Le juge Vautier (à g.) a décidé de prolonger l’hospitalisation de Pascal (de dos, à g.)
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Quelques chaises sont installées sur une moquette rouge. Des feuilles sont fixées sur un mur blanc. Deux tables font face à un large bureau. La simplicité de la salle d’audience de l’hôpital psychiatrique de Navarre contraste avec les lourdes boiseries du tribunal de grande instance d’Évreux. À chaque internement sur demande d’un tiers, le directeur de l’établissement doit saisir le juge des libertés et de la détention en vue d’une audience, dans un délai maximum de douze jours, à compter de l’admission initiale. À Navarre, elles se tiennent deux fois par semaine. Les patients ont ainsi la possibilité de contester leur internement devant le juge.
«JE NE SUIS PAS DU TOUT MALADE»
Ce mardi matin, Romane* entre dans la pièce le regard perdu. La jeune femme avance lentement, entourée par deux soignants. Elle s’assoit derrière une table, aux côtés de son avocate. Il s’agit de sa onzième hospitalisation. Elle est arrivée à Navarre après de nouveaux troubles anxieux. « Savez-vous pourquoi vous êtes ici? », questionne le juge Stéphane Vautier. Seul le bruit du clavier d’ordinateur utilisé par son greffier vient rompre le silence. « Quel est votre avis sur la suite? Devez-vous rester là? » Romane sort de son mutisme : « Je crois ». À la suite du jugement, le patient dispose de dix jours pour contester la décision du magistrat. Il a également la possibilité de le saisir tout au long de son séjour.
Surprise, incidents, gaffes ou divergences… La vie n’est pas un long fleuve tranquille quand on est ministre de la Santé. Pendant l’été, legeneraliste.fr revient sur les histoires des plus marquantes, qui ont parfois valu une place ou coûté un poste à certains locataires de l’avenue de Ségur. Aujourd’hui, la machine à remonter le temps nous amène 35 ans plus tôt pour évoquer la nomination de Jack Ralite, un des quatre ministres PC de François Mitterrand…
Etait-ce pour se tenir les coudes ? Ou pour montrer qu’il faudrait compter avec eux ? Ce 24 juin 1981, les quatre nouveaux ministres communistes avaient fait en sorte d’arriver ensemble dans la cour de l’Elysée. A eux seuls, ils étaient bien l’attraction de ce premier conseil des ministres du gouvernement Mauroy 2. Et pour cause : cela faisait plus de 35 ans qu’il n’y avait pas eu de communistes dans un gouvernement français ! Et le contexte international ne portait guère à l’oecuménisme : en 1981, la crise des euromissiles est loin d’être résolue entre l’Ouest et l’Est… et le PC a bien du mal à choisir son camp.
Autant dire que la droite en France, mais aussi les Etats-Unis s’inquiétèrent bruyamment de l’arrivée de ces ministres pas comme les autres. Le casting avait donc été longuement négocié entre Matignon et la place du Colonel Fabien. Pas question de leur lâcher un poste régalien ! Et la surprise vint de la santé parmi les maroquins obtenus. Et du nouveau locataire de l’avenue de Ségur aussi : Jack Ralite, ancien journaliste à l’Huma, député, adjoint au maire d’Aubervilliers, et plus connu pour être un spécialiste de la culture que de la santé.
Accoucher sans médecin, ni péridurale. Ce sera bientôt possible dans les maisons de naissances expérimentales qui devraient ouvrir leurs portes dans les prochains mois en France. Ce type d’établissement existe déjà dans de nombreux pays (Allemagne, Suisse, Italie, Espagne, Australie...), mais pas encore dans notre pays où quelque 800 000 accouchements sont pratiqués chaque année.
Il faut inscrire les droits et les devoirs de l’humanité au préambule des Constitutions des Etats.
Le président François Hollande a demandé, il y a environ un mois, à Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Ecologie, une «Déclaration universelle des droits de l’humanité». Ce texte aurait pour objet de compléter la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948 par les Nations unies. L’idée serait de discuter cette déclaration et, éventuellement, de l’adopter lors de la conférence climat qui se déroulera à la fin de l’année à Paris (COP 21).
Durant tout l'été, le syndicat CGT, majoritaire au CH de Martigues (Bouches-du-Rhône), reste mobilisé (mouvements ponctuels de grève, information de la population et mobilisation des élus, rencontre avec la direction...) pour empêcher la signature du contrat de retour à l'équilibre financier (Cref) entre l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et la direction, explique à Hospimedia Josy Capozi, élue CGT au conseil de surveillance (CS) de l'établissement.
À l’occasion des 400 ans de l’EPSM d’Armentières, nous nous intéressons à l’évolution de la psychiatrie. Aujourd’hui, on hospitalise moins, mais on intervient au plus près des patients, y compris à domicile. L’EPSM a mis en place depuis quatre ans des équipes mobiles. Rencontre avec ces professionnels de l’écoute.
La psychiatrie a évolué. Ils en sont la preuve très concrète. « Nous avions sur le secteur G 20 (qui regroupe les communes de Lambersart, Lomme Lompret, Saint-André et Verlinghem) 43 lits d’hospitalisation jusqu’en 2012, explique le Dr Elia, nous n’en avons plus que 19 aujourd’hui. »
Pour autant, la population ne va pas mieux au point de se passer de soins de santé mentale. Mais les modalités d’interventions sont différentes. « Nous avons identifié un besoin important de continuité et d’intensité. Entre le CMP (centre médico-psychologique), qui propose des consultations en semaine, et l’hospitalisation, qui peut être vécue comme lourde et contraignante, c’est une possibilité supplémentaire. »
Faut-il permettre aux commissaires aux comptes d'accéder aux dossiers patients ? Brandissant le Code de la santé publique, deux directeurs, à Boulogne-sur-Mer et Tourcoing, ont refusé d'agir de la sorte "dans le respect des règles de déontologie médicale". Résultat : ils ont tous deux écopé d'une réserve. Un groupe de travail s'annonce à la DGOS.
En dix-huit ans, la situation des femmes se destinant à la médecine aura bien évolué. En 1867, le Conseil de l'instruction Publique se prononce contre l'entrée des femmes dans la médecine, jugeant cette admission contraire aux mœurs et aux conditions sociales. Quand elle n’est pas présentée comme un monstre hermaphrodite, on invoque sa faiblesse pour lui refuser l’accès à la faculté : pas assez de force physique, des menstruations inopportunes, une nature trop sensible… Et si jamais elle tombe enceinte, comment fera-t-elle pour s’approcher des malades ?
« Pour être médecin il faut avoir une intelligence ouverte et prompte… »
Un certain Richelot remarque même : « Pour être médecin il faut avoir une intelligence ouverte et prompte, une instruction solide et variée, un caractère sérieux et ferme, un grand sang-froid, un mélange de bonté et d'énergie, un empire complet sur toutes ses sensations, une vigueur morale, et au besoin, une force musculaire. Ne sont-elles pas au contraire de la nature féminine ». Tout cela n’empêche pas l’anglaise Élisabeth Garrett, en 1870, puis Madeleine Brès, en 1875 d’obtenir leur doctorat contre vents et marées, grâce notamment dans le cas de la Française au soutien de l’impératrice Eugénie et du ministre de l’Instruction publique, Victor Duruy.
Comme autant de préfets, le passage de 22 à 13 régions va s’accompagner de la disparition de neuf postes de directeur général d’agence régionale de santé (ARS). C’est ce que le dernier conseil des ministres avant la trêve estivale a acté, ce vendredi. Ainsi, « dans chaque région fusionnée, il y aura l’an prochain un seul préfet de région, un seul recteur de région académique, un seul directeur d’agence régionale de santé et un seul directeur régional pour chaque réseau ministériel », indique le gouvernement dans le compte rendu du Conseil. Il est d’ailleurs précisé qu’issues des directions actuelles, « les futures directions régionales seront implantées sur les sites existants qui seront maintenus ».
Jusqu'à présent, les nomenclatures de métiers existant à l'Insee ou la Dares n'offraient pas une parfaite connaissance statistique de la fonction publique. Depuis quelques mois, la DGAFP a donc mis sur pied sa propre nomenclature avec treize grandes familles de métiers. Une démarche qu'elle explique dans un document mis en ligne ce 27 juillet.
L’histoire de l’homéopathie inventée par un médecin saxon
L’homéopathie est une thérapie pour le moins singulière. Officiellement récusée en raison de sa non-scientificité, absente à ce titre des hôpitaux publics, elle demeure prescrite par de nombreux médecins et constitue souvent pour les patients«un médicament comme un autre»,remboursé en France par la Sécurité sociale. C’est l’histoire de cette étrange et très paradoxale théorie, située«à la fois dans la médecine et en dehors d’elle»,que retrace l’ouvrage d’Olivier Faure.
Et le recours à l’histoire se révèle ici particulièrement éclairant. On doit au médecin saxon Samuel Hahnemann l’invention, à la fin du XVIIIe siècle, des grands principes fondateurs : loi des similitudes selon laquelle la substance qui donne le mal peut aussi le combattre, traitement individualisé, dilution et succussion des molécules actives dans un fort volume d’eau.
On sait que la profession de psychiatre n’attire plus beaucoup les étudiant(e)s, et ce constat vaut pour plusieurs pays. Au Royaume-Uni par exemple (où la pénurie de psychiatres est décrite comme une « crise »), moins d’un étudiant en médecine sur vingt indique avoir l’intention de se spécialiser en psychiatrie. Les facteurs expliquant cette médiocre attractivité sont notamment la perception du «mauvais pronostic des maladies mentales » (20 % des raisons alléguées) et la « faible base scientifique de la psychiatrie » (18 %). Menée auprès de 15 facultés de médecine (en Europe et en Asie)[1], une étude a donc cherché à préciser l’image de la psychiatrie et des psychiatres auprès d’enseignants dans ces facultés (n=1 057).
Le simple fait de se tenir debout serait déjà bénéfique pour la santé et notamment pour le cœur. D’après une étude publiée vendredi dans le journal de la Société européenne de cardiologie, la station debout permettrait ainsi d'améliorer les niveaux sanguins de cholestérol, de graisses et de sucre. Passer plus de temps debout et marcher pourraient en outre avoir un effet bénéfique supplémentaire sur le tour de taille et l'indice de masse.
S'inscrivant dans le cadre du troisième plan Autisme, plusieurs ARS (Aquitaine, Bourgogne, Haute-Normandie...) ont lancé des études pour identifier les besoins en formation sur leurs territoires. Lerapportde synthèse du Creai sur la région Centre-Val-de-Loire vient d'être rendu public. Les propositions du centre régional d'étude d'action et d'information en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (Creai)* reposent en partie sur l'analyse d'entretiens de treize professionnels (chefs de service, psychologues, éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs, aides médico-psychologiques, infirmiers…) et de huit aidants familiaux (parents, frères, sœurs, grands-parents ou proches). Il souligne de multiples lacunes concernant aussi bien la formation initiale et continue des professionnels que l'information-formation des aidants.
« C’est un masturbateur. » Marie (elle souhaite rester anonyme) chuchote en éloignant le combiné. Emmanuel Roy lui répond par un regard entendu. Les masturbateurs représentent « à peine 5 % des appelants », précise M. Roy, qui gère la plate-forme parisienne de la ligne téléphonique Solitud’Ecoute, un numéro vert animé par des bénévoles des Petits Frères des pauvres sept jours sur sept, de 15 heures à 18 heures. « L’autre jour, je lui ai pris la main, poursuit l’appelant. Elle n’a rien dit. Elle m’a serré la main. Ça m’a émoustillé… » Marie reste patiente. En aparté : « C’est un retraité veuf. Tout le monde le connaît. Il fantasme sur son aide ménagère. Quand il commence à entrer dans les détails, je ne le laisse pas aller plus loin. » De fait, elle coupe court : « On connaît la suite, monsieur. Allez, bonne journée ! »
Créée en mars 2015, l'association de chiens d'assistance pour les diabétiques (Acadia) espère devenir le premier réseau d'éducation canine spécialisée sur le diabète en France. Primée par le concours Jeunes Talents Rhône-Alpes 2015, cette initiative a pour objectif d'améliorer la prise en charge des patients à long terme.
A l'origine de ce projet, une famille. Solène Grivolat et Arnaud Bertrand sont parents de deux enfants. En 2008, ils se retrouvent, malgré eux, confrontés à la maladie. Théo-Vic, alors âgé de 2 ans, souffre d'un diabète de type 1. Une nouvelle qui bouleversera radicalement la vie et les habitudes de cette famille. Immédiatement, Solène et son mari s'informent au sujet de la maladie. Directrice export dans l'industrie pharmaceutique etconseillère du commerce extérieur de la France, cette jeune mère s'intéresse peu à peu à la prise en charge des enfants diabétiques à l’étranger.J'ai eu connaissance de chiens d'alerte pour les patients atteints de diabète. Je me suis rendue compte qu'il y en avait un peu partout dans le monde sauf en France. Dotés d'un odorat 20 000 fois plus développé que le notre, ces chiens sont capables de détecter la catécholamine et l'acétone. De ce fait, une prévention efficace des hypo/hyperglycémies et de leurs complications est assurée. Une idée qui séduit Solène et son mari, désireux de voir un jour ces chiens intelligemment éduqués au chevet des diabétiques en France (tant pour leur assistance médicale que pour leur soutien moral).Nous sommes convaincus qu'un chien peut être un fort appui psychologique pour quelqu'un de bien portant, alors qui plus est pour une personne malade.
Deux hommes, soupçonnés d'être à l'origine de deux incendies en Gironde, ont été arrêtés et mis en examen, mardi. Francetv info a interrogé le psychiatre Pierre Lamothe, expert auprès de la Cour de cassation, pour tenter de comprendre les motivations des pyromanes.
Dans les plupart des services d’urgences et en raison de l’importance du flux des malades, le tri initial des patients est effectué par un infirmier formé. Cette étape est cruciale, car en présence d’une « vraie » urgence vitale, une intervention précoce est déterminante pour le pronostic. Une équipe suisse a développé puis validé de façon prospective un score pour identifier les patients à haut risque de décès à l’arrivée aux urgences.
Les manifestations psychiatriques sont fréquentes au cours de l’évolution de maladies rares, dont beaucoup comportent la possibilité d’une atteinte cérébrale. Ces manifestations sont polymorphes et non spécifiques. Les origines des maladies rares sont multiples : maladies génétiques, métaboliques, infections rares, auto-immunité, inflammation, etc. Elles sont souvent multi-organes avec une atteinte fréquente du système nerveux central.
La communication qui est faite auprès du grand public au sujet du poids est marquée par des messages extrêmes : d’un côté il existe un idéal de la minceur, voire de la maigreur qui peut aboutir à des complexes chez des personnes de corpulence normale. A l’inverse, l’obésité est présentée comme une pathologie chronique, mais ce sont souvent des cas d’obésité sévère qui sont pris comme exemples pour illustrer la maladie. Cela pourrait banaliser l’obésité modérée qui finirait par être considérée comme une situation normale.
Pour évaluer la perception de l’image corporelle chez des adolescents, des chercheurs anglais ont analysé les données collectées dans l’enquête Health Survey For England, entre 2005 et 2012, chez 2 668 garçons et 2 311 filles âgés de 13 à 15 ans. Le poids était mesuré à domicile par un investigateur à l’aide d’un pèse personne portatif. Le statut pondéral était défini selon des critères internationaux (International Obesity Taskforce Criteria). La perception corporelle était évaluée par la réponse à la question suivante : « Compte tenu de votre âge et de votre poids, diriez-vous que vous avez un poids normal, trop lourd ou trop léger ? ».
Près de la moitié des femmes qui ont souffert d’une maladie psychiatrique feront une rechute durant la période périnatale ; elles sont par ailleurs plus sujettes aux complications telles que des retards de croissance intra-utérin, accouchements prématurés et mort in utero, d’où l’importance de connaitre l’existence de ce type de pathologie dès le début de grossesse. Un dépistage pas toujours évident, certaines femmes préférant cacher leur maladie de crainte de voir leur enfant leur être retiré à la naissance.
Dès le 19ème siècle, Durkheim démontra que « l’affiliation à une religion réduit le risque de suicide » mais le mécanisme précis de cette protection reste inconnu. Or, le The British Journal of Psychiatry vient de publier une étude visant à actualiser les travaux de Durkheim sur ce thème et portant sur une population d’Irlande du Nord (pays caractérisé par « un haut niveau de religiosité et de fréquentation des églises ») de plus de 1 100 000 sujets âgés de 16 à 74 ans (« Catholiques Romains, Protestants ou athées ») suivis pendant 9 ans. Les auteurs voulaient départager deux hypothèses initiales : si le facteur déterminant (de cette protection contre le suicide) consiste surtout dans la fréquentation d’une église, on devrait constater un taux de suicide plus faible chez les Catholiques car ils vont plus souvent à l’église (67 % d’entre eux s’y rendant au moins une fois par semaine, comparativement à 49 % des Chrétiens évangélistes et à 29 % des protestants). En revanche, si le critère principal réside surtout dans la « religiosité » (sensibilité tendant à accorder une importance excessive aux rites et aux traditions), ce risque de suicide sera plutôt minimisé chez les Chrétiens « conservateurs. »
Quelle a été votre première émotion face à une équation ? Vous souvenez-vous du jour où vous vous êtes dit «je suis mathématicien» ? Parfois, rien ne s’impose. Mais souvent, la réponse fuse, comme si cette naissance aux mathématiques pouvait être datée avec certitude. Vingt mathématiciens ont répondu à «Libération».
Ces mardi 21 et mercredi 22 juillet, les Ecoles normales supérieures de Paris, de Lyon, de Cachan et de Rennes publient la liste des candidats reçus dans leurs différents départements. Parmi eux se trouvent, en principe, les futurs grands mathématiciens de l’école française qui fait jeu égal avec celle des Etats-Unis au concours des médailles Fields, le Nobel des maths, décerné avant l’âge fatidique des 40 ans. Souvent, les mathématiciens sont marqués par le jour où ils ont compris que les mathématiques allaient devenir leur domaine, l’espace dans lequel ils étaient enfin chez eux.
Dans quelles conditions avez-vous rencontré ce que l’on appelle « la pensée 68 » ?
Elisabeth Roudinesco : En 1966 paraissaient simultanément Les Mots et les Choses de Michel
Foucault et les Ecrits de Jacques Lacan, une avant-garde littéraire et théorique qui proposait une nouvelle lecture de l’histoire à partir des structures. Il y avait quelque chose de novateur et d’équivalent à ce qu’on avait connu en 1945 avec Jean-Paul Sartre : un nouvel engagement. Mais avant d’être politique, celui-ci a d’abord été universitaire, à travers une nouvelle manière d’enseigner. A l’époque, j’étais en licence de lettres à la Sorbonne, or ce secteur était épouvantablement figé dans son académisme. Les professeurs de lettres considéraient que la modernité s’arrêtait à la fin du 19ème siècle. Les étudiants qui, comme moi, lisaient le Nouveau roman et découvraient des approches inédites comme celle de Michel Foucault ou Roland Barthes, étaient en révolte contre ce type d’enseignement poussiéreux. Impossible de prononcer le mot de « Nouveau roman » en classe. Et nous n’étudions même pas Marcel Proust à l’université ! Dès l’année 1967-1968, à la Sorbonne, un sentiment de supériorité des élèves par rapport aux enseignants était né, surtout envers les professeurs de linguistique, qui méprisaient Roman Jakobson ou Claude Lévi-Strauss, alors que nous les admirions. Paradoxalement, nous cherchions de bons maîtres, de vrais maîtres, pas des professeurs à polycopiés qui répétaient sans arrêt le même cours.
Cela dit, la pensée 68 n’existe pas, il s’agit d’une construction après coup. Avec Les mots et les Choses de Michel Foucault, j’ai découvert un auteur à la fois philosophe, historien et écrivain. Il avait un style, quelque chose qui avait un sens. C’était magnifiquement écrit. A l’époque, je lisais également les hellénistes, comme Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet. Mais j’avais parfaitement conscience que tous ces auteurs ne se ressemblaient pas, qu’ils avaient des conflits théoriques entre eux. C’était ce qui me plaisait, cette possibilité de faire naître le débat. Pour moi, Mai 68 a été avant tout l’occasion avant de destituer les mauvais professeurs.
Marcel Gauchet : Elisabeth Roudinesco a bien rappelé la dimension universitaire de Mai 68 qui fut aussi une révolte intellectuelle contre des universités complètement fossilisées et décalées par rapport à une scène intellectuelle d’une productivité prodigieuse. Quoique j’aie pu penser de cette galaxie d’auteurs par la suite, ils m’ont fait entrer dans la vie intellectuelle sous le signe de l’enthousiasme. 1966, c’est la date de la percée de la réflexion structuraliste. Elle avait été amorcée de longue date par Lévi-Strauss, mais elle prend à ce moment-là sa force de programme, avec la relance de la psychanalyse par Lacan et la reprise du modèle linguistique par la théorie littéraire, sans parler de l’éclatante nébuleuse philosophique qui gravite autour.
Comme beaucoup d’autres, j’ai eu le sentiment d’assister à l’émergence d’une théorie unifiée des sciences humaines. On avait l’impression que l’on pouvait réunir une théorie du sujet individuel renouvelée par la psychanalyse, une théorie renouvelée de la société à travers le structuralisme lévi-straussien, le tout appuyé sur une science de la production humaine la plus spécifique : le langage. Face à ce monde qui s’ouvrait, l’université officielle faisait figure d’institution sclérosée et dépassée. Mai 68 a été un mouvement placé sous le signe d’un extraordinaire appétit de savoir. Des relais de toutes espèces ont fonctionné pour donner à cet élan théorique une répercussion des plus larges, puisque le mouvement était animé par un esprit ultra-démocratique.
Mêmes éblouissements théoriques, mais importantes divergences politiques. Pour quelle raisons ?
Marcel Gauchet : Là où je me distingue d’Elisabeth Roudinesco, c’est sur le plan politique. Dans tous les auteurs qui ont été cités, il y en a un que j’ai d’abord lu avec intérêt pour vite constater ses limites, c’est Louis Althusser. La grande division politique de l’époque, parmi ceux qui se réclamaient de l’avant-garde intellectuelle, passait entre le communisme, majoritaire, et l’ultragauche, minoritaire.
Le hasard des rencontres m’a fait bénéficier de l’héritage de Socialisme ou barbarie, le groupe de Cornelius Castoriadis et de Claude Lefort. De fait, il y a eu deux Mai 68. Un premier politiquement léniniste, qu’il soit communiste, trotskiste ou maoïste, et un second plus difficile à étiqueter mais qu’on peut dire libertaire, avec ses nuances spontanéistes, anarchiste ou ultragauchiste, aux côtés duquel je me situais.