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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 19 avril 2020

Edgar Morin : « Cette crise nous pousse à nous interroger sur notre mode de vie, sur nos vrais besoins masqués dans les aliénations du quotidien »

Dans un entretien au « Monde », le sociologue et philosophe estime que la course à la rentabilité comme les carences dans notre mode de pensée sont responsables d’innombrables désastres humains causés par la pandémie de Covid-19.
Propos recueillis par Nicolas Truong Publié le 19 avril 2020
Edgar Morin, sociologue et philosophe, à Montpellier (Hérault), en janvier 2019.
Edgar Morin, sociologue et philosophe, à Montpellier (Hérault), en janvier 2019. OLIVIER METZGER POUR « LE MONDE »
Né en 1921, ancien résistant, sociologue et philosophe, penseur transdisciplinaire et indiscipliné, docteur honoris causa de trente-quatre universités à travers le monde, Edgar Morin est, depuis le 17 mars, confiné dans son appartement montpelliérain en compagnie de sa femme, la sociologue Sabah Abouessalam.
C’est depuis la rue Jean-Jacques Rousseau, où il réside, que l’auteur de La Voie (2011) et de Terre-Patrie (1993), qui a récemment publié Les souvenirs viennent à ma rencontre (Fayard, 2019), ouvrage de plus de 700 pages au sein duquel l’intellectuel se remémore avec profondeur les histoires, rencontres et « aimantations » les plus fortes de son existence, redéfinit un nouveau contrat social, se livre à quelques confessions et analyse une crise globale qui le « stimule énormément ».

La pandémie due à cette forme de coronavirus était-elle prévisible ?

Toutes les futurologies du XXe siècle qui prédisaient l’avenir en transportant sur le futur les courants traversant le présent se sont effondrées. Pourtant, on continue à prédire 2025 et 2050 alors qu’on est incapable de comprendre 2020. L’expérience des irruptions de l’imprévu dans l’histoire n’a guère pénétré les consciences. Or, l’arrivée d’un imprévisible était prévisible, mais pas sa nature. D’où ma maxime permanente : « Attends-toi à l’inattendu. »
De plus, j’étais de cette minorité qui prévoyait des catastrophes en chaîne provoquées par le débridement incontrôlé de la mondialisation techno-économique, dont celles issues de la dégradation de la biosphère et de la dégradation des sociétés. Mais je n’avais nullement prévu la catastrophe virale.
Il y eut pourtant un prophète de cette catastrophe : Bill Gates, dans une conférence d’avril 2012, annonçant que le péril immédiat pour l’humanité n’était pas nucléaire, mais sanitaire. Il avait vu dans l’épidémie d’Ebola, qui avait pu être maîtrisée assez rapidement par chance, l’annonce du danger mondial d’un possible virus à fort pouvoir de contamination, il exposait les mesures de prévention nécessaires, dont un équipement hospitalier adéquat. Mais, en dépit de cet avertissement public, rien ne fut fait aux Etats-Unis ni ailleurs. Car le confort intellectuel et l’habitude ont horreur des messages qui les dérangent.

Yves Citton et Jacopo Rasmi : «Un jour, les mots "croissance" et "chômage" sembleront aussi bizarres qu’"anges" ou "immaculée conception"»

Par Catherine Calvet et Nicolas Celnik — 

Dessin Benjamin Adam


Dans leur ouvrage, les chercheurs prennent à rebours les théories de collapsologie qui prolifèrent. Ils appellent à s’enthousiasmer et à ne pas subir la crise que nous traversons comme un effondrement, mais plutôt comme l’occasion de revoir nos croyances et nos systèmes de valeurs.

Virus, il ne leur manque que la parole

LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE par Nicolas Martin

Le 13/04/2020


Comment définit-on aujourd'hui un virus ? Quels sont les différents types de virus connus ? Quel est le mode de fonctionnement et de reproduction d'un virus ? Les bactériophages sont-ils des virus similaires à ceux qui nous infectent ? Existe-t-il des différences entre phages et virus ?

Virus
Virus Crédits : Qimono / Public Domain

Virus, étymologiquement parlant, c’est un jus mauvais, un poison, une puanteur, bref, quelque chose de pas vraiment sympathique. Et de fait, les virus sont responsables de maladies graves comme la grippe, Ebola, le SIDA, le SRAS… mais pour quelques espèces virulentes, combien d’autres vivent autour de nous, en nous, et ce certainement depuis l’origine du vivant ? Il y a plus de virus sur Terre que d’étoiles dans la galaxie. Les virus sont partout, et sont surtout beaucoup plus complexes qu’on ne l’imaginait, à tel point que l’on se demande, aujourd’hui, si les virus ne sont pas à l’origine de la vie, et s’il ne faudrait pas, eux aussi, les considérer comme des organismes « vivants ».
Virus, il ne leur manque que la parole. C’est le problème qui va occuper La Méthode scientifique dans l’heure qui vient.
« Il ne leur manque que la parole parce qu’une étude vient de montrer que certains virus communiquaient entre eux pour réguler leur activité. La Méthode scientifique en parlera avec ses deux invités Patrick Forterre, biologiste, membre de l’Institut universitaire de France, directeur du laboratoire de Biologie Moléculaire de Gène chez les Extrêmophile à l’Institut Pasteur et Alain Dublanchet, médecin microbiologiste, ancien chef de service à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, spécialiste de la phagothérapie.
"Il y a plus de virus sur Terre que d'étoiles dans l'Univers." - Carl Zimmer
  • Rencontre avec Laurent Debarbieux, chercheur à l’Institut Pasteur

Covid-19 : ce que l'on sait, ce que l'on ignore

L'INVITÉ(E) DES MATINS par Guillaume Erner

Le 16/04/2020


Alors que certains pays européens ont déjà entamé le processus de déconfinement, d'autres sont encore en pleine tourmente virale. Comment s'organiser pour donner une réponse coordonnée ? Pour tenter de le savoir, le médecin et chercheur Philippe Sansonetti est l'invité des Matins.

La coordination entre les pays, le mâitre mot de la sortie de crise ?
La coordination entre les pays, le mâitre mot de la sortie de crise ? Crédits : VICTOR HABBICK VISIONS/SCIENCE PHOTO LIBRARY - Getty

VCe  mercredi, l’Union Européenne a défendu une approche coordonnée pour sortir du confinement, "indispensable" pour relancer l'économie sans mettre en péril la santé des citoyens. Elle a par ailleurs annoncé une conférence des donateurs pour financer un vaccin contre le coronavirus. Si certains ont déjà entamé le processus, comme le Danemark ou l'Autriche, d’autres planchent sur l’organisation du déconfinement : levée régionale, autorisation de reprise de certaines activités, réouverture des écoles… Face au casse-tête du déconfinement, quelle est la bonne stratégie à adopter, si tant est qu’il en existe une ? Quel rôle joue la découverte d’un vaccin dans la sortie de crise ? Quelles leçons retenir pour faire face aux virus émergents, auxquels nous faisons face depuis plusieurs décades ? 
Pour en parler, nous recevons Philippe Sansonetti, médecin, chercheur, spécialiste des mécanismes des maladies infectieuses, titulaire de chaire "Microbiologie et maladies infectieuses", professeur au Collège de France et professeur  émérite à l’Institut Pasteur.

Coronavirus : après le confinement, de nouvelles règles de distanciation sociale seront nécessaires

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Par 
Solveig Godeluck
  Publié le 15 avr. 2020

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Pour le professeur de santé publique Antoine Flahault, une décrue rapide de l'épidémie est possible et rend donc le déconfinement dès le mois de mai envisageable. Selon lui, il faudra cependant être prêt à tester, isoler, tracer les patients, pour mettre en place une « distanciation personnalisée ».

Il y a encore un mystère de l'après-11 mai. Emmanuel Macron a promis lors de son allocution télévisée de lundi soir « une nouvelle organisation » pour « une nouvelle étape », ajoutant que le gouvernement présenterait son plan « d'ici à 15 jours ». Ce brouillard devra assurément être levé à temps, pour éviter une résurgence incontrôlée et meurtrière du coronavirus.


Jean-Luc Chassaniol : « Il est à craindre de possibles décompensations. La psychiatrie devra y répondre »

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Par Rebecca Fitoussi   LE 16 AVR 2020

Un jour, un regard sur la crise du Covid-19. Public Sénat vous propose le regard, l’analyse, la mise en perspective de grands experts sur une crise déjà entrée dans l’Histoire. Aujourd’hui, le regard de… Jean-Luc Chassaniol, Directeur du GHU Paris psychiatrie & neurosciences dont fait partie l’hôpital Sainte-Anne. S’il admet que la période rend les choses plus compliquées pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques, il appelle surtout à ne pas les stigmatiser davantage.

Dans une crise sanitaire de cette ampleur, la société est déjà très occupée par la protection du plus grand nombre… Mais il y a aussi ceux que l’on ne voit pas… Les patients hospitalisés en psychiatrie peuvent en faire partie… Est-ce le cas ? Sont-ils les oubliés de cette crise ?

Il est d’abord nécessaire de rappeler qu’en moyenne 1 français sur 5 a ou aura recours dans sa vie aux services de soins en psychiatrie. 90% des personnes suivies le sont en ambulatoire, c’est-à-dire qu’ils consultent en centres médico-psychologiques et/ou en hôpitaux de jour. La question du suivi se pose donc autant pour les personnes hospitalisées que pour celles qui vivent chez elles. Aux premiers jours de l’épidémie, la pénurie de masques était générale et les FFP2 réservés aux services de réanimation. Beaucoup se sont émus de l’attention qui devait être apportée à des populations déjà stigmatisées : les personnes souffrant de troubles psychiques. Les réponses sont venues et depuis plusieurs semaines déjà, l’ensemble de la communauté sanitaire fait front commun pour faire face à la pandémie. En revanche, il y a des spécificités : isolement, soins médico-légaux sous contraintes, difficultés d’adaptation sociale, d’observance des traitements etc… Se sont donc mises en place des procédures spécifiques. In fine, la prise en charge d’une personne Covid et en psychiatrie est plus complexe que pour d’autres pathologies, car reste pour certains patients l’impossibilité d’un maintien à domicile.







Coronavirus : au Danemark, les élèves ont repris le chemin de l’école

Le royaume scandinave est le premier pays en Europe à avoir rouvert, mercredi, ses jardins d’enfants et écoles primaires, qui étaient fermés depuis le 13 mars.
Par  Publié le 16 avril 2020

Des parents et leurs enfants font la queue pour entrer dans leur école, le 15 avril à Gladsaxe (Danemark).
Des parents et leurs enfants font la queue pour entrer dans leur école, le 15 avril à Gladsaxe (Danemark). RITZAU SCANPIX / REUTERS

Quelques larmes et surtout beaucoup d’excitation, après un mois de semi-confinement. Mercredi 15 avril, les petits Danois ont fait leur rentrée, pour ceux dont les jardins d’enfants et les écoles ont eu le temps de se mettre aux normes imposées par la direction de la santé publique. Les autres devront encore patienter quelques jours.
La décision de commencer le déconfinement par les plus jeunes a été prise le 6 avril, par la première ministre, Mette Frederiksen, qui constatait alors que le royaume de 5,7 millions d’habitants avait « évité le pire » en réagissant rapidement face à l’épidémie de Covid-19 due au coronavirus. Au total, 6 700 personnes ont été contaminées et 309 sont décédées. Depuis le 1er avril, le nombre de patients en réanimation ne cesse de baisser.

Une enquête est lancée auprès de 200 000 personnes pour révéler les enjeux du confinement

Publié le 15/04/20
La crise sanitaire du Covid-19 a entraîné des mesures exceptionnelles de prévention, comme le confinement. La communauté scientifique s'interroge sur ses conséquences concernant la santé, la qualité de vie ou les relations sociales. Dans un communiqué, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) annonce le lancement d'une enquête nationale auprès d’environ 200 000 participants de cinq grandes cohortes, en collaboration avec Santé publique France*.

Communiqué de l’Académie nationale de médecine : Covid-19 et Psychiatrie



Publié le 17 avril 2020

Les conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur les malades mentaux et les soins psychiatriques sont majeures et alarmantes. Il faut souligner notamment :
– la fragilité particulière de ces patients, liée à la fréquence des déficits organiques associés et à la difficulté de leur faire observer les gestes barrières ou de recourir aux soins que leur état de santé nécessite, du fait de l’inhibition due à leur pathologie et aux traitements ;
– l’application difficile des mesures de confinement en chambre chez les malades mentaux hospitalisés quand la prévention de la contagion l’exige ;
– le risque important de rupture du suivi et des soins, donc de rechute, chez les malades mentaux suivis en ambulatoire en raison d’une moindre accessibilité des consultations, et ses conséquences sur leur état de santé et sur leur entourage ;
– le risque de transmission nosocomiale du SARS-CoV-2 dans les établissements psychiatriques comme dans tous les établissements de santé.
Au total, l’ampleur de la situation épidémique actuelle expose les patients psychiatriques à une perte de chance consécutive à un éventuel abandon des soins. Cette préoccupation majeure concerne aussi tous les sujets présentant des symptômes de souffrance psychique (anxiété, dépression, angoisses, voire bouffées délirantes, pensées suicidaires, …) favorisés par les conditions de confinement.

La moitié des parents d'enfants handicapés moteurs sont mécontents du suivi rééducatif

Publié le 15/04/20


Les premiers résultats de l'enquête Echo sur le vécu des familles d'enfants handicapés moteurs pendant le confinement (lire notre article) montre que 54,4% des parents sont mécontents du suivi rééducatif et médical. L'enquête a été diffusée en ligne à partir du 6 avril. 874 réponses ont été obtenues en quatre jours et ont servi à cette première analyse. Les informations recueillies concernent des enfants de tout âge, atteints principalement de paralysie cérébrale (44%), d'autres maladies génétiques ( 23%) et de pathologies neuromusculaires (12%). Des atteintes autres que motrices sont associées dans 67% des cas.


La principale proéccupation des parents est de loin le suivi rééducatif.
La principale proéccupation des parents est de loin le suivi rééducatif.

Déconfinement : le président du Conseil scientifique prévoit entre 10 000 et 15 000 nouvelles contaminations par jour

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Par Alexandre Poussart  LE 15 AVR 2020

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18 millions de Français devront rester confinés après le 11 mai ...










Auditionné au Sénat, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, a assuré qu’à la mi-mai, au moment du déconfinement, il y aura entre 10 000 et 15 000 nouvelles contaminations par jour. Il a affirmé ne pas savoir si une personne déjà contaminée sera vraiment immunisée contre le virus. 








La maternité aux temps du Covid-19

Publié le 14/04/2020







Être enceinte, mettre un enfant au monde et devenir mère sont idéalement des moments de joie, de bonheur et de plénitude dans la vie d'une femme. Cependant, certaines femmes peuvent souffrir de troubles anxieux ou dépressifs durant cette période. Lors de la grossesse et des mois qui suivent l'accouchement les femmes sont plus vulnérables, et ces perturbations psychologiques peuvent avoir des conséquences néfastes à long terme sur les enfants.

Comment protéger les mères (et leurs partenaires), contre des troubles anxieux ou dépressifs en ces temps de Covid-19 ? C'est la question que se posent des membres du Thrive Center, Faculty of Health and Wellbeing, University of Central Lancashire (UK). Au stress partagé par l'ensemble de la population face à la pandémie, s'ajoute, chez les femmes enceintes, celui lié aux incertitudes quant aux risques de Covid-19 pendant la grossesse.

Coronavirus : comment le regard de l’homme a évolué face aux grandes épidémies

Dans la Bible comme au Moyen Age, les crises épidémiques étaient considérées comme des châtiments divins. Face au coronavirus, la lecture scientifique triomphe, mais en remettant au goût du jour un langage métaphorique sur les « signes » d’alerte envoyés par la nature.
Par  Publié le 18 avril 2020
EMILIE SÉTO
Les épidémies sont de redoutables ennemies : le mal est invisible mais il est souvent plus meurtrier qu’un conflit armé – la grippe espagnole de 1918-1919 a fait plus de victimes que la première guerre mondiale. Le coronavirus n’échappe pas à la règle : la « plus petite des créatures de la Terre », selon le mot du philosophe Emanuele Coccia, cloître à domicile la plus grande partie de l’humanité et tue sans crier gare les plus fragiles. Le virus « échappe totalement à notre prise », résume Patrick Zylberman, professeur émérite d’histoire de la santé à l’Ecole des hautes études en santé publique : il peut s’attaquer à n’importe qui, n’importe quand, n’importe où.
Comment comprendre de tels cataclysmes ? Comment décrypter de telles tragédies ? Les scientifiques du XXIe siècle séquencent des génomes et multiplient les essais cliniques, mais pendant des siècles, les hommes ont eu une tout autre lecture du mal : ils l’ont considéré comme un châtiment divin. « Dès que nous abordons l’une de ces épidémies massives d’où se lève la vision d’une multitude de corps souffrants ou sans vie, nous pénétrons dans une atmosphère de terreur religieuse, plus ou moins alourdie d’un sentiment de culpabilité diffuse », constatait Alice Gervais, en 1964, dans le Bulletin de l’Association Guillaume Budé sur l’Antiquité.
Parce que les grandes épidémies anéantissent subitement des dizaines de milliers de vies, parce qu’elles sont longtemps restées indéchiffrables à des sociétés qui ignoraient tout des mécanismes de la contagion, les hommes leur prêtaient une signification théologique : sous l’Antiquité comme au Moyen Age, ils y ont vu un message des astres, de la nature ou des puissances divines. Les épidémies sont de « grands personnages de l’histoire », selon l’expression de l’historien Bartolomé Bennassar (1929-2018) : elles ont, pendant des siècles, fait l’objet de récits, de croyances, de mythologies et de légendes.

Covid-19 : mettre en place un rituel d'adieu

Par Un collectif de personnalités civiles et culturelles — 
Funérailles d'une personne indigente à Aix-en-Provence le 7 avril.
Funérailles d'une personne indigente à Aix-en-Provence le 7 avril. Photo Clement Mahoudeau. AFP


Face à l'impossibilité de se rendre au chevet des patients dont le pronostic vital est engagé, un collectif de personnalités civiles appelle le gouvernement à imaginer des espaces pour dire au revoir à ses proches.

Tribune. Nous sommes inquiets pour nos proches, pour l’avenir, pour nous-mêmes. Nous sommes des citoyennes et des citoyens ordinaires, de diverses professions, de différentes régions. Nous savons les personnels hospitaliers surchargés. Nous savons l’urgence par laquelle sont acculé·es les professionnel·les de santé et les aidant·es. Nous les remercions grandement de leur courage. Nous sommes également certain·es de leur désarroi face à la mort, à la douleur d’autrui. Il va de soi que nous comprenons la nécessité de protéger les soignants et nous-mêmes, et nous comprenons les mesures de restriction des visites.
La visite aux proches gravement souffrants est un besoin vital. Privés de ce droit élémentaire, de nombreuses familles, des conjoint·es, vivent le même traumatisme. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des patient·es, dont certain·es sont jeunes, parents, en phase aiguë ou terminale, qui ne peuvent être accompagné·es dignement à l’aube de leur mort. Nous sommes horrifié·es à l’idée que des personnes n’aient pu dire adieu à leurs proches ou lorsque nous apprenons que les ancien·nes décèdent seul·es dans les Ehpad, dans les hôpitaux, loin de leurs enfants, de leurs petits-enfants. L’idée ne pas revoir des personnes chères, qu’elles soient souffrantes ou agonisantes, est terriblement anxiogène. Nous imaginons la terrible angoisse de celle ou de celui qui meurt séparé·e de ses proches.
Les cérémonies de deuil, les adieux aux agonisant·es, les rituels funéraires existent dans toutes les cultures humaines. Dans les réponses gouvernementales à cette pandémie, ces rites, ces moments fondamentaux ne sont pas respectés. Le «protocole funéraire» qui s’y substitue aujourd’hui laissera des traces, des blessures profondes qui perdureront. Le gouvernement emploie le terme «résilience» pour qualifier le programme de lutte contre l’épidémie. N’oublions pas la signification de ce mot. Aucune épreuve ne devrait nous mener à résilier notre humanité.