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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 23 novembre 2011





LUNDI 21 NOVEMBRE 2011


L'actuel malaise dans la culture

François Richard
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Octobre 2011 – Ed. L’Olivier – Coll. Penser/Rêver


Au même moment où Freud écrit Le malaise dans la culture (1929), des discussions extrêmement fécondes ont lieu à Francfort où les auteurs et de la future Ecole de Francfort (Adorno, Marcuse, Lowenthal) réfléchissent sur les mécanismes sociaux de domination en utilisant à la fois la psychanalyse, la phénoménologie et le marxisme, en faisant l'hypothèse d'une participation du psychisme le plus subjectif aux processus sociaux.
François Richard s'inscrit dans cet héritage, celui de la rencontre, au début des années 1930, entre la psychanalyse et la critique sociale. Le malaise dans la culture contemporaine s'est approfondi depuis le célèbre essai de Freud et se caractérise aujourd'hui par une contradiction entre les exigences moralisatrices croissante et le déchaînement, imaginaire mais aussi très réel, de la violence et de la vulgarité.

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LUNDI 21 NOVEMBRE 2011

Lacan lecteur de Gide

Philippe Hellebois
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Octobre 2011 – Ed. Michèle – “Je est un autre"
De nombreux livres furent consacrés à André Gide mais aucun encore au Gide dont parla Lacan dans un article fameux, paru en 1958 et inclus ensuite dans ses Écrits, " Jeunesse de Gide ou la lettre et le désir ".
Ce Gide-là, qui ne ressemble à aucun autre, fit date dans son enseignement en l'amenant à des élaborations nouvelles et fondamentales : l'amour différencié du désir, l'objet a qui deviendra l'une de ses grandes inventions, la clinique de l'enfant dans ses aspects les plus sombres, la perversion comme on ne l'a jamais vue... Lacan montrait aussi les enjeux vitaux de la littérature pour Gide dont le style n'était pas qu'un gracieux ornement mais aussi et surtout une solution à son symptôme.

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LUNDI 21 NOVEMBRE 2011

Le réel de l'amour - Trois modèles lacaniens

David Monnier
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Octobre 2011 – PU Rennes 
Pourquoi tout le monde ne fait pas l'amour avec tout le monde ? Pour quoi faire, l'amour ? Pourquoi arrive-t-il que l'amour s'arrête ? Telles sont quelques questions brûlantes qui permettent d'aborder l'amour ici en évitant des faux problèmes et sans prétendre à des solutions aussi ineptes que dérisoires.
Se déploie que l'amour est nécessairement subjectif et même qu'il est impossible qu'il ne le soit pas. Car il n'y a pas de sujet sans amour, qui ne se conçoit sans amour, qui soit sans une conception de l'amour. Se démontre au long cours que l'amour relève d'une logique temporelle. Dès sa rencontre, contingente, il s'agit de se donner possiblement les moyens de sa fin. Et l'amour n'est pas tant aveugle que myope.

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Refaire société : Comment donner voix à la société ?


Sait-on bien ce qu’elle est cette société dont on parle depuis deux jours au forum Refaire Société, s’interroge Leyla Dakhli de la République des Idées ? La refaire, oui, mais sur quels fondements ? Comment témoigner de ceux qui font la société ? Quelle est la place des médiateurs (journalistes, intellectuels, militants…) ? Et bien sûr, répondre à cette question nécessite aussi de se poser la question de la forme : quelle voix porte-t-on ? Comment ? Est-ce par la subjectivité assumée ? Par la neutralité de point de vue ? Que signifie enfin donner de la voix ? Comment restitue-t-on cette voix ? Qui la restitue ?
C’est une question d’importance quand on observe ce retour du témoignage, estime la chercheuse. Et Leyla Dakhli de citer plusieurs ouvrages parus récemment, comme les récits des journalistes Florence Aubenas (le Quai de Ouistreham) et Eric Dupin (Voyages en France) auquel on pourrait ajouter Une année en France, ce polyphonique portrait de la France depuis ses habitants imaginé par la rédaction du Monde ou bien sur à La France de Raymond Depardon, ou encore, dans un autre style, Résister à la chaîne, cet étonnant dialogue entre un sociologue et un ouvrier.
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Bilan du plan santé mentale 1 : des progrès et des zones d’ombre

22/11/2011
      
 
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) publie ce mardi son rapport d’évaluation du premier plan Santé mentale (PPSM) 2005-2008. Jugeant pertinente, la conception générale du dispositif, le Haut Conseil note des « progrès significatifs » dans les domaines de l’offre de soins, de l’accompagnement médico-social et social. Le PPSM a en revanche « peu fait évoluer les organisations et les pratiques » et les avancées en matière de recherche demeurent très limitées.
Le rapport met aussi en avant des « difficultés et limitations rencontrées dans le travail d’évaluation » du fait de la multiplicité des objectifs et mesures du plan (210), de la diversité des acteurs impliqués dans leur mise en œuvre et des lacunes de l’information disponible. Tandis que le prochain plan Santé mentale doit être finalisé en principe d’ici à la fin de l’année, le Haut Conseil estime que l’accent doit être mis sur la continuité des prises en charge, l’amélioration de l’accès aux soins, la prévention et l’intervention précoce dès la petite enfance, l’intégration de la psychiatrie et de la santé mentale dans la cité, l’amélioration de la connaissance des besoins et pratiques.
Évaluation du Plan Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008. Rapport
La santé mentale figure aujourd'hui parmi les préoccupations majeures des politiques de santé publique. En France, le plan « Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008 » (PPSM) a poursuivi l’objectif de «donner à la psychiatrie un nouveau souffle au service des usagers et des acteurs ». Il insiste sur la nécessaire continuité entre les prises en charge sanitaire, médico-sociale et sociale des personnes présentant des troubles psychiatriques. Il est articulé autour de cinq axes, comprenant 210 mesures.
Compte tenu de l’intérêt et la sensibilité du sujet, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) s’est engagé dans une évaluation du plan en lien avec la Cour des comptes. Le rapport principal élaboré par un comité d’évaluation entre septembre 2010 et octobre 2011 présente les résultats d’un travail fondé sur une analyse documentaire, des auditions, deux études adhoc (dont les rapports sont également mis en ligne ci-dessous) et une conférence évaluative. Il fait un état des lieux des réalisations, approfondit, pour huit thématiques ciblées, les résultats et le degré d’atteinte des objectifs ainsi que leur impact. 
La conception du Plan apparait comme pertinente. La plupart des mesures prévues ont été mises en œuvre, au moins partiellement. Si des progrès significatifs ont été enregistrés en matière d’offre de soins et d’accompagnement médico-social et social, le Plan a peu fait évoluer les organisations et les pratiques. Des avancées ont eu lieu dans le renforcement des droits des malades mais avec peu d’effets concrets. Enfin, l’effet sur la recherche est resté très limité.
Parmi les pistes de préconisations, le HCSP propose notamment d’assurer la continuité des prises en charge et l’accès aux soins, de favoriser la prévention précoce... Il rappelle l’importance d’une politique publique explicite de psychiatrie et de santé mentale.
Évaluation du Plan Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008. L’articulation des champs sanitaire, médico-social et social au travers de la trajectoire de patients : le point de vue des professionnels et des usagers
Évaluation du Plan Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008. Étude de l’impact de l’investissement sur les conditions de prise en charge des patients

Prolégomènes à toute psychiatrie génétique
Publié le 21/11/2011

On a depuis longtemps abandonné –écrivent les éditorialistes de The American Journal of Psychiatry– l’idée selon laquelle les affections mentales seraient liées au dysfonctionnement d’un gène unique, comme dans des maladies somatiques telles que la mucoviscidose ou certaines myopathies.
Les problématiques psychiatriques résulteraient plutôt de « l’interaction complexe entre de nombreux gènes et des facteurs de l’environnement », mais les préludes récents de la « psychiatrie génétique » imposent de simplifier les modèles, en s’intéressant déjà à certains gènes exemplaires.
Évoquant ainsi la longueur changeante d’une séquence d’ADN dans une région (dite 5-HTTLPR) du gène codant pour le transporteur de la sérotonine (la protéine assurant le « recyclage » de ce neuromédiateur dans les terminaisons nerveuses), les auteurs rappellent les conceptions établies sur l’incidence médicale du polymorphisme génique. Dans l’exemple cité, l’allèle court du gène produit « moins d’ARNmessager pour ce transporteur de la sérotonine, et cette variabilité génétique expliquerait en partie une vulnérabilité individuelle aux « stress de l’existence » (chômage, problèmes de santé, etc.) qui reflèterait l’intensité innée de la production sérotoninergique, régie par l’allèle du 5-HTTLPR.
S’appuyant sur ces premiers résultats prometteurs, ayant conduit de l’hypothèse du 5-HTTLPR aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine en thérapeutique, les auteurs conseillent aux chercheurs de « creuser plus profondément » encore pour démasquer de nouveaux substrats génétiques dans le déterminisme de certaines maladies mentales. Avec leurs accents kantiens implicites, ces prolégomènes à toute psychiatrie génétique (« qui aura le droit se présenter comme science ») évoquent ce mot célèbre du neuropsychologue William Greenough : « Se demander ce qui est le plus important, l’inné ou l’acquis, revient à se demander ce qui est plus important dans un rectangle, sa longueur ou sa largeur. »

Dr Alain Cohen

Brzustowicz L et Freedman R : Digging more deeply for genetic effects in psychiatric illness. Am J Psychiatry 2011; 168-10:1017–1020.

Vous pouvez lire sur un thème proche :

dimanche 20 novembre 2011


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Quelques traits fondamentaux de la psychose
Numéro 35 - Revue trimestrielle

Coordination : Marcel CZERMAK - Jacques GARNIER

Ont participé à ce numéro : Jorge CACHO - Jean-marc FAUCHER - Jean-luc FERRETTO - Stephanie HERGOTT - Stephane THIBIERGE - Isabelle TOKPANOU -Jean-jacques TYSZLER - 

©2011
JOURNAL FRANCAIS DE PSYCHIATRIE (Revue) Rédacteurs en chef : Charles Melman et Marcel Czermak

ISBN : 978-2-7492-1324-8
EAN : 9782749213248
25 x 34 - 48 pages
19.00 €
Le risque de prescrire
Publié le 18/11/2011



The American Journal of Psychiatry analyse un ouvrage[1] « à orientation sociologique, et parfois polémique » sur la place des prescriptions médicamenteuses. Cette « orientation polémique » apparaît par exemple dans l’accusation faite à certains médecins ou laboratoires d’« imaginer ou amplifier » des maladies pour « créer le besoin de nouveaux médicaments. » L’exemple de ces « affections inventées » serait l’ADHD (Attention deficit hyperactivity disorder, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité) illustrant comment la disponibilité d’un médicament pourrait exercer une rétroaction positive sur le nombre de cas diagnostiqués : concrètement, plus on parle d’un médicament, plus on serait tenté de recenser des cas où sa prescription semble indiquée…
Autre exemple (moins prégnant en France) : le « trouble d’anxiété sociale » (social anxiety disorder), autrefois très rarement diagnostiqué, mais désormais fort commun, depuis l’existence de médicaments contre ce trouble. D’autres thèmes polémiques sont évoqués dans cet ouvrage sur la pertinence de certains traitements « en psychiatrie et ailleurs. » Par exemple, l’impéritie des médecins ayant prescrit vers 1960 la thalidomide « contre des troubles mineurs du sommeil » conduisit à un «désastre international », évité toutefois aux États-Unis par l’obstination d’une salariée de la FDA (Food and Drug Administration, l’autorité sanitaire du pays), Frances Kelsey, « partie seule en croisade » contre l’attribution d’une autorisation de mise sur le marché[2].
Mais le problème de la sécurité des médicaments est complexe, et il ne saurait se résumer à l’hypothèse que des fabricants peu scrupuleux essayeraient de « dissimuler ou minimiser des effets fâcheux » : en effet, la mise en évidence éventuelle de tels effets indésirables nécessite « trois fois plus de temps » que le fait de découvrir un effet thérapeutique, et cela est encore plus long pour des « rares, mais graves effets latéraux », comme le phénomène de tératogénicité. Or les médicaments seraient parfois introduits trop vite aux États-Unis, rappelle l’auteur, « sans données suffisantes sur ces effets indésirables », car la FDA aurait « accéléré le processus d’approbation » (l’équivalent de notre AMM), ce qui peut se comprendre, dans la mesure où les malades souhaitent bien sûr disposer sans délai des innovations thérapeutiques. Le problème se complique encore avec le fait qu’un nouveau traitement peut « ne pas se montrer meilleur que ceux existant déjà » mais présenter pourtant « un avantage considérable pour un petit pourcentage de patients avec un génotype particulier. » C’est tout le défi de la pharmacogénétique dans la recherche médicamenteuse.
 
[1] The risks of prescriptions drugs (édité par Douglas W. Light, Columbia University Press, 2010)


Dr Alain Cohen

En quel sens Jacques Lacan a-t-il effectivement révolutionné la pensée psychanalytique ?

De l’importance de concevoir la psychanalyse « dans le monde »


Par Pierre Delion, Professeur à la Faculté de Médecine de Lille-II, chef du service de pédopsychiatrie du CHRU de Lille.

« Je voudrais que ce livre soit lu comme l’énoncé d’une part secrète de la vie et de l’œuvre de Lacan, un vagabondage dans des sentiers méconnus : un envers ou une face cachée venant éclairer l’archive, comme dans un tableau crypté où les figures de l’ombre, autrefois dissimulées, reviennent à la lumière. J’ai voulu évoquer par bribes un autre Lacan confronté à ses excès, à sa passion du réel, à ses objets : en un mot, à son réel, à ce qui a été forclos de son univers symbolique. » Presque vingt ans après son Jacques Lacan, esquisse d’une vie, histoire d’un système de pensée, paru chez Fayard en 1993, Élisabeth Roudinesco nous livre un manuscrit plus personnel (1), dans lequel elle reprend, à l’instar de Lacan, auteur de l’Envers de la psychanalyse, « l’envers » de ce grand psychanalyste qui a su révolutionner la pensée psychanalytique à partir d’une relecture en profondeur de l’œuvre de Freud, faisant saillir le tranchant des études du fondateur de la psychanalyse, sans le laisser se confire dans le sucre de la psychologie médicale « héritière de Pierre Janet, de Théodule Ribot » ou dans les avatars de la psychanalyse à l’américaine et de son egopsychology. Mais si elle propose l’envers, elle reste fidèle au Lacan qu’elle décrit si bien, « envers et contre tout », notamment pour répondre aujourd’hui à ceux qui ont su vite enterrer Lacan en le réduisant à ses excès et à ceux de ses épigones autoproclamés, oubliant qu’il reste un incontournable réinventeur d’une psychanalyse ouverte, à d’autres pathologies, à d’autres horizons, à d’autres promesses de filiations.

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« La santé va coûter de plus en plus cher »

07/11 Laurence Bollack et Philippe Escande

L'affaire du Mediator marque-t-elle une rupture dans la politique de sécurité sanitaire française ?
On peut parler de tsunami. Cette affaire a modifié les rapports entre les usagers, le système de santé, les laboratoires et les médecins. Même s'il n'y a pas eu de réelle perte de confiance dans le corps médical, les Français sont devenus méfiants vis-à-vis du système. Il faut maintenant restaurer la confiance. C'est la mission de la nouvelle loi sur le médicament, centrée sur la sécurité des produits. Le texte apporte aussi des changements très importants en matière de conflits d'intérêts. La loi va loin en matière de déclaration de ces conflits, et surtout, elle prévoit que tout manquement sera puni. Mais n'oublions pas que ce traumatisme vient d'un dysfonctionnement majeur de la firme Servier, assorti du fait que les différentes barrières qui auraient dû être érigées ne l'ont pas été. Le système des prescriptions hors AMM [autorisation de mise sur le marché, NDLR] va être modifié dans l'intérêt du patient.
Est-il vraiment utile d'avoir trois intervenants dans la politique du médicament : Afssaps, HAS et CEPS ? Sans compter le ministère. Le scandale du Mediator a justement révélé une dilution des responsabilités...
Leurs missions sont très différentes. L'Afssaps est responsable de la sécurité sanitaire, alors que la HAS donne un avis sur l'intérêt du médicament dans une optique de remboursement et de prix. C'est le rôle de notre commission de la transparence, qui vient par exemple de réévaluer les médicaments contre la maladie d'Alzheimer. Quant au CEPS [Comité économique des produits de santé, NDLR], il fixe les prix mais ne joue aucun rôle en matière de sécurité.
Un rapport de la Cour des comptes sur la HAS critiquait récemment le fait que la HAS avait du mal à se démarquer de l'Afssaps. Pourquoi faire deux fois les mêmes études ?
Les données scientifiques sont les mêmes mais les évaluations sont différentes : l'Afssaps évalue les produits dans l'absolu, alors que la HAS tient compte de l'existant. Nous évaluons l'intérêt thérapeutique dans une stratégie globale, en analysant ce que les traitements apportent par rapport aux médicaments déjà sur le marché. Les procédures vont se sophistiquer, même pour l'obtention des AMM : le ministre de la Santé souhaite que les essais cliniques soient effectués à partir de comparaisons avec l'existant.
Vos avis évaluent le « service médical rendu » pour déterminer le taux de remboursement et l'« amélioration du service médical rendu » pour fixer le prix. Comment rendre cette classification plus lisible pour le public ?
Même les médecins ont du mal à s'y retrouver ! D'autant que le SMR comporte quatre gradations, qui vont d'« important à insuffisant », et l'ASMR cinq. Pour simplifier les choses, je souhaite l'instauration d'un seul index chiffré, qui pourrait s'intituler « intérêt thérapeutique », qui servirait aussi bien à l'assurance-maladie pour décider du remboursement et fixer le taux qu'au CEPS. Il intégrerait le rapport bénéfice-risque mais tiendrait compte de critères plus larges, comme la gravité de la maladie. Par exemple, dans le cas des médicaments contre la maladie d'Alzheimer, les traitements sont peu efficaces mais, comme c'est une maladie grave, on les rembourse quand même. Dans le domaine cardio-vasculaire, on peut se demander s'il est vraiment pertinent de rembourser la sixième statine. Le nouvel index, qui pourrait être créé par décret, tiendrait aussi compte de la praticité (une forme orale est plus pratique qu'une intraveineuse) et de certains sous-groupes de patients, qui peuvent répondre à un traitement. Enfin, il ne faut pas oublier l'innovation, qui mérite une prime, et le volet médico-économique de l'évaluation.
Justement, comment comptez-vous développer le rôle médico-économique de la HAS, comme le prévoit le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale ?
La loi de financement de 2008 nous avait déjà donné pour mission d'émettre des recommandations et avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficientes. Mais, effectivement, jusqu'à présent, nous avons surtout travaillé sur le médico-scientifique : comment mieux soigner. Compte tenu des contraintes économiques, il faut aujourd'hui se demander comment mieux soigner en gérant au mieux nos ressources.
La nouvelle loi prévoit que nous serons investis de cette mission au moment de la première inscription des médicaments et des produits de santé et, élément plus important, au moment de leur réévaluation, trois ou quatre ans après. Nous pourrons alors juger de l'impact économique du médicament dans la vraie vie, savoir combien de patients prennent ces traitements et évaluer leur véritable coût pour la collectivité.
Avez-vous un remède à la surconsommation de médicaments en France ?
Les Français continuent à consommer trop d'antibiotiques, trop de benzodiazépines pour dormir, etc. Il y a en outre trop de types de médicaments et certains (comme les statines) sont vendus trois fois plus cher en France qu'en Allemagne. Ajoutez au tableau que certains patients prennent des traitements dont ils n'auraient pas besoin. Dans ce contexte, la HAS joue un rôle en faisant des recommandations de bon usage. Le problème est qu'on ne sait pas qui les lit. A nous de les rendre plus lisibles pour les médecins et les patients, et de les faire appliquer. Nous avons décidé d'éditer des résumés pour les médecins et venons de lancer les recommandations « deux clics » pour aller dans le sens du développement d'Internet.
Mais pour que les recommandations soient appliquées, la meilleure solution est encore l'incitation. L'assurance-maladie a proposé une démarche intéressante, en instaurant des indicateurs de qualité, qui rapportent des points aux praticiens et les récompensent financièrement. Ils comportent une trentaine de critères et peuvent rapporter jusqu'à 9.000 euros par an aux médecins. Une convention avec les syndicats de médecins libéraux a été signée en ce sens l'été dernier.
Au-delà du coût des médicaments, les hospitalisations coûtent aussi très cher. Que peut faire la HAS ?
Nous certifions les 2.800 établissements de santé de France. La Direction générale de l'organisation des soins nous a aussi demandé d'étudier la pertinence des actes chirurgicaux. Nous allons en étudier quatre cette année (appendicectomie, amygdalectomie, libération du canal carpien et césarienne) et nous en prévoyons vingt pour 2012.Nous avons également des indicateurs qualité pour les établissements de santé. Là aussi, il faudrait que le patient en soit mieux informé.
De quels moyens supplémentaires disposerez-vous pour remplir vos nouvelles missions ?
La HAS est un établissement de 400 personnes doté d'un budget de 65 millions d'euros. Nous avons demandé une rallonge de 3 millions pour embaucher une trentaine de personnes.
Les traitements sont de plus en plus sophistiqués et de plus en plus chers. N'arrivera-t-il pas un jour où l'addition sera trop lourde pour la collectivité, avec le risque du développement d'une médecine à deux vitesses ?
En cancérologie, on a vu arriver de nombreux médicaments innovants, efficaces mais chers. Aujourd'hui, la courbe de découverte est moins rapide et le bénéfice apporté par un traitement ne doit pas être seulement marginal. Dans l'état actuel des ressources, le financement de la santé pose problème. Dans ce domaine, la France a un système très libéral, qui a toujours privilégié l'innovation. Mais, mathématiquement, la santé va coûter de plus en plus cher : comme les médicaments sont plus efficaces, les patients vivent plus longtemps et prennent des traitements plus chers sur de plus longues périodes. Quel que soit le résultat des élections de 2012, le futur gouvernement devra réfléchir à la prise en charge des maladies chroniques comme Alzheimer, le cancer ou le diabète, qui représentent près de 70 % des dépenses de santé, et voir comment on peut baisser les prix.
Quand allez-vous réévaluer les anticancéreux ?
Certains de ces traitements, très chers, n'apportent effectivement pas les bénéfices espérés. En 2011, nous avons réfléchi, avec l'Académie de médecine, à un cadre pour cette réévaluation. Nous allons peut-être nous autosaisir en 2012 d'un médicament ou d'une classe de médicaments anticancéreux.
Le concept « satisfait ou remboursé » pour un médicament, qui existe en Angleterre, est-il envisageable en France ?
Non. Le principe en France, c'est une obligation de moyens, pas de résultat. Jusqu'à présent, à la question de savoir s'il faut mettre en oeuvre, pour un patient, une stratégie thérapeutique meilleure mais plus chère, la France a toujours répondu oui.
Pourriez-vous refaire de la politique ?
Non ! J'ai arrêté fin 2010 en faisant le constat que l'on ne pouvait pas mener de front deux métiers à un haut niveau.