Au commencement, l’être humain, comme la plupart des vertébrés, est bien peu de chose. Une fine crêpe molle de quelques millimètres de diamètre constituée de milliers de cellules. Cet objet informe deviendra pourtant en quelques heures un objet tridimensionnel qui préfigure sa forme et sa segmentation finales – une tête, un tronc, des membres avec une symétrie axiale presque parfaite…
C’est ce passage mystérieux que vient d’expliquer, dans The European Physical Journal E, le 12 février, une équipe française qui a travaillé sur des embryons de poulet. Leur théorie et leur expérience fournissent en fait le patron à partir duquel sont bâtis les vertébrés. Et étonnamment, sans faire appel à la biologie moléculaire, à la génétique ni à la chimie mais à la physique.
Pour créer un animal, tout est question d’écoulement de matière visqueuse, de force et d’élasticité. Très naturellement, les mouvements de cellules conduisent par une séquence rapide de moins de deux jours (pour le poulet) à donner du volume à la crêpe initiale, comme pourrait le faire un plieur d’origami. Par exemple, quatre tourbillons initiaux rassemblent et étirent la matière au centre, menant à la formation du futur axe tête-queue.
Comme une membrane élastique
Ensuite, ces mouvements forment des plis, comme lorsque l’on tire sur une membrane élastique. De tourbillons en tractions et en plissements, la crêpe prend une forme stable : une « tête » étalée, des protubérances aux « épaules » et aux « hanches », une « colonne vertébrale », un nombril et un anus dans lequel se sont engouffrées des cellules, une poche pour le système digestif… Ultime pliage, la galette se referme pour former le sac amniotique dans lequel le développement de l’embryon se poursuivra.