Dans la Disparition du complexe d’Œdipe, Sigmund Freud, après avoir parlé du jeune garçon, ajoute : «Comment le développement correspondant s’accomplit-il chez la petite fille ? Notre matériel devient ici, d’une manière incompréhensible, beaucoup plus obscur et plus lacunaire.» Propos maintes fois répété. Dès qu’il s’agit de la femme, de la féminité, le fondateur de la psychanalyse avoue son trouble, sinon sa nescience, parle d’ombres, de voiles, de mystères. Son biographe Ernest Jones rapporte les mots qu’il adresse à Marie Bonaparte : «La grande question restée sans réponse et à laquelle moi-même n’ai jamais pu répondre malgré mes trente années d’étude de l’âme féminine est la suivante : "Que veut la femme ?"»
«Corps révolté»
Freud était pourtant entouré de femmes. Parmi elles, nombreuses sont celles qui, à commencer par sa propre fille Anna, sont devenues analystes. L’ont-elles aidé à faire quelque lumière sur ce «continent noir» qu’était pour lui la féminité ? La question n’est pas simple, mais elle permet au moins de diriger l’attention sur ce cercle de femmes, parfois oubliées, qui, participant dès l’aube viennoise à l’aventure tourmentée du freudisme, apporteront un «autre regard» sur le désir féminin, la sexualité, l’amour, la maternité, l’enfant… C’est ce à quoi invite l’ouvrage d’Isabelle Mons, Femmes de l’âme, les pionnières de la psychanalyse, qui dresse les portraits croisés de quatorze «défricheuses» des terres de l’inconscient : «les égéries russes»,Lou Andreas-Salomé, Sabina Spielrein et Tatiana Rosenthal, «les partisanes en lutte», Emma Eckstein et Margarethe Hilferding,«les femmes "d’à côté" indispensables à l’homme qu’elles ont accompagné, qu’il fût père ou époux», à savoir Anna Freud et Emma Jung, «les avocates des voix de l’enfant», Hermine von Hug-Hellmuth, Sophie Morgenstern, Melanie Klein et Françoise Dolto, et enfin «les conquérantes», Eugénie Sokolnicka, Marie Bonaparte et Helene Deutsch.
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