Paris, le samedi 16 avril 2014 – Vénérable institution dont les fondements remontent à l’Ancien Régime, dont les statuts et les missions furent définis en 1820, l’Académie de médecine connaît depuis quelques années un vent de modernisation. L'Académie qui au sein de ses derniers groupes de travail constitués s’intéresse à la santé numérique se veut aujourd’hui résolument ancrée dans la modernité et aborde sans réserve tous les sujets (jusqu’à l’autoconservation des gamètes par les personnes ayant un projet de changement de sexe !). Surtout, par des propositions fortes, elle souhaite offrir son expertise singulière aux pouvoirs publics, loin des idées en vogue. Pourtant, malgré sa riche histoire, ses membres prestigieux (d’hier et d’aujourd’hui) et sa volonté de s’inscrire dans son époque, l’Académie de médecine n’est pas toujours écoutée.
Par les autorités sanitaires tout d’abord (on l’a par exemple vu sur la question des lanceurs d’alerte), mais aussi par les praticiens. L’opposition de ces derniers n’est pas toujours une hostilité ontologique, un refus de se soumettre aux « vieux sages », dont la lecture du monde, jugée par trop archaïque, est contestée. L’opposition peut prendre la forme d’un regret, regret lié à une très haute idée de l’Académie de médecine.
Consommation de cannabis : une pandémie
La polémique qui a cours depuis quelques semaines sur le blog du médecin et journaliste Jean-Yves Nau illustre cette confusion des sentiments, cette ambivalence que peut faire naître chez certains spécialistes l’Académie de médecine. Au cœur de cette passe d’arme, la question très épineuse (et face à laquelle se confrontent des positions aussi tranchées qu’irréconciliables) concernant la meilleure façon de lutter contre la consommation de cannabis. Faut-il renforcer partout la répression et rappeler l’extrême dangerosité du produit ou au contraire agir avec plus de nuance et privilégier la prévention ? Sur ce point, l’Académie est convaincue que c’est la première voie qui s’impose. Dans un communiqué daté du 26 mars qui s’inquiète de « l’expansion de la consommation de cannabis », la toxicité du produit est rappelée et la nécessité de « dissuader et punir ceux qui oeuvrent pour cette pandémie » est martelée. Sur son blog, Jean-Yves Nau s’était fait l’écho de cette prise de position de l’Académie et de ses propositions. Le journaliste commentait : « On ne rit plus. Les vents tournent. Au vu du contexte politique actuel (…) certains diront que le moment est bien mal choisi pour lancer publiquement de telles propositions. D’autres assureront, principe de précaution ou non, que nous n’avons que trop tardé à regardé la vérité en face. Que la santé publique prime tout et que le cannabis est, tout bien pesé, un poison. Tous (ou presque) reconnaîtront que l’Académie nationale de médecine, ne fait, ici que remplir sa mission ».
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