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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 8 février 2012






Une certaine forme d'obstination
Vivre le très grand âge

Une certaine forme d'obstination-odile jacob-9782738127396






Auteur :  |  |

Editeur : ODILE JACOB

Collection : Psychologie

Année : 01/2012
Nombre de pages : 256
Dimension : 22 x 15 cm
Reliure : Broché
ISBN 10 : 2738127398
ISBN 13 : 9782738127396

« Se battre, quelles que soient les circonstances, reste un idéal soutenu par l'ambition d'essayer d'être utile, ce qui reste possible jusqu'au bout et même au seuil de la mort. Cela, nous le soulignerons, inclut la poursuite d'activités désintéressées mais gratifiantes en raison du plaisir qu'elles procurent. Le plaisir est un levier essentiel, mais également un baromètre pour tout ce qui concerne une lutte adéquate contre les ravages du vieillissement ; sa prise en compte permettra de moduler avec la souplesse nécessaire les activités, des plus triviales aux plus évoluées. À chaque jour son optimum.

Nous nous sommes donc placés ? parce que nous-mêmes, par la force des choses les éprouvions ainsi ? dans une perspective ?militaire?, ce qui peut être particulièrement utile pour affronter les derniers rebondissements de cette histoire de bruit et de fureur.

Médecins nous-mêmes, nous sommes loin d'évacuer le rôle du physiologique dans les troubles du vieillissement. Cependant, c'est en psychanalystes que nous raisonnons tout au long de cet ouvrage. »
H. D.-B. et G. D.-A.

Pour conserver le goût de vivre et le sens de l'ouverture aux autres.


La folie au cinéma, pour le pire et pour le meilleur

La véritable folie clinique est rarement bien représentée à l'écran au profit du grand spectacle, mais permet parfois de mettre le doigt sur certains symptômes précis.

Keira Knightley dans «A Dangerous Method»
- Keira Knightley dans «A Dangerous Method» -
L
Les pathologies psychiatriques ont toujours été une source d’inspiration pour les scénaristes de cinéma. Mais l’écran est déformant et donne une image de la folie très souvent caricaturale. (Attention: cet article comporte plusieurs spoilers).

Le dernier film de David Cronenberg, A Dangerous method, met en scène Freud (Viggo Mortensen), Jung (Michael Fassbender) et une patiente hystérique, Sabina Spielrein. Prise de spasmes, déchaînée, se tordant de rage, l’actrice Keira Knitghley donne véritablement corps à la pathologie.
De Psychose à American psycho, de Shine à Shinning, le cinéma a abondamment puisé son inspiration dans la folie. Les scénaristes raffolent des pathologies mentales: elles sont efficaces du point de vue de la narration et très pratiques pour faire rebondir une histoire.
Mais certaines maladies sont plus prisées que d’autres. Un article de Slate.fr expliquait par exemple que la tumeur au cerveau, très présente dans les séries, est une vraie «bénédiction scénaristique».
Des symptômes intéressants, une fin tragique tout en restant propre: idéale pour faire venir les larmes aux yeux du spectateur, sans le faire tourner de l’œil.
Comme la tumeur au cerveau, la schizophrénie est surreprésentée au cinéma, car très efficace pour décontenancer le spectateur et permettre de bons rebondissements de situation. Elle est à la base de nombreux films: PsychoseUn homme d’exceptionShutter Island...

La folie selon Hollywood

Mais la véritable folie clinique est rarement bien représentée à l’écran. «Au cinéma, comme dans l’imaginaire de la société, on n’échappe pas à la caricature pour parler de la psychiatrie»écrit le psychiatre Edouard Zarifian:
«Ce qui est spectaculaire est nécessairement privilégié: les crises, les hallucinations, les délires mais aussi les dédoublements de la personnalité qui constituent des énigmes très visuelles.»
Pour reprendre l’exemple de la schizophrénie, au cinéma, elle se traduit toujours par une double personnalité (Fight club) et les hallucinations sont très souvent visuelles (Donnie Darko).
Mais cliniquement, les schizophrènes présentent plutôt des hallucinations auditives ou de la sensibilité interne et le dédoublement de la personnalité se réduit le plus souvent à des attitudes inadaptées ou à des délires non organisés.
«Rares sont les films qui s’attachent à une description clinique d’une pathologie caractérisée», poursuit Dr. Zarifian:
«Le plus souvent l’approximation est reine et même lorsque des diagnostics sont énoncés, leur représentation ne correspond pas à la réalité […] bien souvent, la représentation de la folie n’a pas pour but d’offrir une description clinique réaliste –comme celles des pathologies médico-chirurgicales de la série Urgences– mais de constituer une métaphore des drames de l’existence humaine.»  

Des films conseillés par des psychiatres

Les représentations cinématographiques des maladies mentales sont donc souvent très éloignées de la réalité médicale. La faute aux fantasmes sur la folie d’une société à la fois voyeuse et distante vis-à-vis de ces malades et la faute aux contraintes inhérentes de l’industrie du divertissement: un format d’environ deux heures, la nécessité de raconter une histoire, de mettre en scène des personnages efficaces.
Mais selon le Dr. Gil Cohen, psychiatre, auteur d’une thèse intitulée Psychiatrie et cinéma: la représentation de la clinique psychiatrique à l’écran tout n’est pas à jeter. «Le cinéma est forcément déformant. Mais si on s’intéresse à certains points, à certaines scènes, on peut extraire des choses intéressantes pour décrire la réalité clinique», explique-t-il.

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L'impensable suicide des enfants

LEMONDE | 29.01.11

Il y a des drames inconcevables. Le suicide d'un enfant en fait partie. Commentexpliquer qu'une fillette de 9 ans, diabétique, puisse avoir décidé de mettre fin à ses jours en se jetant du cinquième étage d'un immeuble, le 17 janvier ? Quedire de la mort par strangulation, le 26 janvier, dans le Jura, de ce garçon de 11 ans décrit par le parquet de Lons-le-Saunier (Jura) comme souffrant d'une "très grande solitude" ? Qu'est-ce qui a poussé, le lendemain, cette adolescente de 14 ans à se jeter du 4e étage de son collège de Vaujours, en Seine-Saint-Denis ?

Après ces trois drames, la secrétaire d'Etat à la jeunesse, Jeannette Bougrab, a confié une mission à Boris Cyrulnik. "40 % des enfants pensent à la mort à l'école, tellement ils sont anxieux et malheureux", a déclaré le neuropsychiatre.
"Un tel acte est impensable de la part des enfants. Nous voudrions les voircomme des êtres innocents, non concernés par ce qui est sexuel, et comme des êtres immortels, qui garantissent, en quelque sorte, nos voeux d'immortalité", commente Christian Flavigny, pédopsychiatre et psychanalyste à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Le suicide d'enfants est une manifestation rare, voire exceptionnelle. Selon les derniers chiffres de l'Institut de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui remontent à l'année 2006, 522 jeunes de 15 à 24 ans s'étaient suicidés, et 30 de moins de 15 ans. Pour Marie Choquet, épidémiologiste, ces statistiques sont probablement sous-évaluées : "Très longtemps, le suicide n'était pas censéexister chez les enfants. Et il est parfois difficile de faire la part des choses entre un suicide et un accident. Une défenestration peut passer pour accidentelle mais, à 11-12 ans, on ne tombe plus par la fenêtre."
Selon une enquête Inserm de 2003 menée par la chercheuse auprès de 2 000 enfants de 6e (11-12 ans), 2 % d'entre eux déclaraient avoir fait une tentative de suicide et 6 % avoir déjà eu des idées suicidaires. "On connaît bien maintenant les préoccupations des adolescents, mais trop peu celles des enfants. Il y a là un grand champ de recherches à explorer", poursuit Marie Choquet.
Christian Flavigny est l'un des quelques psychiatres à avoir étudié les gestes suicidaires chez l'enfant. Dès 1982, il publie une étude portant sur 13 cas d'enfants âgés de 4 à 12 ans. "Les gestes suicidaires sont, en apparence, déclenchés par de petits faits anodins de la vie quotidienne, précise-t-il. Une mauvaise note, une remontrance familiale peuvent déstabiliser l'enfant." Que se passe-t-il alors dans sa tête ? "Cela le renvoie à un grand désespoir. L'enfant a l'impression qu'il ne pourra jamais être aimé comme il l'attendait." La tentative de suicide, qualifiée de passage à l'acte, vise à mettre fin à une situation intolérable qui envahit l'enfant et apparaît aussi comme le voeu de rebattre les cartes.
Le suicide d'un enfant se différencie du suicide d'un adolescent. "L'adolescent est pris dans une problématique d'autonomie. Il se demande s'il est à la hauteur de ce qu'on lui demande, poursuit le pédopsychiatre. L'enfant traduit un problème qui concerne son identité même. Il interroge l'autre : est-ce que je suis satisfaisant ?"
Les tentatives de suicide chez un enfant de moins de 13 ans ont également fait l'objet d'une enquête du service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital Nord- CHU de Saint-Etienne. Les auteurs ont étudié, entre 2004 et 2005, 97 cas d'enfant âgés de 6 à 12 ans (âge moyen : 11 ans). L'étude signale que "la tentative de suicide est rarement le premier signe d'une souffrance chez l'enfant. La plupart du temps, la conduite suicidaire n'est pas rattachée à une pathologie psychiatrique. Les conduites suicidaires chez l'enfant viennent signifier un vécu existentiel dépressif, sur fond de grande fragilité narcissique (...). L'environnement sociofamilial de l'enfant est remarquable par son caractère peu sécurisant et peu contenant".
L'acquisition de la notion de mort est un phénomène progressif. Pour un enfant de moins de 5 ans, la mort est une absence temporaire, réversible. "Vers 6, 7 ou 8 ans, l'enfant prend conscience de son caractère irréversible, ce qui peut s'accompagner d'angoisse de disparition de ses parents, voire de lui-même", explique Gérard Schmit, professeur de pédopsychiatrie à la faculté de médecine de Reims. A cet âge, il peut utiliser l'idée de mort dans ses interactions verbales avec autrui, pour faire pression sur ses parents. On est loin du passage à l'acte."Celui-ci survient dans une situation conflictuelle - parfois anodine pour les parents -, qui n'a pas réussi à se verbaliser", poursuit le professeur.
Peut-on repérer le risque suicidaire chez l'enfant ? "C'est très difficile, poursuit le pédopsychiatre. Ce ne sont pas forcément des enfants qui font une dépression manifeste. Et il est très difficile pour les parents d'admettre qu'un enfant peutvivre dans la souffrance psychique. Le mieux consiste à être attentif aux moments de souffrance et de désarroi de leur enfant. Le fait de s'adresser à lui, de reconnaître sa tristesse, peut suffire." Certains accidents domestiques et comportements de mise en danger de la part d'un enfant pourraient comporterune dimension suicidaire, estime-t-il.
partir de 11-12 ans, les frontières entre enfance et adolescence tendent à s'estomper. Et les préadolescents copient leurs aînés. "Les tentatives de suicide chez les jeunes entre 11 et 15 ans sont en augmentation ces dernières années", fait remarquer Xavier Pommereau, psychiatre, responsable du pôle aquitain de l'adolescence au CHU de Bordeaux. A l'ouverture de son service pour jeunes suicidaires en 1992, la moyenne d'âge était de 17- 18 ans. Aujourd'hui, elle est de 15 ans.
Comment s'explique la survenue chez les préadolescents de gestes suicidaires ?"La nébuleuse ado est une espèce de planète qui démarre de plus en plus tôt et s'attarde de plus en plus tard", considère le psychiatre. Les plus jeunes copient leurs aînés dans leur look, encouragés par le marketing des marques. Il n'est pas rare de voir des enfants de 10 ans tenir des blogs, avoir leur page Facebook. Les comportements et la consommation des plus jeunes tendent à s'aligner sur celles des adolescents, y compris pour les troubles de conduite : ivresse, scarification...
Pour le psychiatre, on ne peut être suicidaire sans avoir des troubles de l'identité. Des violences sexuelles subies durant l'enfance, la découverte de son homosexualité quand elle n'est pas acceptée, les non-dits et les secrets de filiation sont autant de blessures identitaires qui peuvent entraîner un passage à l'acte.
Martine Laronche

Un rapport majore le nombre de suicides chez les enfants

LEMONDE.FR avec AFP | 29.09.11

Il y a sans doute davantage de suicides d'enfants que les statistiques ne le laissent penser car certains décès, considérés comme accidentels, s'assimilent à une forme de suicide, estime le psychiatre Boris Cyrulnik dans un rapport qu'il doit remettre jeudi au gouvernement.

Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), 37 enfants et préadolescents de 5 à 14 ans se sont donné la mort en 2009 (derniers chiffres disponibles). L'Inserm ne compte aucun suicide chez les enfants de moins de 5 ans. Début 2011, une ado de 14 avait tenté de se tuer tandis que deux enfants de 9 et 11 ans avaient mis fin à leur jour.
"Les suicides aboutis sont rares" chez les 5-12 ans, note Boris Cyrulnik dans son rapport, commandé par la secrétaire d'Etat à la jeunesse Jeannette Bougrab, mais "ils sont certainement plus fréquents car les chiffres ne parlent que des suicides évidents". "Le cumul des événements qui déclenchent l'acte suicidaire résulte d'une cascade de déchirures invisibles, d'une convergence d'événements de nature différente", qui peuvent être un deuil précoce, un conflit entre les parents, des maltraitances, l'absence d'un univers sécurisant à la maison, le harcèlement à l'école, explique le médecin.
"DÉFLAGRATION EXCEPTIONNELLE"
De plus, "la détresse d'un enfant est souvent difficile à percevoir car il vit dans un temps immédiat" et plus que l'adulte, il a du mal à dire son mal-être. L'enfant"insécurisé""seul, sans partage de la souffrance, sans aide ni possibilité dedéchiffrer ce qui lui arrive, le jour où il comprend ce qu'est la mort, il se laisse prendre", écrit encore Boris Cyrulnik. On considère que les enfants commencent à comprendre ce qu'est la mort "entre 6 et 9 ans", rappelle-t-il.
Alors, "une pichenette peut suffire pour passer à l'acte. Une phrase blessante, une petite frustration, une mauvaise note à l'école ou le déménagement d'un copain peuvent provoquer une déflagration exceptionnelle". "Il peut écrire une lettre d'adieu […] mais le plus souvent, il se penche trop par la fenêtre ou descend d'un autobus en marche. Alors les adultes parlent d'accident", dit encore le psychiatre.
Il appelle donc à une politique de prévention aussi bien "autour de la naissance"notamment en donnant une "cohérence aux métiers de la petite enfance" via une"université de la petite enfance" ou en formant les médecins, infirmières, éducateurs et enseignants à cette problématique. A l'école, il prône une adaptation des rythmes scolaires, une notation plus tardive, une lutte contre le harcèlement.

Est-il possible de prévenir le suicide des enfants ?

LEMONDE.FR | 07.02.12

De son portefeuille, Nathalie, 42 ans, tire une petite photo de famille. Trois enfants en maillot de bain y prennent la pose, souriants, sous un parasol coloré."C'était il y a cinq ans, nos plus belles vacances en famille", se souvient cette parisienne, vendeuse dans un magasin de vêtements. En 2008, l'aîné de ses trois enfants est renversé par une voiture. Malgré une hémorragie interne et un traumatisme crânien, le petit garçon de 10 ans s'en sort "sans séquelle majeure". Quelques semaines après l'accident, il avoue à un médecin avoir "voulu mourir, ce jour là".

"Sur le coup, je n'ai pas compris ce que les médecins essayaient de me dire", se souvient Nathalie, aujourd'hui bénévole dans une association de familles endeuillées par le suicide. "Finalement, un pédopsychiatre a lâché les mots'tentative de suicide'. Je l'ai regardé, complètement sonnée." De la suite, Nathalie ne se souvient que "d'un violent sentiment de terreur quand [elle a] compris toute la portée de l'acte de [son] fils".
Après plusieurs séances avec un pédopsychiatre, le petit garçon a commencé àexpliquer son geste. A parler de souffrances, de pensées morbides, de solitude, de "volonté de faire disparaître tout ça", explique Nathalie, en désignant d'un geste vague l'extérieur. Avec quelques années de recul, cette mère qui "n'avait rien vu venir" avoue que, "le pire, c'est d'avoir pris peur de [son] fils lui-même, de tout ce qu'il faisait voler en éclat dans l'image [qu'elle avait] de [sa] famille".
Aujourd'hui, Nathalie affirme encore "ne pas avoir tout compris" de cet épisode dramatique. Son fils, âgé de 14 ans, est en 4e. S'il continue de voir régulièrement son pédopsychiatre, il n'a jamais réitéré son geste et est un "garçon très gai, plein de vie". Elle avoue faire désormais "plus attention aux petits détails qui peuvent traduire une souffrance, un mal-être."
BATAILLE DE CHIFFRES
Combien sont-ils, ces enfants qui, comme le fils de Nathalie, "veulent mourir" ?Dans un rapport remis en septembre au secrétariat d'Etat à la jeunesse, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik estimait qu'entre trente et cent enfants de moins de 14 ans se suicident chaque année. Un chiffre qui cache cependant une réalité plus large, pour le spécialiste de l'enfance, qui souligne que de nombreux suicides sont "considérés à tort comme des accidents""On met sur le compte de l'inconscience enfantine un certains nombre d'actes qui sont de véritables mises en danger volontaires", explique Boris Cyrulnik. Selon lui, "40 % des enfants pensent à la mort à l'école, tellement ils sont anxieux et malheureux".
Mais sur ce douloureux sujet, la position de Cyrulnik ne fait pas consensus. Ses détracteurs plaident pour "éviter à tout prix un alarmisme dramatique". Pour son confrère Marcel Rufo, "il faut surtout se garder de répondre à une politique 'fait-diversière'", qui fait suite à la "médiatisation outrancière" de deux ou trois cas particulièrement tragiques. Dans sa longue carrière, Marcel Rufo affirme n'avoir"rencontré que trois cas de suicides d'enfants". Le chiffre avancé par M. Cyrulnik dénote selon lui d'une "confusion" dans la distinction entre un enfant et un adolescent. "Il y a des études qui montrent que les comportements à risque sont de plus en plus précoces, et que l'adolescence commence de plus en plus tôt", affirme en effet le spécialiste, qui considère que l'enfant, dès lors qu'il entre au collège, est déjà un "pré-ado".
La bataille de chiffres que se livrent les spécialistes se fonde sur une "confusion" entre enfance et adolescence. AFP/PHILIPPE DESMAZES
Marcel Rufo reste également partisan de l'idée que "risquer sa vie ne veut pasdire vouloir mourir". Au contraire, il estime que ces pensées de mort constituent pour l'enfant "une étape normale du développement", sur la voie de la maîtrise de soi. "Que les enfants souffrent, je ne le conteste pas. Mais qu'il y ait une volonté suicidaire de masse chez les plus jeunes, je n'y crois pas", affirme le pédopsychiatre. "C'est idiot de dire qu'un enfant qui échappe à la surveillance des adultes et se noie dans une piscine s'est suicidé. L'accident existe."
A l'hôpital pour enfants Robert-Debré, parmi les plus grands de France et d'Europe, la question des volontés suicidaires des jeunes enfants est pourtant un élément quotidien du travail des équipes médicales. Selon Richard Delorme, chef du service pédopsychiatrique de l'hôpital, "près de 10 % des tentatives de suicide accueillies sont réalisées par des enfants âgés de 8 à 11 ans." Par extrapolation, il estime ainsi qu'à l'échelle de la population, entre "0,5 et 0,7 % des enfants font des tentatives de suicide", soit "un pourcentage comparable aux maladies rares".
LA FIN DU "DÉNI"
Si les chiffres varient autant, c'est pour beaucoup de spécialistes la preuve que le suicide des enfants reste encore largement méconnu. Sa "dimension taboue" dans nos sociétés freine encore son étude, selon Richard Delorme.
En la matière, le rapport Cyrulnik "a été une grande première", affirme la secrétaire d'Etat à la jeunesse, Jeannette Bougrab. Si le suicide chez les adolescents, deuxième cause de mortalité entre 15 et 24 ans, est devenu au fil des ans un véritable enjeu de santé publique, le suicide des enfants est resté longtemps sujet de "déni", selon la secrétaire d'Etat. "Avoir admis qu'il y avait un problème, c'est déjà la première étape", affirme-t-elle.
Aujourd'hui, certaines approches systémiques cherchent à expliquer ces actes suicidaires commis dès le plus jeune âge. Plusieurs pistes sont évoquées, notamment l'appauvrissement sensoriel de l'environnement du nouveau-né, la question des "violences éducatives", des agressions… Sans être la cause directe du suicide, tous ces éléments contribuent, selon Boris Cyrulnik, à créer chez l'enfant un "affolement mortel qui le submerge à la moindre émotion forte".
Jeannette Bougrab et Boris Cyrulnik, le 29 septembre à Paris. AFP/MICHEL GANGNE
Pour Richard Delorme, il n'en demeure pas moins que "ces observations restent très empiriques." "La forme particulièrement violente que prennent les suicides des enfants reste encore difficilement compréhensible", souligne-t-il notamment.
"Même si un certain nombre de remarques [du rapport Cyrulnik] semblent pertinentes, elles ne reposent pas sur une véritable observation scientifique systématique, qui manque encore pour mieux comprendre les choses et éviterde tomber dans l'affectif", souligne le médecin, qui en appelle à la création d'unobservatoire sur le phénomène.
PRÉCONISATIONS À DESTINATION DES POUVOIRS PUBLICS
Boris Cyrulnik a lui aussi dressé dans son rapport une série de préconisations à destination des pouvoirs publics pour mieux prévenir le suicide des enfants. Un effort qui se mène dès la naissance, avec notamment "l'allongement des congés parentaux" pour garantir une "présence renforcée lors des dix premiers mois cruciaux de la vie".
La prévention passe aussi par une formation spécifique des métiers de la petite enfance, une "modification du rythme scolaire", une lutte active contre le harcèlement scolaire et le développement des associations et clubs qui permettent à l'enfant d'étoffer l'environnement social et de trouver d'autres référents que sa famille.
Quatre mois après la remise de ce rapport, Jeannette Bougrab affirme que "le dossier n'est pas tombé aux oubliettes""Pour la première fois, le suicide des enfants a été pris en compte dans le programme national d'actions contre le suicide [PDF]", lors d'une réunion interministérielle qui s'est tenue lundi 6 février, se félicite la secrétaire d'Etat.
"CAMPAGNES ADAPTÉES AUX ENFANTS "
Jeannette Bougrab affirme que des mesures seront prises sur le sujet après des consultations avec le ministère de l'éducation nationale, de la santé, des professionnels du secteur, mais aussi des associations qui luttent pour la prévention du suicide. "Aujourd'hui, l'important, c'est de dire qu'il faut que nous soyons tous acteurs de cette prévention", affirme Jeannette Bougrab. "Cela passe notamment par des outils de communication que nous sommes en train deconcevoir pour développer des campagnes adaptées aux enfants et aux adultes sur le sujet", explique ainsi la secrétaire d'Etat.
Une proposition dont se félicite Richard Delorme, pédopsychiatre à l'hôpital Debré. "Toutes les études ont montré que l'information diminuait le risque de passage à l'acte", affirme-t-il, tout en déplorant que "pour l'instant, le manque de moyens empêche toute avancée".
En 1999, Bernard Kouchner avait déjà fait polémique en mettant en place le premier programme de prévention du suicide. A l'époque, beaucoup craignaient"un risque de contamination", rappelle le pédopsychiatre Marcel Rufo. Si l'épreuve des faits a montré une corrélation entre ces campagnes et la baisse du nombre de suicides en France, le médecin met en garde contre "une banalisation du discours suicidaire, qui pourrait apparaître comme une solution pour des enfants vulnérables et inciter à un mimétisme tragique".
Charlotte Chabas

La hausse des suicides liés à la crise, une réalité ignorée

LEMONDE | 07.02.12

En trois ans, de la fin 2008 à la fin 2011, la crise économique a accru le nombre de chômeurs de 648 500. Elle a eu un autre impact, plus dramatique mais largement passé sous silence. Un surcroît, durant cette même période, d'environ 750 suicides et 10 780 tentatives de suicide.

Ces chiffres ne sont pas officiels. Ils n'ont pourtant rien de fantaisistes. Ce sont des estimations établies par le meilleur spécialiste en France du suicide, le psychiatre et professeur de médecine légale Michel Debout. Cet ex-membre du Conseil économique et social, qui travaille sur le sujet depuis quarante ans, a créé et présidé quatorze années durant l'Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS), organisatrice de la Journée nationale de prévention du suicide - qui se tient cette année le 7 février.
Partant d'une étude de l'Institut national de veille sanitaire rendue publique en décembre 2011, qui chiffre le surtaux de tentative de suicide dans l'année chez les chômeurs (par rapport aux actifs en emploi), le professeur Debout a appliqué ce surtaux, variable selon les sexes, aux chômeurs et chômeuses supplémentaires depuis 2008. Puis a utilisé un facteur de corrélation entre tentatives de suicide et morts par suicide, en tenant compte du sexe et de l'âge. Et obtenu ce chiffre de 750 morts, "prix humain de la crise""Un chiffre très minoré, complète-t-il, car je ne tiens compte que du facteur chômage. Or la crise a d'autres effets, précarité, surendettement, divorces, qui augmentent aussi le risque de passage à l'acte..."
REDÉMARRAGE À LA HAUSSE
Si le professeur Debout a concocté ses propres statistiques, c'est qu'il est "très en colère " face à l'inaction des pouvoirs publics. Les chiffres les plus récents de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur le suicide datent de 2009, et ont été collectés en 2008. Ils dénombraient 10 500 suicides. Chiffre élevé, qui classe la France parmi les nations les plus touchées en Europe et place le suicide parmi les problèmes majeurs de santé publique. Surtout, ces statistiques révélaient une inquiétante inversion de tendance. Alors que le nombre de décès par suicide baissait depuis 1987 (après le pic de 12 525 morts en 1986), les années 2008 et 2009 ont marqué un redémarrage à la hausse : 10 127 en 2007, 10 353 en 2008, 10 499 en 2009. Les 35-65 ans, les actifs donc, sont les plus concernés. Prémices de la crise, premiers impacts d'une dégradation économique et d'une déstabilisation sociétale, analysent tous les spécialistes.
Et ensuite ? Les chiffres 2010 ? 2011 ? Rien. Nulle vaste enquête épidémiologique, encore moins de statistiques en temps réel. Entre la collecte des chiffres et leur publication, il y a en France un décalage de deux années - notamment dû, selon l'Inserm, à l'attente de décisions de justice sur d'éventuelles investigations avant la transmission des certificats de décès. Les statistiques 2010 ne seront disponibles qu'à l'automne. "Il faut améliorer cette situation ! De quoi a-t-on peur en publiant les chiffres du suicide ? ", interpelle la présidente de l'UNPS, Thérèse Hannier. Qui remarque qu'en France, contrairement à ce qui se passe en Angleterre ou au Canada, le certificat de décès renseigne uniquement sur le sexe, l'âge, le domicile et le mode suicidaire, sans autres informations de contexte. La vice-présidente de l'UNPS et ex-directrice de recherche à l'Inserm Françoise Facy s'étonne que dans ce contexte de crise aiguë, on n'étoffe pas au plus vite le recueil de données avec un système d'indicateurs limités mais plus rapides, en désignant par exemple des "sentinelles" dans les grandes entreprises et à Pôle emploi...
Un flou plus grand encore entoure les tentatives de suicide. Là, on ne dispose que d'estimations liées aux hospitalisations. Or un passage aux urgences n'est pas considéré comme une hospitalisation. Thérèse Hannier pressent pourtant"une très nette augmentation" : "Les chiffres de l'Institut national d'études démographiques et de la Direction de la recherche du ministère de la santé, basés sur des relevés de 2006, estiment ces tentatives à environ 220 000, alors que les études antérieures à 2000 tablaient plutôt sur 150 000..."
Pour le professeur Debout, il est temps de se mobiliser autour des "dégâts humains" de la crise. "On frôle la non-assistance à personne en danger !" Le 11 février, il organise au Sénat un colloque avec le directeur du cabinet Technologia, Jean-Claude Delgènes, spécialiste de la prévention des risques psycho-sociaux en entreprise. Dès 2009, alors à la tête de l'UNPS, M. Debout avait alerté : la crise allait avoir des effets dramatiques, comment se mobiliserautour de ceux en détresse ? Pas de réponse précise du gouvernement, estime-t-il.
Depuis trente-cinq ans, les hausses du taux de chômage en France ont souvent été accompagnées d'un accroissement du nombre de suicides.
Depuis trente-cinq ans, les hausses du taux de chômage en France ont souvent été accompagnées d'un accroissement du nombre de suicides.Inserm, Infographie "Le Monde"
La corrélation entre chômage et suicide est pourtant indéniable, selon lui. L'histoire l'a démontrée, notamment en 1929, avec une hausse très significative des suicides deux-trois ans après le démarrage de la crise. "On peut craindre le pire pour 2012 et 2013, particulièrement chez les 40-55 ans. Pourquoi ne met-on pas en place un soutien médical et psychologique aux chômeurs ? La société montrerait à ces gens qu'ils comptent encore ! Un chômeur se suicide parce qu'il est déjà socialement mort, qu'il n'a plus de place, c'est une mise en adéquation avec son vécu. Mais personne ne se soucie du devenir de ces chômeurs."Pourquoi ? " C'est comme si l'on n'avait pas envie de voir la réalité en face. Trop gênante, parce qu'on se sent tous un peu responsables."
A l'initiative du directeur de Technologia, un appel de 44 spécialistes - auxquels se sont depuis joints syndicats et loges maçonniques - pour la création d'un observatoire des suicides a été lancé au printemps 2011. Une structure indépendante, dotée de moyens propres, qui favoriserait "la connaissance, la transversalité des approches et l'élaboration de statistiques dignes d'une grande nation". Et permettrait de progresser dans la prévention. "La France est en retard, du fait d'une cécité sur la réalité du phénomène, déplore M. Delgènes.Mais la prévention, cela marche ! C'est donc un crève-coeur de voir qu'on n'agit pas auprès des chômeurs !"
Le Programme national d'action contre le suicide annoncé en septembre 2011, attendu depuis cinq ans, est "déconnecté de la crise", analysent MM. Delgènes et Debout. Ni observatoire ni suivi des chômeurs ne sont prévus. Selon le ministère de la santé, "s'il est incontestable que les données sur le suicide peuvent être améliorées, il n'est pas pour autant nécessaire de se doter d'un observatoire". Dans le Programme national d'action, des mesures seront mises en oeuvre pour "consolider et amplifier les données sur les suicides et les tentatives". "Un plan de 15 millions d'euros... C'est nettement insuffisant ! Les Français sont dans un état dépressif. Mais le suicide reste un secret bien gardé", soupire Mme Hannier. Secret trop bien gardé pour se muer en priorité sanitaire nationale. Les morts sur la route ont diminué des deux tiers depuis les années 1980 - de 12 000 par an à moins de 4 000 aujourd'hui. Les morts par suicide passaient, eux, de 12 000 à 10 500.

Suicides et crise : "C'est comme si l'eau montait et qu'on ne le voyait pas"

LEMONDE | 07.02.12

Si les statistiques font défaut, certaines études et le ressenti d'observateurs sociaux sont autant de signaux d'alerte d'une hausse des suicides liés à la crise.

La revue médicale britannique "The Lancet" publiait le 9 juillet 2011 une étude soulignant la forte hausse des taux de suicide en Europe depuis le début de la crise. Dix des 27 pays de l'Union européenne disposent de chiffres pour la période 2007-2009 (ce qui exclut la France), durant laquelle le chômage a cru de 35 % en Europe : dans 9 de ces 10 pays (Autriche exceptée), le taux de suicide a augmenté d'au moins 5 %, alors qu'il diminuait partout avant la crise. La hausse est de 8 % en Grande-Bretagne, de 13 % en Irlande... En Grèce, une étude sur la période 2008-2011 note une hausse de 40 % des suicides.
L'Institut de veille sanitaire (INVS) comparait, en décembre 2011, les tentatives de suicide entre 2005 et 2010, et observait une "tendance à la hausse des tentatives de suicide au cours des douze derniers mois" : 0,5 % des interrogés déclaraient en avoir fait une, contre 0,3 % auparavant. Parmi les premiers facteurs de risque soulignés : le chômage.
SOS amitié reçoit chaque année 11 000 appels liés au suicide. Depuis deux ou trois mois, l'évocation des problèmes liés au travail est de plus en plus fréquente."Nous avons l'impression d'entrer dans le coeur de la crise. La situation se durcit pour nos appelants, ils sont en souffrance psychique. "
Technologia, cabinet de prévention des risques psychosociaux, a traité 73 crises suicidaires en entreprise ces cinq dernières années. "Depuis 2007, nous constatons une hausse des crises suicidaires", alerte son directeur, Jean-Claude Delgènes, qui remarque une "accélération depuis septembre". "C'est comme si l'eau montait, et qu'on ne la voyait pas monter. (...) La quarantaine de personnes qui travaille pour mon cabinet est assaillie d'exemples. Les avocats nous rapportent des drames liés au surendettement. Les syndicats nous racontent ce dont personne ne parle, ces suicides qui interviennent quelques mois après les plans sociaux, comme chez Moulinex ou Cellatex... "
Si le travail demeure globalement protecteur vis-à-vis de la tentation suicidaire (les chômeurs en précarité se suicident deux fois plus que les actifs employés),"certaines organisations du travail engendrent des stress chroniques, qui peuventconduire à des dépressions sévères, donc à des possibilités de passages à l'acte". C'est, selon lui, le cas dans le secteur sanitaire et social, aux avant-postes de la crise, où l'on demande toujours plus à des salariés disposant de moins de moyens.