par Nathalie Raulin publié le 6 juillet 2021
Ils ont atteint le point de rupture. Ce moment où la peur de tuer l’emporte sur la volonté de soigner, d’acquérir les compétences à même de sauver les patients. Fait rare, une quarantaine d’internes de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) ont, mercredi 30 juin, pris la plume pour alerter officiellement la direction de l’hôpital et l’agence régionale de santé (ARS) de la «situation plus que préoccupante» du service des urgences de Bicêtre, l’un des plus fréquentés d’Ile-de-France avec quelque 60 000 passages annuels. Un service où ces étudiants ont assuré des gardes nocturnes dans des conditions dantesques et sans pouvoir toujours compter sur le soutien de seniors aguerris. Recueillis sous couvert d’anonymat, leurs témoignages recoupent ceux des apprentis médecins qui les ont précédés l’hiver dernier.
La réalité qu’ils décrivent est à peine croyable s’agissant d’un centre hospitalier de premier plan, situé à moins de 7 kilomètres de la tour Eiffel, pour ne pas dire choquante. Les urgences de Bicêtre sont aujourd’hui l’ultime recours des habitants en souffrance du nord du Val-de-Marne : alors que la population n’a cessé de croître au sud-est du périphérique, l’offre médicale de ville s’y est raréfiée. En dix ans, le département a perdu 200 généralistes, et sur les quelque 890 encore en activité, près de 20 % ont désormais plus de 65 ans… Or, de l’avis des internes, sa mission de santé publique, Bicêtre n’est plus en mesure de l’assumer, du moins la nuit, sans péril pour les patients.