Palladium est le premier roman de Boris Razon. Il nous raconte l'histoire vraie et folle d'un jeune homme de 29 ans intégralement paralysé en quelques jours, entre coma, locked-in syndrome et near death experience. On commence à suivre le narrateur peu de temps avant l'apparition des premiers symptômes [il était alors rédacteur en chef du Monde.fr], suivant un compte à rebours apparemment précis : J – 64, J – 62, etc. Mais, très vite, ce dernier implose sous la brutalité et la vitesse de la paralysie complète qui, en coupant Boris des autres et du monde, sinon à travers des voix ou des échos lointains, le coupe du temps et de l'espace. On ne saura jamais l'étiologie exacte de son état – une ciguatera, une maladie de Lyme, une méningo-radiculite ? Ce n'est de toute façon pas très grave, puisque personne, ni lui ni les médecins, encore moins le lecteur, ne semble y comprendre quoi que ce soit, et pas davantage quand apparaissent les premiers extraits du dossier médical ponctuant la narration comme autant d'accroches à un réel qui échappe de toutes parts. Qu'est-ce que ça veut dire, devenir du jour au lendemain un corps inerte, sans porte ni fenêtre, qui n'est plus que douleur et que l'on maintient en vie vaille que vaille à coups de sondes parentérales et d'assistance respiratoire ?
Il faudrait peut-être renverser terme à terme la célèbre définition que donnait le physiologiste René Leriche (1879-1955) de la santé pour essayer, sinon de comprendre, du moins d'entrevoir l'expérience effroyable qui nous est ici décrite. Si la santé est la vie dans le silence des organes, alors la maladie devient la hantise de la mort dans le délire des organes. Car la peur de mourir éclate à chaque page, passant de la conscience au rêve et du rêve à ce que le rêve a pour fonction de cacher. Et ça délire en tous sens dans ce corps plongé hors de lui-même et hors du monde commun.