Entretien |Pour Philippe Moati, économiste à l'Université de Paris et co-fondateur de l'Observatoire Société et Consommation, la crise accentue le clivage entre deux manières de consommer : le "moins mais mieux" d'un côté, et la frustration de ne pas pouvoir consommer ce que l'on veut de l'autre.
Que va changer la crise du Covid-19 à nos manières de consommer ? Pour évaluer la portée de ces changements, L'Obsoco (l'Observatoire Société et Consommation) réalise depuis le début de la période de confinement des enquêtes qualitatives et quantitatives sur ce que consomment les personnes interrogées, mais aussi sur leur rapport à la consommation. Car ce que l'on achète dit beaucoup de ce que l'on est. Dans cette optique, à quoi ressemblera la société de consommation des "jours d'après" ? Entretien avec le co-fondateur de l'Obsoco, professeur d'économie à l'Université de Paris, Philippe Moati.
L’espace urbain est source de stress permanent pour les personnes souffrant de schizophrénie. Le chercheur Ola Söderström plaide pour l’élaboration de « plans urbains de santé mentale ».
Propos recueillis par Cécile PeltierPublié le 20 avril 2020
Ola Söderström enseigne la géographie sociale et culturelle à l’université de Neuchâtel (Suisse). Il est responsable depuis 2014 d’un programme de recherche sur l’expérience des jeunes psychotiques dans l’espace urbain.
Notre travail c'est de normaliser le fait de nous appeler : c'est normal d'avoir besoin d'évoquer une situation qui nous a fait monter en colère ou en stress avec un professionnel
Le Dr Laurine Aigreteau est psychiatre au sein de la cellule d'Urgence médicale-psychologique d'Indre-et-Loire.
Hier, elle se rendait à l'Ehpad du CHU de Tours L'Hermitage pour rappeler l'existence de la cellule psychologique aux soignants. "C'est important d'y aller maintenant pour dire aux soignants que même s'ils sont dans l'action il faut pouvoir se questionner sur ce qu'on ressent pour ne pas s'épuiser rapidement".
La peur de transmettre le virus à ses proches
Valérie Aubron est psychologue au Centre hosptalier de Tours. Elle est frappée par le nombre de ses collègues très angoissés par la crainte de transmettre le virus à leurs proches. "Ils ont besoin de parler des conséquences de cette crise qui dure sur leur vie personnelle."
Elle raconte : "Parfois, il y a des situations qui se compliquent parce que le conjoint ne comprend pas les angoisses du soignant qui a peur de ramener le virus à la maison. Alors le soignant s'isole pour ne pas contaminer sa famille. Cela a des répercussions psychologiques importantes parce que pour les soignants, leur famille est une ressource importante sur laquelle ils peuvent compter. "
Dépression, anorexie, troubles bipolaires, phobies, schizophrénie… Actuellement, 12 millions de Français souffriraient de troubles psychiques. Pourtant, les maladies mentales restent encore l’objet de préjugés tenaces qui stigmatisent les patients et les isolent à la fois socialement et professionnellement. Or, d’après les professionnels, changer le regard sur ces maladies permettrait d’agir positivement sur le rétablissement et l’intégration des malades.
Les chiffres font froid dans le dos : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un Européen sur quatre sera touché par un trouble psychique au cours de sa vie. En France, les maladies mentales, qu’il s’agisse de dépression, d’addiction, de bipolarité ou encore de schizophrénie, affectent « une personne sur cinq chaque année et une sur trois si l’on se réfère à la prévalence sur la vie entière », précise la fondation Fondamental. Très variées, ces pathologies se situent au troisième rang des maladies les plus fréquentes après le cancer et les atteintes cardiovasculaires. Parmi les principales prédominences observées, on peut citer l’anxiété généralisée (13 %), l’épisode dépressif (11 %) ou le syndrome d’allure psychotique (2,8%). Toutes se caractérisent par des troubles du comportement souvent associés à des problèmes cognitifs (difficultés de concentration, mémoire déficiente), s’accompagnent d’une grande souffrance psychique et perturbent la capacité des patients à s’adapter à leur environnement. Les conséquences sont parfois dramatiques : chaque année en France, environ 9 000 personnes se suicident et 200 000 attentent à leurs jours. Les jeunes, chez qui le suicide est la deuxième cause de mortalité, sont particulièrement touchés par les maladies mentales : dans plus de 70 % des cas, les premiers signes apparaissent entre 15 et 25 ans, et même avant 3 ans pour les troubles du spectre de l’autisme.
En première ligne dans la gestion de l’épidémie, les agences régionales de santé font face à diverses critiques. Enquête sur ces administrations contestées depuis leur création en 2010.
Pénurie de masques, médecins généralistes sans boussole, Ehpad en déshérence, difficultés dans le lancement des tests… Le coupable de tous les maux de la crise du Covid-19, pour les élus comme pour les soignants, est souvent tout désigné : les ARS. Il y a quelques semaines, ces trois lettres familières des professionnels du secteur l’étaient encore peu du grand public. Créées voilà dix ans, les Agences régionales de santé sont en première ligne de l’organisation sanitaire. Pour le meilleur, parfois. Pour le pire, aussi, si l’on en croit les critiques qui fleurissent.
« L’ARS est débordée, ça ne suit pas », cingle ainsi le maire (LR) de Reims, Arnaud Robinet. « L’ARS forme une élite qui ne rend de comptes à personne et qui prend des décisions technocratiques, loin des besoins concrets des territoires », railleSyamak Agha Babaei, médecin urgentiste à Strasbourg et élu écologiste. La charge est lourde, répétée, polyphonique, trouvant des artilleurs dans tous les partis, jusque dans la majorité. « Les ARS ont trop de pouvoir et ne sont pas soumises au contrôle parlementaire », ajoute Sacha Houlié, député (La République en marche, LRM) de la Vienne.
Boulets de la crise pour leurs contempteurs, les ARS sont plutôt un bouc émissaire, estiment d’autres voix. L’ancienne ministre de la santé Marisol Touraine (PS) joue les avocats de la défense. « Je suis frappée par cet “ARS bashing”. Je n’en comprends pas le sens ni les enjeux. Moi j’en ai un avis plutôt positif, même si on peut toujours s’améliorer. Elles ont fait au mieux dans cette crise. Je ne sais pas si elles étaient dimensionnées pour, mais rien ne l’était. Je trouve ces critiques excessives et injustes », juge-t-elle. « C’est facile de s’en prendre aux ARS. Elles font ce qu’on leur demande de faire. Les ARS, c’est l’Etat », constate quant à lui Thomas Mesnier, député LRM de Charente et urgentiste.
JOUR 37 |Confinée avec quelques mois d’avance sur le reste du monde dans son appartement parisien, la chanteuse et poète Brigitte Fontaine n’est pas du genre à faire des concerts-maison pour alimenter les réseaux sociaux. "J’irai pas dans vos face-books" chante-t-elle dans son dernier album 'Terre Neuve'. 'J’irai pas, j’irai pas !'. Personne ne lui fera changer d’avis.
Brigitte Fontaine n’a pas attendu la pandémie du nouveau coronavirus pour "aller très mal", merci de le noter en préambule. Décidément toujours en avance sur son temps, l’artiste archi-culte de la scène française nous annonce d’emblée qu’elle est confinée depuis plus longtemps que tout le monde. Principalement à cause d’un maudit mal de dos qui l’oblige souvent, depuis quelques mois déjà, à rester allongée - et tant qu’à faire, plutôt dans son logis de l’île Saint-Louis, à Paris.
Sinon, à part ça, la plus littéraire des rock-stars a encore quelques bonnes ressources pour tenir face au choc de la pandémie et de ses tragiques conséquences sociétales. Son mari de longue date, le musicien et compositeur Areski Belkacem nous avait préalablement rassuré. A sa manière : "Ça se passe plutôt bien ce confinement. On est tranquilles à la maison. Avec Brigitte, on partage équitablement les tâches ménagères. C’est elle qui fout le bordel et c’est moi qui range après" confie le cheikh soufi moqueur avant de nous passer son illustre épouse.
Brigitte Fontaine nous accueille avec un rire aussi mystérieux que profond, tout à la fois rassurant et déstabilisant. La quarantaine l’affecte-t-elle un peu, beaucoup ou moyennement ? "Mon moral est très affecté, mais il est d’abord affectueux" esquive-t-elle, fidèle à son tempérament fantasque. En interview comme sur scène, Brigitte Fontaine fait son show, impossible de l’arrêter, mais elle ne triche jamais, on peut lui faire confiance :
Mais puisque je vous dis que ce confinement ne change rien à ma vie. Je suis comme une odalisque tordue, une odalisque infirme presque. Je suis tordue comme un ver sur le lit. Donc ces derniers mois j’étais confinée tout le temps chez moi, sauf quand il fallait aller travailler, c’est à dire donner des concerts à travers la France ou à Paname. Bon, maintenant qu’il n’y a plus de salles de spectacles, je reste à la maison.
Archive |En 1969, Marguerite Duras réalise l'adaptation de son livre "Détruire dit-elle" ; son premier film en tant que réalisatrice. La RTF s'immisce dans l'intimité du tournage et de la pensée de Duras, qui résonne singulièrement aujourd'hui : "détruire", dit-elle, pour mieux vivre, et pour mieux aimer.
[...] Marguerite Duras : "Je suis pour qu'on ferme toutes les facultés, toutes les universités, toutes les écoles . Qu'on recommence tout [...] Je suis pour qu'on oublie l'histoire, l'histoire de France, l'histoire du monde. Qu'il n'y ait plus aucune mémoire de ce qui a été vécu, c'est-à-dire de l'intolérable [...] si l'homme ne change pas dans sa solitude, rien n'est possible, toutes les révolutions seront truquées."
Nos seniors en Ehpad, à l’hôpital ou chez eux devraient pouvoir recevoir temporairement cette substance dont les vertus sont prouvées, plaident des associatifs et médecins.
Nos seniors en Ehpad, à l’hôpital ou chez eux devraient pouvoir recevoir temporairement cette substance dont les vertus sont prouvées, plaident des associatifs et médecins.
En Écosse, dans une ville industrielle en déclin, le quotidien chaotique de la jeune Gemma en proie à la violence et au désenchantement. Une chronique documentaire saisissante, entre rage de vivre et tourments adolescents.
"Ici, on se fait soit engrosser, soit enfermer." À Motherwell, cité ouvrière du sud de l’Écosse, Gemma, 18 ans, visage diaphane d'angelot rageur et cheveux blond platine, peine à se sortir du fatalisme qui s’est emparé de la ville depuis l’arrêt de la dernière aciérie locale, en 1997. Les adolescents passent leurs journées à errer, boire et fumer, et Gemma n’échappe pas à ce désœuvrement.
Du seul point de vue épidémiologique, il faut maintenir des mesures de distanciation physique (distance de sécurité entre les individus, masques, etc) pour ne pas faire repartir l’épidémie de manière incontrôlée, mais en l’absence de vaccin et de traitement, il faut aussi que des contacts soient possibles entre les gens de façon à ce que le virus circule pour créer une immunité populationnelle (estimée réalisée quand 60-70% de la population aura été en contact avec le virus, contre une estimation actuelle de 10% au mieux). Avec une inconnue de taille : le degré de protection donnée par le fait d’avoir été contaminé. Or, de ce point de vue, tous les travaux ne sont pas rassurants. En tout cas, le déconfinement doit être progressif et se tenir sur la corde raide entre une protection insuffisante (faisant redémarrer l’épidémie) ou excessive (provoquant des dommages difficiles ou impossibles à réparer). Plusieurs paramètres sont envisagés.
“Je ne savais même pas où jeter les poubelles. D’habitude, c’est mon personnel qui les ramasse et les dépose quelque part.”Interrogée par le New York Post, cette “médecin de la [très chic] 5e Avenue [new-yorkaise], qui a décidé de s’accrocher à un semblant de normalité” pendant le confinement lié à la pandémie de Covid-19, en “continuant de travailler depuis son cabinet”, l’admet : “elle a découvert dès le premier jour à quel point elle était démunie sans son équipe de cinq assistants”.