La justice s'introduit dans le milieu psychiatrique. Jusqu'alors, les magistrats n'avaient pas leur mot à dire dans l'hospitalisation forcée (à la demande d'un tiers ou du préfet) dans un établissement psychiatrique. La loi relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet soins psychiatriques », appliquée depuis le 1er août (votée le 5 juillet), change la donne. Désormais, toute hospitalisation sous contrainte, est examinée par le juge des libertés et de la détention (JLD). Il doit confirmer l'hospitalisation ou au contraire l'invalider.
Autrement dit, le patient comparait devant le JLD lors d'une audience. « Avant, la loi était fondée sur un avis médical et une décision préfectorale. Là, il y a un rééquilibrage évident qui veut aller dans le sens du respect du droit des personnes » estime Jean-Philippe Gidon, responsable du pôle psychiatrie du centre hospitalier Moulins-Yzeure.
Ce qui ne va pas sans poser de problèmes d'organisation. D'abord sur le lieu de l'audience. Exceptionnellement, la loi permet à ce qu'elles se tiennent en dehors de l'enceinte du tribunal. Une solution choisie par les magistrats de Moulins : « Nous nous déplaçons à l'hôpital, indique Thierry Grandame, président du tribunal de grande instance (TGI) de Moulins. Le tribunal est à cinq minutes en voiture de l'hôpital. C'est faisable. L'hiver, s'il y a des difficultés de circulation, on s'y rend en un quart d'heure à pied ». Une solution qui évite à l'hôpital de mobiliser du personnel pour accompagner les patients au tribunal, au patient d'être emmené parfois en état de crise dans un tribunal, et de permettre l'intervention rapide, si nécessaire lors de l'audience, des soignants vu qu'ils sont sur place.
La nouvelle loi impose la tenue de l'audience dans un délai de quinze jours suivant l'admission du patient. Un délai jugé trop court par le psychiatre Jean-Philippe Gidon : « Je pense que le passage devant le juge est un petit peu trop tôt. Beaucoup de patients ne sont pas en capacité psychologique de comprendre ce qui sera dit à l'audience. Quelqu'un dans un grand état délirant, n'est pas soigné au bout de deux semaines. Le délai idéal serait de trois semaines ou un mois ».
Quinze jours, cela laisse aussi peu de temps aux magistrats pour organiser les audiences. D'autant qu'ils ne sont pas libres d'en fixer les dates : « Nous dépendons de la saisine du préfet ou du directeur d'établissement », indique Thierry Grandame. Quatre juges des libertés et de la détention du TGI de Moulins, les assureront à un rythme qui devrait être d'une audience par semaine. Elles sont publiques (*). Ce qui d'ailleurs pose un problème : « Cela contrevient au secret médical », s'alarme le docteur Gidon.
Lors de l'audience, le patient est assisté d'un avocat : « Nous allons voir la défense que l'on peut avoir... » confie le bâtonnier William Hillauraud. « Les avocats vont découvrir ce monde-là ».
Si le patient doit passer devant le juge au bout de deux semaines d'hospitalisation, il doit le revoir tous les six mois pour lever ou non l'hospitalisation sans consentement.
Pour prendre la décision, le juge possède les certificats médicaux, le dossier médical du patient s'il est déjà suivi. Mais précise Thierry Grandame, « à l'audience, il n'y a pas que l'écrit. Il y a le rapport à la personne, l'écoute de l'autre. Si j'ai une appréhension, c'est par la problématique humaine que cela pose ; le rapport à quelqu'un qui est malade. Si je décide de dire à une personne "vous serez soigné malgré vous", c'est quelque chose de pas banal... ».
Une décision que le juge prend seul.
(*) La loi permet de demander le huis clos s'il y a une « atteinte à l'intimité »