Lucien Neuwirth, dont Le Figaro a annoncé la mort mardi 26 novembre à l'âge de 89 ans, est un de ces rares parlementaires qui dans l'histoire ont donné leur nom à une loi. Falloux, Jules Ferry et Debré ont attaché les leurs à la réforme de l'éducation nationale, Pasqua et Joxe à l'immigration, Simone Veil, alors ministre, à l'avortement. Lucien Neuwirth, surnommé par ses contemporains "le père la pilule", aura eu le mérite, après un combat obstiné et homérique, d'être l'homme qui, permettant pour la première fois librement l'usage des contraceptifs, a fait évoluer les mœurs et pacifié sur ce plan la société française. Car en 1965 il n'était pas facile de convaincre le Parlement du bien-fondé d'une telle transformation des comportements.
Et pourtant Lucien Neuwirth, député gaulliste de la Loire depuis 1958, n'hésite pas à s'attaquer à un tabou, en voulant abroger la loi de 1920 qui interdit toute propagande et toute utilisation des moyens de contraception. Il s'était forgé la conviction de cette nécessaire abrogation lorsqu'il était devenu à 23 ans, après la Libération, conseiller municipal de Saint-Etienne siégeant à la commission des divorces et de l'aide sociale. Il y découvre que de nombreux drames conjugaux sont causés par l'arrivée d'un enfant non désiré. Il se souvient qu'au cours d'un voyage aux Etats-Unis il avait appris que les préservatifs et les spermicides étaient en vente libre dans les pharmacies. Mais les notables du conseil municipal ne prennent pas au sérieux cette tocade de leur jeune collègue. Une fois élu député son projet le reprend. Il s'informe du combat que mènent les associations de planning familial, des groupes de femmes encore mal organisés et de quelques rares médecins. Il rencontre le Dr Pierre Simon qui vient de publier un ouvrage sur la sexualité des Français et dont l'autorité est reconnue. Le grand maître de la Grande Loge de France apporte aussitôt son soutien au franc-maçon Lucien Neuwirth. Ce dernier choisit le 18 mai 1966, jour anniversaire de sa naissance, pour déposer une proposition de loi et créer une commission spéciale pour l'étudier.