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dimanche 17 mars 2013

La fin de la tolérance zéro


Avec de nouvelles perspectives thérapeutiques qui sonnent le glas de la tolérance zéro, la prise en charge de l’alcoolo-dépendance reprend des couleurs. Il devenait urgent de changer de cap depuis le consensus des années 2000 qui prônait le sevrage pur et dur. Une urgence pour cette dépendance qui tue et dévaste les vies de millions de Français.

Une fois n’est pas coutume, l’alcool a occupé le devant de la scène ces derniers jours. À commencer par l’étude de Catherine Hill (service de biostatistique et d’épidémiologie de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif) publiée le 4 mars dernier dans l’European Journal of Public Health. Cette étude nous rappelle que les Français boivent trop : 49 000 décès en 2009 dont 40 % survenus avant l’âge de 65 ans. Soit 13 % de la mortalité totale masculine et 5 % féminine. Et encore, « cette étude ne compte que les décès attribuables à la maladie, précise le Pr Michel Reynaud (département de psychiatrie et d’addictologie, hôpitaux universitaires Paris sud). Or l’alcoolisme est le principal facteur de dommages sociaux. Les violences, crimes, délinquance, violences sexuelles ou intrafamiliales sont majoritairement le fait de l’alcool ». L’ensemble des experts internationaux range l’alcool au premier rang des drogues responsables de méfaits sanitaires et sociaux avant, et dans l’ordre, l’héroïne, la cocaïne, le tabac et le cannabis. La France, classée sur 30 pays au 27e rang de la qualité des mesures politiques de prévention, « n’a pas une perception correcte de la dangerosité de ce toxique », renchérit l’addictologue. Et cette situation est d’autant plus dangereuse que les alcooliers, d’alcools forts notamment, profitent de l’absence de contrôle de la publicité sur internet (autorisé par la loi HPST) pour envahir les réseaux sociaux et s’adresser au jeune public féminin en particulier.

Consommation contrôlée

Dans ce contexte, la remise à jour des stratégies de prise en charge de l’alcoolisme qui se fixent pour objectif une consommation contrôlée plutôt que l’abstinence totale, constitue un réel progrès pour les spécialistes. « Passer du dogme de l’abstinence totale à l’idée qu’on puisse, du point de pharmacologique, sortir de l’abus et de la dépendance pour reprendre le contrôle de sa consommation est une vraie révolution », assure le Dr William Lowenstein (SOS addictions, Paris). Et pour le Pr Reynaud « cet objectif devrait permettre aux patients en difficultés avec l’alcool de recourir aux soins primaires plus tôt dans l’évolution de leur pathologie. Ils n’ont plus devant eux la falaise de l’abstinence obligatoire qui les fait reculer. » Avec un doublement des hépatites et des pancréatites aiguës, des ivresses aiguës et des comas éthyliques ces dernières années, « il est urgent de réduire les risques et les dommages somatiques liés à l’alcool. Ce que permettent les stratégies de réduction de la consommation », ajoute Michel Reynaud.

C’est dans cette nouvelle dynamique de prise en charge que s’inscrivent les nouveaux traitements de l’alcoolisme. Cette semaine, le nalméfène « premier traitement autorisé dans la réduction de la consommation d’alcool » a reçu son autorisation européenne de mise sur le marché. Quant au très médiatique baclofène, deuxessais sont en cours. L’un hospitalier est mené en milieu spécialisé avec pour objectif l’obtention d’AMM dans l’indication « maintien de l’abstinence ». L’autre, Bacloville, est mené en ambulatoire en médecine générale et cible « la réduction de la consommation en ville ». Même si l’annonce de deux décès est venue perturber le silence indispensable à tout essai thérapeutique (lire encadré), l’Ansm a aussitôt indiqué qu’il « n’était pas établi qu’ils soient imputables au baclofène. » Et du coup, l’essai continue. Les résultats des deux études sont attendus pour 2014. Enfin, l’oxybate de sodium (GHB, acide gamma-hydroxybutyrique) est une vieille molécule, utilisée en Italie et en Autriche depuis une quinzaine d’années pour lutter contre la dépendance, fait l’objet d’un essai européen avec des volontaires en France. Reste que selon le Dr Lowenstein, ces molécules toutes prometteuses, doivent passer le crible de l’efficacité clinique. « Il y a autant d’alcoolo-dependances que d’histoires d’alcoolisme, précise l’addictologue. Il faudra que les études définissent des sous-populations. Quelle molécule prescrire à un alcoolique avec des troubles de l’humeur ? ou des troubles du sommeil ? ». « Aucun de ces nouveaux traitements n’ayant encore l’AMM en France, l’abstinence reste aujourd’hui encore le seul traitement officiellement recommandé, conclut le Pr Reynaud qui ajoute « qu’elle gardera de toute manière une indication pour un certain nombre de patients dépendants. »

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