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samedi 10 décembre 2011

Agence Technique de l'Information sur l'Hopsitalisation



Guide méthodologique de production du recueil d'informations en psychiatrie
Le document ci-joint est la version provisoire du Guide méthodologique de production du recueils d'informations médicalisé en psychiatrie, appelé à remplacer à partir du 1er janvier 2012 le fascicule spécial n° 2011/4 bis du Bulletin officiel.

Seule la publication de ce document au Bulletin officiel, à venir sous le numéro de fascicule spécial 2012/4 bis, constituera la version officielle de référence.

Pour faciliter la lecture, le document signale par un surlignage de couleur jaune les modifications intervenues par rapport à la version de 2011(BOS n° 2011/4 bis).
 
FICHIERS JOINTS 
 GUIDE_METHODO_PSY_2012vs2011.pdf - 904.71 Ko
Date de publication : 01/12/2011
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Des soins en continu, loin de la rue

A Lille, un dispositif pilote reloge des sans-abri atteints de troubles psychiques.

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Par FABIEN SOYEZ De notre envoyé spécial à Lille
Mi-octobre, André, 45 ans, dormait encore sous une tente, à Lille. Atteint de troubles psychiatriques sévères, il vit aujourd’hui dans un studio de 25 m².«Il peut fermer les yeux sans avoir peur qu’on lui vole ses affaires», constate Boumédienne, infirmier. Avec ses coéquipiers, Stéphane, éducateur spécialisé, et Emma, psychiatre, Boumédienne fait partie de l’équipe d’intervention du programme «Un chez soi d’abord», porté par les établissements publics de santé mentale (EPSM) de Lille et l’Abej (Association baptiste pour l’entraide et la jeunesse). Mis en œuvre à Marseille, Toulouse et Lille depuis quelques mois, ce dispositif expérimental s’adresse aux sans-abri atteints de troubles psychiatriques sévères. Il sera également appliqué à Paris en 2012.
«Au lieu de passer par des étapes, on leur fournit directement un logement, explique Pascale Estécahandy, coordinatrice du programme. Dans la rue, l’accompagnement est haché. Grâce à un logement pérenne, les personnes peuvent bénéficier d’une continuité dans les soins.» A Lille, cinq personnes ont été relogées. L’objectif est d’arriver à une centaine d’ici 2012.
Recours. Diogène, l’équipe mobile de santé mentale de l’EPSM Lille-Metropole, est chargée de repérer les sans-abris candidats. «Ils doivent être sans enfants et en situation régulière, explique Jacques Debiève, psychiatre à Diogène. Ils doivent aussi accepter notre aide.» Pas question de les forcer.«C’est la plus grosse difficulté. Certains sont si malades qu’ils sont hermétiques à l’aide.» Seul recours : les soins sans consentement, sur décision médicale. «Une fois soignée, la personne pourra accepter notre aide et être logée.»
En France, 1 à 2% de la population souffre de troubles psychiques. Chez les SDF, le pourcentage grimpe à 30%, selon une étude de l’Inserm en 2009.«Les SDF sont déjà malades avant de se retrouver dans la rue, explique Alain Bonifay, de l’Unafam (Union nationale des amis et des familles de malades psychiques). A contrario, le risque de se retrouver à la rue quand on est en souffrance psychique est considérable. Si leur famille cesse de les soutenir, les malades ont du mal à conserver un travail, un logement.»
Le mois dernier, Julien, 29 ans, arpentait les pavés du Vieux-Lille et dormait sur des bancs. Il possède désormais un petit studio dans un quartier «qu’il connaît bien». «Ils peuvent choisir où ils veulent vivre, les meubles à installer. S’ils veulent une table et une chaise rouge, on les aidera à les trouver», lance Stéphane, l’éducateur. Budget par personne aidée : 1 000 euros.
Une fois par semaine, un membre de l’équipe rencontre les relogés. «On les suit médicalement, socialement, mais aussi dans les actes de la vie quotidienne. On les aide à remplir des dossiers administratifs, on sort avec eux, on visse des meubles… On est disponibles en permanence», via un portable d’astreinte.Car, comme l’explique Patricia Cabot-Gatin, directrice de la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) Nord Pas-de-Calais,«il n’est pas évident pour certains de se retrouver seuls dans un logement. Ils ont besoin d’un accompagnement, pour éviter les retours à la rue.»
Allocation. Pour les logements, l’Abej les loue à des particuliers, avant de les sous-louer aux anciens SDF, qui touchent l’allocation adulte handicapé (AAH) ou le RSA (revenu de solidarité active). «Nous en avons trouvé treize, dans le parc privé, indique Nadège De Dominicis (Abej). Et nous allons passer des contrats avec des bailleurs sociaux.» Elle avoue : «Les propriétaires et les bailleurs peuvent avoir des appréhensions à l’idée de loger des schizophrènes. C’est notre mission de les rassurer.» Pour cela, rien de mieux qu’un bail glissant ou l’intermédiation locative : «L’Etat sert de garant, et l’équipe d’accompagnement rassure.» Au DAL (droit au logement) Nord-Pas-de-Calais, Philippe Deltombe reste circonspect devant cette expérimentation.«Il manque 48 000 logements rien que pour la communauté urbaine de Lille. Avant d’en proposer, il faudrait déjà en disposer.»
Problème surmontable, rétorque Vincent Girard, psychiatre de rue à Marseille, à l’origine du programme : «Les logements, ce n’est pas ce qui manque ! En France, on compte 2,121 millions de logements vacants.» Il cite les dispositifs à l’étranger : «Aux Etats-Unis, dans les 200 villes où s’est développé le "Pathways to Housing", 30% des SDF chroniques ont été relogés en trois ans. L’hospitalisation des sans-abri y est en forte baisse.»
Avant fin décembre, l’équipe lilloise doit être renforcée par des médiateurs de santé. Pour Boumédienne, l’infirmier, «ils ont connu la jungle de la rue ou les services de santé mentale, ils pourront créer avec ceux que nous aidons un lien différent».


L’école transformée en machine à désintégrer


Par PHILIPPE MEIRIEU Professeur à l’université Lumière-Lyon II, vice-président de la région Rhône-Alpes (EE-LV) délégué à la formation tout au long de la vie
Dans le petit jeu des annonces gouvernementales qui s’emballent à l’approche des élections, le repérage des enfants «à risque» et «à haut risque» en maternelle est très représentatif d’une conception tout à fait cohérente de l’enseignement fondée sur des principes simples : médicalisation, détection et dérivation.
Longtemps, la métaphore médicale a joué un rôle critique en éducation. En 1967, les enfants de Barbiana écrivaient dans leur «Lettre à une maîtresse d’école» que «l’école se comport[ait] comme un hôpital qui soignerait les bien portants et exclurait les malades». Le caractère subversif de la formule s’est émoussé : avec la gestion libérale du système de santé, quand le management l’emporte sur le soin et que le «pilotage par les résultats» permet tout naturellement d’arroser là où c’est déjà mouillé, la médecine n’a plus rien à envier à l’école ! Mais, simultanément, le modèle médical s’est durci, se repliant sur le couple «diagnostic-remède», au détriment de la prévention, de la prise en compte des environnements et du travail en partenariat.
A l’école, ce modèle s’est rapidement banalisé : il ne s’agit plus de créer un milieu équilibré et structurant, de provoquer des rencontres fécondes, de stimuler l’attention et de mobiliser l’intelligence… On investit l’essentiel de notre énergie à repérer les dysfonctionnements et à intervenir au plus tôt par la médication spécialisée. C’est ainsi que l’on rabat la notion de «difficulté» (nécessairement issue d’une combinaison de facteurs) sur la notion de «trouble» (évidemment physiologique), que l’on finit par tenir pour quantité négligeable les problèmes sociaux et même par ignorer l’action pédagogique. On en revient finalement à la vieille conception de l’homme-machine : réparer les pannes individuelles plutôt que de créer les conditions du développement collectif. Avec la bénédiction des neurosciences qui apportent - et c’est bien normal - les connaissances qu’elles ont élaborées, en les transformant - et c’est beaucoup moins normal - en système d’interprétation des réalités scolaires.
Mais la médicalisation des difficultés scolaires pourrait voir ses effets pervers limités, voire être utilisée de manière bénéfique dans des cas spécifiques, si elle n’était enrôlée dans un processus à l’œuvre aujourd’hui à grande échelle : la classe est en train de devenir progressivement un lieu où l’on passe son temps à évaluer les élèves pour savoir s’ils ne seraient pas mieux ailleurs. On détecte et on dérive partout, renvoyant les élèves toujours plus loin : de la classe vers l’aide personnalisée, puis vers l’étude dirigée, le soutien scolaire, les cours particuliers, le psychologue et l’orthophoniste, les filières dédiées et les établissements spécialisés, Internet et les camps de vacances-études… L’école n’est plus qu’une gigantesque centrifugeuse construite autour d’un lieu vide - la classe - qui n’intéresse plus personne. Elle tourne sur elle-même en renvoyant les élèves de plus en plus loin, en même temps qu’elle creuse, en son sein, une véritable dépression scolaire. Pas étonnant, alors, que l’on sacrifie la formation des enseignants. Plus besoin de pédagogie ! Il suffit d’évaluer, de détecter, de dériver de plus en plus d’élèves, de plus en plus vite, de plus en plus tôt. Et ce mouvement prend une telle ampleur qu’il annihile toutes les velléités bienveillantes qui pourraient encore faire, ici ou là, d’une intervention spécifique une aide déterminante. La centrifugeuse tourne trop vite !
Ainsi, ce qu’on nous présente comme une machine à intégrer est devenu une gigantesque machine à désintégrer. Quand il faudrait mettre en place des collectifs à taille humaine portés par des équipes d’adultes solidaires, on fait exploser le système en une multitude de professionnels qui «se repassent le bébé». Quand il faudrait promouvoir l’entraide entre élèves et le suivi personnel dans des groupes solidaires, on multiplie les tests et les évaluations de toutes sortes pour faire fonctionner une «usine à gaz» de plus en plus complexe. Quand nous aurions besoin de mobiliser les enfants et les adolescents sur un projet culturel ambitieux pour leur permettre de dépasser leurs difficultés, on les juge, de plus en plus tôt, sur ce qu’ils sont et on les enferme dans leurs symptômes. Quand nous aurions besoin d’une école qui unit, nous voyons émerger sous nos yeux une école qui fragmente, exclut et isole. Il est temps d’inverser le mouvement.


Et si les patients ne pouvaient plus payer...


Fragilisés par la récession, les Français seraient de plus en plus nombreux à repousser certains soins. Une salve d’enquêtes d’opinions est venue ces dernières semaines conforter la thèse d’une véritable épidémie de renoncements aux soins. Doit-on y croire ? Peut-on redouter le pire ? Les experts demandent à voir. Mais sur le terrain, nombre de généralistes perçoivent une détérioration de la situation.

Près d’un Français sur trois aurait renoncé à des soins au cours des douze derniers mois. Ce chiffre, issu du baromètre Europ assistance sur les soins de santé en Europe et aux Etats-Unis et publié au début de l’automne, a fait l’effet d’une bombe et a souverainement agacé le ministre de la Santé. Comment se peut-il que la population d’un pays riche comme la France, réputé pour son pacte solidaire issu de 1945 en vienne à renoncer à se soigner ? Et qui sont ces 29% de Français ? Le baromètre ne le précise pas. Mais on sait en revanche, que pour 26% des répondants, ce sont – sans surprise – les soins dentaires et les lunettes qui ont été reportés ou annulés. La méthodologie de l’enquête, cependant, « est très peu détaillée », remarque Yann Bourgueil, directeur de recherches à l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économies de la santé), qui prend ces chiffres avec des pincettes. « L’enquête ne va pas dans le détail de ce à quoi les personnes questionnées disent renoncer. Renoncent-ils à une monture de marque ou renoncent-ils à une paire de lunettes pour un enfant qui en a besoin ? Renoncent-ils purement et simplement ou retardent-ils un soin ? On ne sait pas de quoi on parle ».

Vigilance d’autant plus accrue que dans son enquête «Santé et protection sociale» publiée en juin 2010, l’Irdes indiquait qu’en 2008, 16,5% de la population âgée de 18 à 64 ans avait déclaré avoir renoncé à des soins au cours des douze mois précédents. On est donc bien loin des 29% évoqués par Europ Assistance même s’il est vrai que, depuis 2008, la crise économique et financière est passée par là. Le mois dernier, Médiforce révêlaitune enquête inédite auprès des professionels de santé. Résultats sans appel: 53% des blouses blanches ont le sentiemnt que leurs patients repoussent certains soins. Au première loge pour observer le phénomène, les généralistes sont plus pessimistes que la moyenne : seuls 23% estiment leurs patients «acceptent comme avant les soins et traitements proposés...»

Alors, la crise s’accompagnera-t-elle d’un véritable «krach sanitaire» ? Un expert comme Jean-François Chadelat refuse de verser dans le catastrophisme. Si le nombre de bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) a significativement augmenté en 2010 (+3,3%) et devrait s’établir très prochainement à 4,5 millions de personnes, ce directeur du Fonds CMU dit ne pas constater d’aggravation de l’accès aux soins. Il considère même que la population dont il s’occupe connaît bien mieux ses droits que par le passé et que le non-recours aux soins chez les bénéficiaires de la CMU ne se constate guère que chez les récents bénéficiaires, ceux qui ne connaissent pas encore totalement leurs droits. Pour les autres, pas de souci. Ils seraient même de « bons élèves du système de santé », ayant déclaré leur médecin traitant pour 88% d’entre eux, versus 82% en population générale. En d’autres termes, pour le directeur du fonds CMU, le problème de l’accès aux soins chez les bénéficiaires de la CMU ne se pose pas, exception faite bien sûr des refus de soins, qui bien qu’ils demeurent « incontestables », n’ont pas à voir selon lui avec le phénomène de renoncement aux soins.

Médecins du monde s’en mêle

C’est une réalité toute autre que rapporte en revanche Olivier Bernard, président de Médecins du monde qui, à l’occasion de la publication du rapport annuel de l’ONG, déclare craindre le pire. Deux réalités le « préoccupent » particulièrement : parmi les populations accueillies dans les centres de l’ONG, 8% des femmes enceintes dorment à la rue , tandis que le nombre de mineurs pris en charge a augmenté de 30%. « Que ces populations passent à travers les mailles du filet de notre système de protection sociale est quand même alarmant », fustige-t-il. Et d’affirmer que les chiffres avancés par Europ assistance correspondent à ceux que Médecins du monde avait publiés l’année précédente. En 2010, en effet, lors de son précédent rapport, MdM chiffrait à 24% les renoncements aux soins des populations qui fréquentent ses centres, contre 11% en 2007. Pour Olivier Bernard, si Médecins du monde accueille en France des populations fragiles, en situation irrégulière et/ou sans logement, les réalités observées par l’ONG, à court terme, deviennent finalement celles de la population générale. D’où cette crainte d’un « krach sanitaire », renforcée par le développement des maladies de la précarité, que l’on pensait tout simplement éradiquées dans notre pays : tuberculose, rougeole, gale ne sont plus rares.

Gale, scorbut…

Les centres d’accueil des ONG ne sont pas seules à constater le retour des maladies de la précarité. Les médecins généralistes aussi. Pierre Frances, généraliste à Banyuls-sur-Mer et bénévole pour l’association Solidarité 66 qui accueille des sans domicile fixe à Perpignan, rapporte qu’il n’est plus rare de voir des cas de gale dans son cabinet. « C’est catastrophique », juge-t-il, ajoutant : « Je vois aussi des cas de scorbut, ce qui pose un gros souci puisque le diagnostic se fait sur dosage de l’acide ascorbique, un acte qui n’est pas remboursé par la Sécurité sociale ». Au sein de l’association Solidarité 66, le Dr Frances voit des personnes qui ont un travail, mais pas de logement. Mais, « en matière de santé, ils minimisent leurs problèmes, car ils ne disposent pas de complémentaire ». De même, remarque-t-il, certains retraités qui n’ont pas les moyens d’une couverture complémentaire vont se priver de soins. Un constat que fait aussi, à Saint Denis, le Dr Didier Ménard qui connait des retraités contraints de travailler au noir pour pouvoir se soigner.

Selon ce dernier, les renoncements aux soins ne sont plus à démontrer : alors qu’il fait du tiers payant, les 6,90€ demandés aux patients posent problème à certains. « Je fais de plus en plus de médecine gratuite sur la part complémentaire », remarque-t-il. De même, il assure qu’un nombre croissant de patients refuse les arrêts maladie. Il raconte : « J’ai reçu récemment une femme enceinte, à trois semaines du début de son congé maternité, en perte de liquide amniotique. Elle a refusé que je lui prescrive un arrêt de travail, au risque de perdre son bébé, pour des raisons financières ». Des anecdotes de ce type, le Dr Ménard semble en avoir à la pelle : « Les gens n’ont pas d’argent d’avance, ils vivent au jour le jour. Il y a des mères qui font des crédits revolving pour soigner leurs enfants ». Sans parler des patients qui une fois à la pharmacie, trient, avec le pharmacien, les médicaments qui sont remboursés, des autres.

Chômage et complémentaire santé

Dans un contexte tel que celui-là, le renoncement aux soins pour raisons financières semble ne faire aucun doute. Ce qui n’est pourtant pas l’avis de l’URPS médecins du Languedoc-Roussillon, à l’origine d’une étude en octobre dernier selon laquelle ce sont plutôt les temps d’attente pour obtenir une consultation qui pousseraient les patients à renoncer ou retarder des soins. Dans son enquête, 30% des personnes interrogées ont déclaré avoir du mal à obtenir une consultation chez un généraliste, contre 65% chez un spécialiste. Plus préoccupant peut-être: près d’un quart des patients renoncerait à se soigner pour cette raison, alors que seuls 3% des personnes interrogées renonceraient à des soins pour des raisons financières. Les délais d’attente, un facteur de renoncement aux soins ? « Possible », considère Yann Bourgueil, néanmoins plus sensible à la question de l’accès financier. L’augmentation de la pauvreté va augmenter les inégalités d’accès aux soins, avance-t-il. « A mesure que le chômage augmente, on peut penser qu’une certaine partie de la population ne va plus accéder à la complémentaire santé », prévient-il. C’est toute la question de la portabilité des droits qui est ici posée. Perdre son emploi signifie souvent plus de complémentaire santé. Une double peine, en quelque sorte.

Selon Olivier Bernard, cependant, la crise économique ne suffit pas à tout expliquer. Et le président de MdM de désigner comme responsables les politiques menées ces dernières années, « sans lien direct avec la crise ». «Un certain nombre de décisions politiques ont éloigné certaines populations des soins, » poursuit-il. Et de citer la mise en place d’un ticket d’entrée à l’AME (Aide médicale d’état) ; les décisions d’expulsion, notamment des Roms, qui empêchent les ONG de mener des campagnes de dépistage et de prévention de pathologies telles que la rougeole ou encore le fait que l’hébergement d’urgence soit entravé par la diminution des subventions accordées aux associations. A MdM, on attend que soient réaffirmés, à la faveur de la campagne de 2012, « le souhait d’un système de santé de solidarité et la lutte contre les inégalités sociales de santé ». Pendant ce temps, Didier Ménard continuera à « passer un temps fou à essayer de trouver des solutions financières » pour que ses patients bénéficient des soins dont ils ont besoin et Pierre Frances cherchera à faire en sorte que les SDF souffrant de pathologies cancéreuses puissent être pris en charge dans des structures d’accueil adaptées...
Dossier réalisé par Sandra Serrepuy

Valentin et les possédés

GRAND ANGLELe procès aux assises de Stéphane Moitoiret, accusé de l’assassinat, en 2008, du petit garçon de 11 ans, et de Noëlla Hégo, sa complice, retrace le délire mystique d’un couple qui a erré vingt ans sur les routes de France. Verdict le 16 décembre.


Par PATRICIA TOURANCHEAU Envoyée spéciale à Bourg-en-Bresse
Le cou tendu telle une gargouille vers la cour d’assises de l’Ain, Stéphane Moitoiret, 42 ans, épaissi, bouffi, ensuqué par les neuroleptiques, bredouille un mot inaudible sur le massacre, le 28 juillet 2008 à Lagnieu (Ain), du petit Valentin Crémault âgé de 11 ans, de 44 coups de couteau : «Non.» Il n’a pas tué. Il dément même être sorti la nuit de la salle paroissiale à 3 kilomètres de là après une dispute avec sa compagne, Noëlla Hégo :«Non.» Il répète, buté : «Non.» En face, serrés sur le banc des parties civiles, le père et la mère de l’enfant, qui ont perdu leur emploi, hypothéqué leur maison et bu plus que de raison, encaissent les dénégations. A ses côtés dans le box, jugée pour complicité, «Sa Majesté» Noëlla Hégo, 52 ans, qui n’est plus blonde décolorée mais châtain, en parka marron, pose telle une statue de cire au profil grec, lisse et impassible.
Au bout de vingt ans de «missions divines» sur les routes de France, «Sa Majesté» ne «supportait plus» le manque de respect et la «violence» de son«secrétaire», lequel a voulu sortir ce soir-là : «T’as qu’à partir définitivement, on va se séparer, prends tes bagages et ta carte d’identité.» Le voilà qui décide de «faire un retour en arrière», ce qui dans leur langage signifie «tuer quelqu’un». Elle soutient aujourd’hui qu’il s’agissait de «sa» mort à elle : «Il cherchait à me suicider psychologiquement, à me tracasser le cœur et l’esprit. Il a voulu provoquer un incident pour revenir au départ.» Elle le laisse partir. Il revient une heure après, le doigt tailladé. Elle lui demande :«Qu’est-ce que tu as fait ?» Il répond : «Je me suis attaqué à un enfant dans la rue, j’étais comme hypnotisé.» Elle refuse de l’aider : «Je ne suis pas d’accord avec ce que tu as fait. Tu as voulu te venger parce que je voulais me séparer de toi et tu savais que j’aimais bien les enfants.»
«Elle a voulu me tirer les cartes, on a sympathisé»
Ce couple a fusionné dans une «folie à deux» fin 1987 autour d’un juke-box dans un café de Pont-Sainte-Maxence (Oise), où Stéphane habitait alors. Il a 18 ans, Noëlla 28. «Qu’est-ce qui vous a plu chez elle ?» questionne le président, Dominique Bréjoux. «Son physique», parvient à prononcer l’accusé, qui a du mal à aligner plusieurs mots d’affilée. Alors ses avocats, Hubert Delarue et Frank Berton, traduisent ses paroles. «Elle a voulu me tirer les cartes, on a sympathisé.» Le président : «Plus que ça, vous l’avez aimée, vous l’aimez peut-être toujours ?» Stéphane Moitoiret souffle :«Oui.» Invitée en retour à exprimer ses sentiments sur son ex-compagnon, Noëlla Hégo se radoucit : «Si c’est vraiment lui qui a tué le petit garçon, je n’ai que de la pitié pour lui.» Ne croit-elle plus à sa culpabilité ? «Il y a son ADN, mais ça me paraît bizarre.»
Dans ce bistrot, Noëlla Hégo a été attirée par «son apparence» : «Il a mis du hard rock dans le juke-box. Il était moderne. On a parlé de nos familles.» Il lui confie ses «problèmes avec sa mère». Il a arrêté l’école en cinquième, à 16 ans… Il a fait un stage de pâtisserie. Il a perdu son père en 1986 d’une tumeur au cerveau qui lui donnait des hallucinations. Noëlla lui propose de l’emmener chez ses parents, dans le Nord. «Aviez-vous l’impression qu’il venait chercher une autre mère ?» s’enquiert Me Gilbert Collard pour les oncles et tantes de la victime. «Oui, une autre famille», rectifie Noëlla. Elle n’a pourtant jamais trouvé sa mère «affectueuse» et se sent «comme une enfant adoptée».
Elève «brillante», voire «un génie» selon un professeur, «gentille comme un ange» si l’on en croit sa mère devenue veuve, cette fille du Nord quitte le lycée en seconde : «Ma mère ne voulait pas payer mes études.» Avec un BEP d’agent administratif, elle travaille dans deux banques. A 20 ans, elle épouse un comptable «pantouflard», divorce à 25 ans : «Je voulais un enfant. Il était stérile.» Elle veut «voyager», «changer de vie», part en Italie pour un job de «danseuse» strip-teaseuse. A Cannes, chez sa sœur, la voilà qui tire les cartes - «c’est un don» - et monte un cabinet de voyance.
Entre «magie blanche» et noire, Noëlla rencontre Stéphane, le fêlé. C’est le début d’un délire mystique à deux : «Je ne l’ai pas initié, c’est lui qui s’y est intéressé, je ne l’ai pas forcé», se défend la femme. Le président : «Vous-même vous étiez baptisée "Sa Majesté" et avez signé ainsi vos PV.»L’accusée : «C’est un titre, une nomination de divinité» venue «d’une voix automatique». Le président : «Quel philtre avez-vous utilisé sur lui pour avoir cet ascendant, pour qu’il vous mette sur un piédestal ?»«Pourquoi pas ?» rétorque Noëlla Hégo.
Le couple part un an en pèlerinage à Lourdes, à pied, «parce que je crois aux miracles», dit-elle. Il dépense les 50 000 francs hérités de son père. Les deux coupent les ponts avec leur mère. Insoumis, le voilà réformé du service militaire pour retard mental. En 1990, les deux SDF marchent jusqu’en Italie pour échapper à «des hélicoptères» qui veulent «les éliminer». Retour dans le Nord. Ils louent une maison, prient et se «purifient» au milieu de bougies. Enceinte, elle accouche d’une petite fille qui sera placée à la Ddass. Pour Stéphane Moitoiret, «on a échangé leur garçon, on leur a donné une fille» à la naissance, alors ils ont dû laisser le bébé. Noëlla Hégo voulait le«garder», dit-elle, «j’avais acheté la layette», mais «on m’a dit à la maternité qu’on ne me rendrait pas l’enfant». D’un ton cinglant, le président lui oppose deux rapports signés Hégo et Moitoiret. Les deux ont déclaré à la maternité la profession d’«exorcistes» et ont demandé «un accouchement sous X». Ils expliquent alors qu’ils l’abandonnent «pour des raisons professionnelles et idéologiques incompatibles avec l’éducation d’un enfant».Sans émotion apparente, Noëlla Hégo rétorque au président : «J’ai rien à dire, c’est une adoption secrète.» A la sage-femme, les futurs parents ont décrété : «C’est l’enfant du diable ! Notre vie, c’est tailler la route.»
Une «boîte à vœux» et une «valise à préjudices»
Me Collard parvient à faire avouer aux deux accusés leur culte du filml’Exorciste et les chemins de bougies. Pour Noëlla Hégo, «l’exorcisme, c’est chasser le démon, le mal du corps d’une personne, et la purifier». Pour Stéphane Moitoiret, «c’est quelqu’un qui lutte contre le mal» : «J’avais un mal en moi, une possession d’esprit.» En réalité, Noëlla a passé son temps à tenter de l’exorciser : «J’étais consciente qu’il pouvait faire du mal.»
Me Hubert Delarue, qui cherche à prouver la folie de Moitoiret, «le secrétaire de Son Excellence», n’a pas eu grand mal à y parvenir : «En quoi consistaient les missions divines, les contrats à signer ?» De façon hachée et incohérente, l’accusé explique : «Y a des choses à déplacer, des objets, ça amène des choses à faire quand on fait des voyages, mais ça n’a pas marché.» Vingt ans de quête avec une «boîte à vœux» et une «valise à préjudices» : «C’était des sous pour indemniser les gens», bredouille Moitoiret alors au service de Noëlla, qui «faisait des négociations pour des accords internationaux». Lui s’occupe de l’intendance, de trouver l’hébergement, sonnant aux portes, téléphonant au maire en quête d’une salle des fêtes. Il assume sa soumission à Noëlla : «C’est moi qui lui ai donné ce titre parce qu’elle a une élévation spirituelle.» Il a été contrecarré dans ses projets par le méchant «Belbar» (un chasseur de fossiles du livre éponyme) : «Belbar me suivait, il voulait me nuire», dit-il.
Sentant que le tueur de Valentin dans le box paraît tout à fait dérangé, MeJacques Frémion, l’avocat des parents du petit garçon qui veulent à tout prix que la justice passe, charge la «complice» supposée, Noëlla Hégo : «Avez-vous fait croire à M. Moitoiret que vous étiez une réincarnation de Dieu ?»Elle hausse les épaules : «S’il y croit, il y croit.» L’avocat se met à tonner :«Alors vous expliquerez peut-être à la cour comment on tue un dieu.» La théorie des parties civiles évoquée par Me Collard est que «Sa Majesté» a pu demander à son «secrétaire», en guise «de cadeau ou d’offrande», de tuer un enfant. De préférence un Valentin. Rien ne prouve que Stéphane Moitoiret connaissait le prénom du petit garçon. En tout cas, le couple est accusé, aujourd’hui, d’avoir tenté d’enlever, à Latillé (Vienne) en 2006, un autre Valentin âgé de 5 ans, indiquant à l’époque qu’il était «l’élu».
«Des Allemands au plafond et des Russes dans les murs»
Les troubles psychiques de Stéphane Moitoiret paraissent remonter à ses 17 ans. Il ne «se souvient pas» des trois semaines passées à l’hôpital psychiatrique en avril 1986, après la mort de son père. Vertiges, céphalées, l’adolescent perturbé s’endormait dans la baignoire chez lui en laissant couler l’eau. A 18 ans, il prétendait «venir de la planète Mars ou du Soleil», se sentait «cerné par des Allemands au plafond et des Russes dans les murs»,comme le rappelle Frank Berton, son défenseur. «C’est faux», lâche l’accusé.«Est-ce que vous pensez que vous devriez voir un médecin ?»«Non, non, j’en ai pas besoin. Je prends déjà de l’Haldol et du Tercian.» Moitoiret ne se sent pas fou. C’est sans doute la meilleure preuve qu’il ne joue pas la comédie pour se tirer d’affaire à bon compte.
Quatre experts psychiatres sur dix, à commencer par Paul Bensussan et Daniel Zagury, ont conclu à une «schizophrénie paranoïde» de Stéphane Moitoiret ayant aboli son discernement au moment de l’acte criminel. Pour eux, le tueur de Valentin n’aurait jamais dû comparaître, mais être enfermé en psychiatrie. L’avocat général, Jean-Paul Gandolière, fait mine de chercher à comprendre pourquoi l’accusé ne «répond que par quelques mots»,ânonne, passif, prostré : «Est-ce le décorum de la cour d’assises qui vous impressionne ?» Perdu, Moitoiret prononce : «Je réponds comme je peux.»
De son côté, la mère de Stéphane Moitoiret a émis un diagnostic à la barre :«Noëlla et Stéphane vivaient dans un monde parallèle, ça fait des années qu’ils étaient en dehors de la réalité. J’ai compris dans des émissions que c’était les symptômes de la schizophrénie. Ce n’est pas de sa faute, à Stéphane. Il n’a jamais eu de traitement ou d’aide sur ce plan-là. Les choses ont dû s’aggraver. On ne peut pas dire à un moment qu’il est schizophrène et en même temps qu’il peut maîtriser, c’est pas vrai. Il est sincère, il ne ment pas quand il dit que c’est un Belbar qui a tué. On doit tenir compte de ce qu’il a ressenti. Son état a été plus fort que lui. On sait qu’il est schizophrène et ça veut tout dire.» Verdict le 16 décembre.




Valentin : querelle d'experts aux assises 

Stéphane Durand-Souffland

Provocateur, le Dr Bensussan a déclaré voir dans les accusés «deux grands dingues».


Dans un procès ordinaire, le ton monte généralement au moment de l'examen des faits parce que le ou les accusés les nient. Au procès fou de Stéphane Moitoiret et Noëlla Hego, qui nient toute implication dansl'assassinat de Valentin, 11 ans, le ton monte quand les psychiatres défilent à la barre. C'est un signe, un symptôme, qu'ici, les faits relèvent en grande partie du délire.

Le Dr Paul Bensussan est au micro. Il est l'un des quatre praticiens (contre six) qui ont estimé quele discernement de M. Moitoiret était aboli au moment du crime, à supposer qu'il en soit l'auteur, ce dont personne ne doute réellement tant les indices matériels abondent en ce sens. L'expert est tellement en colère qu'il s'exprime en des termes étonnants, voire choquants. «C'est la première fois que je vois deux grands dingues dans un box de cour d'assises », tempête-t-il.

Il a rendu un rapport séparé, alors qu'il avait été commis au sein d'un collège composé de deux confrères, les Drs Peyramond et Bornstein, dont il ne partage pas le diagnostic. Cela arrive. Mais le Dr Bensussan affirme qu'il a été soumis à des «pressions » destinées à l'empêcher d'exprimer sa voix discordante, de maintenir «un chouïa de discernement» afin qu'un procès «à vertu thérapeutique » soit offert à la famille de la victime. «J'ai les preuves», menace-t-il en pointant du doigt son cartable. Stigmatisant l'attitude de ses deux confrères, il n'y va pas avec le dos de la cuiller : «C'est du pipeau, du négationnisme diagnostique. Stéphane Moitoiret délirait à pleins tuyaux depuis dix-huit ans au moment du crime. C'est un schizophrène. Il y a enfumage de la cour d'assises, on ne met pas les dingues en taule.» Le président Bréjoux : «Ce n'est pas à mon âge qu'on va m'enfumer.» Derrière cette pique amusante, transparaît une exaspération manifeste à l'encontre de cet expert au vocabulaire relâché, qui met en cause les deux praticiens qui ont déposé dans la matinée.

«Ce spectacle est lamentable, tempête l'avocat général

Tout cela est pain bénit pour la partie civile, qui entend que la responsabilité - même s'il n'y en existe qu'une «once» comme l'a admis le Dr Bornstein -, soit retenue, ouvrant au box les portes du cachot. Me Collard, rusé comme un renard, titille longuement le bouillant psychiatre sur la forme de son discours. Il ne s'agit pas tant pour l'avocat d'être bon, mais d'être long, pour que son contradicteur finisse par exaspérer le jury. L'expert se défend pied à pied, son magistère pâlit puisqu'il doit se défendre. «Vous vous comportez en pontife de la psychiatrie», l'accuse Me Collard, qui a sans doute servi cette formule mille fois au cours de sa carrière. Le Dr Bensussan repousse cette idée d'infaillibilité.


On s'éloigne des faits - il y a longtemps qu'on n'en parle plus. L'avocat général : «C'est scandaleux ! Ce spectacle est lamentable ! Les experts viennent régler des comptes à la barre ! » La défense n'a pas le choix : elle tente de couvrir la voix d'en face. Le brouhaha est total, la confusion généralisée. Le président : «Je n'admettrai plus que quiconque intervienne.» Me Collard reprend son détricotage, souvent tendancieux, mais efficace. C'est cela, un procès à vertu thérapeutique ?

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Autisme : «dogmatismes» en duel au tribunal de Lille

Plainte. Interrogés pour un documentaire, des psychiatres contestent la dénaturation de leurs propos et demandent l’interdiction du film.


Par STÉPHANIE MAURICE LILLE, de notre correspondante
Un procès pour tentative de «ridiculiser la psychanalyse» : c’est ce qui arrive à la documentariste Sophie Robert, assignée aujourd’hui au tribunal de grande instance de Lille pour son film, visible sur le Net, le Mur, la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Trois psychiatres, Estela Solano-Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, lui reprochent d’avoir«dénaturé» leurs propos. Ils demandent l’interdiction du documentaire, arguant qu’ils sont les auteurs des interviews et ont un droit de regard sur leur utilisation. «J’aurais escamoté des propos qui font que ce qu’ils disent n’est pas ridicule», ironise Sophie Robert.
Le film dénonce le même message, répété de psychanalyste en pédopsychiatre : les enfants autistes sont victimes d’une mère soit trop froide soit trop chaude et s’enferment dans une bulle. «Le grand public ignore que, pour les psychanalystes, les mères sont pathogènes par essence,s’enflamme Sophie Robert. J’ai fait un film qui ne les condamne pas. Ils se condamnent tout seuls avec leurs propos.»
«Financeur». Sauf que les intéressés ne s’y reconnaissent pas. «Ces théories sont totalement dépassées», affirme le professeur Pierre Delion, pédopsychiatre au CHRU de Lille. Et ce serait «calomnieux» de faire croire l’inverse. Interviewé par Sophie Robert, il n’a pas porté plainte mais s’est senti «victime d’un abus de confiance», avec l’utilisation de «cinq secondes d’entretien totalement détachées du contexte». Il dénonce le face-à-face du docu entre la psychanalyse «inefficace» et les méthodes comportementalistes, Aba ou Teach, que la réalisatrice plébiscite.
La thèse de la prédominance des méthodes comportementalistes sur la psychanalyse est portée par l’association de parents d’autistes, Autismes sans frontières, «financeur principal du film», reconnaît Sophie Robert, qui assume son parti pris. Dans les hôpitaux, ces méthodes comportementalistes, basées sur la répétition des mêmes gestes, tiennent leur place à côté du thérapeutique, présent «si nécessaire», selon le professeur Delion, qui souligne : «La psychanalyse sert à comprendre ce qui se passe entre l’enfant et ses accompagnants. Elle n’est pas dans l’explication des causes de l’autisme.»
Génétique. Il est désormais acté que l’autisme a une cause génétique. Les psychanalystes qui attaquent, proches de l’Ecole de la cause freudienne (gardiens des œuvres de Lacan), refusent de s’exprimer. Un connaisseur du dossier, psy, soupire : «Ils adorent les procès. Cette affaire, c’est la rencontre entre deux dogmatismes», l’Ecole de la cause freudienne contre les comportementalistes. Il conclut : «Les modérés sont pris entre les deux comme dans un casse-noisettes.»


mediumArt brut : L'instinct créateurde Laurent Danchin 
L'art brut préféré aux arts culturels

Dès le XIXème siècle, "l'Art des fous" a été étudié par la psychiatrie naissante: les aliénistes s'intéressent aux activités plastiques des enfermés; enfermés dans les asiles d'aliénés et enfermés dans leur monde intérieur. Paul-Max Simon, ami de Flaubert et psychiatre étudie "d'un point de vue descriptif et scientifique les productions des malades" et distingue le cas de la création spontanée qui diffère de celle de malades qui ont manifesté des aptitudes artistiques antérieures à leur internement. En 1907 paraît " L'Art chez les fous" du critique Marcel Réja qui reprend la distinction entre artistes devenus fous et fous devenus artistes. C'est dans cette catégorie qu'il observe trois niveaux: "les oeuvres à caractère enfantin, celles purement ornementales et enfin celles qui recourent aux symboles et expriment quelque chose".

Ainsi se dessinent "les conditions de la genèse de l'activité artistique", ce pur instinct créateur qui exprime un univers en dehors de toute tradition -là où le peintre "normal" reprend la tradition pour la dépasser- , geste primal, primitif, qui jaillit d'un corps que la maladie mentale a coupé de tout repère civilisationnel, un corps délivré des apprentissages, des dressages, bref de toute "culture". Le geste de l'aliéné créateur est un signe naturel qui se prolonge dans l'objet créé, peinture, sculpture, écrit et confère à celui-ci son sens propre, et partant suscite l'émotion, fondement et condition de toute intersubjectivité.
Pas étonnant dès lors que tous les expressionnistes "à un moment ou à un autre, se passionneront pour l'Art des fous", que cet "art total" ai été le rêve de toute l'avant-garde.

Hans Prinzhorn, historien de l'art, psychiatre à Berlin en 1922 essaie de "comprendre à la source les mécanismes universels de la création". Il distingue "six pulsions fondamentales à la base de ces mécanismes: un besoin d'expression relevant de l'élan vital, puis diversement combinés, une pulsion d'ordre, une tendance à reproduire, une pulsion de parure, une pulsion de jeu et enfin un besoin de s'exprimer par des symboles".

Mais le promoteur de cet art brut est Jean Dubuffet pour qui "il n'y a pas plus d'art des fous que d'art des dyspeptiques ou des malades du genou". C'est lui qui utilisera pour la première fois le terme d'art brut pour désigner "cette forme d'art obscure, inconsciente d'elle-même". Dubuffet qui oppose à l'intellectuel "en perte de voyance" l' "imbécillité extralucide" de l'idiot inspiré.

Il ne s'agit pas ici de résumer le livre qui est lui même une simple approche de l'art brut et de son prolongement l'art singulier (il ne se compose que de 159 pages abondamment illustrées -ce qui permet, malgré son format "poche" de voyager parmi ces créations singulières, hors normes- ).
L'art brut a donc trouvé son prolongement dans l'art singulier, sa variante vulgarisée. Nous quittons l'univers des fous pour celui de la marginalité, celui de l'expression en marge de l'art officiel, de l'art des galeries, des collectionneurs et des investisseurs. L' art singulier, bien qu'il témoigne de ce que le déconditionnement n'est jamais total -réflexion que Dubuffet avait déjà faite au sujet de l'art brut- est lui une forme de protestation assumée contre la "déconstruction générale des cultures et traditions". Il prend en charge l'exigence qu'a l'être humain, -pris dans le mouvement général de prolétarisation, de perte des savoirs-faire liée à la mécanisation des activités humaines, de détournement des pulsions vers la consommation-, de manifester son existence.

De la perception singulière de l'artiste à la réception de ses oeuvres, l'Art demeure un accès direct, partageable, à l'être du monde, si éloigné de nos constructions mentales qui nous asservissent à un réel créé chaque jour sous nos yeux. Heureusement disait Nietzsche que nous avons l'Art pour ne pas mourir de la vérité.