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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 12 décembre 2010

La HAS se penche dangereusement sur … la dangerosité psychiatrique ce jour même.
Par guy Baillon

11 Décembre 2010

Le danger est maximal car la Haute Autorité de la Santé, a l’obligation de donner ce week-end des ‘recommandations’ pour que l’Etat ensuite impose en toute tranquillité à tous les français, à la justice, à la police et à la psychiatrie sa façon de réagir à la dangerosité et de la prévenir!
Mais pour ce faire nous constatons que la HAS fait l’impasse sur 40 ans de pratique de psychiatrie de secteur !

Cela signifie que le travail de 1127 équipes de secteur réalisé depuis 1972 est passé hier aux oubliettes ! Toutes ces équipes ont pourtant quotidiennement travaillé et réussi à désamorcer au quotidien les violences. Il n’en est pas tenu compte !
Ainsi de façon inattendue, sur commande de l’Etat, la HAS par un calme week-end de décembre, a fait plancher vingt experts devant une commission ‘ad hoc’ et un public trié sur le volet sur la ‘dangerosité’ avec la tâche de donner des ‘recommandations’ acérées le soir du 12 !

Le danger est extrême pour la psychiatrie de secteur, car si ces recommandations sont conformes à ce qui s’est passé le 10 décembre (seul jour public) la psychiatrie de secteur va être écartée de toute réflexion sur la violence pour des raisons dites scientifiques, comme nous allons le voir. On a du mal à le croire !

Le matin un travail "épidémiologique" a examiné la littérature … "internationale" portant sur la dangerosité psychiatrique des schizophrènes et des maniaco-dépressifs (ce ciblage est dangereux car il fait croire qu’il y aurait pour eux une spécificité du danger !). Il faut savoir que cette démarche "littéraire" est pour la France un piège car cette littérature n’accepte que des références internationales, et comme la psychiatrie de secteur n’existe qu’en France (les professeurs et chercheurs français s’ils veulent être publiés et être connus ne doivent jamais parler du secteur, et les étrangers encore moins) : donc « exit la psychiatrie de secteur de ce débat » ! Aucun auditeur n’a relevé cette énormité qui marque de son sceau la suite du débat.

Ce n’est que l’après midi qu’ont été entendues deux équipes françaises : -l ’une dont l’activité (remarquable) biaise aussi l’analyse car elle fait face à l’ensemble des urgences de Paris, ainsi les 50 équipes parisiennes font l’économie de la rencontre avec les urgences et avec les familles, elle leur enlève la capacité d’acquérir une compétence pour nouer des liens entre urgence et continuité des soins, - l’autre équipe à partir de sa seule expérience a proposé de réfléchir sur le second facteur causal de la violence : ‘le contexte’ dans lequel vit un malade précis. Question centrale, pourtant ce second facteur avait à peine été énoncé dans l’abondante littérature internationale, centrée sur la recherche d’une objectivité de la dangerosité. - De plus ces deux interventions étaient éclipsées par l’honneur réservé à nos amis canadiens qui on le sait n’ont jamais pu installer le secteur au Canada, et à une excellente prestation française sur la neuro-imagerie confirmant qu’il ne fallait pas compter sur elle pour "visualiser" une éventuelle survenue de violence (ouf).

Au total nous avons, en une journée, été obligés de suivre la "commande de l’Etat" voulant réduire le regard à ce qui cernerait une dimension ‘objective’ de l’appréciation de la dangerosité de ces deux troubles psychiques si violemment ciblés.
Il a été tout de suite critiqué par un acteur de Franche-Comté que la stigmatisation commence à partir du moment où l’on désigne une personne avec ‘une maladie’ (prétendue) au lieu de parler de "personnes présentant des troubles du type schizophrène ou maniaco-dépressif".

La question vaste, complexe, difficile, passionnante du "contexte" qui entraine vers une expression violente l’une de ces personnes n’a été abordée que tardivement et du bout des lèvres, comme très, très secondaire. De plus le contexte ‘immédiat’, c’est-à-dire l’attitude hostile, réticente ou accueillante de l’environnement, qu’il soit relationnel ou soignant, devant une personne en grande difficulté psychique n’a été ni évoqué, ni travaillé.

Il faut souligner que les deux notions fondamentales suivantes ont été abordées par les usagers seuls : - ainsi l’intérêt qu’il y a à parler, non pas de dangerosité, dont on sait qu’elle n’a reçu aucune définition scientifique, mais de « vulnérabilité » (terme associant la défaillance ou fragilité personnelle, avec le rôle évident de l’environnement et du contexte immédiat) ; ce terme a été apporté par la représentante des usagers, Claude Finkelstein ; - et la remarque fondamentale selon laquelle toute réponse donnée à une violence d’un patient trouve toujours son appui le plus fort dans la « proximité » (parce que c’est là que se concentrent la connaissance actuelle et passée de la personne, l’appréciation de ses liens, et l’espoir à venir) ; ce terme a été apporté par le représentant des familles, Jean Canneva.

Ainsi le drame de cette journée, réside dans le fait qu’aucun intervenant, aucun membre de la Commission "ad hoc" n’a évoqué la réalité : la France a accumulé une expérience "nationale" considérable de pratique de secteur, faite d’écoute de cette vulnérabilité et d’exercice de cette proximité : depuis 1972 dans 1127 équipes de secteur (830 équipes générales, le reste infanto-juvéniles) ; en 40 ans s’y sont succédées 2 à 3 générations de soignants divers qui ont acquis un ‘savoir-faire’ pluridisciplinaire auprès d’un million et demi de patients chaque année : Eh bien leur expérience n’a pas été prise en compte par l’HAS ce premier jour. Ni analysée, ni jaugée, ni approfondie !

De ce fait, dans l’évaluation que cherche à établir l’HAS, les biais sont nombreux, les manques d’analyse auront des conséquences préoccupantes sur les recommandations, en voici quelques uns : (outre le fait que le terme de dangerosité devrait être écarté car sans référence)
- absence d’un bilan historique mesurant l’effet de la pratique de la psychiatrie de secteur sur un pays entier de 65 millions d’habitants, seul exemple au monde (avec la Suisse !) ayant réalisé cette expérience et à même d’en mesurer le résultat, - absence d’une volonté déterminée de tenir compte dès le début des travaux de la seconde composante de la violence et de la vulnérabilité des personnes en souffrance psychique et de l’approfondir : le contexte entourant la survenue d’une violence : il est essentiel de préciser comment chacun d’entre nous réagit devant la folie, en fonction de quels facteurs
- absence d’analyse « qualitative » des actions qui permettent de diminuer ou éviter la violence (il ne suffit pas de comptabiliser les moyens, les soignants, ni les heures passées ; la qualité de la relation construite pour endiguer la violence est essentielle). L’étude de la « qualité relationnelle » qui est établie par un soignant et son équipe dans l’échange avec un patient et sa famille est une donnée "de base" de tout soin, agissant sur l’éventuelle violence. Nous avons tous appris que c’est là que se construit le soin, c’est là que la ‘confiance’, part indispensable du soin s’élabore, c’est là que commence la ‘continuité de l’attention’ portée à l’autre fondant le tissu sur lequel trajectoires de vie et trajectoire de soin  ‘interagissent’ ; n’est-il pas essentiel de s’interroger sur les facteurs qui favorisent cette ‘qualité’ ?
- absence d’évaluation de la violence vécue par tout patient engagé dans sa psychose et confronté aux réactions négatives de son entourage, lui qui pour se sauver de ses angoisses terrifiantes s’est accroché à la bouée d’une vision délirante du monde, sent alors son entourage et ses interlocuteurs hostiles ; il serait indispensable de savoir évaluer sa peur, laquelle à un moment peut se transformer en attitude défensive comprise comme agressive
- absence, un moment plus tard, de l’évaluation de la violence subie par cette même personne lorsqu’il lui est imposé de s’avouer malade ; les autorités parlent de refus de soin ! alors que la personne est dans la méconnaissance de ses troubles et vit cet ‘aveu’ d’être malade comme une perte d’identité profondément douloureuse
- absence d’évaluation de la souffrance des familles, celles-ci selon les dispositions légales actuelles (loi de 1990, et HDT), livrées à elles-mêmes, se sentent comme des accusateurs de leur enfant, ce que celui-ci leur renvoie ; il leur est demandé de commettre un ‘assassinat d’âme’, d’autant plus insupportable que la majorité du temps les équipes ne les éclairent pas ; les familles non reçues par les équipes sont une fois de plus abandonnées
- absence d’évaluation de la douleur des soignants, celles-ci prenant le relais dans ces mesures se sentent elles aussi accusatrices, et sont vécues comme telles par le patient
- absence d’évaluation des effets négatifs de la loi de 1990 sur l’internement, ses objectifs ont été contradictoires à ceux de la psychiatrie de secteur, en effet elle a désinvesti le travail de secteur pour tout concentrer sur la facilité de réaliser des hospitalisations sous contrainte, les directeurs ont fermé des structures de soin de ville pour renforcer les services d’hospitalisation. De ce fait la prévention a été abandonnée et a été favorisée l’arrivée des violences comme preuve justifiant les soins. Le résultat est là : les chiffres des hospitalisations sans consentement ne cessent de croitre depuis 1990
- absence au total d’évaluation de la capacité actuelle de chaque équipe de secteur pour répondre à la violence. Il serait en effet très pervers de ne pas tenir compte du fait qu’aujourd’hui de plus en plus d’équipes ne sont pas en état d’assumer de façon sereine leur travail, en particulier ne réunissent pas les conditions leur permettant d’affronter les violences des patients : - un certain nombre d’équipes n’ont pas assez de psychiatres (voire n’en ont plus !), d’infirmiers, -pas assez de structures de soins en ville, - pas assez de formation permanente, - n’ont pas pu mettre en route une réflexion théorique suffisante, -ni un travail d’accueil suffisant pour se concentrer sur l’objectif essentiel qu’est « la création d’un lien thérapeutique » suffisant et de bonne qualité pour chaque patient de sa file active, -ni une maturité lui permettant d’éviter certaines équipes de fuir vers des demandes inflationnistes de moyens. (Leur faire des recommandations sans réparer d’abord leur dégradation sera source d’escalade de violences, car les équipes seront de moins en moins disponibles),
- absence de toute évaluation de la non-adéquation des évaluations d’activités demandées par le Ministère de la Santé et par l’HAS à la mission de l’équipe de secteur ; il est demandé aux équipes de limiter leur analyse à l’activité hospitalière, alors que leur mission est la continuité des soins ; elles ne sauraient diviser leur activité en soins hospitaliers et autres, chaque soin pour un patient n’a de sens que dans la continuité de ses divers soins
- absence d’évaluation de l’augmentation des plaintes pour violence faites par les équipes soignantes, faisant penser à une recrudescence de violences ; alors que les analyses fines qui ont été faites (par exemple Patrick Chaltiel à l’observatoire de la violence de l’Hôpital de Ville-Evrard entre 1999 et 2003) montrent que ces plaintes plus nombreuses ne sont pas le signe d’un plus de violences, mais d’un désarroi croissant des soignants depuis 1990, en raison -du démantèlement progressif de certaines équipes, -de l’écrasement par des évaluations calquées sur la médecine et les USA, -de l’assassinat médiatique de la psychiatrie par les médias, -de la formation uniquement biologique des nouveaux psychiatres.

N’y a-t-il donc aucune donnée qui puisse être travaillée, hors des interviews directes des 1127 équipes de secteur, sur leur activité depuis 1972 pour près d’un million et demi de patients chaque année ? C’est inexact !
En effet chaque équipe de secteur établit un rapport d’activité annuel, certes avec les critères secs et inadéquats de l’administration, mais accompagné de commentaires de l’équipe : sachez qu’ils n’ont presque jamais été dépouillés : cela fait 1127 x (1972 à 2010 : 38 ans) = 42.828 rapports dans les archives des directions et du Ministère !

De très nombreux écrits cliniques aussi dans les différentes revues et des rapports des associations scientifiques français ont accumulé peu à peu la « Clinique de secteur », c’est  à dire l’observation et l’évolution des troubles des divers patients au regard d’un outil nouveau et n’existant qu’en France : l’attention continue d’une équipe envers les mêmes patients tout au long de leur trajectoires de soin, pendant un à 30 ans.

L’expérience des équipes de secteur, recevant toutes les pathologies, tous les âges est donc considérable. Une recommandation sur l’avenir autour du thème de la violence ne saurait s’en passer. Si l’HAS limite sa réflexion à la donnée surannée de dangerosité, au lieu de la vulnérabilité, et cale son analyse, non sur l’expérience de 40 ans sur tout le pays, mais sur des données bibliographiques internationales (excluant la France en plus !), son avis ne peut qu’aboutir à l’abandon immédiat ou progressif de la politique de secteur. Ses recommandations se voulant ‘objectives’ ne tiendront pas compte de la réalité française et vont accoucher d’une demande de rigidification des processus de soin ; celles-ci auront une signification agressive à l’égard à la fois des patients, des familles et des soignants. Les malades se sentiront enfermés dans une lutte quotidienne pour se défendre contre un monde hostile et ‘inhumain’.

Notre expérience de 30 ans sur le terrain d’une équipe prouve de façon fondamentale que les violences apparaissent dans le champ psychique, pour ces pathologies psychotiques, comme pour les autres d’ailleurs, à chaque fois que la contradiction est trop insupportable entre ce que vit une personne et ce que répond son environnement.

Nous avons appris que la dangerosité (la violence et la vulnérabilité) de la personne est maximale lorsque ses liens avec les autres sont attaqués ou s’effacent.
C’est précisément la force du travail de l’équipe de secteur, une équipe présente dans la Cité, centrée sur la vie de la Cité de veiller à participer à la construction de ces liens.
A chaque fois : - la perception de la vulnérabilité de la personne, le choix de la proximité comme cadre du soin, -une qualité d’écoute et de soin, -la mise en place d’un temps de travail préalable calme avant tout soin, que nous avons appelés ‘pratiques d’accueil’, -une attention simultanée portée aux problématiques physiques, sociales (logement en premier), et relationnelles de la personne, à chaque fois tous ces éléments travaillés vont transformer la violence agressive de la personne en attention à elle-même, puis en attention aux autres, enfin en appétit et désir de soin à chaque fois que nécessaire, dans la mesure où la société ‘de proximité’ se montre elle-même accueillante et ‘humaine’.

Le danger que court la psychiatrie de secteur pendant ce week-end de décembre est maximal.
Certes nous savons que ces travaux se déroulent sous l’impulsion de personnes très averties Jean Louis Senon et Gérard Rossinelli. JL Senon a fait preuve d’une vigilance, d’une rigueur et d’une détermination exceptionnelles, car c’est beaucoup grâce à lui que la campagne de stigmatisation déclenchée en France en décembre 2008 a décru, tellement il a su mettre en évidence que la violence des patients n’était pas plus forte que celle de l’ensemble de la population, et surtout qu’ils étaient bien plus souvent victimes de délits, preuve de leur vulnérabilité, et G Rossinelli praticien infanto-juvénile profondément attaché depuis 30 ans à la mise en évidence des potentialités très fortes de la politique de secteur pour tous les patients.

Mais la commande de l’Etat est tellement forte que le combat va être rude. Il est essentiel que famille, usagers et soignants s’associent aux travaux de cette Commission et construisent une réalité humaine pour rencontrer les éventuelles violences et les transformer en liens humains.


dijOnscOpe

Psychiatrie citoyenne : Quand les patients deviennent soignants...
Émilie Petit

09 déc 10

Lundi 06 et mardi 07 décembre 2010, le gratin du milieu psychiatrique international s’est retrouvé à Besançon (Doubs), pour un débriefing sur la psychiatrie citoyenne, nouvelle forme de soins prodigués aux patients. C’est donc sous la houlette de Marie-Noëlle Besançon, chef de file de ce courant de pensée, que citoyens, malades, étudiants et professionnels de la santé ont réfléchi, ensemble, à l’avenir de cette psychiatrie encore méconnue...

"Il faut faire évoluer les mentalités"

En ce début des périodes de fêtes, Marie-Noëlle Besançon, chef de file du courant psychiatrie citoyenne, est aux anges. Cela fait deux ans qu’elle attend cette conférence, mise en place par ses soins : "La psychiatrie citoyenne permet d’avancer dans le domaine psychiatrique, parfois sclérosé et hermétique à de nouvelles formes de soins, pour des patients instables et fragiles", souligne-t-elle. Une quinzaine d’intervenants se sont donc rejoints à Besançon, dans le Doubs, pour évoquer l’avenir et les avancées dans le domaine de la psychiatrie citoyenne. Le concept ? Créer un espace d’accueil et de vie pour les malades psychiques, au sein duquel ils pourraient vivre normalement et se sociabiliser. Un pari que Marie-Noëlle Besançon a tenté de relever. Voilà en effet 21 ans que la Maison des Sources existe et prospère. Située au cœur de Besançon, en plein centre-ville, cette structure accueille une centaine de personnes, malades, exclues du système social, nécessitant des traitements médicaux suivis.

La psychiatrie citoyenne peut-elle être perçue comme une alternative aux soins en vigueur actuellement ? C’est en tout cas le souhait des psychiatres adeptes de cette nouvelle méthode. Les malades, quels que soient leurs symptômes, vivent ensemble, échangent sur leurs expériences et s’entraident au quotidien. La Maison des Sources est donc perçue par les professionnels, comme un intermédiaire entre les lieux de soins, généralement des Centres hospitaliers spécialisés, et la société, qui les rejette et les isole. Redonner leur dignité aux malades et les réhabiliter socialement : voilà l’ambitieux projet des IAF (du nom de l’association de Marie-Noëlle Besançon "Les Invités au Festin") tels que la Maison des Sources à Besançon.

Les centres de réinsertion : une "première" maison...

Un concept, qui germe un peu partout en France. Depuis quelques années, en parallèle des IAF mis en place notamment à Besançon et Boulogne Billancourt (Hauts-de-Seine), d’autres structures similaires ont fait leur apparition. C’est le cas à Lille, grâce à la volonté d’Alain Moron, président de l’association Fraternative, également présent lors de la conférence sur la psychiatrie citoyenne. Lorsqu’il a découvert le premier ouvrage de Marie-Noëlle Besançon, On dit qu’ils sont fous et je vis avec eux, paru en 2007, Alain Moron a eu une révélation :"Pour la première fois, une personne avançait la possibilité de vivre normalement, ou presque, pour ces personnes en fragilité psychique et en rupture sociale".

Mais lieux de vie et lieux de soins sont-ils compatibles au sein d’un seul et même endroit ? Pour Alain Moron, il est en tous cas évident que les moyens mis en œuvre actuellement pour soigner les malades psychiques ne sont pas suffisamment efficaces. "On peut parfaitement guérir d’une maladie mentale. Le problème actuellement, c’est que l’on considère qu’un malade psychique est dangereux. Les gens ont peur car ils ne comprennent pas ces névroses ou psychoses qui ne sont pas d’origine physique, mais bel et bien psychique".  Et Alain Moron sait de quoi il parle : son fils Guillaume est interné depuis six ans en hôpital psychiatrique. Sa maladie psychique a été diagnostiquée à l’âge de quinze ans ; il a aujourd’hui trente-cinq ans. Alain Moron et sa femme ont donc cherché une alternative à l’internement psychiatrique pour leur fils. Sans succès.

En France et ailleurs : un milieu médical en crise

Côté chiffres, en France, la densité moyenne de psychiatre est de 21,8 médecins pour 100.000 habitants, selon le compte rendu de l’audition des psychiatres du 29 mai 2010 (Lire ici). Un chiffre en baisse par rapport à 2008, reflet d’un milieu en crise. Ce même compte rendu met également en avant les difficultés, dans le milieu hospitalier, d’accueil et de prise en charge des patients. Le manque de psychiatres dans les hôpitaux et l’importance de la vacance des postes, mettent à mal le droit des patients à être soignés. Les places sont donc très chères.

Mais la France n’est pas si mal lotie. Au Bénin, comme en Côte d’Ivoire, les croyances traditionalistes désignent, encore aujourd’hui, les malades psychiques comme possédés ou sorcier. C’est pourquoi la coutume veut qu’ils soient attachés à un morceau de bois, dans le but de les immobiliser pour éviter les "dérapages incontrôlés". Des pratiques contre lesquelles se bat Grégoire Ahongbonon, responsable de réinsertion en Côte-d’Ivoire. Son documentaire, Prisonnier du bois, présenté lors de ces deux jours de conférence à Besançon, a suscité l’émotion. Il a lui-même expérimenté la psychiatrie citoyenne. Dans son centre, ce sont les anciens malades qui prennent en charge les nouveaux résidents. "Trouvez-vous normal que des êtres humains soient traités comme des animaux ?", s’insurge-t-il. René Koch, ancien SDF, a été particulièrement touché par l’humanité de Grégoire envers ses patients. Il est lui-même au service de personnes étant, comme lui auparavant, fragiles psychologiquement : "Cela fait maintenant cinq ans que je travaille dans un centre d’aide pour malades psychiques. Je me sens utile. J’essaye de leur donner beaucoup d’amour. A moi, ça me donne du soleil", explique t-il, le sourire aux lèvres.

Enfin, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe près de 600.000 familles touchées par la maladie psychique, en France.  Avec d’ores et déjà trois IAF et plusieurs autres en construction, la recherche concernant la psychiatrie citoyenne continue, et tente d’inclure de manière récurrente la famille du malade dans les programmes de réinsertion. Mais cette méthode, coûteuse et non prise en charge par l’Etat, n’est pour l’instant pas encore reconnue d’utilité publique. Et donc non applicable au sein d’un hôpital...



Tribune Par ANNE COPPEL sociologue

Drogues: consensus sur la dépénalisation


Encore une fois, la France s’enferme dans une conception archaïque de la politique des drogues qui ignore les avancées de l’expertise internationale.

Encore une fois, la France s’enferme dans une conception archaïque de la politique des drogues qui ignore les avancées de l’expertise internationale. Or cette expertise propose désormais une stratégie cohérente et réaliste. Le 26 octobre, à l’ONU, un expert, Anand Grover, a fait cinq recommandations, dont l’adoption des mesures de protection de la santé et la dépénalisation de l’usage et de la détention, validées par des collectifs d’experts internationaux. Lors de la conférence internationale de lutte contre le sida en juillet à Vienne, Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, a été très clair : «L’une des priorités pour le monde est de faire cesser les fonds alloués à la soi-disant "guerre contre la drogue" qui s’est révélée être un échec et s’est trop souvent transformée en une guerre contre les usagers… Les fonds publics devraient au contraire fournir à tous ceux et celles qui en ont besoin un accès aux services de réduction des risques

Cette remise en cause de la guerre à la drogue est un tournant majeur. Ces dernières années, les politiques de réduction des risques ont fait la preuve de leur efficacité dans la protection de la santé. En août 2009, ces politiques ont été adoptées par l’ONU, conformément aux recommandations de l’OMS, puis validées en France par l’Inserm. Des synthèses internationales ont démontré que la criminalisation de l’usage et de la détention a des effets dévastateurs sur la santé et la sécurité. Il est également prouvé que la dépénalisation, ou décriminalisation (qui n’implique pas de renoncer à l’interdit) n’augmente ni la consommation ni le trafic de drogue. Par contre, elle permet de surmonter les obstacles créés par la criminalisation dans la protection de la santé, obstacles qui s’accompagnent de graves violations des droits de l’homme.

Car le rapport Grover relève du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Invoquer les droits de l’homme pour justifier la dépénalisation de l’usage, voilà qui en France est impensable, assimilé à la revendication du «droit de se droguer». Le rapport rappelle seulement que tout être humain, fût-il consommateur de drogues, a des droits, dont le droit à la santé. Les recherches démontrent les conséquences catastrophiques des politiques de tolérance zéro qui, aux Etats-Unis, ont abouti à un triplement des incarcérations en vingt-cinq ans. La protection de la santé ne peut être invoquée pour justifier la criminalisation de l’usage : il est prouvé que plus la répression augmente, plus la mortalité augmente.

Si le rapport Grover appelle à une refonte du cadre international, il propose surtout des mesures qui peuvent être mises en œuvre immédiatement. Les experts ne s’aventurent pas à recommander le renoncement pur et simple de la prohibition des drogues. Chacun peut avoir ses convictions et cette mesure radicale n’est pas envisageable dans un avenir proche. Il en est de la politique des drogues comme des paradis fiscaux. Le changement de cadre proposé par les experts se limite à des mesures dont l’efficacité est prouvée en matière de protection de la santé mais, si modeste soit-il, ce changement ouvre de nouvelles perspectives. Un exemple, la lutte contre le trafic. Plutôt que de lutter contre le trafic lui-même qui conduit à un renforcement des organisations clandestines, la répression devrait privilégier les conséquences du trafic telles que la violence, le blanchiment et la corruption.

Ce changement de perspective est ignoré en France où le consensus sur la guerre à la drogue est plus large que jamais. La politique de tolérance zéro a été appliquée aux usagers, délinquants selon la loi, sans que personne ne proteste. L’immobilisme français sur la loi de 1970 a longtemps reposé sur la croyance qu’il y avait «une dépénalisation de fait», que l’interdit avait une fonction purement symbolique, et qu’il n’y avait pas d’usager en prison pour usage. Les statistiques montrent au contraire que la répression a été continue depuis 1970, avec deux fois plus de condamnations pénales de 2002 à 2008. Or, plus la répression progresse, plus elle s’impose à l’opinion comme une évidence. Les Français restent persuadés que la peur du gendarme est la seule protection efficace, mais ils sont également convaincus que la réponse médicale est la meilleure face à l’usage. Il appartient aux experts de santé publique de se faire entendre et aux médias de communiquer l’état du débat au niveau international.


Journée d’étude - Psychanalyse du travail : du symptôme au suicide
ALEPH et CP-ALEPH
ont le plaisir de vous convier à la journée d'étude
Psychanalyse du travail : du symptôme au suicide,
le 8 janvier 2011 (9h - 18 h)

Skema de Lille, avenue Willy Brandt, 59000, Lille, amphi A


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Billet de la rédaction
Décembre 2010

L’écrit décrit les cris

Des « mystères du corps parlant » (thème du dernier rendez-vous de l’Internationale des Forums) à « la parole et l’écrit », qui occupera les Journées nationales, nous pouvons dire que le thème de travail se poursuit, avec, en toile de fond, cette lalangue qui a déposé sur notre corps la trace des effets de jouissance liés à notre prise dans le langage.

Marguerite Duras l’évoquait en d’autres termes. « C’est ça l’écriture. C’est le train de l’écrit qui passe par votre corps. Le traverse. C’est de là qu’on part pour parler de ces émotions difficiles à dire, si étrangères et qui néanmoins, tout à coup s’emparent de vous (1). » Lacan, on s’en souvient, lui rendant hommage (2) en 1965, disait d’elle qu’elle s’avérait savoir sans lui ce qu’il enseignait.

Du cri du corps à la parole signifiante, le passage se fait par cette écriture préalable transmise par la voie/voix de l’Autre, laissant son inscription sur le corps du sujet ; cet Autre toujours là, convoqué derrière la solitude du manque-à-être de tout parlêtre, seul avec sa jouissance, avec son fantasme. C’est cette solitude si précieuse à Marguerite Duras qui lui permet d’écrire, en se soutenant de la voix d’un narrateur s’adressant au lecteur.

Certains écrits, qu’ils soient poétiques ou romanesques, se font le relais de ce dit indicible, touchant de trop près au réel, lorsque la parole ne peut s’énoncer. C’est ainsi que l’évoque Philippe Forest, « le roman répond à l’appel du réel tel que cet appel s’adresse à chacun dans l’expérience de l’“impossible”, dans le déchirement du désir et celui du deuil. Quelque chose arrive alors qui demande à être dit et ne peut l’être que dans la langue du roman car cette langue seule reste fidèle au vertige qui s’ouvre ainsi dans le tissu du sens (3) ».

De l’écrit à la lecture, la voix s’impose, qu’elle soit haute ou intérieure, la sienne ou celle de l’autre, dans un pas de deux ou à trois. C’est à ce thème qu’est consacré ce Mensuel. À votre tour donc, lecteurs, de prêter votre voix aux textes qui vont suivre pour leur donner en écho l’interprétation qui résonnera pour vous, et faire de ce numéro une lettre parvenue à destination.
M. O.

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Le Livres de la Psychanalyse

L’En-Je lacanien n°15 : Rencontre et répétition


Rédacteurs en chef : Michel Bousseyroux, Didier Castanet et Antonio Quinet

Parution : janvier 2010 – Editions Erès : prix : 25 €


La répétition est un concept fondamental de la psychanalyse que Lacan articule, pour la situer par rapport au réel, avec celui de tuché, comme rencontre manquée avec le réel. Qu'il s'agisse de la rencontre avec le réel du père, du sexe, ou de la mort, le névrosé ne rencontre le réel qu'en le ratant. Mais ce ratage peut être parfois occasion à ne pas manquer, kairos, pour se réveiller au réel.

Ont participé à ce numéro : Michel BOUSSEYROUX - Nicole BOUSSEYROUX - Didier CASTANET - Monique DESORMEAUX - Anne-marie DEVAUX - Xavier DOUMEN - Anne JOURDAIN -Marie-jose LATOUR - Serge LAZARO - Dominique MARIN - Progreso MARIN - Anne-marie MOUREY - Albert NGUYEN - Jacqueline PATOUET - Sophie ROLLAND MANAS - Colette SOLER - Pierre SOULAGES - Axel TUFFERY -


Les vocalises de la passion. Psychanalyse de l'opéra
Marie-France Castarde


« Le propre de l'opéra est d'offrir à l'inconscient de chaque auditeur un miroir [...] de ses fantasmes originaires : fantasmes de la naissance et de la mort, de la scène primitive, de la différence des sexes, de la séduction, de la castration. » Déjà auteur de La Voix et ses sortilèges (1987), la psychanalyste Marie-France Castarède évoque au fil de sa démonstration les liens très étroits qui unissent l'opéra - la musique, la voix, les thèmes dramatiques - et les manifestations de notre inconscient.

L'exemple le plus frappant et récurrent concerne la dramaturgie de la plupart des opéras : le désir et son interdiction, puis la transgression, et enfin le châtiment déculpabilisant. Cette construction suit celle de la situation oedipienne, lorsque l'enfant désire inconsciemment le parent de sexe opposé et devient le rival du parent de même sexe. Le thème même de l'opéra reste depuis sa création la passion, qui peut mener à la folie. Et dans l'opéra, tout peut et doit être tenté pour vivre sa passion, et ainsi restaurer le manque de la séparation de la mère et son enfant, « jusqu'à en mourir ».

Ce qui nous transporte dans l'opéra, n'est-ce pas au fond de voir les héros et les héroïnes vivre plus pleinement que tout un chacun leurs passions ? Passion amoureuse, qui ne peut se vivre sereinement, mais est au contraire vouée à une destinée tragique, à cause des obstacles impossibles à surmonter : écarts de milieux ou de conditions sociales (La Bohème, La Traviata), de religions (Norma), d'appartenances ethniques (Madame Butterfly ou Othello), de clans (Roméo et Juliette)... Passion du pouvoir, apanage essentiellement masculin alors que les grandes figures amoureuses sont principalement féminines.

Rapportés aux conceptions freudiennes sur le primat du phallus, le pouvoir ou la puissance sont les traits centraux de la masculinité dans les personnages de Macbeth ou de Boris Godounov (du Russe Modest Moussorgski). Une relecture originale et vivante des grands opéras mais aussi d'oeuvres moins connues du grand public, comme Peter Grimes (1945) de Benjamin Britten.
Gilles Marchand



 

mercredi 8 décembre 2010


Psychiatrie. Prolonger un internement dépendra du juge27 novembre 201027 novembre 2010

L'hospitalisation pour troubles mentaux d'une personne, décidée sans son consentement à la demande d'un tiers, ne pourra plus être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge.

62.155 patients sont actuellement hospitalisés sans leur consentement et à la demande d'un tiers en psychiatrie. La moitié de ces internements, environ 30.000, seront frappés d'illégalité, à compter du 1eraoût 2011. Tel en a décidé, hier, le Conseil constitutionnel. Pour la première fois, les Sages rendaient une décision concernant les droits et libertés des malades mentaux. Et pour la première fois, ils ont censuré un article du Code de la santé publique régissant le maintien de l'internement d'un patient à la demande d'un tiers qui ne prévoit pas l'intervention d'un juge. Jusqu'à présent, la loi permettait deux types d'hospitalisation sous contrainte: l'hospitalisation à la demande d'un tiers (famille, proche...) sur la base d'au moins un certificat médical, et l'hospitalisation d'office ordonnée par le préfet ou le maire en cas de péril imminent. A partir du 1eraoût 2011, un simple certificat médical ne suffira plus pour les cas d'internement sous contrainte à la demande d'un tiers. Après quinze jours d'hospitalisation, seul un juge sera apte à dire si un patient doit rester ou pas en psychiatrie.

Neuf mois pour adopter la loi

Le Conseil s'est basé sur l'article66 de la Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, «gardienne de la liberté individuelle». Un principe déjà appliqué pour la garde à vue ou la rétention administrative des étrangers. Le Parlement a désormais neuf mois pour voter un texte mettant en œuvre cette décision du Conseil. Autre conséquence : le projet de réforme de la loi concernant les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, examiné en mai en conseil des ministres, qui devra également être adapté. Les sages du Palais-Royal avaient été saisis de ce sujet par une patiente.






 
Le juge, une contrainte constitutionnelle pour l’hospitalisation à la demande d’un tiers

Publié le 30/11/2010     
En vertu de la révision de la constitution de l’été 2009, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) peut être soulevée par tout citoyen à l’occasion d’une procédure judiciaire. Aussi, en septembre dernier, le Conseil constitutionnel a-t-il été invité à se pencher sur la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux qui précise notamment les conditions de l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT).

Abrogation de l’article L 337 du Code de la Santé Publique

Sans tarder, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision ce vendredi 26 novembre. Elle abroge partiellement les dispositions de la loi de 1990. Si les sages ont considéré comme conformes à la constitution les dispositions concernant l’admission à l’hôpital, s’ils ne se sont pas prononcés sur l’hospitalisation d’office qui ne figurait pas dans le champ de la question renvoyée par le Conseil d’Etat, ils ont considérés comme contraires à la constitution (et notamment à son article 66) les modalités de maintien de l’HDT au-delà de quinze jours. Cet article 66 impose en effet que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire « gardienne de la liberté individuelle ». Or, la prolongation d’une HDT, qui relève d’une privation de liberté, semble s’opposer à ce principe. Aussi, le Conseil constitutionnel exige la suppression de l’article L 337 du Code de la Santé Publique qui dispose : « Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois ». Pour le Conseil Constitutionnel, il est nécessaire pour garantir le droit des personnes hospitalisées qu’un juge intervienne.

Nouvelle loi avant août 2011

La décision du Conseil Constitutionnel impose au gouvernement de faire adopter d’ici le 1er août 2011 de nouvelles dispositions précisant les conditions de l’intervention du juge. Le Garde des Sceaux, les ministères de l’Intérieur et de la Santé ont confirmé qu’ils allaient s’engager dans ce sens. Une loi sur l’hospitalisation sous contrainte est de fait déjà en préparation.

Exception européenne

Cette position du Conseil Constitutionnel s’aligne sur celle du Commissaire européen aux droits de l’homme qui, dès 2006, après une visite en France avait considéré que « comme toute privation de liberté, l’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers » ne devrait « être établie que par un juge et non par la seule autorité administrative » à l’exception de situation d’urgences pouvant justifier des décisions provisoires validées par les autorités administratives. A travers ce constat du Commissaire européen était rappelé que dans la plupart des pays européens la question de l’hospitalisation sous contrainte est confiée à un juge.

Un débat attendu de longue date

Ce changement majeur qu’impose le Conseil à la France a suscité des avis nuancés chez les professionnels de santé. Certains ont redouté que l’intervention du juge ne soit vécue par les malades comme une descente aux enfers supplémentaires. L’engorgement des tribunaux et l’absence de compétence des juges en la matière ont également été évoqués. Mais pour beaucoup, cette évolution est positive. « Introduire un arbitre dans la prise en charge est une bonne chose », estime ainsi un psychiatre hospitalier parisien cité par le Figaro. « Cela évitera certains abus et soulagera le médecin d'une lourde responsabilité », ajoute-t-il. De son côté, le Syndicat des psychiatres d’exercice public se félicite de voir enfin ouvert « le débat sur la judiciarisation des soins sans consentement (…) comme nous l’avions réclamé depuis longtemps ».


 La librairie Lipsy, la revue Le Coq-Héron, l'AIHP et les éditions érès
      
vous invitent à une rencontre à propos de

Histoire de la fondation des dispensaires psychanalytiques
             
Le Coq-Héron, 2010, n° 201       
                     
Nicolas Gougoulis (S.P.P.) et Michelle Moreau Ricaud (IVe Groupe OPLF ) animeront le débat,
avec parmi les auteurs présents, Marie-Claude Fusco, Dominique Arnoux,


le samedi 18 décembre 2010 à midi
                       
à la librairie Lipsy,
15 rue Monge 75005 Paris -
Tél. : 01 43 54 71 05
www.lipsy-lib.fr





Ars Industrialis

SOIN ET RELATION
14 rue Malte Brun, Paris 20°
Le samedi 15 janvier 2011 à 14 heures
entrée libre
avec Christian Fauré, Frédéric Worms, Bernard Stiegler

Le soin est au cœur de la nouvelle question économique et industrielle s’il est vrai que, comme l’indiquait l’un de nos séminaires, « économiser signifie prendre soin » http://www.arsindustrialis.org/seminaire-trouver-de-nouvelles-armes-de-p....

La séance précédente d’Ars Industrialis http://www.arsindustrialis.org/techniques-de-soi-enregistrements-des-deb..., préparée par l’atelier Techniques de soi http://www.arsindustrialis.org/atelier-des-techniques-de-soi, a montré qu’il n’est pas possible de questionner le soin – ce que l’on appelé aussi en anglais Care et en allemand die Sorge – en ignorant les pratiques et techniques de soi qui constituent les cultures et les civilisations, notamment celles de l’Antiquité, et qui forment l’horizon de la skholè et de l’otium.

C’est la technicité – et la facticité – de l’existence qui, comme situation d’ambivalence primordiale (celle que narre Hésiode dans la Théogonie quant au rapport des mortels au feu, ainsi que l’analysent Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant dans La cuisine du sacrifice, nef Gallimard 1979), impose de prendre soin (du feu et de ceux qui vivent dans le foyer). Il faut prendre soin, take care, parce que l’existence est « pharmacologique » : constituée par l’ambiguïté des pharmaka qui trament un monde et des relations entre ceux qui n’y vivent que dans cette mesure qui est une démesure (une violence).

Or, le développement contemporain – et fulgurant – des technologies relationnelles constitue un contexte absolument nouveau qui impose d’interroger explicitement la façon dont on peut et dont on doit aujourd’hui penser le rapport entre soin et relation, Donald Winnicott constituant sans doute ici une référence première – où l’objet transitionnel apparaît en outre comme le premier pharmakon.

C’est dans la suite de notre séance du mois de juin, consacrée aux techniques de soi, que nous accueillerons le 2 octobre 2010, à 14 heures, et au théâtre de la Colline, Frédéric Worms, auteur de "Le moment du soin", PUF 2010. La séance sera introduite par Christian Fauré, et conclue par Bernard Stiegler. Marc Crépon y participera comme discutant.

Ainsi préparerons nous la séance du 27 novembre 2010, qui sera elle-même consacrée aux technologies relationnelles, à l’écologie relationnelle et à l’économie relationnelle comme aspects majeurs de la question contemporaine du soin.


Ce qui fait que la vie vaut le peine d'être vécue

Nous vous informons de la sortie du dernier livre de Bernard Stiegler, Ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue - De la pharmacologie aux éd. Flammarion.

"Qu'on l'admette ou qu'on le dénie, chacun sent bien qu'à présent l'avenir de la vie terrestre se trouve mis en jeu dans une urgence inouïe. Et chacun sait que, depuis la séquence historique qui s'est engagée en 2007 et qui paraît avoir déclenché ce qu'on appellerait en physique nucléaire une réaction en chaîne, chaque pas compte et semble se surcharger systématiquement de conséquences très difficilement réversibles - sinon absolument irréversibles.

Cette crise est sans précédent d'abord en cela. Si krisis signifie bien et d'abord décision, elle est critique comme jamais : elle révèle que le destin humain - qui est un destin inéluctablement technique et technologique - est pharmacologique an sens où, en grec, le pharmakon est à la fois le remède et le poison.

Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin - au sens où il faut y faire attention : c'est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c'est une puissance destructrice. Tel est aussi le feu dans la mythologie grecque. Devenu technologie industrielle, le pharmakon est de nos jours hégémoniquement contrôlé par l'économie, c'est à dire par le marketing, et c'est une calamité. Cet état de fait, qui a installé une économie de l'incurie génératrice d'une bêtise systémique, signifie que la question du soin - que l'on appelle aussi le care - est une affaire d'économie politique, et non seulement d'éthique.



« L'hôpital a franchi une étape »

Alain Debetz a quitté la direction du Centre hospitalier des Pyrénées, qu'il avait rejointe deux mois après le double meurtre d'une infirmière et d'une aide-soignante.

Alain Debetz, cadre supérieur de santé, dirige depuis hier deux hôpitaux, à Saintes et à Saint-Jean-d'Angély, et deux maisons de retraite de Charente-Maritime. Un nouveau directeur arrivera au CHP en avril-mai 2011, l'intérim de direction sera assuré par Christophe Gautier, directeur de l'hôpital François-Mitterrand de Pau.

Presque six ans après son arrivée, le 11 février 2005 - deux mois après le double meurtre des soignantes - Alain Debetz quitte un établissement en plein renouveau. Il y a une semaine, la veille de son départ, il inaugurait un hôpital de jour pour adolescents (« Sud Ouest » du 30 novembre).

« Sud Ouest ». Vous quittez l'établissement sur une inauguration, c'est plein de symboles ?

C'est un maillon supplémentaire dans une chaîne de réalisations qui n'a pas cessé depuis mon arrivée, qui s'est faite dans un contexte particulier. Il ne s'est pas passé une année sans un projet que nous n'aurions pu mener sans les collectivités et sans les équipes, c'est indéniable. Pour cela, il faut des gens qui participent et qui proposent. Or les projets proposés étaient toujours mesurés et calibrés.

Cela va continuer ?

Aujourd'hui, nous avons une feuille de route assez bien tracée jusqu'en février 2011. On sait ce qu'il reste à faire. Quand on est arrivé, la feuille était blanche.

Pourquoi ?

Avant le drame, l'hôpital était dans une grande difficulté. Le drame a tout bousculé. Quand je suis arrivé ici, il y avait un grand questionnement sur le sens et sur le devenir.

L'avenir était-il menacé ?

Non, mais sa mission, sa fonction, son assise même, oui. Les relations internes ont été reconstruites. J'ai pu bénéficier d'une excellente entente du corps médical, capable de faire des choix. Il y a un vrai dynamisme médical et les soignants sont de grande qualité. L'Agence régionale de santé considère le CHP comme un établissement tonique, notamment sur la prise en charge ambulatoire, les partenariats.

Le « drame » est-il oublié ?

On ne peut pas oublier, mais l'hôpital a franchi une étape. Nous approchons de la date anniversaire (1) et nous pensons aux victimes, à leur famille, on ne peut pas oublier, mais l'hôpital doit continuer et avancer.

Les annonces sur les mesures de sécurité ont-elles été suivies d'effet ?

Deux vigiles tournent 24 heures/24 dans des véhicules et interviennent sur chaque situation à la demande. Il y a en plus un vigile statique toute la nuit au poste de garde. La présence dans les pavillons a été renforcée. La nuit, nous avons l'effectif nécessaire pour assurer la sécurité des patients. Nous avons en plus une équipe d'intervention de nuit de trois personnes.

Si les réalisations sont un succès, les relations avec les organisations syndicales le sont moins ?

Il y a un vrai dialogue dans l'établissement. Le projet social a été signé en 2006 par l'ensemble des organisations syndicales. Tous les objectifs sont remplis. Certains sont à renforcer.

Les syndicats vous font donc un mauvais procès ?

Il y a, parfois, la volonté de donner l'illusion que tout va mal et de monter en exergue certaines situations. Ce n'est pas parce qu'on gesticule dans la rue qu'on ne s'assoit pas à la table des négociations. Il faut surtout être attentif aux gens qui proposent.

Êtes-vous confiant dans l'avenir de la psychiatrie en France ?

Il faut considérer la psychiatrie comme un domaine médical. Nous avons à traiter des patients, ce ne sont pas des personnes qu'on enferme. On ne s'évade pas d'un hôpital psychiatrique, on peut fuguer, mais la plupart des patients sont consentants. Il faut faire confiance aux professionnels qui sont sérieux, investis, mais je crois que la psychiatrie pourra se maintenir en alliance avec d'autres professionnels et des partenaires. Les alliances permettent de s'adapter et de faire en sorte que l'hôpital ne se referme pas sur lui-même. La période de l'asile est totalement révolue.

(1) Chantal Klimaszewski et Lucette Gariot ont été tuées dans la nuit du 17 au 18 décembre 2004 sur leur lieu de travail par Romain Dupuy.




Justice et psychiatrie, de la Seconde Guerre mondiale à nos jours

Séminaire de recherche proposé par le groupe « Corpus justice » du centre d’histoire de Sciences Po dans le cadre du programme de recherche "Sciencepeine" (financement ANR). Ouvert aux étudiants de masters (Sciences Po, EHESS) et à toute personne intéressée.

Responsables : Hélène Bellanger (Centre d’histoire de Sciences Po) et Marc Renneville (Centre d’histoire de Sciences Po, centre A. Koyré. Histoire des sciences et des techniques)

Lieu : centre d’histoire de Sciences Po, 56 rue Jacob 75006 Paris ; Horaire : jeudi, 14h -17h
L’expertise psychiatrique, l’irresponsabilité pénale des malades mentaux, la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiques, l’articulation du soin et de la peine, la possibilité d’une criminologie sont autant de questions mises en débat dans notre société. Elles sont aujourd’hui au cœur des politiques pénales occidentales et fortement médiatisées. Alors que la genèse de cette configuration médico-judiciaire au 19e fait l’objet d’une historiographie fournie, il existe encore peu de travaux sur la période récente. Ce séminaire entend contribuer à combler cette lacune en croisant l’apport de nouvelles recherches avec les pratiques et les mémoires des acteurs de cette histoire. Il s’inscrit dans le cadre du projet de recherche collectif ANR « Sciences, savoirs et exécutions des peines 1911-2011 »

1. jeudi 18 novembre 2010 : Psychiatrie et prison, une histoire de longue durée.

2. jeudi 9 décembre 2010 : De l’aliéné-criminel au malade difficile. La genèse oubliée des unités pour malades difficiles (1870-1910) Intervenante : Véronique-Fau-Vincenti (ANR Sciencepeine)

3. jeudi 20 janvier 2011 : Hôpitaux psychiatriques et prisons pendant la seconde guerre mondiale Intervenantes : Isabelle von Bueltzingsloewen (Université de Lyon 2) et (sous réserve) Corinne Jaladieu (Musée virtuel de la Résistance)

4. jeudi 10 février 2011 : La psychiatrie en réformes : la psychothérapie institutionnelle et la sectorisation Intervenant : Nicolas Henckes (Centre M. Halbwachs, CNRS) http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article692.html




COME 4 NEWS

La maladie mentale aux États Unis
30 Nov 2010
                      
Aux États Unis, des institutions nationales américaines, opérant dans le domaine de la santé, estiment que près de 20 pour cent des américains ont souffert d’une maladie mentale en 2009.
En effet, selon un rapport  publié par l’Institut National de la Santé Mentale (NIMH), l’Institut National des Abus de Drogues (NIDA) et l’Administration des Soins Mentaux et de la Toxicomanie (SAMHSA) ainsi que par d’autres départements gouvernementaux de santé, ces faits sont essentiellement dus à la persistance du chômage et à l’abus de substances.

Les jeunes adultes, âgés de 18 à 25, représentent la plus grande fourchette des malades mentaux - à peu près 30 pour cent – tandis que les personnes âgées de50 ans et plus, ne représentent que 14 pour cent.
"Un grand nombre d'Américains ne reçoivent pas l'aide dont ils ont besoin et on perd, de plus en plus, les possibilités d’intervenir pour les prévenir au moment opportun», déclare, dans un communiqué, l’administratrice de SAMHSA Pamela Hyde. "Les conséquences pour les individus, les familles et les communautés peuvent être dévastatrices. Si elle n'est pas traitée à temps, la maladie mentale peut entraîner un handicap et conduire à la toxicomanie, au suicide, à la baisse de la productivité, et à la discorde familiale.", ajoute la responsable américaine.

2009 était une année caractérisée par l'effondrement de l'économie américaine. En 2010 aussi, le taux de chômage à l’échelle nationale était juste à un peu moins de 10 pour cent.
Selon SAMHSA, Les conditions économiques et les mauvaises perspectives de l’emploi ont également poussé 6,1 millions de malades mentaux adultes à délaisser le traitement, en raison de leur constante peur de ne pas pouvoir acheter, régulièrement, les médicaments appropriés.

Aux États Unis, cette maladie n’est pas récente. Selon un rapport publié plus tôt cette année par le « Centre pour l’Avancement de la Santé » (CFAH), l'utilisation généralisée des tranquillisants durant les années 80, a suscité de vives critiques. Dans les années 90, la dépression est devenue la maladie la plus répandue et a traitée, souvent, par la fameuse  «pilule du bonheur », le Prozac.

La dépression demeure la principale cause de la maladie mentale aux Etats Unis. En 2009, 15 millions d'américains ont connu la  dépression majeure, selon le rapport du NIMH. Le chômage est considéré aussi comme un facteur important  puisque 10 pour cent des chômeurs souffrent déjà de dépression sévère.

Sources :

1-SAMHSA
http://www.samhsa.gov/newsroom/advisories/1011180411.aspx
http://oas.samhsa.gov/NSDUH/2k9NSDUH/MH/2K9MHResults.pdf
2-psychcentral.com
http://psychcentral.com/news/2010/03/29/diagnostic-trends-in-mental-health/12411.html


L'étonnant parcours de Quentin, schizophrène, qui peut travailler « comme tout le monde »
19.11.2010

Jusqu'à mardi se tient la semaine pour l'emploi des personnes handicapées. L'occasion pour l'ESAT de Lomme de faire découvrir son programme qui a vu le jour en début d'année : « l'ESAT Hors-les-murs ». L'établissement accompagne les personnes handicapées psychiques. Sa particularité est de mettre ses bénéficiaires à disposition des entreprises. Parmi eux, Quentin, 29 ans, que la schizophrénie n'a pas empêché de se tourner vers l'avenir.
PAR CÉCILE DEBACHY

Lorsque l'on discute avec Quentin, ses grands yeux bleus-verts, son sourire et sa détermination nous interpellent. On a beau chercher un signe, le petit quelque chose, on ne trouve pas. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. « Quelques semaines après son arrivée dans l'entreprise, on s'est posé la question de savoir de quoi il pouvait bien souffrir. Encore maintenant, on ne se rend compte de rien ! », explique Nathalie Schaefer, assistante chef de produit chez Cyrillus et tutrice de Quentin.

Première victoire pour le jeune homme. D'ailleurs, hasard de la rencontre, ce n'est qu'en notre présence que ce dernier révèle à ses collègues sa maladie. « En fait, j'entends des voix », raconte t-il très simplement. Plus précisément, Quentin est atteint de schizophrénie. Une maladie psychique qui s'est manifestée alors qu'il n'avait que 20 ans. « Un coup dur » pour le jeune homme, alors en DEUG de psychologie, ce qui ne l'empêche pas de décrocher son diplôme.

La suite : « C'est une série de phases parfois très dures, des passages à vide, des dépressions. » Mais il s'accroche car il ne veut pas faire « de cet accident de la vie », un frein pour son avenir. Alors, il enchaîne les petits boulots, même si parfois la maladie reprend le dessus et le contraint à alterner les séjours en hôpital. « La plupart du temps, c'était pire. Moi ce que j'ai besoin, c'est de mener une vie normale, de me sentir utile. » Une fois son état stabilisé, grâce aux différents traitements, il intègre, en septembre dernier, l'ESAT Hors-les-murs de Lomme. Un des neuf établissements nationaux de ce type dont le but est de permettre aux personnes souffrant de handicap psychique de se réinsérer dans le monde professionnel classique.

Très vite, pour lui, tout s'enchaîne, puisqu'après avoir décroché un stage de quelques semaines chez Cyrillus à Tourcoing, il se voit proposer un contrat par cette entreprise : « une mise à disposition » jusqu'en avril qui pourrait évoluer sur une embauche définitive. Son quotidien, il le passe désormais dans le showroom de la société dont il est le gestionnaire. Parfois, tout n'est pas toujours facile, surtout à cause de la fatigue due au traitement. Mais Quentin s'efforce d'aller au-devant de son handicap. Dans cette tâche, il peut compter sur le soutien de l'équipe qui l'entoure et de Nathalie, sa tutrice et référente dans l'entreprise. Une oreille attentive qui le guide, le conseille, lui permet de réussir cette intégration. Ce retour à l'emploi, Quentin le vit comme une bénédiction : « Ça permet d'avoir un lien social. Pour moi, c'est comme une thérapie, ça aide à ne pas cogiter. C'est une vraie reconnaissance. » Une autonomie professionnelle longtemps espérée qui lui permet aujourd'hui de réaliser ses projets. Prochaine étape ? « Prendre un appartement, pour être vraiment autonome. »

Schizophrénie : la plupart des patients ne prendraient pas leur traitement
29.11.2010

Les psychiatres estiment que plus de la moitié de leurs patients atteints de schizophrénie (53%), une maladie mentale, ne prennent pas ou seulement partiellement leur traitement. Présentée au Congrès de l'International Early Psychosis Association (IEPA) qui s'est déroulé lundi 29 novembre à Amsterdam (Pays-Bas), cette étude met en relief la dangerosité de ce manque d'adhérence au traitement, précisant que ces patients sont 5 fois plus enclins à rechuter que les patients traités.

Réalisée auprès de plus de 4.500 psychiatres originaires de 36 pays de la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, cette étude met en avant le fait que les médicaments antipsychotiques représentent le traitement le plus efficace pour lutter contre la schizophrénie.
Toutefois, plus de la moitié des patients atteints de schizophrénie ne prendraient pas leur traitement. Les chercheurs estiment ainsi que les patients concernés seraient sujets à des cas de rechutes et d'hospitalisation fréquentes.
"Dans les cas de rechutes fréquentes et d'hospitalisation, les malades peuvent se retrouver de plus en plus isolés et rencontrer plus de difficultés à trouver et conserver un emploi. Cela peut aussi entraîner une tendance accrue envers les actes de violence comme les suicides et les homicides", concluent les principaux auteurs de l'étude.

Schizophrénie et maniaco-dépression
4 décembre 2010

Quand ton cerveau t’emprisonne


Tous les midis, Jan s’installe avec ses collègues de travail pour partager son repas. La pause permise est d’une heure mais il ne reste jamais plus de 10 minutes. Calmement, il quitte la table pour passer au dessert : une cigarette qu’il fume seul, à l’extérieur.

Annie Mathieu
Âgé de 37 ans, Jan apparaît timide, voire un peu renfermé. Quand on le côtoie régulièrement, on se dit qu’il est tout simplement solitaire. Le diagnostic des psychiatres est plus tranché: il est schizophrène et maniacodépressif. Il tient à discuter chez lui, dans son appartement de la Petite Italie à Montréal. Une fois la porte de son 4 et demi franchie, son univers s’ouvre, comme s’il lui était plus facile, entre ses quatre murs, de tenter d’expliquer l’inexplicable: les caprices d’un cerveau qui ne roule pas comme celui de tout le monde.

Santé mentale, des signes peu visibles

Il ne ménage pas les détails, prêt à démystifier la maladie avec laquelle il cohabite depuis 19 ans. Les préjugés, le manque d’infrastructures dans les hôpitaux et l’image véhiculée dans les médias l’agacent. Chez Jan (nom fictif), les signes sont peu visibles, si ce n’est, comme il l’affirme moqueur, qu’il ne socialise pas à la vitesse de l’éclair. Il tremble aussi un peu des mains, effet secondaire d’un des six médicaments qu’il doit prendre quotidiennement. On est loin du malade mental qu’on imagine et pourtant le cas de Jan est grave. «Je suis diagnostiqué schizo-affectif», affirme-t-il sur le ton de celui qui annonce qu’il a attrapé un rhume. L’effet est voulu. «Pour beaucoup de gens, cette étiquette est honteuse. Ils n’ont pas réalisé que cette maladie en est une comme les autres, comme le diabète. Un point c’est tout.»

Schizophrène et maniaco-dépressif

«Je suis schizophrène et bipolaire», élabore-t-il. Patiemment, il poursuit son explication : «Il existe plus de 250 variantes de la schizophrénie selon le Diagnostic and Statistical Manual (DSM)», le livre de référence pour les troubles mentaux. Il précise : «Mon cas est très grave». Surtout que sa maladie est jumelée avec des troubles bipolaires, ou maniacodépressifs, d’après l’ancienne terminologie.Les schizophrènes sont généralement isolés et vivent des périodes hors de la réalité, qui à leur apogée, sont appelées psychoses. La solitude extrême est aussi un mal commun chez les schizophrènes. Deux chats adorables, Pouêt et Rigatoni, comblent une partie de la solitude de Jan. Mais les félins ne sortent pas au cinéma ni ne partagent sa vie comme une amoureuse. «Physiquement, il y a aussi des différences, poursuit Jan. Par exemple, mes yeux ont parfois un comportement anarchique. Je ressens aussi moins les différences de température. C’est pourquoi il y a beaucoup d’itinérants malades qui semblent bien supporter le froid», explique-t-il.

Désinstitutionalisation et santé mentale


Parenthèse qui le laisse sceptique quant à la désinstitutionalisation des gens atteints de maladie mentale. «Beaucoup se sont retrouvés dans la rue. Ils n’avaient pas, comme moi, de famille pour les soutenir. Ces derniers ne prennent pas la médication requise, ce qui les rend instables. Ceci ne contribue évidemment pas à enrayer les tabous vis-à-vis ces maladies», explique-t-il.Quant à la bipolarité, cette maladie est caractérisée par des sautes d’humeur, de longues périodes de «down», de déprimes intenses suivies de longues périodes de «high» où on se sent invincible. «On peut même penser avoir énormément d’argent et dépenser de grosses sommes au-dessus de nos moyens réels», illustre-t-il. Pour Jan, tout a commencé à l’âge de 17 ans. Une grève étudiante au cégep l’oblige à rattraper le retard accumulé. Le stress monte pour le jeune homme qui étudie en sciences pures. Plutôt que sur les bancs d’école, il termine sa session dans un lit d’hôpital. Il y restera six mois, le temps de se remettre de sa première psychose majeure. «J’ai pété un câble, explique calmement Jan. Je croyais avoir des pouvoirs paranormaux … Quand je marchais à l’extérieur de l’hôpital, je pensais que j’étais radioactif!», se rappelle-t-il, entre deux bouffées de cigarette.Mentalement, l’expérience est épuisante, comme si le cerveau venait de courir un très long marathon. «En sortant de l’hôpital, je n’étais même pas capable de me faire cuire un œuf », poursuit-il. Il est maintenant contraint à prendre quotidiennement des médicaments pour stabiliser son état. «Tu vois ton avenir qui passe tout droit devant toi», explique-t-il, toujours impassible. « Les psychiatres ne te le disent pas directement mais te font comprendre que tu pourras pas faire n’importe quel métier», se rappelle-t-il. L’université est exclue. C’est cette nouvelle réalité qui est la pilule la plus dure à avaler.

Vivre comme tout le monde


Au salon, son diplôme de technicien en informatique sert de décoration sur des murs peu garnis. Il a fallu 8 ans à Jan pour terminer sa scolarité; son rythme de croisière a été ralenti par 4 hospitalisations, 2 psychoses et 3 cours par session. Ses professeurs n’ont jamais été mis au courant et Jan n’aura eu droit à aucun service spécialisé : la maladie mentale n’est pas considérée comme un handicap au même titre que la cécité. Son diplôme, il en est fier. Il fait partie des 40% de gens atteints de maladie mentale qui ont la capacité de travailler. Pourtant, il n’exerce pas un métier au mieux de ses compétences et de ses capacités intellectuelles. Sa technique en informatique n’est d’aucune utilité dans l’exécution de ses tâches quotidiennes. «L’informatique, ce n’était pas pour moi», explique-t-il, résigné à n’être bon qu’en théorie. Son travail actuel –il est commis de bureau– est routinier et exempt de tout stress. Cela lui convient mieux et correspond aux limites qu’il a appris à se fixer. Difficile de croire en discutant avec Jan qu’il éprouve des problèmes qui l’empêchent de fonctionner normalement. Il explique avoir du mal à garder son appartement en ordre. Une femme de ménage payée en partie par le gouvernement l’aide à le garder propre. Après hésitations, il tente une explication peu convaincante : «Si tu es mélangé dans ta tête, c’est dur de faire du ménage.» Puis, voyant la réaction de son interlocuteur, il réessaie : «N’oublie pas que c’est le cerveau qui est affecté». L’argument est de taille, à la hauteur d’un homme qui a consacré beaucoup d’énergie à apprivoiser son handicap.


Washington enquête sur la santé mentale de la présidente argentine

Selon une note confidentielle révélée par WikiLeaks, le département d'État a interrogé son ambassade pour savoir si Cristina Kirchner "prend des médicaments" pour "contrôler son stress".

Le département d'État américain a cherché à savoir auprès de son ambassade à Buenos Aires si la présidente Cristina Kirchner prenait des médicaments pour soigner ses "nerfs et son stress", selon un document confidentiel du 31 décembre 2009 révélé par le site WikiLeaks et publié lundi 29 novembre par El Pais.


"Comment Cristina Fernandez de Kirchner affronte-t-elle ses nerfs et son anxiété ? Comment son stress affecte-t-il sa conduite envers ses conseillers et ses prises de décision ?", demandait le bureau de renseignements du département d'Etat dans un message à l'ambassade des Etats-Unis.

"Quelles mesures prennent Cristina Fernandez de Kirchner ou ses conseillers pour l'aider à faire face à son stress ? Prend-elle des médicaments ? Dans quelles circonstances est-elle le mieux à même de contrôler son stress ? Comment les émotions l'affectent-elles dans la prise de décisions et comment diminue-t-elle la tension quand elle est angoissée ?", s'inquiétait encore la note diplomatique.
 
La "fureur de Nestor Kirchner"


Le document se préoccupait aussi aussi de la santé de l'ex-président et époux de la présidente, Nestor Kirchner, décédé le 27 octobre dernier, et de sa maladie gastro-intestinale et demandait s'il prenait des médicaments.

"Bien connu pour son fort tempérament, Nestor Kirchner a-t-il montré une tendance plus grande à osciller entre des émotions extrêmes ? Quelles sont les cibles les plus communes de la fureur de Nestor Kirchner", interrogeait le document.

Le bureau de renseignements du département d'Etat s'intéressait également aux relations de travail entre les deux époux, demandant si Cristina Kirchner partageait "la vision politique de confrontation" de son mari ou si elle tentait de modérer son "style politique très dur".


mardi 7 décembre 2010

Le DSM, bientôt détrôné ?
Publié le 16/11/2010

En matière de diagnostics et de recherches, la notoriété du DSM et de la Classification Internationale des Maladies (CIM) n’est plus à démontrer. Toutefois, quelques problèmes persistent. En particulier, le recours à des catégories basées sur un consensus de signes et de symptômes ne corrobore pas encore l’apport des neurosciences cliniques et de la génétique. Et les limites de ces catégories ne présentent pas de caractère prédictif pour la réponse au traitement. Enfin, point le plus important, ces catégories nosographiques ne parviennent pas à saisir les mécanismes fondamentaux, à l’origine d’une dysfonction. L’une des conséquences fut le retard porté au développement de nouveaux traitements ciblés sur la base des mécanismes physiopathologiques. On attend donc toujours « une identification des syndromes basée sur la physiopathologie, et susceptible d’apporter des progrès thérapeutiques. »

Cette attente n’est pas nouvelle, rappelle The American Journal of Psychiatry, car elle animait déjà les précurseurs du DSM-III, avec le débat sur l’élaboration de critères diagnostiques (Research Diagnostic Criteria). Et désormais, la difficulté consiste à proposer un cadre nosographique en forme de compromis : à la fois suffisamment rigoureux pour répondre sans ambiguïté aux observations cliniques, mais assez souple pour intégrer les découvertes des neurosciences et de la génétique. Avec l’objectif supplémentaire d’utiliser ce cadre comme un instrument pour « améliorer les perspectives thérapeutiques. » À titre d’organisme de financement majeur de la recherche en santé mentale aux États-Unis, The National Institute of Mental Health (NIMH) estime que « le moment est venu d’orienter les travaux dans cette direction » et lance un projet d’élaboration de critères (RdoC : Research Domain Criteria) pour développer la trame d’une recherche axée sur la physiopathologie, et intégrant en particulier les données des neurosciences et de la génétique. Avec l’ambition d’utiliser les apports de ce projet comme sources d’informations pour les contours d’une future nosographie intégrant davantage certaines données trop délaissées par les classifications actuelles.
Dr Alain Cohen

Insel Th et Cuthbert B : Research Domain Criteria (RDoC) : toward a new classification framework for research on mental disorders. Am J Psychiatry 2010 ; 167: 748-751.


dimanche 5 décembre 2010

Des militantes féministes derrière une banderole, pour les 40 ans du mouvement féministe, à Paris, le 26 août 2010.
AFP/THOMAS COEX


Elles sont quelques centaines à se réunir depuis vendredi 4 décembre et pendant trois jours pour un "congrès international féministe" au "Palais de la femme" – cela ne s'invente pas – à Paris, à l'initiative de "40 ans de mouvement", une association créée en 2009 par quelques "historiques" du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) dont la chercheuse en sciences politiques Françoise Picq, l'ancienne journaliste Martine Storti ou encore la sociologue Liliane Kandel.

Placé sous le signe "des mutations géopolitiques", ce congrès fait la part belle à la thématique internationale, avec les interventions de nombreuses chercheuses et militantes américaine, malienne, indiennes, maghrébines, etc.

Entre cheveux grisonnants et trentenaires de l'association "Osez le féminisme" prêtes à assurer la relève, l'objectif n'est pas de se raconter des histoires d'anciennes combattantes mais de tenter de confronter les mots d'ordre, les analyses, les revendications des années 1970 à la réalité des années 2010.

"Notre volonté n'est pas d'entamer un grand lamento ou de présenter un quelconque livre noir de la condition des femmes, résumait Martine Storti en ouverture des travaux du Congrès, vendredi, mais d'examiner les effets pour les femmes du monde tel qu'il est devenu". Rien de tel pour cela que de tirer le fil des combats des féministes d'hier et de les confronter à aux réalités du monde d'aujourd'hui.

"NOTRE CORPS NOUS APPARTIENT"


Les militantes de "40 ans de mouvement" ont choisi pour cela de centrer leurs débats sur les deux "fondamentaux du féminisme que sont le travail et la maîtrise du corps", a indiqué Mme Storti. Que reste-t-il du slogan "notre corps nous appartient" à l'heure du retour du religieux et de la "marchandisation" des corps, lisible à travers les mères porteuses par exemple ? Que reste-t-il des revendications féministes exigeant d'être libérées du travail domestique quand celui-ci est effectué par des migrantes ?

L'émancipation des femmes du nord est-elle en train de se réaliser sur le dos des femmes du "sud" ? Comment analyser le fait que les institutions internationales placent comme jamais la question des femmes au premier plan ? S'agit-il d'une avancée ou d'une instrumentalisation ?

Ces questions seront au cœur des débats de ce congrès qui veut relancer la discussion entre les militantes à un moment où le féminisme, "après le creux de vague des années 1980 semble saisi d'un renouveau à la faveur de la prise de conscience que tout n'est pas gagné", estime Mme Picq.

FÉMINISTES LAÏQUES ET FÉMINISTES MUSULMANES


Très présente, la question de l'islam promettait, dès vendredi matin, d'occuper une large part des discussions. Sana Ben Ashour, qui préside l'association tunisienne des femmes démocrates, a mis les pieds dans le plat en évoquant les divergences de fond qui opposent, dans tous les pays où l'islam est religion d'état, "les féministes laïques et universalistes" et "les féministes musulmanes".

Une militante féministe a été arrêtée le 15 octobre 2008 à Téhéran. Ici, des femmes assistent à un match de football dans la capitale iranienne le 10 octobre.
AFP/BEHROUZ MEHRI


Les premières sont accusées par les secondes, d'une part d'importer une vision occidentale, d'autre part de s'être alliées avec des pouvoirs autoritaires et enfin d'être élitistes. Un mauvais procès, infondé de surcroît, que cette juriste s'est appliqué à réfuter.

En France même, la loi sur le voile a mis les féministes à rude épreuve. Les divergences entre deux figures du mouvement féministe, Christine Delpy qui défend un féminisme aux côtés de l'islam et Anne Zelensky qui collabore à Riposte laïque, une association aux positions contestées, planent sur les débats.

Le Congrès international féministe ne s'en plaindra pas, au contraire, ses organisatrices estimant nécessaire de comprendre, comme le soulignait Mme Storti, "ce qui est arrivé au féminisme français".
Brigitte Perucca

Le programme du congrès est accessible sur http://re-belles.over-blog.com/article-40-ans-du-mlf-congres-international-feministe-60015276.html


« Surveiller, ce n’est pas soigner»

À Toulouse, l’hôpital psychiatrique Marchant développe des pratiques sécuritaires alors que les syndicats revendiquent du personnel supplémentaire pour mieux soigner. Toulouse, correspondance.

Depuis un mois et demi, une grande tente est dressée devant l’entrée de l’hôpital psychiatrique Marchant. Des salariés de l’établissement y passent leurs jours et leurs nuits. Pour lutter contre le froid, des palettes en bois alimentent un brasero.

Quand le conflit social a débuté à l’hôpital Marchant, début octobre, il avait pour objet, comme partout, la loi sur les retraites et des situations plus locales : pour pallier les nombreuses absences au service gériatrie, la direction décidait de ponctionner les effectifs d’infirmiers en psychiatrie. « C’est ce qui a mis le feu aux poudres, raconte Marie Rajablat, de SUD. En psychiatrie, nous travaillons déjà à flux tendus. Et les soins ne sont pas les mêmes en gériatrie, où les malades souffrent d’Alzheimer, certains reçoivent des soins palliatifs. C’est un travail technique. » « La psychiatrie, enchaîne Cyril Moulin, lui aussi syndiqué SUD, repose sur un relationnel avec un patient. »

Or, « au fil des années, le niveau des soins psychiatriques s’est dégradé », estime Marie Rajablat, qui met en cause, bien sûr, le manque d’effectifs  : « Actuellement, 29 agents de psychiatrie ou gériatrie sont absents et non remplacés. » Pour Isabelle Morère, de la CGT, « il n’est pas normal que des infirmiers de psychiatrie aillent renforcer la gériatrie, même si ce n’est pas incohérent en situation d’urgence. Il faut revoir l’organisation pour que ça ne se reproduise pas ».

Le 18 octobre, il est décidé de planter la tente, « pour que les salariés puissent s’exprimer », ajoute Isabelle Morère. Et les syndicats élaborent une plate-forme de revendications. Il est demandé, bien sûr, l’embauche d’infirmiers pour pourvoir les postes vacants. Les syndicats veulent aussi avoir leur mot à dire dans l’audit décidé par la direction. Cet audit a pour première étape d’établir un diagnostic de la situation.

« La direction ne parle que de gestion ! »

Et les conséquences des sous-effectifs inquiètent Alexandre Boiron, non syndiqué : « Le patient en psychiatrie a besoin de repères. Par manque de disponibilité, nous ne travaillons plus sur la rencontre, la relation. Il manque ce quart d’heure d’attention envers le patient. Celui-ci devient plus angoissé, potentialise des passages à l’acte. » Marie Rajablat confirme : « On ne s’occupe que des situations les plus aiguës. » Selon Cyril Moulin, « on pare au plus pressé, on gère le symptôme. Nous sommes là pour diminuer les angoisses et la direction ne parle que de gestion ! Allons-nous devenir des porte-clés, des distributeurs de médicaments ? »

Bientôt, « l’hopital prison »

Si l’hôpital Marchant manque de personnel, il développe en revanche l’utilisation des matériels de surveillance. Les nouveaux bips, que chaque personnel peut déclencher en cas de situation violente, coûtent 800 à 900 euros pièce, selon le syndicat SUD, et il y en aurait environ cent vingt. La dépense pour ces seuls appareils, sans compter le système qui les relie, dépasserait les 100 00 euros. Ces bips peuvent être utiles mais, pour les infirmiers psychiatriques, il serait plus judicieux de renforcer les équipes soignantes. De même, des caméras ont été installées au service des urgences : « Ce n’est pas en surveillant le patient qu’on le soigne », soupire un infirmier qui confie que les espaces verts de l’hôpital sont maintenant éclairés en permanence la nuit. Marchant, illustration de cette tendance sécuritaire, accueillera d’ailleurs bientôt une unité hospitalière spécialement aménagée (USHA), que ses détracteurs appellent « l’hôpital prison ».

La CGT considère que le mouvement a permis des avancées (le CHSCT participe à l’audit) et n’occupe plus la tente. Aujourd’hui à 9 h 30, SUD et des non-syndiqués appellent toutefois à un rassemblement devant l’agence régionale de santé (ARS) à Toulouse.
Bruno Vincens

Tarbes. Il entre en résistance


Philippe Sarlat est infirmier libéral. Après avoir travaillé en psychiatrie à Lannemezan, aux urgences psychiatriques à Tarbes, dans le cadre des sapeurs-pompiers, il a choisi de se consacrer aux malades psychiques. C'est à ce titre qu'il a constaté que ceux qui ont opté [et c'est « un droit »] pour le secteur privé « se voient refuser les soins infirmiers et les soins spécifiques de réadaptation ou de réinsertion », n'ayant « pas droit », pour ces derniers, « à des structures de réadaptation et de resocialisation tels que les CATTP [Centre d'accueil thérapeutique à temps partiel] , CMP[Centre médico-psychologique] , et hôpital de jour », résume-t-il. Pour le refus de soins infirmiers, il explique : « Avec des infirmiers et des gens issus du milieu psychiatrique, nous avions mis en place un dispositif d'intervention. Pour certains dossiers, on appliquait l'article 11 de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), un acte rémunéré à 8,10 € brut la demi-heure et qui englobe des soins infirmiers, la prise en charge thérapeutique, la prévention, la surveillance clinique avec observation du comportement, mais aussi la stimulation par une activité sociale extérieure, l'orientation vers une association, notamment le GEM, ou un travail en commun avec l'Anpaa dans le cas de sevrages à domicile… » Lors d'un contrôle de Sécurité sociale, il lui a été signifié qu'il ne devait pas appliquer l'article 11 de la NGAP, mais l'article 10, qui consiste seulement « en l'administration et la surveillance d'une thérapeutique orale au domicile des patients présentant des troubles psychiatriques, avec l'établissement d'une fiche de surveillance », un acte rémunéré à 3,15 € brut. Si, devant l'obligation qui leur a été faite, la plupart des infirmiers composant le dispositif a préféré le quitter, Philippe Sarlat a choisi d'entrer en résistance. Et continue d'assurer dans son intégralité l'acte 11. « Si je m'en tiens à l'article 10, je ne dois pas faire la toilette à un patient autiste. Un patient qui ne voulait pas se laver et qui s'en prenait à sa mère. Avec le temps, j'y suis arrivé. Aujourd'hui, sa maman est soulagée », insiste-t-il. Il évoque le travail qu'il mène auprès des patients qui souffrent de troubles graves de la personnalité avec troubles du comportement, de patients psychotiques, d'autres sous tutelle vivant seul… Un travail sur le long terme réalisé en collaboration avec les familles. « J'ai des patients sur les bras. Qu'est-ce que je fais ? Je ne peux les abandonner ! », lance-t-il. Soutenu par des familles (1), des médecins, le SNIIL, Philippe Sarlat a décidé de poursuivre les soins et la mission d'infirmier telle qu'elle est spécifiée dans le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 : « La profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et la participation à des actes de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé ». Il a même saisi la Halde pour discrimination sur la distinction qui est faite « de leur état de santé, de leur handicap ». Nous avons contacté le docteur Jean Contie, médecin-conseil chef de service à la CPAM, pour apporter un éclairage sur cette affaire. Le docteur Contie s'est dit dans l'impossibilité de s'exprimer en raison « du respect du secret professionnel ».
 
(1) Une délégation départementale de l'Unafam est en pourparlers sur ce sujet avec la CPAM. Une réunion est prévue à cet effet début décembre.
Infirmier libéral œuvrant dans la prise en charge des malades psychiques, Philippe Sarlat dénonce « la politique visant à leur refuser les soins infirmiers ».



Exposition Travelling les 17 et 18 décembre
30/11/2010
 
Le pôle psychiatrie de l'hôpital de Gonesse et le collectif 100 transitions présentent "Travelling", une exposition sonore réalisée ensemble par la comédienne Elsa Hourcade, le musicien Bertrand Larrieu, les patients et les soignants du pôle de psychiatrie adulte.

Cette exposition sonore restitue un an de travail en résidence de la comédienne Elsa Hourcade et du Musicien Bertrand Larrieu avec les patients et les soignants du pôle de psychiatrie adulte. L'exposition sera accessible les vendredi 17 et samedi 18 décembre 2010, à l'unité de psychothérapie institutionnelle Winnicott du pôle de pychiatrie adulte du Centre Hospitalier de Gonesse. Ce projet a été monté dans le cadre du dispositif Culture à l'Hôpital, il a bénéficié du soutien de la DRAC Ile de France, de l'ARS, du Conseil Général du Val d'Oise et de la Ville de Gonesse.

Depuis 2002, le collectif 100 transitions, implanté à Gonesse, mène des projets de création partagée avec différents publics. Depuis 2005, il développe notamment une production sonore, plastique et cinématographique (http://onoffpause.free.fr) avec les patients et soignants de l'Hôpital de jour de psychiatrie adulte Hôtel Dieu de l'Hôpital, puis dernièrement ceux du pôle entier.

Pendant cette résidence, les deux artistes ont mené des ateliers auprès des patients et soignants du pôle, questionnant chacun dans sa relation au son, au bruit, à la musique et à sa propre voix. Durant ces ateliers, ils ont recueilli des matériaux à partir desquels ils ont réalisé différentes pièces sonores composant l'installation sonore "Travelling", dans un couloir et des chambres d'une aile disponible de l'hôpital.

Des patients en psychiatrie exposent dans un hôpital à Villejuif

VILLEJUIF (Val-de-Marne) - Des patients en psychiatrie exposent jusqu'au 8 décembre peintures, sculptures et dessins à l'hôpital Paul-Guiraud de Vilejuif (Val-de-Marne), qui abrite la plus ancienne unité dédiée aux "malades difficiles" en France, a constaté un journaliste de l'AFP.

Gouaches aux couleurs saturées ou peintures naïves, une trentaine d'oeuvres singulières parsèment l'exposition "De la force aux soins" qui retrace également l'histoire du traitement de la santé mentale dans cet hôpital psychiatrique, l'un des trois plus importants en France.

Pièce maîtresse : trois sculptures faites de bric et de broc directement inspirées des "Ménines", un des plus célèbres tableaux de Velasquez.

"On veut montrer une autre image de la santé mentale, qui continue d'être taboue et de faire peur", résume Céline Delysse, directrice de la communication de Paul-Guiraud.

Selon elle, les oeuvres exposées à Villejuif ne s'apparentent pas à "l'art brut" popularisé par Jean Dubuffet dans les années 40 et qui désigne les créations de pensionnaires d'asiles psychiatriques.

"L'art brut n'existe plus depuis que les patients sont traités aux neuroleptiques", précise Mme Delysse, ajoutant que la création à l'hôpital s'inscrivait désormais dans "l'art-thérapie".

Cette exposition coïncide avec le centenaire de l'Unité pour malades difficiles (UMD) de Villejuif, la plus ancienne de France.

Ces structures sécurisées accueillent des patients issus du milieu carcéral ou du milieu hospitalier classique, qui ne peut plus les garder du fait de leur violence.

Elles prennent également en charge des malades ayant eu affaire au système judiciaire mais déclarés pénalement irresponsables.

Il existe cinq UMD en France.
(©AFP / 03 décembre 201



Des anxiolytiques sur ordonnance, et après ?
Publié le 13/11/2010 

Ces dernières années, les prescriptions d’anxiolytiques ont augmenté considérablement dans le monde. Si le débat sur la « médicalisation » voire la « psychiatrisation » d’une certaine angoisse « physiologique » ou « existentielle » est récurrent (faut-il considérer toute anxiété comme pathologique et lui apporter systématiquement une réponse pharmacologique ?), le problème le plus grave concerne l’usage détourné (abuse) de ces produits, lequel peut aller de la surconsommation ponctuelle à l’addiction médicamenteuse.

Émanant du département de psychiatrie de l’université américaine de Columbia, une étude analyse ce phénomène et confirme l’intérêt d’une pharmacovigilance constante. Portant sur près de 35 000 personnes, cette enquête retrouve en effet un mésusage de ces médicaments dans près de 2 % des cas (quand celui-ci concerne l’année écoulée) et dans 7,4 % des cas (en l’intégrant sur toute la vie des intéressés). Selon la durée retenue (une année ou toute l’existence), on constate que 1,5 % à 6,3 % des sujets usent (et abusent) de ces médicaments sans même jamais avoir reçu la moindre ordonnance à cet effet. Et parmi ceux disposant d’une ordonnance en bonne et due forme, elle se trouve détournée dans une finalité non médicale, le plus souvent, chez des hommes « jeunes, de race blanche, ayant des antécédents de toxicomanie ou de mésusage d’autres substances, ou un parcours émaillé de comportements illégaux. »

Ces résultats éloquents montrent que le praticien ne maîtrise pas toujours, en pratique, le devenir de son ordonnance et qu’une prescription de bonne foi portant sur des médicaments contre l’anxiété aboutit parfois à un usage non médical de ces produits. Bien que les anxiolytiques présentent une évidente utilité clinique, une plus grande attention devrait donc être accordée à cette possibilité d’une utilisation détournée des médicaments contre l’anxiété, notamment chez des patients présentant un risque accru de mésusage (profil connu de toxicomanie, d’addictions ou de délinquance).
Dr Alain Cohen


vendredi 3 décembre 2010

Suicide derrière les barreaux
Publié le 01/12/2010    

Les statistiques révèlent une mortalité par suicide cinq fois plus élevée chez les hommes incarcérés que dans la population générale. Mais la contribution spécifique des troubles psychiatriques à ce phénomène demeure méconnue, et une étude britannique a donc exploré les relations entre une pathologie mentale et des tentatives de suicide « presque réussies » (near-lethal suicide attempts) chez 60 prisonniers âgés d’au moins 18 ans, et comparativement à 60 prisonniers n’ayant pas ces mêmes antécédents suicidaires (groupe témoin).

Sans surprise, des troubles psychiatriques sont « omniprésents » chez les prisonniers ayant commis une tentative de suicide « presque mortelle ». Mais de façon plus inattendue, on retrouve aussi ces troubles chez 62 % des sujets-contrôles. Les pathologies concernées comprennent des antécédents dépressifs (avec parfois d’autres tentatives de suicide), des troubles anxieux, des addictions à des drogues ou /et un contexte psychotique. Sur le long terme, on observe l’association de ces suicides en prison avec une « dépression récurrente » ou une psychose.

Cette étude confirme le dysfonctionnement (probablement mondial) des politiques d’incarcération souffrant sur le terrain d’une confusion entre l’hospitalisation du malade mental et l’incarcération du délinquant, puisqu’une certaine population pénale (et même une surpopulation) se retrouve derrière les barreaux, alors qu’elle n’aurait manifestement rien à y faire, les intéressés relevant davantage des compétences de « blouses blanches » que de celles de « robes noires. » Et comme le disent de façon plus feutrée les auteurs, l’écart entre la proportion des prisonniers souffrant de problèmes psychiatriques et ceux recevant des traitements médicamenteux ou une aide psychothérapeutique suggère qu’en plus d’une meilleure évaluation des risques, « il faudrait réexaminer le traitement et la gestion des troubles psychiatriques communs chez les prisonniers à risque. » Au Royaume-Uni, depuis 2006, la responsabilité des soins pénitentiaires est confiée au National Health Service (NHS), le système étatique de santé public (décrit par un ancien chancelier de l’Échiquier, Nigel Lawson, comme la « religion nationale » du pays). Les auteurs espèrent que cela permettra de revaloriser les recherches sur l’efficacité et le coût des interventions psychiatriques en prison.
Dr Alain Cohen