Mauvaise nouvelle pour le gouvernement du côté des salles de consommation de drogue à moindre risque. Le ministère de la santé a dû informer, jeudi 10 octobre, que le Conseil d'Etat "recommande d'inscrire le dispositif dans la loi". Autrement dit, que la position de l'institution remet en cause la stratégie adoptée pour expérimenter ce que ses opposants appellent une "salle de shoot". Celle-ci devait ouvrir, en novembre, dans le 10e arrondissement de Paris. Jeudi matin, France Inter a dévoilé la position du Conseil d'Etat.
L'objectif de ces espaces supervisés par des professionnels de santé est de réduire les risques d'infections ou d'overdoses liés à la consomation de drogues par les plus précaires, mais aussi de limiter les nuisances pour le voisinage dus à l'usage de stupéfiants dans les lieux publics.
Les acteurs du dossier étaient partis du principe que pour lancer cette expérimentation, il n'y avait pas besoin de toucher à la loi de 1970 qui interdit l'usage de stupéfiants. Déjà, celle-ci avait en fait été aménagée. Il aurait donc suffi de publier un décret, qui permettait d'élargir les prérogatives jusque-là accordées aux lieux d'accueil des toxicomanes, comme les Caarud, où il est par exemple possible de distribuer des seringues, sans risquer d'être poursuivi pour facilitation de l'usage des drogues. Il devait suffire d'y intégrer le principe des salles de consommation de drogue.
INQUIÉTUDE DES ASSOCIATIONS
Le gouvernement a voulu s'assurer juridiquement en saisissant le Conseil d'Etat. Il se retrouve désormais coincé. "Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif", indique le ministère dans son communiqué, sans donner plus de détails, ni sur le comment, ni sur le calendrier, qui sera discuté avec la Ville de Paris et les associations .
Tout juste montre-t-il, politiquement, son attachement à lancer une expérimentation. Qu'il passe outre l'avis du Conseil d'Etat paraît peu probable, car il serait par la suite facilement attaquable. Mais toucher à la loi de 1970 pour que l'expérimentation soit lancée prendra du temps, et vu le symbole que cela représente, ne sera pas forcément la priorité du gouvernement dans les mois qui viennent, s'inquiète-t-on du côté des associations.
Pour elles, l'avis du Conseil d'Etat est donc un coup dur, alors qu'un lieu avait été trouvé à Paris, près de la gare du Nord, qu'une subvention de la Ville de Paris avait été votée et que, ces derniers jours, on attendait la publication au JO du fameux décret pour pouvoir lancer les travaux, ce qui aurait permis une ouverture en décembre.
"Nous sommes atterrés, on nous avait présenté le passage devant le Conseil d'Etat comme une formalité. Cela fait trois ans que nous travaillons sur ce projet, il y a un mois, on nous disait que tout allait bien. Un lieu a été trouvé, des gens recrutés, et c'est à la fin qu'on s'aperçoit que cela ne va pas être possible !", s'énerve le docteur Elisabeth Avril, la directrice de Gaïa-Paris, l'association qui porte le projet, qui reproche au gouvernement de s'être pris "les pieds dans le tapis" en demandant l'avis du Conseil d'Etat.
"UNE DEUXIÈME VICTOIRE" POUR LES OPPOSANTS
Un coup dur, aussi, pour le gouvernement, alors qu'en février, c'est directement Matignon qui avait donné son feu vert à une expérimentation à Paris d'un espace tel qu'il en existe déjà dans sept autres pays européens. Il y a encore trois semaines, l'expérimentation était une des mesures phares du plan de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017 présenté par le gouvernement. Il y était indiqué que d'ici à 2017, une deuxième expérimentation serait lancée.
L'avis du Conseil d'Etat va en revanche réjouir les opposants à l'expérimentation de ce nouvel outil de réduction des risques (après l'échange de seringues ou la distribution de produits de substitution). En premier lieu l'association Parents contre la drogue, qui avait cet été annoncé avoir déposé deux plaintes ainsi qu'un recours devant le Conseil d'Etat contre la décision de Matignon, estimant illégale la création d'une salle de shoot.
"Nous sommes très contents, car c'est une deuxième victoire pour nous, alors que le Conseil d'Etat nous a déjà donné raison en août en considérant notre recours recevable", Serge Lebigot, son président. "Si Marisol Touraine est si sûre que les salles de shoot, c'est formidable, pourquoi ne passe-t-elle pas devant le Parlement ?", insiste-t-il, dénonçant une "manipulation du gouvernement et de la mairie de Paris". Ou encore, en pleine bataille pour les municipales, l'UMP, clairement contre aussi.
"Nous allons retravailler avec le ministère de la santé", a indiqué la candidate socialiste, Anne Hidalgo, interrogée sur France Info jeudi matin, reconnaissant qu'il ne sera sans doute pas possible d'ouvrir avant l'échéance électorale...
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