Un hôpital condamné à indemniser la famille d'une handicapée
LEMONDE.FR Avec AFP
15.11.10
Un hôpital est condamné, vingt-huit ans après avoir sauvé la vie d'un nourrisson. Le 11 août 1982, Annie Amouriq se présente à l'hôpital de de Châteauroux, plusieurs jours après le terme de sa grossesse. Elle accouche d'Elodie, qui naît en arrêt cardiaque. Contre l'avis du père, le nourisson est envoyé en réanimation. Aujourd'hui Elodie, handicapée moteur et cérébrale ne peut vivre sans une aide et une attention constantes, explique Me Meilhac, avocat de la famille Amouriq sur RTL. Annie Amouriq, veuve depuis une dizaine d'années, se consacre à plein temps à sa fille.
La cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné l'hôpital de Châteauroux à verser 1,3 million d'euros d'indemnités à la famille. La somme sera partagée avec la CPAM (caisse primaire d'assurance-maladie) de l'Indre. En mai 2008, le tribunal administratif de Limoges avait rejeté en première instance la demande d'indemnisation. Une décision annulée par la juridiction bordelaise.
"LE RISQUE NE POUVAIT ÊTRE IGNORÉ"
Dans son arrêt, daté du 16 septembre, la cour administrative d'appel a retenu la faute de l'établissement hospitalier considérant que "les lésions cérébrales subies par Élodie Amouriq [étaient] la conséquence d'une souffrance fœtale aiguë liée à la post-maturité (naissance après terme, NDLR) de l'enfant, dont le risque ne pouvait être ignoré des praticiens du centre hospitalier de Châteauroux". La cour reproche aussi à l'hôpital de ne pas avoir utilisé de monitoring pour surveiller l'état du bébé lors de l'accouchement, a expliqué Me Meilhac.
Le 5 novembre, le centre hospitalier de Châteauroux a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État contestant "la faute à l'origine des lésions cérébrales au regard des moyens de la médecine à cette époque", a indiqué l'avocat de l'établissement, Me Didier Le Prado.
UNE DÉCISION RARE
Cette décision de justice, rare, n'est pourtant pas une première. Le 2 juin 2009, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital public d'Orange pour acharnement thérapeutique. Le personnel médical avait réanimé un nouveau-né en état de mort apparente en décembre 2002. Ramené à la vie, l'enfant a présenté par la suite de lourds handicaps physiques et mentaux. "En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange", avait conclu le jugement.
Il s'appuie sur l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu'"en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique".
Un hôpital condamné pour acharnement thérapeutique après avoir réanimé un nouveau-né
LEMONDE.FR
12.11.09
Au départ, c'est une triste histoire, celle d'une vie qui n'a pas la force de débuter, pas seule en tout cas. En décembre 2002, dans la maternité de l'hôpital public d'Orange, un accouchement s'annonce mal : rythme cardiaque fœtal trop lent et risque corollaire de manque d'oxygénation du cerveau.
Quand l'enfant naît, il est en état d'anoxie périnatale extrême ("mort apparente"), un état réversible de ralentissement extrême des fonctions vitales qui peut conduire à penser qu'un individu est mort. L'équipe médicale applique immédiatement la procédure habituelle de réanimation. Après 25 minutes de réanimation, le gynécologue annonce le décès aux parents, tandis que ses collègues poursuivent la réanimation et font réapparaître finalement une activité cardiaque. Le cerveau du bébé n'a pas été irrigué pendant une demi-heure et il n'y a pas eu d'oxygénation pendant la réanimation. De lourds handicaps physiques et mentaux sont apparus par la suite.
Le 2 juin, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital pour "obstination déraisonnable", autrement dit acharnement thérapeutique. Une décision passée inaperçue à l'époque et révélée, mardi 10 novembre par Le Figaro. "En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange", conclut le jugement. Il s'appuie sur l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu'"en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique".
LA PART DE RESPONSABILITÉ DE L'HÔPITAL ENCORE SOUMISE À EXPERTISE
Le fait de dépasser vingt minutes de réanimation est effectivement déconseillé par la Société française d'anesthésie et de réanimation. Sur son site, on peut lire, dans le compte rendu d'une conférence de 1996 sur "la réanimation du nouveau-né en salle de travail" que "certaines situations imposent à l'évidence l'arrêt des manœuvres de réanimation", notamment "la persistance d'un 'état de mort apparente' (Apgar inférieur à 3) au-delà de la vingtième minute de réanimation précoce et bien conduite".
L'enfant présente aujourd'hui les symptômes d'une forme sévère d'infirmité motrice cérébrale tétraplégique, avec troubles de déglutition et épilepsie, ainsi qu'un syndrome dysmorphique évoquant une pathologie rare, non certifiable sur le plan chromosomique, pouvant correspondre à un syndrome de Dubowitz. La part de la faute commise par l'hôpital dans les handicaps développés par l'enfant est encore soumise à expertise, précise le jugement. Cette expertise, en cours, déterminera le montant des réparations financières que l'hôpital (qui n'a pas fait appel) devra verser. Les parents réclament un minimum de 500 000 euros, parce que, selon leur avocat, "la juste décision était de permettre à la mort naturelle de prendre ses droits".
LEMONDE.FR Avec AFP
15.11.10
Un hôpital est condamné, vingt-huit ans après avoir sauvé la vie d'un nourrisson. Le 11 août 1982, Annie Amouriq se présente à l'hôpital de de Châteauroux, plusieurs jours après le terme de sa grossesse. Elle accouche d'Elodie, qui naît en arrêt cardiaque. Contre l'avis du père, le nourisson est envoyé en réanimation. Aujourd'hui Elodie, handicapée moteur et cérébrale ne peut vivre sans une aide et une attention constantes, explique Me Meilhac, avocat de la famille Amouriq sur RTL. Annie Amouriq, veuve depuis une dizaine d'années, se consacre à plein temps à sa fille.
La cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné l'hôpital de Châteauroux à verser 1,3 million d'euros d'indemnités à la famille. La somme sera partagée avec la CPAM (caisse primaire d'assurance-maladie) de l'Indre. En mai 2008, le tribunal administratif de Limoges avait rejeté en première instance la demande d'indemnisation. Une décision annulée par la juridiction bordelaise.
"LE RISQUE NE POUVAIT ÊTRE IGNORÉ"
Dans son arrêt, daté du 16 septembre, la cour administrative d'appel a retenu la faute de l'établissement hospitalier considérant que "les lésions cérébrales subies par Élodie Amouriq [étaient] la conséquence d'une souffrance fœtale aiguë liée à la post-maturité (naissance après terme, NDLR) de l'enfant, dont le risque ne pouvait être ignoré des praticiens du centre hospitalier de Châteauroux". La cour reproche aussi à l'hôpital de ne pas avoir utilisé de monitoring pour surveiller l'état du bébé lors de l'accouchement, a expliqué Me Meilhac.
Le 5 novembre, le centre hospitalier de Châteauroux a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État contestant "la faute à l'origine des lésions cérébrales au regard des moyens de la médecine à cette époque", a indiqué l'avocat de l'établissement, Me Didier Le Prado.
UNE DÉCISION RARE
Cette décision de justice, rare, n'est pourtant pas une première. Le 2 juin 2009, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital public d'Orange pour acharnement thérapeutique. Le personnel médical avait réanimé un nouveau-né en état de mort apparente en décembre 2002. Ramené à la vie, l'enfant a présenté par la suite de lourds handicaps physiques et mentaux. "En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange", avait conclu le jugement.
Il s'appuie sur l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu'"en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique".
Un hôpital condamné pour acharnement thérapeutique après avoir réanimé un nouveau-né
LEMONDE.FR
12.11.09
Au départ, c'est une triste histoire, celle d'une vie qui n'a pas la force de débuter, pas seule en tout cas. En décembre 2002, dans la maternité de l'hôpital public d'Orange, un accouchement s'annonce mal : rythme cardiaque fœtal trop lent et risque corollaire de manque d'oxygénation du cerveau.
Quand l'enfant naît, il est en état d'anoxie périnatale extrême ("mort apparente"), un état réversible de ralentissement extrême des fonctions vitales qui peut conduire à penser qu'un individu est mort. L'équipe médicale applique immédiatement la procédure habituelle de réanimation. Après 25 minutes de réanimation, le gynécologue annonce le décès aux parents, tandis que ses collègues poursuivent la réanimation et font réapparaître finalement une activité cardiaque. Le cerveau du bébé n'a pas été irrigué pendant une demi-heure et il n'y a pas eu d'oxygénation pendant la réanimation. De lourds handicaps physiques et mentaux sont apparus par la suite.
Le 2 juin, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital pour "obstination déraisonnable", autrement dit acharnement thérapeutique. Une décision passée inaperçue à l'époque et révélée, mardi 10 novembre par Le Figaro. "En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange", conclut le jugement. Il s'appuie sur l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu'"en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique".
LA PART DE RESPONSABILITÉ DE L'HÔPITAL ENCORE SOUMISE À EXPERTISE
Le fait de dépasser vingt minutes de réanimation est effectivement déconseillé par la Société française d'anesthésie et de réanimation. Sur son site, on peut lire, dans le compte rendu d'une conférence de 1996 sur "la réanimation du nouveau-né en salle de travail" que "certaines situations imposent à l'évidence l'arrêt des manœuvres de réanimation", notamment "la persistance d'un 'état de mort apparente' (Apgar inférieur à 3) au-delà de la vingtième minute de réanimation précoce et bien conduite".
L'enfant présente aujourd'hui les symptômes d'une forme sévère d'infirmité motrice cérébrale tétraplégique, avec troubles de déglutition et épilepsie, ainsi qu'un syndrome dysmorphique évoquant une pathologie rare, non certifiable sur le plan chromosomique, pouvant correspondre à un syndrome de Dubowitz. La part de la faute commise par l'hôpital dans les handicaps développés par l'enfant est encore soumise à expertise, précise le jugement. Cette expertise, en cours, déterminera le montant des réparations financières que l'hôpital (qui n'a pas fait appel) devra verser. Les parents réclament un minimum de 500 000 euros, parce que, selon leur avocat, "la juste décision était de permettre à la mort naturelle de prendre ses droits".