Gourmets autistes, recettes et témoignages,présenté par Josef Schovanec et Claude Carat (Editions Terre vivante, 176 p.
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