18 février 2023
Chamarandes-Choignes
De notre correspondant Norbert Monzein
Artiste totalement méconnu de l’art brut, Tim est sorti de malles dénichées dans un vide-greniers par Jean-Michel Douche. Ce dernier ne s’attendait sans doute pas à une telle découverte. Pour le commun des mortels, les dessins et mots qui émanaient de cette trouvaille n’auraient sans doute pas retenu l’attention méritée.
C’était sans compter sur l’acharnement de Jean-Michel Douche et de sa compagne Maryvonne Rincent, qui ont entrepris de décrypter plus de 2 000 fiches colorées, l’illustration de toute une vie, celle d’un garçon bien de chez nous à qui rien ne souriait. Véritable patchwork d’une expression qui lui était propre, mêlant dessins et mots à l’orthographe toute phonétique, le couple travaille depuis deux ans sur ce sujet et chaque jour découvre un peu plus de la vie de ce personnage atypique.
Ouvrier paysan
On ne connaît que son patronyme, Tim, un Haut-Marnais, ouvrier paysan né en 1918 d’un père soldat américain en cantonnement en Haute-Marne en 1917-1918, avant de monter au front, et d’une mère, jeune Haut-Marnaise. Peu après sa naissance, Tim est orphelin. Recueilli par son oncle et sa tante, paysans, sans enfant, dans une petite ferme autarcique à l’écart d’un village.
Il y passera toute sa vie. Il se révèle simple d’esprit, il ne va pas à l’école communale mais apprend à écrire avec sa tante et à dessiner avec son oncle. Tim est un gars costaud qui aide son oncle à la ferme revenu épuisé de la guerre.
Vers 1946, il rencontre des vacanciers parisiens libertaires, résidents dans un cabanon (La Maison bleue) au bord d’une rivière qui vont dynamiser son envie de dessiner devenant un Nartiste* d’art brut. Autodidacte, il va décrire son monde, le Monde de Tim, un monde où l’imaginaire brasse le réel.
C’est ainsi qu’il fait face au monde compliqué. Bâtard d’étranger, orphelin, simplet, Tim, simple paysan, a finalement tracé sa route sur le papier.
Bien qu’isolé dans une petite ferme, le monde est venu à lui, avec des Belles, des Amigos, des gens cultivés, il a même découvert le Petit prince et le grand Picasso.
Cette personne solitaire, attachante, a été protégée par sa famille et son entourage de la malveillance, d’où son anonymat révélé par ses œuvres d’une magnifique naïveté.
Résilience
Le Monde de Tim témoigne d’un monde paysan disparu et d’une résilience formidable qui nous touche.
Jean-Michel et Maryvonne se sont mis en relation avec l’association “Itinéraires singuliers”, qui recueille les témoignages inconnus et en font la promotion. Chaque semaine, le couple leur envoie le résultat de leurs transcriptions pour mémoire. Dans leur atelier à Choignes, l’âme de Tim est omniprésente, ses boîtes en fer dans lesquels on trouve ses messages, son audace artistique charnelle sur des supports admirablement conservés témoignent d’une vie simple et finalement heureuse. Tim est décédé à l’âge de 52 ans, laissant un incroyable patrimoine artistique à découvrir absolument.
Samedi 11 mars, à 15 h, à l’Espace Bouchardon de Chaumont, en concertation avec les Silos et l’implication de l’association “Itinéraires singuliers”, une présentation vidéo suivie d’un débat sur l’Imaginaire de Tim sera présentée par Jean-Michel Douche. Entrée libre.
*Nartiste expression de Tim qui écrivait ce qu’il entendait sous une forme d’écriture phonétique signifiant artiste.