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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 5 juin 2020

Que faisait-on des malades mentaux en Russie avant l’apparition de la psychiatrie ?

Votre guide complet sur les ovnis, les morts mystérieuses et les ...

[Agence de presse officielle du gouvernement russe ...]

Il y a toujours eu beaucoup de fous en Russie. Certains d'entre eux étaient vénérés comme des «fols-en-Christ», mais pas tous. Les fous dangereux, par exemple, représentaient une menace pour eux-mêmes et leur entourage, et la société russe a commencé à résoudre le problème de la folie bien avant l'apparition de la psychiatrie dans l'Empire russe.
La cathédrale Saint-Basile sur la place Rouge, l'un des principaux symboles de la Russie, a en effet été nommée en l’honneur d’une telle personne. « Bienheureux », « fols-en-Christ », tels étaient les noms communément donnés en Russie aux faibles d'esprit inoffensifs vivant de l’aumône dans les églises et les monastères. Avant l'avènement de la médecine scientifique en Russie dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la question des aliénés était traitée de la même manière que dans les sociétés antiques - elle relevait entièrement de la compétence de la religion. Même les mots servant à nommer les aliénés étaient liés à Dieu - « divins », « atteints de la colère de Dieu », etc.
Bien sûr, tous les « fols-en-Christ » n'étaient pas des fous ordinaires - surtout compte tenu du rôle social de certains d'entre eux. Lorsque saint Basile le Bienheureux, vénéré à Moscou pour son absence de tout bien, même minimal, son courage et sa vie ascétique, est mort, Ivan le Terrible en personne a porté son cercueil vers son dernier repos. Parmi les « saints fous », il y avait aussi de nombreux faux prophètes et escrocs qui utilisaient cette image à des fins mercantiles. Mais il y avait de vrais déments, dont on disait souvent qu’ils souffraient de « faiblesse noire ».
On croyait qu'un tel état provenait d'une malédiction, du mauvais œil et, enfin, de la possession démoniaque. Les malades mentaux qui pouvaient être utiles dans l'agriculture ou qui avaient un comportement inoffensif et doux étaient confiés aux communautés rurales. Les fous « démoniaques » faisaient l’objet d’un rite d'exorcisme (appelé « Otchitka »), qui dans l’orthodoxie, consiste à réciter certaines prières sur les « possédés », à les asperger d'eau bénite, à les oindre d'huile, etc. Quant aux autorités laïques, elles n'ont pendant longtemps rien prescrit de spécial aux malades mentaux.

Évolution du rapport à la folie


Le fol-en-Christ moscovite Saint Basile (Vassili)


Adolescents français : plutôt bien dans leur peau, quoique…

Univadis


Serge Cannasse    28 mai 2020


Depuis 1982, le bureau Europe de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) organise une enquête dans plusieurs pays (45 actuellement), essentiellement européens, par questionnaires auto-administrés, sur la santé, le vécu scolaire et les comportements relatifs à la santé des élèves âgés de 11, 13 et 15 ans : l’enquête HBSC ( Health Behaviour in School-Aged Children ). La France y participe depuis 1994. L’OFDT ( Observatoire français des drogues et des toxicomanies ) a publié les données collectées en 2018, en se concentrant sur celles relatives aux élèves français.

Coronavirus : qu’avons-nous ressenti pendant le confinement ?

Public Sénat — Wikipédia

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Pendant le confinement, les émotions des Français varient d’une région à l’autre. Colère, peur ou encore espoir, la Fondation pour l’innovation politique propose une cartographie pour mesurer les différences entre les régions.


Des vies confinées et bouleversées pendant au moins deux mois. Mais qu’avons-nous ressenti lors du confinement ? La Fondation pour l’innovation politique a décidé de mesurer et cartographier les émotions des Français en fonction des régions. « L’aspect régional est rarement pris en compte dans les enquêtes d’opinion. Avec la crise du Covid19, et les différences dès le début entre le Grand Est et le reste, il nous semblait intéressant de faire ce découpage » résume Madeleine Hamel, auteure du rapport.
 Entre perception et réalité
 Dans les douze régions prises en compte, le nombre d’hospitalisations est mesuré et comparé à trois émotions : la colère, la peur et l’espoir. Cette comparaison, entre situation sanitaire et émotions ressenties à l’échelle régionale, indique « une dissociation entre la perception et la réalité du coronavirus » détaille Madeleine Hamel. « Par exemple, si l’Ile-de-France a été très touchée par le virus, son niveau de peur n’est pas sensiblement différent par rapport à d’autres régions ». À titre d’exemple, la région Pays de La Loire se montre plus « peureuse » en dépit de leur faible niveau d’hospitalisation. L’auteure émet une hypothèse sur cette distinction : « peut-être est-ce la crainte de voir arriver sur le territoire ce qui n’est pas encore présent ?  Ou bien, au-delà des effets sur la santé, la crainte des répercussions économiques et sociales spécifiques au contexte de la région. » 

Essai Recovery : la chloroquine, «ça ne marche pas»

Des cachets d’hydroxychloroquine.
Des cachets d’hydroxychloroquine. 
Photo Louai Beshara. AFP

Lancé en mars, l’essai clinique britannique, le seul qui avait continué ses recherches sur la molécule après la publication de l’étude du «Lancet», a annoncé sans ambiguïté son inefficacité contre le Covid-19. D’autres traitements sont testés.

C’est un premier résultat scientifique majeur qui ne peut qu’être pris très au sérieux. Vendredi, les responsables de l’essai clinique britannique Recovery ont annoncé que l’hydroxychloroquine ne montrait pas «d’effet bénéfique pour les malades du Covid-19» et qu’ils suspendaient «immédiatement» l’inclusion de nouveaux patients pour ce traitement. «Il ne s’agit pas d’un traitement contre le Covid-19. Ça ne marche pas», a déclaré sans ambiguïté le professeur Martin Landray, de l’université d’Oxford, codirigeant de l’essai. «Ce résultat devrait changer les pratiques médicales dans le monde entier. Nous pouvons désormais cesser d’utiliser un traitement qui se révèle inutile», a-t-il ajouté.

jeudi 4 juin 2020

Résistance, mais où sont passés les "jours heureux" ?

4 ÉPISODES (3 DISPONIBLES)

À PROPOS DE LA SÉRIE
Résistance, mais où sont passés les jours heureux ? Les jours heureux, du nom du programme du Conseil national de la Résistance. Qui étaient les résistants ? Comment se sont-ils unis malgré leur désaccords ? Nous évoquerons l'esprit de résistance avec un grand témoin, Annette Beaumanoir, ainsi que la figure d'Ambroise Croizat, père de la Sécurité sociale. Quand un monde nouveau est à reconstruire, c'est toute cette semaine dans Le Cours de l'histoire.
TOUS LES ÉPISODES
53 MIN
LE 01/06/2020
Comment unir ce qui est désuni ? Qui étaient ces résistants français devenus la Résistance française en 1943, en parvenant à unifier au sein du Conseil...

Cannabis thérapeutique : les premières expérimentations reportées à janvier 2021

Nicolas Evrard
| 03.06.2020
L'expérimentation du cannabis thérapeutique en France, qui doit concerner environ 3 000 patients pendant deux ans et devait initialement débuter en septembre est reportée « au plus tard en janvier » en raison de l'épidémie de Covid-19, vient d'indiquer l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

TRAITER LES MOTS À LA RACINE

Par Robert Maggiori  

Après le succès mondial de «la Langue géniale», la jeune helléniste italienne Andrea Marcolongo publie «Etymologies. Pour survivre au chaos», un voyage plein de surprises à travers une centaine de vocables, guidé par sa quête d’authenticité.

La journaliste et écrivaine italienne Andrea Marcolongo, en avril 2019 à Strasbourg.
La journaliste et écrivaine italienne Andrea Marcolongo, en avril 2019 à Strasbourg. Photo Pascal Bastien. Divergence pour Libération

Un taux aussi élevé de suicides était anormal. La société tahitienne (années 1960) ne pouvait quand même pas être atteinte collectivement de dépression mélancolique. Intrigué, l’anthropologue et psychothérapeute Robert Levy lance une longue enquête (Tahitians : Mind and Experience in the Society Islands, 1973) et arrive à des conclusions déconcertantes. Il identifie en effet une curieuse «maladie» : l’hypocognition - à savoir «la condition de celui qui est condamné à "connaître moins"», dont la cause tiendrait à une particularité de la langue tahitienne. Riche et précise, munie d’un «lexique médical» très détaillé pour désigner la «douleur du corps», celle-ci présente en effet une véritable carence de mots aptes à traduire la «douleur de l’âme», de «la tristesse passagère la plus banale jusqu’à la mélancolie, l’angoisse, la culpabilité, la rage». Par conséquent, «éprouvant une douleur insupportable […] mais ne sachant pas l’exprimer par des mots - une chose étrangère, jamais vue, dont personne n’a fait l’expérience, car elle n’a jamais été nommée -, les habitants de Tahiti, privés des moyens linguistiques pour dire combien ils souffraient et pour élaborer leurs propres états d’âme, choisissaient de s’ôter la vie».

Publication du rapport d’activité 2019

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Photographie: JC Hanché pour le CGLPL
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a publié le 3 juin 2020 son rapport d’activité pour 20191. Publié aux éditions Dalloz, ce rapport est disponible en librairie. Il sera téléchargeable en intégralité sur le site du contrôle général à partir de mercredi 15 juillet (délai conventionnel pour ne pas interférer avec les actions promotionnelles de l’éditeur).

Difficile de porter un masque pour les personnes atteintes de troubles neuropsychologiques

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Objet emblématique de la pandémie de Covid-19, le masque de protection faciale ne va pas sans poser quelques difficultés.

Il peut être difficile, pour les personnes qui présentent des TSA, de reconnaître les émotions d'un visage masqué. | Anastasiia Chepinska via Unsplash
Il peut être difficile, pour les personnes qui présentent des TSA, de reconnaître les émotions d'un visage masqué. | Anastasiia Chepinska via Unsplash
Passée la période de pénurie où il a été réservé aux personnels soignants et aux malades, le masque de protection faciale s'est rapidement fait une place parmi nos objets fonctionnels du quotidien. Il est désormais un sésame pour les transports en commun, les centres de soins ou encore les bureaux.
Mais il ne va pas sans poser un certain nombre de difficultés pour les personnes atteintes de troubles neuropsychologiques: stigmatisation et discrimination, restriction des libertés, sensations insupportables ou encore altération de la communication.
Ce constat pose question dans le cadre d'une société à vocation inclusive qui se trouve confrontée à une situation sanitaire inédite et extrême, nécessitant la participation de tout le monde.
Pour comprendre les problématiques qui se posent, il convient d'écouter autant les psychiatres et psychologues que les personnes vivant avec des troubles de différentes natures (anxiété, agoraphobie, troubles du spectre de l'autisme, etc.).

« Croire qu’une société développée doit protéger ses aînés au détriment de ses jeunes est une erreur »

La pandémie constitue une crise sociale et générationnelle majeure qui hypothèque l’avenir des jeunes, estime la sociologue Anne Lambert, responsable scientifique de l’enquête Coconel (« Coronavirus et confinement »), dans une tribune au « Monde ».
Publié le 3 juin 2020

Tribune. N’ayons pas peur des mots. La pandémie a creusé les inégalités entre les générations, mais elle a aussi réveillé la guerre – politique, celle-là – entre les âges. Car en matière d’avenir et d’investissements collectifs, c’est bien de choix politiques dont il s’agit. La solidarité a un coût.
L’enquête Coconel « Logement, travail, voisinage et conditions de vie : ce que le confinement a changé pour les Français », réalisée par l’Ined, est, de ce point de vue, sans appel.
Rappelons brièvement ses principaux enseignements. Conduite du 30 avril au 4 mai par Internet, auprès de la population adulte française, l’enquête montre que, quel que soit l’indicateur retenu (logement, conditions de vie, revenus, emploi), la situation des jeunes s’est massivement dégradée et ce, plus fortement que pour les autres tranches d’âge.
Certes, aucune catégorie n’a été épargnée par le confinement et la récession qui a suivi. Mais les jeunes apparaissent les plus touchés par la crise sociale et économique engendrée par la pandémie de Covid-19 et le confinement, en raison de leur précarité aujourd’hui devenue structurelle.

La difficile relocalisation de l’industrie pharmaceutique






Nous sommes le 11 mars, en fin de matinée, quelques heures avant que l’Organisation mondiale de la santé ne qualifie de « pandémie » le Covid-19. Au siège de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), on se prépare à affronter la vague, mais son ampleur est encore largement sous-estimée. Les nouvelles qui arrivent d’Italie sont pourtant bien sombres : dans le nord du pays, le système de santé est submergé par l’afflux de patients en état de détresse respiratoire, qui nécessitent des soins lourds en réanimation.
Installé dans une salle de réunion, Rémi Salomon, le président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP, écoute avec inquiétude le récit des médecins du San Raffaele Institute, à Milan, où le confinement a été décidé la veille. « Ce qu’ils nous racontaient était terrible », se rappelle-t-il. Le manque de lits, de personnels, mais aussi, bientôt, de médicaments. Ce jour-là, on parle d’azithromycine, un antibiotique courant, mais, très vite, les pénuries vont menacer plusieurs molécules indispensables à la réanimation des malades : les curares, utilisés pour relâcher les muscles avant l’intubation, le propofol, un anesthésique et le midazolam, un hypnotique.
Après l’Italie, la France. Dès le 27 mars, l’AP-HP diffuse un document encourageant les médecins à changer leurs pratiques pour économiser ces molécules. Cinq jours plus tard, l’AP-HP ainsi que huit autres grands centres hospitaliers universitaires (CHU) européens lancent un appel à l’aide aux gouvernements : « Les hôpitaux seront bientôt à court de médicaments essentiels pour traiter les patients atteints du Covid-19 hospitalisés en réanimation (…). Ils risquent de ne plus pouvoir fournir des soins intensifs adéquats d’ici une à deux semaines », avertissent-ils.

Tracer les médicaments à chaque étape de leur fabrication

Problème : les autorités de santé ne savent pas où aller chercher ces médicaments. Chaque année, les industriels déclarent leurs sources d’approvisionnement à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, mais, faute de moyens suffisants, ces données ne sont pas exploitées, ce qui rend impossible l’identification des maillons faibles : « Sur le papier, avec dix fabricants différents pour un même médicament, on a une impression de sécurité. Mais si tous achètent leur principe actif au même endroit, il y a un risque », souligne un consultant qui préfère rester anonyme.
Commandé en septembre 2019 par le premier ministre, Edouard Philippe, un rapport sur les causes industrielles des pénuries de médicaments préconise de doter l’agence d’un système d’information permettant de tracer les médicaments à chaque étape de leur fabrication. Dans ce document encore confidentiel – que Le Monde a pu consulter –, les auteurs insistent sur la nécessité de « lancer une étude portant sur les façonniers impliqués dans ces maillons, afin, notamment, d’identifier les sites ou les lignes de production pour lesquels le maintien en France ou en Europe est stratégique et doit être encouragé ».
Ce pourrait être le cas des usines de midazolam, une molécule utilisée aussi bien en réanimation que pour l’accompagnement des malades en fin de vie. Brevetée, en 1979, par le laboratoire Roche et commercialisée, entre autres, sous la marque Hypnovel, elle est, depuis longtemps, tombée dans le domaine public. Son principe actif, qui se présente sous la forme d’une poudre blanche à diluer pour en faire une solution injectable, est désormais fabriqué à bas coût par une multitude d’industriels, dont les plus importants se trouvent en Inde.

« Les groupes préfèrent délocaliser dans des pays à bas salaire »

C’est aujourd’hui la norme : 80 % des « ingrédients » indispensables à la confection des médicaments consommés en Europe sont achetés ailleurs, principalement en Asie, où les contraintes environnementales sont plus souples et la main-d’œuvre moins chère. « En dépit des possibilités d’automatisation, les groupes préfèrent délocaliser dans des pays à bas salaire, de façon à dégager des marges importantes, grâce auxquelles ils pourront verser des dividendes élevés à leurs actionnaires et, ou, compenser les investissements réalisés pour le marketing et la recherche et développement », précise El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine.
« Je soupçonne certains laboratoires d’utiliser des principes actifs fabriqués dans des usines qui n’ont pas reçu l’approbation des autorités de santé, mais elles n’ont pas les moyens de vérifier »
Sur les sept fabricants contactés par Le Monde, seuls trois ont accepté de préciser – en partie – leur chaîne d’approvisionnement. « Les entreprises n’aiment pas beaucoup dire qu’elles se fournissent auprès de sous-traitants », constate le chimiste Joseph Fortunak, qui a travaillé plus de vingt ans dans l’industrie pharmaceutique. Professeur à la Howard University à Washington, il a passé vingt-cinq heures à naviguer dans différentes bases de données pour identifier les fabricants du principe actif du midazolam. « Je soupçonne certains laboratoires d’utiliser des principes actifs fabriqués dans des usines qui n’ont pas reçu l’approbation des autorités de santé, mais elles n’ont pas les moyens de vérifier », estime-t-il.
Jusqu’en 2004, M. Fortunak supervisait la production de midazolam pour le compte du laboratoire américain Abbott. « A l’époque, le principe actif était fabriqué aux Etats-Unis. Par la suite, le laboratoire a préféré s’approvisionner en Inde car c’était moins cher. Vendre des principes actifs est bien moins rentable que vendre des produits finis », analyse-t-il, en précisant que, peu après son départ, Abbott s’est désengagé des génériques en créant une société spécifique, Hospira, acquise, en 2015, par son concurrent Pfizer.
Trouver, mettre aux normes et ouvrir une usine en Europe prend entre trois et cinq ans
Avant de céder son Hypnovel, fin 2019, à l’allemand Cheplapharm, le laboratoire Roche sous-traitait la fabrication du principe actif à un italien, le groupe Fabbrica Italiana Sintetici. Le laboratoire français Aguettant Pharma s’approvisionne pour sa part auprès de l’américain Cambrex, dont l’unité de production de midazolam est aussi située en Italie. Cependant, rien ne filtre sur l’organisation de la chaîne, plus en amont : d’où viennent les matières premières chimiques utilisées dans ces usines ? Sous-traitent-elles une partie de leur production ?
Une fois le principe actif acheté, il faut fabriquer le médicament, le conditionner dans des ampoules. « Nous en formulons l’essentiel sur des sites de notre maison mère, en Inde », confie Xavier Mesrobian, directeur général d’Accord Healthcare France, filiale française du laboratoire indien Intas. Une minorité de lots, destinés au marché britannique, sont produits dans une usine rachetée par le groupe en 2016, au Royaume-Uni. « Nous souhaitons nous rapprocher des marchés dans lesquels nous sommes actifs, mais c’est très compliqué », regrette-t-il.
Trouver, mettre aux normes et ouvrir une usine en Europe prend entre trois et cinq ans. Pour les produits injectables comme le midazolam, le site doit être stérile, ce qui induit des coûts supplémentaires. Dans un rapport sur l’indisponibilité des médicaments publié en 2018, l’Académie nationale de pharmacie rappelait que « les capacités de production pour ces médicaments injectables sont limitées car la production se fait en locaux dévolus, avec des mesures de confinement strictes et des procédures de travail lourdes pendant et après la fabrication ». A ces contraintes s’ajoute la question du volume, une ampoule occupant plus de place sur un tapis roulant qu’un comprimé.

« Mieux orienter les aides publiques »

Finalement, conclut Xavier Mesrobian, « investir dans une nouvelle usine qui ne produirait que du midazolam ne serait pas rentable. C’est un médicament qui prend beaucoup de temps de machine, mais ne rapporte quasiment rien  en France, une ampoule est vendue environ 20 centimes d’euros ». Depuis le début de la pandémie, l’ensemble des lignes d’Accord Healthcare autorisées à en produire tourne jour et nuit. Les lots destinés à la France sont envoyés chez un dépositaire, à Amiens, où des tests qualité et le packaging sont réalisés, avant la livraison aux hôpitaux.
Sur le principe, les industriels ne se disent pas hostiles à la relocalisation. « Encore faudra-t-il que les gens acceptent la présence de sites Seveso au fond de leur jardin. Car qui dit production de matière première dit usines de chimie fine », rappelle Philippe Lamoureux, le directeur général des Entreprises du médicament, le lobby de l’industrie pharmaceutique. A l’entendre, tout rapatriement serait illusoire sans un « pacte industriel » prévoyant un allègement de la fiscalité sur les investissements productifs. Et une garantie sur les prix pratiqués en France, qu’il juge trop bas. La question de la provenance des principes actifs se pose cependant dans toute l’Europe, y compris dans les pays où les médicaments sont vendus plus chers que dans l’Hexagone.
Pour pousser les laboratoires à réinvestir, la Commission européenne a annoncé, le 28 mai, qu’elle était prête à encourager le rapatriement de capacités de production. Si le détail des mesures ne sera pas connu avant la fin de l’année, c’est bien à l’échelle européenne que les décisions déterminantes pourraient être prises. « Dans les mécanismes réguliers, les normes européennes n’autorisent pas les Etats à mener des politiques ciblées sur tel ou tel secteur, indique El Mouhoub Mouhoud. Il faudrait changer les règles, de façon à mieux orienter les aides publiques, notamment le crédit d’impôt recherche, en le concentrant sur les chaînons manquants des filières de production. Ainsi que sur les secteurs stratégiques, comme la santé : aujourd’hui, le crédit d’impôt recherche est aussi bien alloué à l’industrie pharmaceutique qu’à la grande distribution ». En définitive, le cadre législatif est le même pour le médicament et les biens de consommation courants. L’enjeu humain, pourtant, est bien différent.