La prévalence des handicaps de l’enfant est un élément de décision et d’évaluation de la politique de santé publique. Pour suivre son évolution dans le temps, il faut disposer d’outils de surveillance tels que les registres de handicaps RHEOP et RHE31 en France, ou l’enquête sanitaire continueNational Health Interview Survey [NHIS] aux USA.
Depuis 1957, la NHIS recueille année par année des informations sur la santé d’un échantillon de la population américaine, au moyen de questionnaires assez stables. Une analyse secondaire des données de la décennie 2001-2011 sur les foyers avec enfants et sur un de leurs enfants, a permis de dégager quelques tendances fortes sur les handicaps avant l’âge de 18 ans. Dans cette analyse, les handicaps sont définis par des limitations d’activité au cours d’affections chroniques, des troubles de la mémoire, ou une éducation/des soins spécialisés, et les résultats sont « poolés » par deux années consécutives.
La prévalence globale des handicaps déclarés par les parents est en hausse. De 2001-2002 à 2010-2011, elle a crû de 6,87 % à 7,94 % de la population. Cet accroissement représente un sixième (15,6 %) des enfants handicapés ne vivant pas en institution en 2010-2011.
Dans le détail, les handicaps liés à des affections physiques chroniques sont moins fréquents en 2011-2012 qu’en 2001-2002 (- 11,8 %). Leur diminution de fréquence est due en premier lieu à la régression de l’asthme et des problèmes respiratoires (- 24 %).
L’augmentation de la prévalence des handicaps sur la décennie est due au groupe des « affections neurodéveloppementales et mentales » (+ 20,9 %). Au sein de ce groupe, elle est surtout le fait des « troubles de la parole » (+ 63,1 %), des « retards mentaux/déficits intellectuels » (+ 63 %) et des « autres problèmes mentaux, émotionnels et comportementaux » (+ 64,7 %), alors que les « difficultés d’apprentissage » sont devenues moins fréquentes (- 13 %). Les facteurs responsables de la hausse sont multiples. Ainsi, le Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité est mieux diagnostiqué ; les Troubles du Spectre Autistique (qui ne sont pas isolables dans l’enquête faute de question spécifique) sont en forte hausse…
La dernière tendance est inattendue. En 2011-2012, la prévalence des handicaps reste maximale dans les familles pauvres, ayant des revenus inférieurs au seuil de pauvreté fédéral* (8,3 %), mais son augmentation sur la décennie est relativement plus importante dans les familles aisées, ayant des revenus supérieurs à 4 fois le seuil de pauvreté fédéral (+28,4 % versus +10,7 % dans les familles pauvres ; p < 0,05). Les familles aisées pourraient avoir un meilleur accès aux soins et déclarer plus souvent les handicaps pour bénéficier d’une prise en charge.
Les auteurs estiment que leurs résultats, basés sur les déclarations des parents, sont fiables parce que leur échantillon de population est de grande taille et représentatif, la définition du handicap large et l’approche longitudinale. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure on peut extrapoler ces résultats à la France.
* En 2014 le seuil de pauvreté fédéral est d’environ 2 000 dollars US/mois pour une famille de 4 personnes
Dr Jean-Marc Retbi
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