par Eric Favereau publié le 13 février 2024
Cela ressemble à une oasis. En tout cas, c’est le constat que tout n’est pas absolument pourri dans le royaume de la psychiatrie. Il y a ainsi des endroits où l’on ne manque pas de psychiatres ni d’infirmières, où les uns comme les autres sont contents de travailler, et où les patients sont non seulement pris en charge, mais bien pris en charge. Et cela se passe dans le Finistère, à Landerneau.
La docteure Delphine Glachant, psychiatre dans ce secteur, en témoigne longuement dans la revue Pratiques. Cahiers de la médecine utopique (1), et ses mots sont d’autant plus prenants que la même psychiatre avait longuement témoigné dans Libération, en septembre 2021. Elle était, alors, à bout, épuisée. Elle n’y croyait plus. Alors dans un hôpital psychiatrique de la grande banlieue parisienne, elle nous avouait son impossibilité à travailler correctement. «Je suis épuisée, je cours après le temps, nous disait-elle. C’est un petit enfer au quotidien, l’on manque de presque tout, même de pyjamas. Les arrêts de travail se multiplient tellement que les normes de personnels soignants ne sont plus respectées. Tout le monde est épuisé… J’ai assisté à des scènes de maltraitance le plus souvent par négligence, mais parfois aussi de la maltraitance directe, discrète. J’ai eu parfois honte de ce que je faisais. Je me sentais responsable, j’ai décidé de mises en chambre d’isolement parce que le personnel avait peur, parce que j’avais le souci de protéger les équipes, parce que je savais qu’il me serait reproché de ne pas l’avoir fait pour cette même raison, parce que je n’ai pas eu le cran de m’opposer à cette attente collective.» Elle nous disait qu’elle ne voyait pas comment elle allait tenir, elle, la syndicaliste, alors présidente de l’Union syndicale de la psychiatrie et membre active du Printemps de la psychiatrie. «C’est usant et décourageant. Tout n’est pas un problème de moyens, mais quand même ! Quand est-ce que l’on prendra au sérieux nos malades ?»