Par Lorraine de Fouche Publié le 2 août 2021
REPORTAGE Au Kremlin-Bicêtre, dans le Val-de-Marne, un service au fonctionnement presque unique en France peut hospitaliser sans délai des jeunes en crise. Mais à cause des bouleversements engendrés par la pandémie de Covid-19, les soignants sont submergés, et une alerte a été envoyée à l’agence régionale de santé. « Le Monde » a passé une semaine dans cette unité.
Yassine (tous les prénoms des enfants ont été modifiés) tient Clémentine dans ses bras. Le grand adolescent aux traits enfantins sourit à pleines dents, stupéfait de la facilité avec laquelle il a enlacé cette jolie jeune fille de 14 ans, à peine arrivée. « Vous êtes à l’hôpital, là, pas dans un club de rencontres », peste Doris (qui n’a pas souhaité donner son nom), l’aide-soignante, en traversant la salle de vie de l’unité Urgences et liaisons de psychiatrie infanto-juvénile (Ulpij) de la Fondation Vallée, située au cœur du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), et dans laquelle Le Monde a pu passer une semaine. Yassine et Clémentine sont tous les deux là pour des tentatives de suicide ; l’un a avalé deux boîtes d’anxiolytiques le matin de son bac blanc, l’autre a fait une overdose d’ecstasy.
Chaque année, ils sont près d’une centaine d’enfants et d’adolescents à séjourner dans ce service unique en région parisienne, capable « de fonctionner en vraie urgence et d’hospitaliser un jeune en une heure, dans un espace fait pour ça, explique le docteur Hugo Naudet, médecin de l’unité. Ici, on récupère les pires situations, mais je n’ai jamais eu autant de demandes pour des cas complètement catastrophiques. On doit sans arrêt trouver des solutions, on n’a que huit places. » L’Ulpij agrège toutes les détresses adolescentes aggravées par la pandémie de Covid-19, qui a augmenté la maltraitance intrafamiliale, la désocialisation, le temps devant les écrans et les idées suicidaires. Et depuis décembre 2020, « les troubles flambent », affirme le docteur Naudet.