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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 27 mars 2020

La téléconsultation de Predice en Hauts-de-France s'étend à d'autres professions de santé

Publié le 26/03/20



L'ARS Hauts-de-France annonce dans un communiqué que 3 000 médecins sont inscrits au service de téléconsultation de la plateforme Predice. Depuis le 4 mars en effet, l'ARS a accéléré auprès des médecins généralistes et spécialistes de la région le déploiement de ce service face à la propagation de l'épidémie de Covid-19. "Sur la base de ces premiers résultats encourageants et face aux besoins liés à cette situation sanitaire exceptionnelle", l'agence a décidé d'étendre avec ses partenaires "le bénéfice des services de télésanté du programme Prédice à d’autres professionnels de santé".

jeudi 26 mars 2020

Les élites et la peste, 1347 : " Partir tôt, loin, longtemps"



[...]

DE TOUT TEMPS, L'EXODE DES ÉLITES

Retour sur l'épisode de choléra en 1832, par notre chroniqueuse Mathilde Larrère, qui retrace le parcours de cette épidémie partie elle aussi d'Asie. A Paris, début 1832, on moque encore l'épidémie, préparant des masques de carnaval "choléra". "L'épidémie touche une population qui se croyait protégée par sa science". La maladie choque d'autant plus que les manifestations physiques en sont violentes. Les journaux sont appelés à "rassurer les esprits". Les morts sont enterrés de nuit, provoquant davantage de panique.

A l'époque déjà les citadins s'exilent loin de la ville. Un comportement qui rappelle celui, médiatisé à la télé, critiqué sur les réseaux sociaux, de Parisiens quittant la ville pour se confiner dans leur résidence secondaire contre le Covid-19. "On dit les Parisiens, mais ce sont en fait les élites bourgeoises des villes", précise Chandelier. Le médiéviste rappelle ainsi que le Decameron de Boccace raconte exactement cela : "La ville est frappée par la peste, des jeunes gens de très bonne famille vont à la campagne et décident de passer du bon temps". "Il y a une justification médicale pour eux : on fuit la zone de contamination. Mais évidemment les historiens pensent aujourd'hui que ça a contribué fortement à la diffusion de la maladie à la campagne". Un phénomène courant et "classique" pour les élites, "qui ont les moyens".

Chandelier note d'ailleurs que si 50% de la population européenne a été victime de la peste, si l'on regarde "du côté des cardinaux, de la cour d'Avignon et de leur entourage très riche, ça tourne plutôt autour de 15, 20%". Bourdelais note que cet exode est, au fond, "l'application du conseil d'Hippocrate : partir tôt, loin et longtemps". 


Ce que le coronavirus me dit Psychiatrie : regarder ces corps imploser

 PAR 

Covid-19 : "Un confinement de plus de dix jours peut causer des syndromes de stress post-traumatique"

Par Diane Berger  23/03/2020

Catherine Tourette-Turgis, directrice du master en éducation thérapeutique à Sorbonne-Université, a analysé les études qui existent sur le confinement. Les conséquences psychologiques sont nombreuses et doivent être anticipées.
Pour la psychologue Catherine Tourette-Turgis, "Il faudra du soin de santé mentale pour certains, auprès de psychiatres, mais aussi des aides sociales, des aides logistiques, pendant et après le confinement."
Pour la psychologue Catherine Tourette-Turgis, "Il faudra du soin de santé mentale pour certains, auprès de psychiatres, mais aussi des aides sociales, des aides logistiques, pendant et après le confinement." Crédits : Max Oppenheim - Getty
A quoi s'attendre quand on demande à la population d'un pays entier de rester chez elle pendant dix jours, deux semaines, un mois, voire plus ? Quels vont être les effets sur son mental, sur ses comportements sociaux ? Et quelles pathologies pourraient apparaître ?  
Alors qu'un milliard de personnes sont désormais confinées dans le monde, depuis ce mardi 17 mars en France, pour limiter la propagation du Covid-19, la psychologue Catherine Tourette-Turgis a décortiqué les études scientifiques sur les effets psychiques de la quarantaine. Et la fondatrice de l'Université des patients, directrice du master en éducation thérapeutique à Sorbonne-Université, veut rappeler l'importance du soutien face à un phénomène qui peut être aussi difficile à vivre qu'une catastrophe naturelle.

mercredi 25 mars 2020

La mort de la psychanalyste Marguerite Derrida

Formée à la Société psychanalytique de Paris, clinicienne, traductrice de plusieurs ouvrages, dont ceux de la psychanalyste Melanie Klein, elle épouse le philosophe Jacques Derrida en 1957. Elle est morte le 21 mars, à l’âge de 87 ans.
Par  Publié le 25 mars 2020

Marguerite Derrida, à Ris-Orangis (Essonne), en janvier 2001.
Marguerite Derrida, à Ris-Orangis (Essonne), en janvier 2001. JOEL ROBINE / AFP

Née à Prague, le 7 juillet 1932, d’une mère tchèque – Marie Alferi – et d’un père français, Marguerite Derrida, psychanalyste, est morte à Paris, samedi 21 mars, des suites du Covid-19, dans la maison de retraite de la Fondation Rothschild.
Elle était issue d’une famille de brillants intellectuels, tous normaliens, traducteurs de langues slaves et passionnés de littérature. Gustave Aucouturier (1902-1985), son père, agrégé d’histoire, journaliste, voyageur infatigable, fut correspondant de l’agence Havas à Moscou puis à Belgrade. Quant à son frère, Michel Aucouturier (1933-2017), agrégé de russe, enseignant, éminent spécialiste des œuvres de Boris Pasternak et de Léon Tolstoï, il est considéré comme l’une des grandes figures de la slavistique française et internationale.
C’est par son intermédiaire qu’elle fait la connaissance de Jacques Derrida, en 1953, lors d’un séjour aux sports d’hiver, où se retrouvent plusieurs condisciples de l’Ecole normale supérieure. Elle entreprend alors des études de russe, qu’elle est contrainte d’abandonner pour cause de tuberculose. Elle le revoit un an plus tard, à la suite d’un séjour en sanatorium. En gage d’amour, il lui offre un ouvrage d’Albert Camus, Noces (1938) « Il a une vénération pour cette œuvre de jeunesse, écrit Benoît Peeters, biographe de Derrida, qui lui permet surtout de faire entrevoir à la jeune fille le monde algérien dans lequel il a grandi » (Flammarion, 2010).

Françoise Barré-Sinoussi : « Ne donnons pas de faux espoirs, c’est une question d’éthique »

La virologue Françoise Barré-Sinoussi, nommée à la tête du Comité analyse recherche et expertise, installé par l’Elysée mardi 24 mars, appelle à la prudence envers le déploiement d’un traitement contre le coronavirus.
Propos recueillis par  Publié le 24 mars 2020

Françoise Barré-Sinoussi, le 10 mars 2020, à Paris.
Françoise Barré-Sinoussi, le 10 mars 2020, à Paris. Moreau-Perusseau/bestimage

Co-lauréate 2008 du prix Nobel de médecine pour sa participation à la découverte du VIH à l’Institut Pasteur en 1983, la virologiste Françoise Barré-Sinoussi, présidente de l’association Sidaction, a été nommée à la tête d’un Comité analyse recherche et expertise, composé de douze chercheurs et médecins, installé par l’Elysée mardi 24 mars. Ce comité sera chargé de conseiller le gouvernement pour tout ce qui concerne les traitements du Covid-19. Elle s’inquiète des fausses nouvelles qui circulent à propos de l’épidémie due au coronavirus.

Vous qui avez participé à la découverte du virus du sida, vous êtes restée silencieuse jusqu’à présent. Pourquoi vous exprimer aujourd’hui ?

Je suis inquiète, comme tout le monde, face à cette épidémie, qui me rappelle en bien des points beaucoup de choses douloureuses des débuts de l’épidémie de VIH-sida. C’est bien que les experts qui ont les mains dans le cambouis s’expriment, dont certains d’ailleurs ont vécu les premières années de l’épidémie de sida. Mais lorsque j’ai vu les dérives de ces derniers jours, je me suis dit que c’était aussi de ma responsabilité de m’exprimer. On entend parfois n’importe quoi, par exemple, parler de bactéries alors qu’il s’agit d’une infection virale.
Je réagis aussi à la vue, ces dernières heures, des files d’attente devant l’Institut hospitalo-universtaire de Marseille pour bénéficier d’un traitement, l’hydroxychloroquine, dont l’efficacité n’a pas été prouvée de façon rigoureuse. Certains peuvent être contaminés et risquent de diffuser le virus. C’est n’importe quoi. J’ai connu ce genre de situation dans les années 1980, ce qui peut semer la confusion auprès du grand public, déjà sidéré par l’ampleur de cette épidémie.

"Ne soyons pas les oubliés de cette épidémie": l'appel de la directrice de l'établissement psychiatrique Sainte-Marie à Nice

PAR AXELLE TRUQUET Mis à jour le 24/03/2020



La directrice de Sainte-Marie, l’établissement psychiatrique niçois, en appelle à la raison. Manque de moyens, personnels à bout de souffle, patients à risque, le pire pourrait bien être à venir
La directrice de Sainte-Marie, l’établissement psychiatrique niçois, en appelle à la raison. Manque de moyens, personnels à bout de souffle, patients à risque, le pire pourrait bien être à venir Photo E.O.

La directrice de Sainte-Marie, l’établissement psychiatrique niçois, en appelle à la raison. Manque de moyens, personnels à bout de souffle, patients à risque, le pire pourrait bien être à venir.

"On court à la catastrophe." Stéphanie Durand, directrice du centre hospitalier psychiatrique Sainte-Marie de Nice, ne mâche pas ses mots.
"Les premiers cas de patients diagnostiqués Covid-19 sont apparus ce week-end et ce n'est qu'un début. Manque de moyens, manque de personnel... Les soignants sont inquiets et moi aussi. J’ai alerté les pouvoirs publics mais la psychiatrie en France semble être délaissée. Ne soyons pas les oubliés de cette épidémie."
Comment expliquer à une personne lourdement handicapée psychiquement qu’il faut respecter des mesures de distanciation sociale ? Comment gérer les patients chez qui monte l’angoisse? Comment les soigner sans masques?
A Nice, le CHU et le CH Sainte-Marie se sont coordonnés afin de limiter les hospitalisations pour éviter les risques de contagion du Covid-19. Cela a permis notamment de diminuer un peu le flux aux Urgences psychiatriques. Mais quid des malades hospitalisés?

Le HCSP précise les conditions de levée du confinement pour les soignants infectés

Publié le 24/03/20

Les critères cliniques permettant une levée des mesures de confinement des personnes cas Covid-19 ont évolué depuis le début de l'épidémie. Le HCSP se focalise sur le cas particulier des personnels de santé dans le souci d'une continuité des soins.
Dans un avis rendu le 5 mars sur la prise en charge des cas confirmés d'infection au virus Sars-Cov-2, le Haut Conseil à la santé publique (HCSP) avait retenu des critères pour autoriser la sortie de secteur d'isolement d'un patient cas confirmé de Covid-19. Pour un patient non traité, il préconisait la disparition des symptômes associés à l’infection et deux tests de dépistage (RT-PCR) sur des prélèvements naso-pharyngés négatifs réalisés à 48 heures d'intervalle. Mais "la situation épidémiologique actuelle", avec le passage au stade 3 de l'épidémie au 14 mars, ne rend "plus applicables" ces recommandations, estiment les experts dans un nouvel avis rendu le 16 mars.

Les Ehpad dans la crainte de l’hécatombe

Par Catherine Mallaval Sylvain Mouillard Marie Piquemal et Virginie Ballet — 
Dans un Ehpad toulousain le 20 février.
Dans un Ehpad toulousain le 20 février. Photo F. Scheiber. Hans Lucas

Depuis le début de l’épidémie, plusieurs établissements pour personnes âgées auraient déjà enregistré leurs premiers morts du coronavirus. Alors que le matériel et les personnels manquent dans de nombreuses structures, tous redoutent un bilan terrible faute de protocole dédié.

    «Nous avons le regret de confirmer, à ce jour, 20 décès en lien possible avec le Covid-19.» Dans un communiqué commun, l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture des Vosges ont fait état lundi de la situation dramatique dans un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de Cornimont, commune de 3 000 habitants à une vingtaine de kilomètres de Gérardmer. Désormais, la présence du coronavirus dans plusieurs maisons de retraite un peu partout en France ne fait plus de doute. Avec parfois une issue fatale pour certains résidents, même si le lien avec le Covid-19 est probable mais pas sûr à 100 %, les tests n’étant pas effectués post mortem. Depuis le début de l’épidémie, quinze personnes sont mortes dans un établissement de Thise (Doubs), sept à Sillingy (Haute-Savoie), cinq à Mauguio (Hérault)… Lundi, l’ARS d’Ile-de-France indiquait que 124 Ehpad de la région comptaient au moins deux cas diagnostiqués.

    «On va vers une hécatombe dans les Ehpad», a alerté lundi sur RTL Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France, se faisant l’écho des craintes exprimées par de nombreux professionnels. La semaine dernière, plusieurs d’entre eux alertaient le ministre de la Santé, Olivier Véran, redoutant la mort de plus de 100 000 personnes âgées dépendantes. Pour tenter de faire face, le gouvernement a d’abord demandé aux Ehpad d’activer leur «plan bleu», dispositif né après la canicule de 2003. Depuis le 11 mars, toutes les visites extérieures sont suspendues. Mais la propagation du Covid-19 semble difficile à enrayer.

« On a tout fait et ça n’a pas suffi » : le traumatisme des soignants de l’Ehpad de Saint-Dizier face aux seize victimes du coronavirus

L’établissement de Haute-Marne avait mis en place les mesures de confinement, sans parvenir à empêcher le Covid-19 d’atteindre ses résidents.
Par  Publié le 25 mars 2020
Dans un Ehpad du sud de la France, le 12 mars.
Dans un Ehpad du sud de la France, le 12 mars. Frantz Bouton / PHOTOPQR/NICE MATIN/MAXPPP
Jérôme Goeminne, le directeur du Groupement hospitalier de territoire cœur Grand Est, commence sa conférence de presse sur le ton froid et maîtrisé d’un technicien. Il annonce seize décès consécutifs à l’Ehpad le Chêne de Saint-Dizier (Haute-Marne), qui est sous sa supervision. Autour de la table, une petite dizaine de médecins et cadres de santé sont en renfort pour expliquer « en toute transparence une situation catastrophique ».
« Seize personnes sont mortes, alors que nous avions pris avant tout le monde, en amont du temps national, toutes les mesures de confinement. On était superfiers d’être les bons élèves, on avait compris l’Italie, on avait compris l’Alsace, on savait qu’on serait les suivants, on a tout fait et ça n’a pas suffi. » Et le directeur d’égrener, comme pour parer à toute critique, la liste des dispositifs mis en place : « Le 5 mars on a limité les visites, le 8 mars on a isolé les résidents dans leur chambre, le 11 on a interdit les visites, le 13 mars masques pour tout le monde, et le 15 mars premier décès. » Les deux premières victimes sont évacuées à l’hôpital tout proche et testées : le Covid-19 est entré dans l’établissement. « Résident ? agent ? visite familiale ? on a aucune idée de qui est responsable de ce cauchemar collectif. »

« De nombreux patients ne seront plus soignés » : le désarroi des hôpitaux psychiatriques face au coronavirus

Le secteur de la santé mentale s’organise comme il peut, dans l’urgence, afin de maintenir les soins pour les cas les plus difficiles et éviter la propagation du Covid-19 au sein des établissements.
Par  Publié le 25 mars 2020
OLIVIER BALEZ
Pas de masques, nulle part ou presque. Pas même au Groupe hospitalier universitaire (GHU) psychiatrie et neurosciences de Paris, qui regroupe les hôpitaux Sainte-Anne, Maison-Blanche et Perray-Vaucluse – soit 70 000 patients par an et un millier de lits. « Dans la distribution, nous avons tout simplement été oubliés par les autorités sanitaires, constate le docteur Raphaël Gaillard, chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne. Comme si la psychiatrie était une spécialité accessoire, un luxe que l’on peut se permettre en temps de paix. » Dans le secteur de la santé mentale, parent pauvre d’un système hospitalier lui-même dégradé, la crise sanitaire actuelle suscite les pires inquiétudes. Pour les soignants, et plus encore pour les malades.
Partout, que ce soit dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux ou dans les établissements psychiatriques de secteur, le confinement en vigueur depuis le 17 mars entraîne les mêmes réorganisations. Avec deux objectifs : éviter au maximum le rapprochement des personnes et libérer des lits. La sortie des patients dont l’état est jugé satisfaisant est accélérée, la plupart des consultations reportées ou effectuées par téléphone. « J’avais entre 70 et 100 patients à voir dans les trois prochaines semaines, j’ai demandé à seulement deux d’entre eux de venir », précise Matthieu Gasnier, du service de psychiatrie de l’Hôtel-Dieu (Paris). On s’adapte dans l’urgence. Et non, parfois, sans une certaine amertume.

Pau : une unité Covid-19 de 24 lits mise en place à l’hôpital psychiatrique

Par Gabriel Blaise. 
Le Centre hospitalier des Pyrénées a repensé, en quelques jours seulement, toute son organisation. Un cas avéré, sans gravité, est déjà en surveillance.

"Les patients nous arrivent par vagues. On a eu des psychotiques décompensés, en tout début de semaine dernière, des toxicos en manque, des alcooliques qui décompensent à domicile, des personnes âgées qui craquent…" Pour ce soignant du Centre hospitalier des Pyrénées, les premiers effets du confinement sur les esprits se sont fait ressentir au bout de quelques jours seulement. Mais l’hôpital psychiatrique palois "fait face" et est prêt à accueillir les patients grâce à une mobilisation "extraordinaire" de tous ses collègues, assure-t-il.
Les patients en psychiatrie sont "particulièrement fragiles, et présentent souvent des critères de comorbidité qui les rendent potentiellement plus sensibles au virus", rappelle Thierry Della, chef de service en psychiatrie. Mais comment accueillir des besoins grandissants, avec moins de personnels pour cause de confinement ?

Moins de personnel, moins de contacts

Dans le contexte du passage au stade 3 de l’épidémie, le CHP a repensé, en un temps record, toute son organisation. "On a dû réinventer une nouvelle psychiatrie en trois jours, à partir de lundi dernier ; le mercredi, on était en ordre de marche", résume Thierry Della, encore "bluffé" par l’élan d’énergie des équipes qui ont dû accepter le mot d’ordre "rentrez chez vous".

L’Observatoire « Covid-19 éthique » apporte son aide

PAR 
COLINE GARRÉ - 
 
PUBLIÉ LE 24/03/2020

Comment préserver notre éthique face à la crise sanitaire du Covid-19, qui met à mal le système de santé, la cohésion sociale et la démocratie ? L'Espace éthique de la région Ile-de-France a mis sur pied l'observatoire « Covid-19 Éthique & société », qui a déjà produit trois documents portant sur la réanimation, le handicap et les précarités, et les Ehpad et le domicile.
Comment maintenir une équité nationale, alors que certains Samu sont saturés ?
Comment maintenir une équité nationale, alors que certains Samu sont saturés ?
Crédit photo : Phanie
« Loin d'être prescriptifs, nos documents cherchent à identifier des points de vigilance et donner des pistes d'approche », explique Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale (université Paris Saclay) et directeur de l'espace éthique de la région Ile-de-France. Ce dernier a installé, en partenariat avec l’Espace national de réflexion éthique maladies neuro-dégénératives et le Département de recherche en éthique de l’Université́ Paris-Saclay, l'observatoire « Covid-19 Éthique & société ». 

mardi 24 mars 2020

Raphaël Gaillard : « Que les Français sachent que des soignants feront tout leur possible pour les sauver mais vivront des dilemmes terribles »

Chef de pôle à Sainte-Anne, à Paris, ce professeur de psychiatrie témoigne, dans une tribune au « Monde », de ce que vivent les soignants, rempart dressé devant la catastrophe mais manquant cruellement de moyens, notamment de masques, et contraints à des choix déchirants.


Publié le 23 mars 2020

« Il ne fait aucun doute que nos réanimations seront très vite saturées. Nos collègues soignants en réanimation ont fait tout leur possible pour élargir leurs capacités. Mais elles restent limitées par le nombre de respirateurs disponibles. Alors le plus tragique se jouera en dehors des réanimations »
« Il ne fait aucun doute que nos réanimations seront très vite saturées. Nos collègues soignants en réanimation ont fait tout leur possible pour élargir leurs capacités. Mais elles restent limitées par le nombre de respirateurs disponibles. Alors le plus tragique se jouera en dehors des réanimations » ANNE CHAON / AFP
Tribune. Nous consacrons 100 % de notre temps à cette crise sanitaire. Médecin psychiatre responsable d’un pôle dans un hôpital psychiatrique parisien, j’ai pris quelques minutes pour en témoigner au nom de tous les soignants, et pour prendre la mesure de ce qui nous attend. Nous sommes au tout début d’une catastrophe annoncée.
Les psychiatres n’ont pas à porter de jugement sur les décisions du gouvernement. Mais sous-mariniers de la société et de ses affres, nous en observons les tensions nouvelles. Je veux surtout décrire ce que vivent les soignants dès aujourd’hui. Ils sont le rempart dressé devant la catastrophe. Ils sont au cœur de la tempête.

Contagion et impréparation

Ce virus se propage à grande vitesse, il est très contagieux. La mécanique de ses conséquences est implacable. Pour une minorité de patients, ce virus conduit à des complications graves. Pour ceux-là, des soins en réanimation seront nécessaires pour soutenir leur fonction respiratoire défaillante. Si cette fraction de quelques pourcents s’applique à des millions de personnes, cette fraction représente beaucoup de monde.
Beaucoup trop de monde. Il ne fait aucun doute que nos réanimations seront très vite saturées. Nos collègues soignants en réanimation ont fait tout leur possible pour élargir leurs capacités, mais elles restent limitées par le nombre de respirateurs disponibles. Alors le plus tragique se jouera en dehors des réanimations.
C’est déjà le cas. Que faire d’un patient faisant une hémorragie méningée ou un infarctus du myocarde et nécessitant une prise en charge en soins intensifs ? Comment faire face à un afflux aux urgences des hôpitaux alors que l’aval est chroniquement insuffisant ? L’aval, c’est avant tout des lits permettant d’hospitaliser des patients. Les services hospitaliers ont en un temps record augmenté leurs capacités et fait sortir des patients encore trop fragiles afin de libérer des lits, ce qui a parfois été déchirant.

Claire Marin : « Face à la catastrophe, on se rassure en la considérant comme une parenthèse plutôt qu’un avertissement »

Dans un entretien au « Monde », la philosophe Claire Marin explique que la crise que nous vivons n’est pas une « guerre » mais une rupture, qui nous met à l’épreuve dans l’intimité de nos vies.
Propos recueillis par Nicolas Truong Publié le 24 mars 2020

YANN LEGENDRE

Claire Marin est philosophe et enseigne dans les classes préparatoires en banlieue parisienne. Membre associée de l’Ecole normale supérieure, elle dirige le Séminaire international d’études sur le soin (SIES). Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages consacrés aux épreuves de la vie et de la maladie : Violences de la maladie, violence de la vie (Armand Colin, 2008), Hors de moi (Allia, 2008), La Maladie, catastrophe intime (PUF, 2014). Après un texte consacré aux parcours de jeunes de banlieue (La Relève, Cerf, 2018), elle a publié Rupture(s) (L’Observatoire, 2019), un ouvrage remarqué. Elle-même atteinte d’une maladie auto-immune, Claire Marin analyse la rupture avec la normalité et la façon dont cette pandémie affecte et fragilise nos vies.

L’expression « Nous sommes en guerre », utilisée par le président de la République, est-elle appropriée à la situation que nous vivons ?

A mon sens, il ne s’agit pas d’une guerre, parce qu’il n’y a pas d’ennemi. Nous sommes face à un phénomène qui s’inscrit dans la loi du vivant, laquelle se manifeste à la fois au travers de processus de création et de destruction. La maladie fait partie de la vie au sens biologique, comme la dégénérescence et la mort. Il n’y a pas d’ennemi quand il n’y a ni intelligence humaine ni intention de nuire. Il s’agit d’un phénomène biologique qui nous menace et nous met à l’épreuve, mais ce n’est pas une guerre.
Penser les maladies sur le modèle de la guerre, ce qui est courant, c’est se méprendre sur l’essence du vivant. Je ne suis pas sûre que cela aide ni à se la représenter ni à en comprendre le fonctionnement. D’autant plus qu’ici il s’agit non pas d’aller au contact, mais bien plutôt de l’esquiver comme un boxeur agile, qui refuserait de rendre les coups. Pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de la détruire, ni par un traitement, ni par un vaccin, mais simplement d’essayer autant que possible de freiner sa propagation affolante. C’est très différent.