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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 14 décembre 2011


Encore trop de lits dans les hôpitaux psychiatriques


L'offre de lits dans les hôpitaux psychiatriques a baissé de 37% en 25 ans en Belgique, selon le Mouvement pour une Psychiatrie Démocratique dans le Milieu de Vie (MPDMV).
Cependant, notre pays figure toujours en tête de liste du palmarès européen du plus grand nombre de lits en hôpitaux psychiatriques, avec plus de 150 lits par 100.000 habitants, rapportent lundi les journaux de "L'Avenir".
 
Dans ce classement réalisé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) en juillet dernier, la Belgique n'est devancée que par Malte.
 
Cette baisse du nombre de lits en Belgique est lente par rapport à d'autres pays comme l'Italie ou l'Espagne, qui ont déjà pratiquement éliminé tous leurs hôpitaux psychiatriques pour ne financer désormais presque exclusivement plus que des services de proximité, affirme le MPDMV.
 
Selon ce dernier, les hôpitaux psychiatriques, coûteux et inhumains, ne sont plus en adéquation avec la société pour octroyer des soins de santé mentale. Un constat partagé par l'Institut wallon pour la Santé mentale (IWSM).
 
L'idée d'une ouverture vers un autre mode de prise en charge est au coeur de la réforme 107 adoptée cet automne, qui vise notamment à laisser les patients tant que possible dans leur milieu de vie. L'un des points importants de cette réforme est la création d'équipes mobiles d'intervention, qui disposeront de lits de crise. En Belgique, un quart de la population est confronté à une problématique de santé mentale. (belga)
12/12/11

Valentin : querelle d'experts aux assises 

Par  , Stéphane Durand-Souffland

Provocateur, le Dr Bensussan a déclaré voir dans les accusés «deux grands dingues».


Dans un procès ordinaire, le ton monte généralement au moment de l'examen des faits parce que le ou les accusés les nient. Au procès fou de Stéphane Moitoiret et Noëlla Hego, qui nient toute implication dansl'assassinat de Valentin, 11 ans, le ton monte quand les psychiatres défilent à la barre. C'est un signe, un symptôme, qu'ici, les faits relèvent en grande partie du délire.

Le Dr Paul Bensussan est au micro. Il est l'un des quatre praticiens (contre six) qui ont estimé quele discernement de M. Moitoiret était aboli au moment du crime, à supposer qu'il en soit l'auteur, ce dont personne ne doute réellement tant les indices matériels abondent en ce sens. L'expert est tellement en colère qu'il s'exprime en des termes étonnants, voire choquants. «C'est la première fois que je vois deux grands dingues dans un box de cour d'assises », tempête-t-il.

Il a rendu un rapport séparé, alors qu'il avait été commis au sein d'un collège composé de deux confrères, les Drs Peyramond et Bornstein, dont il ne partage pas le diagnostic. Cela arrive. Mais le Dr Bensussan affirme qu'il a été soumis à des «pressions » destinées à l'empêcher d'exprimer sa voix discordante, de maintenir «un chouïa de discernement» afin qu'un procès «à vertu thérapeutique » soit offert à la famille de la victime. «J'ai les preuves», menace-t-il en pointant du doigt son cartable. Stigmatisant l'attitude de ses deux confrères, il n'y va pas avec le dos de la cuiller : «C'est du pipeau, du négationnisme diagnostique. Stéphane Moitoiret délirait à pleins tuyaux depuis dix-huit ans au moment du crime. C'est un schizophrène. Il y a enfumage de la cour d'assises, on ne met pas les dingues en taule.» Le président Bréjoux : «Ce n'est pas à mon âge qu'on va m'enfumer.» Derrière cette pique amusante, transparaît une exaspération manifeste à l'encontre de cet expert au vocabulaire relâché, qui met en cause les deux praticiens qui ont déposé dans la matinée.

«Ce spectacle est lamentable, tempête l'avocat général

Tout cela est pain bénit pour la partie civile, qui entend que la responsabilité - même s'il n'y en existe qu'une «once» comme l'a admis le Dr Bornstein -, soit retenue, ouvrant au box les portes du cachot. Me Collard, rusé comme un renard, titille longuement le bouillant psychiatre sur la forme de son discours. Il ne s'agit pas tant pour l'avocat d'être bon, mais d'être long, pour que son contradicteur finisse par exaspérer le jury. L'expert se défend pied à pied, son magistère pâlit puisqu'il doit se défendre. «Vous vous comportez en pontife de la psychiatrie», l'accuse Me Collard, qui a sans doute servi cette formule mille fois au cours de sa carrière. Le Dr Bensussan repousse cette idée d'infaillibilité.


On s'éloigne des faits - il y a longtemps qu'on n'en parle plus. L'avocat général : «C'est scandaleux ! Ce spectacle est lamentable ! Les experts viennent régler des comptes à la barre ! » La défense n'a pas le choix : elle tente de couvrir la voix d'en face. Le brouhaha est total, la confusion généralisée. Le président : «Je n'admettrai plus que quiconque intervienne.» Me Collard reprend son détricotage, souvent tendancieux, mais efficace. C'est cela, un procès à vertu thérapeutique ?

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samedi 10 décembre 2011


Les hospitaliers CGT demandent une dotation exceptionnelle

10.12.2011
 Les syndicalistes craignent une année 2012 difficile.Les syndicalistes craignent une année 2012 difficile.
Ils étaient une bonne dizaine, jeudi soir, à s'être postés devant la porte du tout nouvel hôpital de jour de psychiatrie. ...
Les syndicalistes n'ont pas perturbé le déroulement de l'inauguration de cette nouvelle structure, dont ils se réjouissent mais ils attendaient la venue du directeur de l'Agence régional de santé pour lui remettre une lettre ouverte. Ce dernier, excusé, s'était fait représenté. Et les syndicalistes ont joué de malchance car la maire de Calais, également destinataire du courrier, n'était pas non plus présente, retenue au ministère des Transports pour le dossier SeaFrance. Les hospitaliers CGT ont néanmoins alerté l'assistance sur divers sujets.

Moyens matériels et humains

En premier lieu, et en lien direct avec la prise en charge de patients relevant de la psychiatrie, les représentants de la CGT s'interrogent sur la politique de prise en charge des adolescents. « Nous attendons des moyens matériels et humains pérennes afin de répondre avec la meilleure pertinence possible aux problèmes de santé liés à cette jeune population ».
Dans sa lettre ouverte au directeur de l'ARH, la CGT évoque « les souffrances psychosociologiques rencontrées par le personnel ». Les syndicalistes précisent que le directeur du centre hospitalier « s'est engagé suite à l'intervention du CHSCT à diligenter une expertise par le biais d'un organisme extérieur, sur le mal être des personnels au travail ». La CGT craint que des difficultés apparaissent « avec le cumul des heures supplémentaires engendrant fatigue, stress, démotivation, dépression ». Les représentants syndicaux citent l'exemple de l'équipe sécurité incendie et de celle des sage-femmes « qui totalisaient, fin septembre, plus de 6 000 heures supplémentaires non récupérées ou payées ».
Pour la CGT, seul le déblocage d'une dotation exceptionnelle en 2012 permettra de sortir de cette situation. « Cela permettra au personnel de récupérer les efforts consentis pour faire fonctionner l'hôpital et aussi de recruter des personnels supplémentaires ». Selon les signataires de la lettre ouverte, « cette période sera rendue sensible par le déménagement, avec la présence du personnel sur deux sites, mais aussi les heures supplémentaires cumulées, ou encore les Jeux Olympiques ». •

Psychiatrie : des malades font partie de l'équipe soignante


Publié le vendredi 09 décembre 2011
L'Agence régionale de Santé met en place des "médiateurs" dès janvier
Une expérimentation pour deux ans dans trois régions démarre dans un mois. Ces patients "tuteurs" aideront les malades dans deux services marseillais. Un scandale pour les syndicats.
Photo archives L.P.
"Cette histoire me paraît complètement folle !", lançait abasourdi et scandalisé hier Pierre Tribouillard (FO Santé). L'Agence régionale de Santé ne nous a pas prévenus, même au plan national ! Et s'il suffisait d'être malade pour pouvoir soigner, ça se saurait". L'annonce hier par l'Agence régionale de santé (ARS) de la nouvelle expérimentation auprès des personnes souffrant de maladies mentales avec l'apparition d'un médiateur en santé mentale, lui-même patient, a provoqué la stupeur des représentations syndicales. Qui n'étaient au courant de rien. De quelques rumeurs tout au plus.
Pour faire simple, l'ARS Paca s'inscrit dans un programme national "qui permet aux personnes présentant des pathologies mentales pouvant aller des troubles dépressifs aux troubles psychotiques les plus sévères d'être accompagnées, dans le cadre de leur prise en charge, par des personnes ayant elles-mêmes traversé des épisodes de troubles mentaux". Le docteur Hugues Riff, directeur adjoint délégué aux patients, offre de soins et autonomie à l'ARS, a détaillé la mise en place de ces médiateurs, à titre expérimental donc, dans trois régions : Île de France, Nord-Pas-de-Calais et Paca.
"La réinsertion est possible"
"Ce principe existe dans d'autres domaines (cancérologie, addictologie...) et dans d'autres pays comme le Canada. Désormais, un pair stabilisé qui maîtrise sa maladie mentale peut devenir un aide". Deux équipes marseillaises vont accueillir cette expérimentation, ceux des professeurs Lançon et Girard. "Ce sont eux qui ont sélectionné d'anciens malades". À partir de janvier, ces médiateurs vont commencer leur formation, sur huit semaines à Paris, Lille et Marseille (une semaine par mois), et leur travail. "Les médiateurs vont intégrer les équipes et débutent une formation à la faculté de médecine en alternance de janvier prochain à octobre 2012. Leur formation est assurée par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie). Et c'est l'ARS quifinance cette action pour un montant de 330 000 par an pour le recrutement par les établissements retenus (APHM, Valvert, Centre hospitalier de Cannes et Sainte-Marie à Nice) de 5 binômes de médiateurs, soit dix médiateurs sur la région. Chaque médiateur sera rémunéré 2 500 euros brut par mois. Il sera un acteur reconnu dans l'équipe de soin, et pourra faire aussi des visites à domicile".
Une mesure qui pourrait à terme révolutionner le paysage hospitalier français. "Les candidats ont été très nombreux : plus de 300 ! À terme, ce programme vise la reconnaissance d'un nouveau métier", notait le docteur Riff. "Le bénéfice est triple : pour le patient malade qui joue le rôle de médiateur en santé mentale, c'est une responsabilité qu'on lui confie, une intégration dans une équipe de soin. Pour le malade chronique, il a quelqu'un avec qui il se sent plus proche qu'un soignant. Et pour l'équipe, avoir recours à l'utilisateur du service de santé est important. Le tout pour montrer que la réinsertion est possible". Pour le docteur Riff, "pas de risque que les anciens patients "replongent" même si c'est dans le cadre d'une maladie chronique. À nous de montrer que ce dispositif peut marcher".
"Payés plus qu'une infirmière qui débute"
"C'est une bombe. Nous avons contacté le ministère de la Santé. Ce plan n'est pas officiellement arrêté et nous allons nous opposer à cette mesure qui ne répond pas aux besoins de la psychiatrie. On ne vise pas ces médiateurs mais nous sommes dans les pires difficultés de fonctionnement à cause entre autres du manque de personnel et du manque de lits. On se bat pour assurer nos propres formations, pour le maintien des postes et des recrutements car on ne trouve plus d'infirmiers sur le marché du travail. Et ces médiateurs sont payés plus qu'une infirmière qui débute (1615 bruts) !", s'insurge Pierre Tribouillard (FO Santé). Pour Gérard Avena (Sud santé) : "On ne veut même plus payer des gens pour s'occuper des malades mentaux. Mais comment un malade peut-il conseiller un autre ? On met quelqu'un qui souffre un peu moins pour soigner celui qui souffre plus ? Et en plus on le paye ? ! Et dans cette formation de huit semaines (!), ils vont apprendre quoi ? Nous, on n'apprend pas notre métier dans la théorie mais face à la souffrance morale, le délire, l'agressivité. Et enfin, la réinsertion passe par les médecins, l'assistante sociale, les aides soignants. Et de vrais moyens".
A. WESTENDORP

Actualité de la psychothérapie institutionnelle : « Le pouvoir et ses petites perversions »

Session de 5 jours (35 heures)
12 au 16 juin 2012 (cette session est organisée par l’Association Culturelle du CHS François TOSQUELLES de St Alban, le Collectif Rencontres et les CEMEA « Languedoc-Roussillon ». Elle se déroule en deux temps : séminaire de 3 jours les 12,13 et 14 juin puis participation aux Rencontres de St Alban les 15 et 16 juin)
Coût  : 526 euros + 190 euros (frais de participations aux Rencontres de St Alban)
Public Personnels soignants et éducatifs des secteurs hospitaliers et médico-sociaux.
Responsables pédagogiques Youssef Bentaala, formateur, cadre hospitalier, membre du Collectif Rencontres de St Alban Eric Bogeart, psychiatre hospitalier, membre du Collectif Rencontres de St Alban ; Hervé Chambrin, formateur, responsable « santé mentale et psychiatrie » CEMEA Languedoc-Roussillon
Intervenants (équipe en cours de constitution) Infirmiers, psychologues et médecins hospitaliers, éducateurs et cadres du secteur médico-social, artistes.
Objectifs
-  refaire connaissance avec l’histoire de la psychothérapie institutionnelle ;
-  travailler les concepts fondamentaux sur lesquels s’élabore la psychothérapie institutionnelle : inconscient, transfert, institution, collectif, équipe, club thérapeutique, créativité, vie quotidienne, etc. ;
-  actualiser les concepts de psychothérapie institutionnelle à partir du thème des Rencontres 2012.
Contenus
-  Apports sur les fondements de la psychothérapie institutionnelle et leur actualité ;
-  Le transfert à l’œuvre dans la rencontre avec le patient psychotique ;
-  L’institution, le collectif, l’équipe ;
-  Le club thérapeutique comme lieu d’un possible ;
-  La vie quotidienne et la créativité ;
-  Les pouvoirs, les perversions et les relations asymétriques.
Méthodes pédagogiques
Apports théoriques et études de textes à partir du fond de documentation de la bibliothèque du CHS. Analyse et élaboration à partir des situations professionnelles apportées par les stagiaires. Rencontres avec des équipes pratiquant la psychothérapie institutionnelle et des professionnels ayant participé aux expériences initiales de la psychothérapie institutionnelle. Documents vidéo. Rédaction d’une communication aux Rencontres de St Alban. Participation aux échanges et ateliers des Rencontres de St Alban.
Renseignement et/ou inscription : Hervé CHAMBRIN, pour les CEMEA LR ou Association Culturelle CHS François TOSQUELLES Rue de l’Hôpital 48120 Saint-Alban

Démission des chefs de pôle de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard

09/12/2011
 
Seize des dix-huit médecins chefs de pôle de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (Seine-Saint-Denis) ont démissionné de leurs fonctions pour protester contre le maintien à son poste du directeur de l’établissement. Les démissionnaires lui reprochent des « erreurs de gestion », un« mépris à l’égard des soignants » et une « prise de décision arbitraire et autoritaire ». Les médecins chefs de pôle avaient menacé mi-novembre de démissionner de leurs fonctions si le directeur ne quittait pas l’établissement. L’ARS d’Ile-de-France a déclaré avoir « pris acte »de la démission des psychiatres et elle « examine la situation ». L’hôpital de Ville-Evrard compte environ 240 médecins et 2 400 salariés
Agence Technique de l'Information sur l'Hopsitalisation



Guide méthodologique de production du recueil d'informations en psychiatrie
Le document ci-joint est la version provisoire du Guide méthodologique de production du recueils d'informations médicalisé en psychiatrie, appelé à remplacer à partir du 1er janvier 2012 le fascicule spécial n° 2011/4 bis du Bulletin officiel.

Seule la publication de ce document au Bulletin officiel, à venir sous le numéro de fascicule spécial 2012/4 bis, constituera la version officielle de référence.

Pour faciliter la lecture, le document signale par un surlignage de couleur jaune les modifications intervenues par rapport à la version de 2011(BOS n° 2011/4 bis).
 
FICHIERS JOINTS 
 GUIDE_METHODO_PSY_2012vs2011.pdf - 904.71 Ko
Date de publication : 01/12/2011
© 2011 ATIH

Des soins en continu, loin de la rue

A Lille, un dispositif pilote reloge des sans-abri atteints de troubles psychiques.

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Par FABIEN SOYEZ De notre envoyé spécial à Lille
Mi-octobre, André, 45 ans, dormait encore sous une tente, à Lille. Atteint de troubles psychiatriques sévères, il vit aujourd’hui dans un studio de 25 m².«Il peut fermer les yeux sans avoir peur qu’on lui vole ses affaires», constate Boumédienne, infirmier. Avec ses coéquipiers, Stéphane, éducateur spécialisé, et Emma, psychiatre, Boumédienne fait partie de l’équipe d’intervention du programme «Un chez soi d’abord», porté par les établissements publics de santé mentale (EPSM) de Lille et l’Abej (Association baptiste pour l’entraide et la jeunesse). Mis en œuvre à Marseille, Toulouse et Lille depuis quelques mois, ce dispositif expérimental s’adresse aux sans-abri atteints de troubles psychiatriques sévères. Il sera également appliqué à Paris en 2012.
«Au lieu de passer par des étapes, on leur fournit directement un logement, explique Pascale Estécahandy, coordinatrice du programme. Dans la rue, l’accompagnement est haché. Grâce à un logement pérenne, les personnes peuvent bénéficier d’une continuité dans les soins.» A Lille, cinq personnes ont été relogées. L’objectif est d’arriver à une centaine d’ici 2012.
Recours. Diogène, l’équipe mobile de santé mentale de l’EPSM Lille-Metropole, est chargée de repérer les sans-abris candidats. «Ils doivent être sans enfants et en situation régulière, explique Jacques Debiève, psychiatre à Diogène. Ils doivent aussi accepter notre aide.» Pas question de les forcer.«C’est la plus grosse difficulté. Certains sont si malades qu’ils sont hermétiques à l’aide.» Seul recours : les soins sans consentement, sur décision médicale. «Une fois soignée, la personne pourra accepter notre aide et être logée.»
En France, 1 à 2% de la population souffre de troubles psychiques. Chez les SDF, le pourcentage grimpe à 30%, selon une étude de l’Inserm en 2009.«Les SDF sont déjà malades avant de se retrouver dans la rue, explique Alain Bonifay, de l’Unafam (Union nationale des amis et des familles de malades psychiques). A contrario, le risque de se retrouver à la rue quand on est en souffrance psychique est considérable. Si leur famille cesse de les soutenir, les malades ont du mal à conserver un travail, un logement.»
Le mois dernier, Julien, 29 ans, arpentait les pavés du Vieux-Lille et dormait sur des bancs. Il possède désormais un petit studio dans un quartier «qu’il connaît bien». «Ils peuvent choisir où ils veulent vivre, les meubles à installer. S’ils veulent une table et une chaise rouge, on les aidera à les trouver», lance Stéphane, l’éducateur. Budget par personne aidée : 1 000 euros.
Une fois par semaine, un membre de l’équipe rencontre les relogés. «On les suit médicalement, socialement, mais aussi dans les actes de la vie quotidienne. On les aide à remplir des dossiers administratifs, on sort avec eux, on visse des meubles… On est disponibles en permanence», via un portable d’astreinte.Car, comme l’explique Patricia Cabot-Gatin, directrice de la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) Nord Pas-de-Calais,«il n’est pas évident pour certains de se retrouver seuls dans un logement. Ils ont besoin d’un accompagnement, pour éviter les retours à la rue.»
Allocation. Pour les logements, l’Abej les loue à des particuliers, avant de les sous-louer aux anciens SDF, qui touchent l’allocation adulte handicapé (AAH) ou le RSA (revenu de solidarité active). «Nous en avons trouvé treize, dans le parc privé, indique Nadège De Dominicis (Abej). Et nous allons passer des contrats avec des bailleurs sociaux.» Elle avoue : «Les propriétaires et les bailleurs peuvent avoir des appréhensions à l’idée de loger des schizophrènes. C’est notre mission de les rassurer.» Pour cela, rien de mieux qu’un bail glissant ou l’intermédiation locative : «L’Etat sert de garant, et l’équipe d’accompagnement rassure.» Au DAL (droit au logement) Nord-Pas-de-Calais, Philippe Deltombe reste circonspect devant cette expérimentation.«Il manque 48 000 logements rien que pour la communauté urbaine de Lille. Avant d’en proposer, il faudrait déjà en disposer.»
Problème surmontable, rétorque Vincent Girard, psychiatre de rue à Marseille, à l’origine du programme : «Les logements, ce n’est pas ce qui manque ! En France, on compte 2,121 millions de logements vacants.» Il cite les dispositifs à l’étranger : «Aux Etats-Unis, dans les 200 villes où s’est développé le "Pathways to Housing", 30% des SDF chroniques ont été relogés en trois ans. L’hospitalisation des sans-abri y est en forte baisse.»
Avant fin décembre, l’équipe lilloise doit être renforcée par des médiateurs de santé. Pour Boumédienne, l’infirmier, «ils ont connu la jungle de la rue ou les services de santé mentale, ils pourront créer avec ceux que nous aidons un lien différent».


L’école transformée en machine à désintégrer


Par PHILIPPE MEIRIEU Professeur à l’université Lumière-Lyon II, vice-président de la région Rhône-Alpes (EE-LV) délégué à la formation tout au long de la vie
Dans le petit jeu des annonces gouvernementales qui s’emballent à l’approche des élections, le repérage des enfants «à risque» et «à haut risque» en maternelle est très représentatif d’une conception tout à fait cohérente de l’enseignement fondée sur des principes simples : médicalisation, détection et dérivation.
Longtemps, la métaphore médicale a joué un rôle critique en éducation. En 1967, les enfants de Barbiana écrivaient dans leur «Lettre à une maîtresse d’école» que «l’école se comport[ait] comme un hôpital qui soignerait les bien portants et exclurait les malades». Le caractère subversif de la formule s’est émoussé : avec la gestion libérale du système de santé, quand le management l’emporte sur le soin et que le «pilotage par les résultats» permet tout naturellement d’arroser là où c’est déjà mouillé, la médecine n’a plus rien à envier à l’école ! Mais, simultanément, le modèle médical s’est durci, se repliant sur le couple «diagnostic-remède», au détriment de la prévention, de la prise en compte des environnements et du travail en partenariat.
A l’école, ce modèle s’est rapidement banalisé : il ne s’agit plus de créer un milieu équilibré et structurant, de provoquer des rencontres fécondes, de stimuler l’attention et de mobiliser l’intelligence… On investit l’essentiel de notre énergie à repérer les dysfonctionnements et à intervenir au plus tôt par la médication spécialisée. C’est ainsi que l’on rabat la notion de «difficulté» (nécessairement issue d’une combinaison de facteurs) sur la notion de «trouble» (évidemment physiologique), que l’on finit par tenir pour quantité négligeable les problèmes sociaux et même par ignorer l’action pédagogique. On en revient finalement à la vieille conception de l’homme-machine : réparer les pannes individuelles plutôt que de créer les conditions du développement collectif. Avec la bénédiction des neurosciences qui apportent - et c’est bien normal - les connaissances qu’elles ont élaborées, en les transformant - et c’est beaucoup moins normal - en système d’interprétation des réalités scolaires.
Mais la médicalisation des difficultés scolaires pourrait voir ses effets pervers limités, voire être utilisée de manière bénéfique dans des cas spécifiques, si elle n’était enrôlée dans un processus à l’œuvre aujourd’hui à grande échelle : la classe est en train de devenir progressivement un lieu où l’on passe son temps à évaluer les élèves pour savoir s’ils ne seraient pas mieux ailleurs. On détecte et on dérive partout, renvoyant les élèves toujours plus loin : de la classe vers l’aide personnalisée, puis vers l’étude dirigée, le soutien scolaire, les cours particuliers, le psychologue et l’orthophoniste, les filières dédiées et les établissements spécialisés, Internet et les camps de vacances-études… L’école n’est plus qu’une gigantesque centrifugeuse construite autour d’un lieu vide - la classe - qui n’intéresse plus personne. Elle tourne sur elle-même en renvoyant les élèves de plus en plus loin, en même temps qu’elle creuse, en son sein, une véritable dépression scolaire. Pas étonnant, alors, que l’on sacrifie la formation des enseignants. Plus besoin de pédagogie ! Il suffit d’évaluer, de détecter, de dériver de plus en plus d’élèves, de plus en plus vite, de plus en plus tôt. Et ce mouvement prend une telle ampleur qu’il annihile toutes les velléités bienveillantes qui pourraient encore faire, ici ou là, d’une intervention spécifique une aide déterminante. La centrifugeuse tourne trop vite !
Ainsi, ce qu’on nous présente comme une machine à intégrer est devenu une gigantesque machine à désintégrer. Quand il faudrait mettre en place des collectifs à taille humaine portés par des équipes d’adultes solidaires, on fait exploser le système en une multitude de professionnels qui «se repassent le bébé». Quand il faudrait promouvoir l’entraide entre élèves et le suivi personnel dans des groupes solidaires, on multiplie les tests et les évaluations de toutes sortes pour faire fonctionner une «usine à gaz» de plus en plus complexe. Quand nous aurions besoin de mobiliser les enfants et les adolescents sur un projet culturel ambitieux pour leur permettre de dépasser leurs difficultés, on les juge, de plus en plus tôt, sur ce qu’ils sont et on les enferme dans leurs symptômes. Quand nous aurions besoin d’une école qui unit, nous voyons émerger sous nos yeux une école qui fragmente, exclut et isole. Il est temps d’inverser le mouvement.


Et si les patients ne pouvaient plus payer...


Fragilisés par la récession, les Français seraient de plus en plus nombreux à repousser certains soins. Une salve d’enquêtes d’opinions est venue ces dernières semaines conforter la thèse d’une véritable épidémie de renoncements aux soins. Doit-on y croire ? Peut-on redouter le pire ? Les experts demandent à voir. Mais sur le terrain, nombre de généralistes perçoivent une détérioration de la situation.

Près d’un Français sur trois aurait renoncé à des soins au cours des douze derniers mois. Ce chiffre, issu du baromètre Europ assistance sur les soins de santé en Europe et aux Etats-Unis et publié au début de l’automne, a fait l’effet d’une bombe et a souverainement agacé le ministre de la Santé. Comment se peut-il que la population d’un pays riche comme la France, réputé pour son pacte solidaire issu de 1945 en vienne à renoncer à se soigner ? Et qui sont ces 29% de Français ? Le baromètre ne le précise pas. Mais on sait en revanche, que pour 26% des répondants, ce sont – sans surprise – les soins dentaires et les lunettes qui ont été reportés ou annulés. La méthodologie de l’enquête, cependant, « est très peu détaillée », remarque Yann Bourgueil, directeur de recherches à l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économies de la santé), qui prend ces chiffres avec des pincettes. « L’enquête ne va pas dans le détail de ce à quoi les personnes questionnées disent renoncer. Renoncent-ils à une monture de marque ou renoncent-ils à une paire de lunettes pour un enfant qui en a besoin ? Renoncent-ils purement et simplement ou retardent-ils un soin ? On ne sait pas de quoi on parle ».

Vigilance d’autant plus accrue que dans son enquête «Santé et protection sociale» publiée en juin 2010, l’Irdes indiquait qu’en 2008, 16,5% de la population âgée de 18 à 64 ans avait déclaré avoir renoncé à des soins au cours des douze mois précédents. On est donc bien loin des 29% évoqués par Europ Assistance même s’il est vrai que, depuis 2008, la crise économique et financière est passée par là. Le mois dernier, Médiforce révêlaitune enquête inédite auprès des professionels de santé. Résultats sans appel: 53% des blouses blanches ont le sentiemnt que leurs patients repoussent certains soins. Au première loge pour observer le phénomène, les généralistes sont plus pessimistes que la moyenne : seuls 23% estiment leurs patients «acceptent comme avant les soins et traitements proposés...»

Alors, la crise s’accompagnera-t-elle d’un véritable «krach sanitaire» ? Un expert comme Jean-François Chadelat refuse de verser dans le catastrophisme. Si le nombre de bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) a significativement augmenté en 2010 (+3,3%) et devrait s’établir très prochainement à 4,5 millions de personnes, ce directeur du Fonds CMU dit ne pas constater d’aggravation de l’accès aux soins. Il considère même que la population dont il s’occupe connaît bien mieux ses droits que par le passé et que le non-recours aux soins chez les bénéficiaires de la CMU ne se constate guère que chez les récents bénéficiaires, ceux qui ne connaissent pas encore totalement leurs droits. Pour les autres, pas de souci. Ils seraient même de « bons élèves du système de santé », ayant déclaré leur médecin traitant pour 88% d’entre eux, versus 82% en population générale. En d’autres termes, pour le directeur du fonds CMU, le problème de l’accès aux soins chez les bénéficiaires de la CMU ne se pose pas, exception faite bien sûr des refus de soins, qui bien qu’ils demeurent « incontestables », n’ont pas à voir selon lui avec le phénomène de renoncement aux soins.

Médecins du monde s’en mêle

C’est une réalité toute autre que rapporte en revanche Olivier Bernard, président de Médecins du monde qui, à l’occasion de la publication du rapport annuel de l’ONG, déclare craindre le pire. Deux réalités le « préoccupent » particulièrement : parmi les populations accueillies dans les centres de l’ONG, 8% des femmes enceintes dorment à la rue , tandis que le nombre de mineurs pris en charge a augmenté de 30%. « Que ces populations passent à travers les mailles du filet de notre système de protection sociale est quand même alarmant », fustige-t-il. Et d’affirmer que les chiffres avancés par Europ assistance correspondent à ceux que Médecins du monde avait publiés l’année précédente. En 2010, en effet, lors de son précédent rapport, MdM chiffrait à 24% les renoncements aux soins des populations qui fréquentent ses centres, contre 11% en 2007. Pour Olivier Bernard, si Médecins du monde accueille en France des populations fragiles, en situation irrégulière et/ou sans logement, les réalités observées par l’ONG, à court terme, deviennent finalement celles de la population générale. D’où cette crainte d’un « krach sanitaire », renforcée par le développement des maladies de la précarité, que l’on pensait tout simplement éradiquées dans notre pays : tuberculose, rougeole, gale ne sont plus rares.

Gale, scorbut…

Les centres d’accueil des ONG ne sont pas seules à constater le retour des maladies de la précarité. Les médecins généralistes aussi. Pierre Frances, généraliste à Banyuls-sur-Mer et bénévole pour l’association Solidarité 66 qui accueille des sans domicile fixe à Perpignan, rapporte qu’il n’est plus rare de voir des cas de gale dans son cabinet. « C’est catastrophique », juge-t-il, ajoutant : « Je vois aussi des cas de scorbut, ce qui pose un gros souci puisque le diagnostic se fait sur dosage de l’acide ascorbique, un acte qui n’est pas remboursé par la Sécurité sociale ». Au sein de l’association Solidarité 66, le Dr Frances voit des personnes qui ont un travail, mais pas de logement. Mais, « en matière de santé, ils minimisent leurs problèmes, car ils ne disposent pas de complémentaire ». De même, remarque-t-il, certains retraités qui n’ont pas les moyens d’une couverture complémentaire vont se priver de soins. Un constat que fait aussi, à Saint Denis, le Dr Didier Ménard qui connait des retraités contraints de travailler au noir pour pouvoir se soigner.

Selon ce dernier, les renoncements aux soins ne sont plus à démontrer : alors qu’il fait du tiers payant, les 6,90€ demandés aux patients posent problème à certains. « Je fais de plus en plus de médecine gratuite sur la part complémentaire », remarque-t-il. De même, il assure qu’un nombre croissant de patients refuse les arrêts maladie. Il raconte : « J’ai reçu récemment une femme enceinte, à trois semaines du début de son congé maternité, en perte de liquide amniotique. Elle a refusé que je lui prescrive un arrêt de travail, au risque de perdre son bébé, pour des raisons financières ». Des anecdotes de ce type, le Dr Ménard semble en avoir à la pelle : « Les gens n’ont pas d’argent d’avance, ils vivent au jour le jour. Il y a des mères qui font des crédits revolving pour soigner leurs enfants ». Sans parler des patients qui une fois à la pharmacie, trient, avec le pharmacien, les médicaments qui sont remboursés, des autres.

Chômage et complémentaire santé

Dans un contexte tel que celui-là, le renoncement aux soins pour raisons financières semble ne faire aucun doute. Ce qui n’est pourtant pas l’avis de l’URPS médecins du Languedoc-Roussillon, à l’origine d’une étude en octobre dernier selon laquelle ce sont plutôt les temps d’attente pour obtenir une consultation qui pousseraient les patients à renoncer ou retarder des soins. Dans son enquête, 30% des personnes interrogées ont déclaré avoir du mal à obtenir une consultation chez un généraliste, contre 65% chez un spécialiste. Plus préoccupant peut-être: près d’un quart des patients renoncerait à se soigner pour cette raison, alors que seuls 3% des personnes interrogées renonceraient à des soins pour des raisons financières. Les délais d’attente, un facteur de renoncement aux soins ? « Possible », considère Yann Bourgueil, néanmoins plus sensible à la question de l’accès financier. L’augmentation de la pauvreté va augmenter les inégalités d’accès aux soins, avance-t-il. « A mesure que le chômage augmente, on peut penser qu’une certaine partie de la population ne va plus accéder à la complémentaire santé », prévient-il. C’est toute la question de la portabilité des droits qui est ici posée. Perdre son emploi signifie souvent plus de complémentaire santé. Une double peine, en quelque sorte.

Selon Olivier Bernard, cependant, la crise économique ne suffit pas à tout expliquer. Et le président de MdM de désigner comme responsables les politiques menées ces dernières années, « sans lien direct avec la crise ». «Un certain nombre de décisions politiques ont éloigné certaines populations des soins, » poursuit-il. Et de citer la mise en place d’un ticket d’entrée à l’AME (Aide médicale d’état) ; les décisions d’expulsion, notamment des Roms, qui empêchent les ONG de mener des campagnes de dépistage et de prévention de pathologies telles que la rougeole ou encore le fait que l’hébergement d’urgence soit entravé par la diminution des subventions accordées aux associations. A MdM, on attend que soient réaffirmés, à la faveur de la campagne de 2012, « le souhait d’un système de santé de solidarité et la lutte contre les inégalités sociales de santé ». Pendant ce temps, Didier Ménard continuera à « passer un temps fou à essayer de trouver des solutions financières » pour que ses patients bénéficient des soins dont ils ont besoin et Pierre Frances cherchera à faire en sorte que les SDF souffrant de pathologies cancéreuses puissent être pris en charge dans des structures d’accueil adaptées...
Dossier réalisé par Sandra Serrepuy