Paris, le samedi 18 avril 2015 – Le 17 mars a été adoptée en première lecture la proposition de loi des députés Alain Clayes (PS) et Jean Leonetti (UMP) créant de « nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie». On le sait, la proposition phare de ce texte adopté par 436 voix (et 86 voix contre) est l’instauration d’un droit à la sédation profonde et continue pour accompagner l’arrêt de traitement à la demande du patient. Critiqué tant par les opposants à l’euthanasie que par ses partisans, cette loi fait pourtant l’objet d’un consensus politique et également médical. Un sondage réalisé sur notre site a en effet mis en évidence qu’une majorité de professionnels de santé, 62 %, se déclare favorable à l’instauration de ce droit à la sédation profonde et continue.
La relation médecin/malade dans ce qu’elle a de plus ultime
Ceux qui militent en faveur d’une légalisation de l’euthanasie en France à l’instar de ce qui prévaut aux Pays Bas et en Belgique regrettent fréquemment que la question de l’accompagnement de la fin de vie soit trop systématiquement appréciée à travers le point de vue médical. Selon eux, il existe une réelle fracture entre le désir des patients (et citoyens) et les convictions des praticiens sur ces sujets. Sur son blog consacré à cette thématique de la fin de vie, Jacqueline Jencquel, responsable de l’antenne vénézuélienne de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) l’illustre encore une fois. Commentant les résultats de notre sondage, elle s’interroge : « Si cette pratique semble convenir aux médecins, qui se préoccupe de savoir si elle convient aussi aux malades ? Ce n’est pas ce qui ressort de tous les sondages réalisés depuis des années sur ce sujet » conteste-t-elle. Pour Daniel Carré, également militant au sein de l’ADMD, l’amélioration de la fin de vie passe par la construction d’une nouvelle relation entre médecins et patients. Sur son blog hébergé par Mediapart, il juge tout d’abord que « la proposition de loi traduit un manque de confiance envers celui qui est confronté à sa propre fin », notamment parce que le texte introduit des limites au caractère opposable des directives anticipées. Concernant le rôle des praticiens, il souligne : « Le médecin se retrouve trop souvent seul dans l’exercice de sa mission. Il est lui même désespéré de ne pas supprimer chez son patient la peur de la souffrance ou de la mort. (…) Le médecin fournit de l’aide, mais pas le salut que lui demande le malade face à sa mort prochaine. Les professionnels de santé doivent admettre les limites de leurs capacités et reconnaître que la maladie et la mort font partie de la condition humaine. Ils doivent résister à cette grandiose ambition que personne ne peut remplir, le pouvoir de vaincre définitivement la souffrance et la mort. L’arrivée d’une médecine prédictive et personnalisée implique la mise en place de la coopération soignant/soigné (…). Pour la fin de vie, la coopération soignant/soigné est encore plus importante. Il est indispensable qu’une confiance s’établisse, dans une relation "hiérarchique" de soignant à soigné qui se transforme en une relation "égalitaire" de personne à personne. Il s’agit du destin du malade, qui, face à la mort qui s’annonce, doit avoir la maîtrise du moment et de la manière. Sa volonté est essentielle quand le soin ne peut plus être qu’apaisement apporté par le soignant, en cet instant unique et tragique, les derniers instants d’un être humain » écrit-il.