Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé la mise en place, vendredi, d’un nouveau numéro national de prévention du suicide.
La santé mentale est un sujet dont s’empare de plus en plus les politiques. D’abord annoncée aux Assises de la santé mentale de la psychiatrie, qui se tenaient du 27 au 28 septembre, le ministre de la Santé Olivier Véran a confirmé sur France Inter la création d’un numéro national gratuit de prévention du suicide. « Pour la première fois dans notre pays, il y aura un numéro de téléphone que l'ensemble des Français pourra contacter. C'est le 3114, il sera ouvert à compter de vendredi dans la journée », a-t-il déclaré mercredi matin.
Communiqués en ouverture des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, les résultats d'une consultation qui a recueilli près de 15 000 contributions, indiquent que les professionnels exerçant dans le champ de la santé mentale attendent avant tout une valorisation de leurs métiers.
La consultation, conçue par la Commission nationale de la psychiatrie (CNP) et le Groupe opérationnel de psychiatrie (GOP) avait été lancée en mai.
Elle a permis de recueillir 14 655 réponses, dont 10 276 de professionnels de la santé. Les répondants, représentatifs de l'ensemble des professionnels impliqués dans le parcours de soins et de vie des usagers ont été 57% a indiquer qu'ils souhaitaient une valorisation des métiers (formation, rémunération, possibilités d'évolution).
Les autres priorités portent sur de nouveaux moyens humains et financiers (54%), un renforcement des moyens existants (54%). Seuls 10% des répondants ont en revanche jugés prioritaire "une meilleure prise en compte des droits des personnes ayant des ou un handicap psychique".
Première en France, les Assises de la psychiatrie ont eu lieu les 27 et 28 septembre après qu'une consultation nationale a été menée auprès des professionnels de santé et du grand public en mai dernier. Psychiatres, psychologues, médecins, infirmiers, autorités, usagers, aidants… l’ensemble de la chaîne de la prise en charge était rassemblé pour dresser le constat du secteur, mener une réflexion active et apporter des perspectives d’amélioration concrètes en matière de coordination, de prévention, d’orientation… Focus sur les points saillants de deux jours d’échanges.
Au lendemain des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en France, les professionnels du secteur jettent un regard sans complaisance sur leur spécialité, passée de "pionnière et innovante" à moribonde. L’hégémonie américaine explique en partie ce déclin français.
"L’état des lieux de la psychiatrie française est catastrophique", lâche sans ambages Marie-José Durieux, pédopsychiatre dans un hôpital de la région parisienne, contactée par France 24. Un diagnostic sévère partagé par l’ensemble des professionnels d’un secteur en grande souffrance, au lendemain des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues les 27 et 28 septembre. "Il y a encore trente ans, la psychiatrie était pratiquée avec beaucoup d’intérêt et d’exaltation", se souvient la thérapeute. "On associait la psychiatrie aux sciences imaginatives comme la philosophie, la psychanalyse, la sociologie, la littérature, et l’on progressait. À la fin du XXe siècle, les médicaments ont débarqué dans ce secteur. Ils ont apporté des progrès indéniables, mais les médicaments à eux seuls ne suffisent pas à résoudre les problèmes existentiels. Puis dans les années 1980, les protocoles américains se sont immiscés en France. La psychiatrie française, de renommée mondiale, pionnière et innovante, s’est alors peu à peu étiolée sous l’influence de la psychiatrie américaine."
La spécialité souffre d’un manque d’attractivité. Alors que s’ouvrent les Assises nationales de la psychiatrie, regard sur la situation en Sarthe, plombée par le manque de soignants.
Pour répondre aux besoins, il nous faudrait trente médecins supplémentaires, estime Céline Lagrais, nouvelle directrice de l’EPSM, consciente d’œuvrer dans un territoire aux difficultés aiguës. La crise du Covid a fait grimper l’activité. Pas les vocations. Outre les psychiatres, il manque quarante infirmiers et aides-soignants, mais aussi dix cadres et secrétaires.
Trois jours sur un brancard
À la clé, un douloureux jeu de chaises musicales, notamment aux urgences du centre hospitalier du Mans, où une équipe de l’EPSM prend en charge les patients relevant de la psychiatrie. Actuellement, une dizaine de personnes, dont l’état nécessiterait une hospitalisation, restent « stockées » sur des brancards. Certaines y passent trois jours. Alors qu’il s’agit de cas lourds : personnes délirantes, suicidaires, victimes d’angoisses…
Les patients sont juste séparés par un rideau en plastique. Certains montent en tension, ça finit avec de la sédation, des gens attachés, déplore une infirmière, qui a enregistré vingt malades sur ces brancards il y a deux semaines. Le week-end, quelques-uns partent vers les hôpitaux de Nantes (Loire-Atlantique), Alençon (Orne), Rennes (Ille-et-Vilaine). En semaine, des places se libèrent à Allonnes, mais au compte-gouttes. Avec une pression insidieuse sur les psychiatres pour faire sortirdes malades.
La réserve sanitaire appelée en renfort
C’est choquant. Vingt personnes, c’est l’équivalent d’un service, s’indigne Frédéric David, délégué CGT de l’EPSM. Ces patients seraient sans doute mieux à Allonnes, admet la directrice, qui parle de partie visible de l’iceberg : Si on ne devait pas réduire l’accueil dans les centres médico-psychologiques, les lieux de consultation, les hôpitaux de jour, on n’aurait pas autant de personnes en crise.
Pour éviter la fermeture de lits cet été, l’EPSM de la Sarthe a été l’un des rares établissements à recevoir le renfort de la réserve sanitaire. Les lits ? Après des décennies de réduction, l’EPSM en compte près de 400 depuis une dizaine d’années. Mais le problème est ailleurs. L’ambulatoire, aux vertus thérapeutiques reconnues, ne compense pas l’augmentation des besoins.
Par En partenariat avec Destination Santé le 29 septembre 2021
Pendant longtemps, l'une des principales différences entre un psychiatre et un psychologue était financière : les séances chez l'un étaient remboursées, celles chez l'autre non. L'annonce du remboursement des consultations de psychologie change la donne. Qu'est-ce qui distingue ces deux spécialistes de la santé mentale ?
La crise sanitaire et économique, les confinements et les restrictions des libertés pèsent lourd sur le moral des Français, et les pouvoirs publics commencent à s’emparer du problème.
Les psychologues et les psychiatres, eux, le constatent depuis des mois : les demandes de consultation affluent dans leurs cabinets. Mais quelles sont les différences entre ces professionnels qualifiés ?
REPORTAGE Seize « maisonnées » calmes et lumineuses, une supérette, un salon de coiffure, une médiathèque, un terrain de pétanque… A Dax, calqué sur un modèle néerlandais, le premier « village Alzheimer » de France détonne par son approche apaisée.
En 2013, le concept paraissait si novateur que Le Monde avait filé aux Pays-Bas. Dans la banlieue d’Amsterdam, à Weesp, un village était sorti de terre pour les malades d’Alzheimer qui, en son sein, pouvaient aller et venir librement, menant « une vie presque ordinaire », comme titrait alors le journal. Sept années plus tard, le 11 juin 2020, le Village landais Alzheimer, première transposition française de ce modèle pionnier, vient d’être inauguré à Dax. Pour qui a déjà visité l’unité Alzheimer d’une maison de retraite, fermée par Digicode, l’étonnement est le même qu’à Weesp, une fois franchie l’enceinte bardée de bois du bâtiment, en découvrant l’espace, le calme, la banalité préservée, ou plutôt recréée, du quotidien.
Remboursement de consultations psy, numéro vert, création de postes, enveloppe budgétaire pour la recherche… En clôture des Assises de la Santé mentale et de la Psychiatrie, le président de la République a annoncé des mesures pour venir en aide à un secteur sinistré.
« Il y a clairement une prise de conscience. » Même le professeur Antoine Pelissolo qui, depuis des mois, dénonce l’état catastrophique de la santé mentale en France, le reconnaît. D’après le psychiatre et chef de service des hôpitaux Henri-Mondor et Albert-Chenevier à Créteil, les mesures gouvernementales annoncées par le Président Emmanuel Macron, le 28 septembre sont le fruit d’un « travail de fond ».
Un entretien systématique avec un médecin ou une sage-femme sera mis en place autour de la cinquième semaine après l’accouchement. Les dépressions post-partum toucheraient entre 15 % et 30 % des mères.
Un « entretien systématique autour de la cinquième semaine après l’accouchement » sera instauré au début de 2022 pour repérer les dépressions post-partum, qui toucheraient entre 15 % et 30 % des mères, a déclaré mardi 28 septembre le secrétaire d’Etat à l’enfance, Adrien Taquet, lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. « Pour les femmes à risque, il sera suivi d’un second entretien autour de la douzième semaine », a ajouté M. Taquet.
Troubles ou souffrances psychiques, suicides... Le bouleversement de la vie quotidienne par la crise du Covid-19 et les confinements successifs ont mis en lumière les souffrances psychiques. C'est dans ce contexte que se sont déroulées les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie les 27-28 septembre 2021.
Une personne sur cinq est touchée chaque année par un trouble psychique, soit 13 millions de Français. Le taux de suicide en France est l'un des plus élevés des pays européens de développement comparable. Avec plus 23 milliards d'euros par an, les dépenses remboursées au titre de la détresse psychique et des maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires.
ont réuni les professionnels de santé du secteur, les représentants des patients et de leurs familles, ainsi que des institutions et organismes publics et privés.
Une haute responsable de Facebook était entendue par les sénateurs américains après une série de révélations du « Wall Street Journal » montrant que l’entreprise avait conscience des impacts négatifs de ses services sur les adolescents.
La responsable de la sécurité de Facebook, Antigone Davis, a fait face à un déluge de critiques et de reproches, ce 30 septembre, lors de son audition devant la commission du commerce du Sénat américain. Mme Davis avait été convoquée pour répondre aux questions des élus sur l’impact d’Instagram, propriété de Facebook, sur la santé mentale des adolescents.
par Benjamin Delille et photo Denis Allard publié le 29 septembre 2021
Ce mercredi, plusieurs centaines d’habitants de Pantin ont rejoint ceux d’Aubervilliers pour dénoncer la cloison de parpaings bloquant l’accès au square de la Porte de la Villette et exiger une prise en charge des toxicomanes par l’Etat.
II est partout, Darmanin. Tagué sur le mur ou brandi sur les pancartes des habitants de Pantin encore sous le choc de cette cloison de parpaings qui leur ferme la Porte de Paris. Elle a été construite vendredi, sur commande du ministre de l’Intérieur et à la surprise générale, pour empêcher les consommateurs de crack de venir dans le quartier des Quatre-Chemins, aux prises avec des problèmes sociaux et la pauvreté. «On était déjà effarés qu’ils déplacent ces gens des Jardins d’Eole jusqu’au square de la Porte de la Villette, mais alors le mur, c’est le pompon», s’indigne une riveraine. Comme elle, ils sont plusieurs centaines à être venus manifester ce mercredi soir à l’appel du collectif Anti-crack 93.
"On est soulagé dans les heures qui suivent" : Mounir fait partie des premiers à avoir expérimenté le cannabis thérapeutique à Clermont-Ferrand. Ce programme expérimental est très encadré et les premiers résultats semblent encourageants.
« Enfin ! » : pour Mounir, âgé de 47 ans, son traitement au cannabis médical est un véritable soulagement. Il est l'un des premiers à avoir rejoint l’expérimentation lancée en avril dernier au CHU de Clermont-Ferrand. Il avait été suivi auparavant par Nicolas Authier, médecin psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand, pour une addiction aux médicaments à base de morphine prescrits pour soulager ses douleurs. Suite à son sevrage, il a pu intégrer l’expérimentation menée à Clermont-Ferrand. Il raconte : « J’ai eu un AVC il y a 21 ans. J’ai des douleurs neuropathiques suite à cet AVC hémorragique ».
Daniel Kahneman, prix Nobel d'économie - Date de parution : 29 septembre 2021
Dès qu’il y a jugement, il y a bruit. Quand deux médecins posent des diagnostics différents pour le même patient, quand deux juges attribuent des peines plus ou moins lourdes pour le même crime, quand deux responsables de ressources humaines prennent des décisions opposées à propos d’un candidat à un poste, nous sommes face au bruit.
Daniel Kahneman, Olivier Sibony et Cass R. Sunstein montrent dans ce livre que le bruit exerce des effets nocifs dans de nombreux domaines : médecine, justice, protection de l’enfance, prévision économique, recrutement, police scientifique, stratégie d’entreprise… Pourtant, le bruit reste méconnu. Il est la face cachée de l’erreur de jugement. Noise nous propose des solutions simples et immédiatement opérationnelles pour réduire le bruit dans nos jugements et prendre de meilleures décisions.
Les idées suicidaires chez les enfants et les ados ne doivent jamais être prises à la légère et, en cas de soupçon, les professionnels doivent leur poser la question sans détour, juge jeudi 30 septembre la Haute autorité de santé (HAS), qui publie des recommandations à destination des acteurs de première ligne pour repérer et prendre en charge les jeunes à risque. Depuis plus de 30 ans, le suicide représente la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et la cinquième cause de mortalité chez les moins de 13 ans, souligne l'instance qui donne encore quelques sombres chiffres : En 2016, 26 décès par suicide ont été enregistrés chez les moins de 15 ans et 352 chez les 15-24 ans.
Il est donc important de prendre au sérieux la parole de tous les enfants et adolescents qui expriment ces idées et de leur apporter une réponse réactive et adaptée, poursuit la HAS, qui prône une écoute active et un questionnement directde la part des professionnels, précisant, pour lever tout les doutes, que poser de façon explicite la question à un enfant ou un adolescent sur la présence d'idées suicidaires n'induira pas de telles idées ou même un passage à l'acte. Parmi les signes qui doivent alerter, elle cite un changement brutal du comportement, la consommation fréquente de drogue ou d'alcool, les actes d'automutilation ou encore les propos suicidaires, qui ne doivent jamais être pris à la légère. Pour évaluer le risque, les professionnels peuvent se baser sur une série de questionnaires standardisés.
Les 27 et 28 septembre dernier, le ministère de la Santé et des Solidarités organisait les premières Assises de la Santé mentale et de la Psychiatrie. L’occasion de rappeler que si la France a longtemps joué un rôle pionnier dans la psychiatrie, dans son organisation et le développement des premières innovations thérapeutiques, notre pays a clairement décroché à la fin du XXème siècle. L’augmentation rapide des besoins suscitée par la pandémie appelle à des réformes systémiques comme à un regard nouveau sur un sujet trop souvent délaissé, selon Angèle Malâtre-Lansac, Directrice déléguée à la Santé au sein de l’Institut Montaigne.
Pékin cherche à empêcher les adolescents de construire une « pensée collaborative » pouvant les amener à réinventer le monde, analyse le psychiatre dans une tribune au « Monde ». Au risque d’affecter les capacités créatives du pays.
Les collégiens et les lycéens chinois se souviendront de ce mois de septembre comme de celui où le gouvernement de leur pays a interdit aux moins de 18 ans de jouer plus de trois heures par semaine aux jeux vidéo en ligne.
Et encore, il ne s’agit pas de trois heures au choix, mais de trois heures fixées autoritairement au vendredi, samedi et dimanche, à raison d’une heure chacune de ces journées, entre 20 heures et 21 heures. Une exception est faite pour les congés scolaires où il y aurait possibilité de jouer une heure par jour dans la même tranche horaire.
A l’occasion des dix ans de notre supplément hebdomadaire « Science & médecine », nous avons demandé à des spécialistes de la médecine de se projeter dans une décennie pour décrire les transformations du secteur.
Dix ans, c’est peu de chose à l’échelle du temps nécessaire au développementdes médicaments et des recherches en santé. La pandémie a cependant montré que des coups d’accélérateur puissants pouvaient être donnés dans certaines circonstances.
A l’occasion des dix ans du supplément « Science & médecine » du Monde, nous avons demandé à des spécialistes de la médecine de se projeter dans une décennie pour évoquer les transformations à venir. Rendez-vous en 2031 pour mesurer l’écart entre ces prédictions et la réalité.
Médecine personnalisée : « On se retournera sur la façon dont on prescrit les médicaments aujourd’hui et on se dira : “C’était l’âge de pierre” »
Le fils de Manon a commencé à se "retirer du monde" à l'adolescence. Impossible de le sortir de sa chambre. Jusqu'au jour où elle découvre ce qu'il fait la nuit. Le fils de Corinne dit non à tout. C'est un "mollasson". Tous les moyens sont bons pour arriver à le faire sortir. Y parviendra-t-elle ?
Au Japon, les adultes qui s'isolent du reste du monde en se retranchant dans leur chambre ont un nom : ce sont les hikikomoris. En France, de plus en plus de jeunes gens - le plus souvent des jeunes garçons - cèdent à la tentation de déserter leur vie sociale, scolaire et professionnelle pour ne plus quitter leur cocon de solitude. Qu'ils jouent à des jeux vidéos, lisent compulsivement ou simplement dorment nuit et jour, ces jeunes adultes ne cherchent plus à s'intégrer à la société. Voici deux témoignages de mères, déstabilisées par leurs fils qui ne sortent plus de leur lit et qui ne répondent plus que par des grognements au travers de leurs portes.
Lâche ta manette !
Le fils de Manon s'est progressivement cloîtré dans sa chambre. C'est toutefois dès son enfance que le corps enseignant repère les signes d'une immobilité maladive.
L'enseignante me dit : "Honnêtement, il n'a pas l'air du tout heureux à l'école. Il ne bouge pas. Il pourrait entrer au musée Grévin, car il ne bouge pas, il ne fait pas un geste." Et là, je me rappelle très bien, je suis rentrée à la maison, je me suis mise à pleurer, parce que c'est quand même assez terrible. Manon
A l'adolescence, le fils de Manon ne descend plus que rarement pour les repas et rechigne à se rendre au collège. Même s'il a de bons résultats scolaires, il semble n'avoir de goût à rien et reste toute la journée enfermé dans sa chambre. Un jour, elle découvre l'addiction de son fils : il se rend chaque nuit dans une salle de jeux vidéos.
La journée, il est enfermé dans sa chambre, et la nuit, il est enfermé dans une salle de jeux. Manon
Le nom, déjà, pourrait sonner comme une forme de provocation. « Les Lumières à l’ère numérique ». C’est l’appellation de la commission installée cette semaine par Emmanuel Macron et présidée par le professeur de sociologie Gérald Bronner (auteur de plusieurs essais sur la fabrication des croyances et la transmission des informations), chargée de s’interroger sur la façon dont internet, présenté comme un formidable outil de démocratisation de l’accès à l’information et la formation, a cependant amplifié de nombreux biais, vieux comme le monde. Il s’agit par exemple du fameux biais de confirmation et autres confusions entre causalité et corrélation. Gérald Bronner et les membres de la commission souhaitent non seulement établir un état des lieux (en s’appuyant sur la littérature produite à ce sujet) mais également réfléchir à des solutions pour éviter les dérives entraînées par la « mise en concurrence directe de toutes les visions du monde » qu’elles relèvent de la « rationalité, de la croyance, de la magie, de la superstition». Il s’agira par exemple de s’intéresser aux algorithmes utilisés par les réseaux sociaux et autres sites de recherche, qui sont nourris par la « négativité » : les informations controversées sont ainsi plus susceptibles d’être reprises que les autres. Gérald Bronner rappelle par exemple comment une enquête concernant Youtube a mis en évidence qu’une requête avec le mot « climat » renvoyait à « plus de 50 % [vers] une vidéo climatosceptique ». C’est ce que Gérald Bronner désigne par l’expression « asservissement numérique ». Quel rôle l’éducation peut jouer face à cette véritable dérégulation du marché de l’information ? Comment allier liberté d’expression et maîtrise de certains contenus ? Comment rendre plus attractives les informations vérifiées ? Autant de questions qui feront l’objet d’un rapport qui, promet Gérald Bronner, sera dûment publié et envoyé à tous les candidats à l’élection présidentielle.