par Margaux Gable publié le 24 octobre 2023
par Margaux Gable
Comment le Spasfon est parvenu à s’imposer chez les patientes comme remède aux douleurs de règles malgré le manque d’études sur son efficacité ? Dans son livre Pilules roses, qui paraît ce mercredi aux éditions Stock, la chercheuse à l’Université de Namur et spécialiste en philosophie de la médecine Juliette Ferry-Danini tente de lever le voile sur l’un des médicaments les plus prescrits en France. Chouchou des médecins et des officines, le phloroglucinol, la molécule du Spasfon, est plus populaire que l’ibuprofène : en 2021, ce sont plus de 25 millions de boîtes de Spasfon ou de ses formes génériques qui ont été prescrites. Sans compter les plaquettes délivrées sans ordonnance, le médicament étant en vente libre.
Depuis le début de sa commercialisation en 1964 par le laboratoire Lafon (depuis racheté), le médicament présenté comme un antispasmodique s’est imposé chez les femmes, sans que cela ne s’appuie sur aucune donnée fiable. Pour Libération, Juliette Ferry-Danini revient sur l’histoire «pas du tout rose» du Spasfon, qui incarne, à ses yeux, «mieux qu’aucun autre, le sexisme dans le domaine médical».
Comment le Spasfon a-t-il réussi à s’imposer dans les foyers français ?
Depuis vingt ans, le Spasfon occupe le top 10 des médicaments les plus vendus en France. En moyenne, ce sont près de 70 000 boîtes de phloroglucinol qui sont prescrites chaque jour. Comment expliquer ce succès ? Pour rencontrer un succès marketing, il faut une histoire convaincante. Aujourd’hui, le Spasfon est largement présenté comme un antispasmodique, alors qu’aucune donnée scientifique ne le prouve. C’est vendeur : j’ai des spasmes, je dois prendre un antispasmodique. Dans les années 60 et celles qui ont suivi, la publicité pharmaceutique a eu une large place dans son succès, comme pour d’autres médicaments, que ce soit à l’aide de visiteurs médicaux ou de magazines. Dans l’exemplaire de 1966 du Vidal – le dictionnaire rouge que l’on voit chez les médecins, publié par l’Office de vulgarisation pharmaceutique, un organe privé financé par les laboratoires – le Spasfon a une double page, contrairement à d’autres qui n’ont qu’un quart. Les autorités sanitaires ont aussi été dans l’inertie : elles ont continué d’année en année à rembourser le médicament tout en soulignant le manque de données probantes.