Par 14 juin 2019
Francesca Melandri, le 7 juin à Paris. Photo Samuel Kirszenbaum pour Libération
Un jeune homme quitte l’Ethiopie en 2007. Trois ans plus tard, le voici enfermé dans un Centre d’identification et d’expulsion (CIE), en Italie. «Ce sont nos frontières. Celles que nous avons fait semblant de supprimer», dit un avocat désabusé à la fin du grand roman de Francesca Melandri, Tous, sauf moi.Il s’agit, disons, d’un roman historique. L’auteure - 55 ans, polyglotte, de passage à Paris - ne récuse pas l’expression. Eva dort (Gallimard, 2012) traitait de l’italianisation forcée du Tyrol du Sud germanophone, avec en parallèle la traversée contemporaine de l’Italie du nord au sud. Plus haut que la mer (2015) confrontait des prisonniers politiques (mais pas seulement) et leur famille, à la fin des années 70.
Le jeune homme de Tous, sauf moi a connu les geôles libyennes. Il en a été libéré lorsque Kadhafi, reçu à Rome par Berlusconi avec baisemain et fastes impériaux, a jugé bon de nettoyer ses cachots. Puis il a traversé la Méditerranée dans les conditions que tout le monde connaît. Le migrant ne possède rien, sauf sa carte d’identité et ce bien immatériel qu’on ne peut lui voler : son adresse mail. Il est noir, il s’appelle Shimeta Ietmgeta Attilaprofeti. Avant d’atterrir au CIE, il se rend à l’adresse qui a été le véritable but de son voyage. Il vient voir Attilio Profeti, son grand-père, dont il sait qu’il réside à Rome. En vérité, c’est dans la vie des enfants d’Attilio Profeti qu’il débarque, chez sa tante et son oncle présumés.