La Désobéissance éthique, par Élisabeth Weissman
Le livre d’Élisabeth Weissman fait partie de ces ouvrages dont on redoute de poursuivre la lecture : chaque page annonce une horreur, une bonne raison de désespérer, même si, de ci delà, l’auteur nous concède une ou deux flammèches d’espoir.
Un livre de plus qui nous explique magistralement, avec rigueur et humanité, pourquoi et comment la classe dominante française met à mort l’État, les valeurs républicaines, la citoyenneté, la solidarité, la société au sens classique du terme.
Préfacé par ce grand résistant que fut, et demeure, Stéphane Hessel, La Désobéissance éthique nous introduit d’emblée dans le drame que connaissent trop de travailleurs français aujourd’hui : le suicide d’hommes et de femmes qui retournent contre eux la violence de leur existence en entreprise ou en usine. L’auteur rappelle la réaction spontanée des autorités face à ces actes, comme le mépris de Didier Lombard, P-DG de France Télécom, évoquant une « vague suicidaire ». Il ne leur suffit pas d’éviscérer les services publics : il leur faut stigmatiser ceux qu’ils broient.
Depuis, en gros, Chirac/Raffarin, les dirigeants français ont décidé d’appliquer au public les méthodes du privé. Comme le court terme et les gains de productivité sont privilégiés par rapport à l’intérêt général et aux investissements à long terme, mieux vaut amputer le pied d’un diabétique que de lui prodiguer des soins plus coûteux mais qui lui laisseront ses deux pieds.
Une seule solution : la résistance, dont la désobéissance est un des aspects. Weissman revient longuement sur l’action d’Alain Refalo et des collègues qui, à sa suite, ont refusé de ficher les élèves et d’accroître le fossé entre les gosses de riches et les gosses de pauvres. À l’inverse de Sarkozy qui est dans la « haine de l’autre », Refalo et les “désobéisseurs” (Weissman explique la différence entre les mots “ désobéisseur ” et “ désobéissant ”) sont dans la fraternité, la solidarité et le respect, simplement parce qu’ils estiment que les enfants doivent être protégés et non pas jetés dans la concurrence dès l’âge de trois ans. À l’État, bras armé du marché, Refalo oppose la désobéissance civile, l’action dans la non-violence qui « renvoie la violence à celui qui l’actionne. ». Pour lui, la répression est une reconnaissance. En le sanctionnant durement, « l’administration reconnaît que son action l’inquiète et admet qu’elle constitue une véritable menace. » Faut-il s’étonner que les parents d’élèves de la PEEP et SOS Éducation (une officine proche de Darcos) l’aient si durement critiqué ? On verra également des professeurs des écoles refuser les évaluations en CE1 et CM2 (150000 sur 700000 en CM2) car « la publication de résultats combinés à la suppression de la carte scolaire aurait pour conséquence la mise en concurrence des élèves, des parents et des enseignants. » Ces enseignants ont bien compris que l’évaluation (portant exclusivement, comme par hasard, sur les maths et le français) était un outil nécessaire à la privatisation de l’enseignement primaire. En outre, évaluer, c’est adapter l’individu au monde libéral, c’est « modeler un homme nouveau », un homme « réduit à lui-même », avec la concurrence « inscrite au plus profond de lui-même », qui pourra tout au long de sa vie s’adapter aux exigences du capitalisme. L’auteur revient sur la LRU, très familière aux lecteurs du Grand Soir, et l’évaluation dans l’université, qu’elle assimile, reprenant une analyse de Michel Saint-Jean, animateur de Sauvons l’Université, à « une police et une instrumentation à des fins strictement économiques et utilitaristes de la pensée scientifique. » De plus en plus sous pression, les enseignants sont les Français qui se suicident le plus (39 pour 100000 ; moyenne nationale : 17). Et ce n’est pas la financiarisation de leur travail, le paiement à l’acte incompatible avec l’esprit de la Fonction publique, qui risque de les rasséréner.
En 2004, le ministre de Robien met en place une “ Base élèves ” que l’inspecteur d’académie des Pyrénées-Orientales qualifiera de « plus grande source d’information sur l’immigration. » À partir de 2005, on cherche à dépister les “troubles de conduite” chez les enfants dès le plus jeune âge. Dans un rapport tristement célèbre de 2004, le député UMP Jacques-Alain Bénisti établit un parallèle entre le bilinguisme des enfants de migrants et le risque de délinquance : « Seuls les parents, et en particulier la mère, ont un contact avec leurs enfants. Si ces derniers sont d’origine étrangère, ils devront s’obliger à parler le français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer ». Ce rapport qualifie même de « patois » les langues maternelles des enfants de migrants. En 2005, Bénisti reconnaît son erreur en précisant que le bilinguisme est une chance pour l’enfant.
La mauvaise foi, le déni, sont les meilleurs freins à la résistance. Pour bien comprendre ces conduites, Weissman fait appel à Sartre pour qui tout individu « peut tirer argument des circonstances pour expliquer pourquoi il n’a pas le courage de faire usage de sa liberté et de se comporter en homme libre. » Résistants et libres furent assurément les juges du tribunal d’Orléans qui, en 2006, relaxèrent des faucheurs d’OGM, considérant qu’ils avaient agi « au nom de l’intérêt général, pour le respect du droit à la santé, à l’environnement et en application du principe de précaution, valeurs générales qui sont plus importantes que la protection du droit de propriété. »
Sarkozy et les marchés s’en prennent également aux malades mentaux. Le chapitre consacré par l’auteur à l’enfermement est insoutenable. Les asiles doivent être rentables et les aliénés criminalisés. Cinquante ans d’effort pour humaniser la psychiatrie ont été balayés par Sarkozy en quelques semaines. En direct du Café du Commerce, notre kleiner Mann nous expliqua que les fous étaient des délinquants présumés potentiellement dangereux, alors qu’ils comptent parmi les citoyens les plus exposés à la violence. 70 millions d’euros seront consacrés à la “ sécurisation ” des asiles, mais on supprimera des centaines de poste de soignants. Voir à ce sujet : http://www.legrandsoir.info/L-hopital-psychiatrique-d-Auch-en-lutte.html
La Poste est désormais l’“ entreprise ” où le “ client ” est le plus plumé en France. Pour les agents, résister relève de l’héroïsme. Prendre en compte les clients économiquement faibles relève de la gageure. La politique de la direction est d’écœurer les usagers du service public en leur faisant croire que tout ira mieux lorsque La Poste sera entièrement privatisée (alors qu’on la renationalise outre-Manche). Même chose à EDF/GDF, dont les gros actionnaires sont proches de Sarkozy. Comme il faut rétribuer ces actionnaires, les investissements ont diminué de moitié ces dernières années. Il faut vendre au client ce dont il n’a pas besoin, le déréguler dès que possible. Alors saluons le courage des Robins des Bois qui rétablissent le courant chez des chômeurs. Ils risquent gros.
On n’insistera pas trop sur la politique du chiffre de Besson, fier en octobre 2009, d’avoir expulsé trois Afghans dans un vol conjoint franco-britannique, avec l’accord forcément tacite du bon docteur Kouchner. Du chiffre, les policiers en font aussi lorsque, au lieu de traquer des délinquants, ils se posent au coin d’une rue pour faire du contrôle routier. Les pandores pourraient eux aussi se révolter car 12000 postes ont été supprimés en cinq ans dans la Police nationale, de par la volonté du plus grand flic de France, au profit des polices municipales et privées.
Autre description hallucinante : celle du climat qui règne désormais à Pôle Emploi, ce monstre totalement inefficace résultant de la fusion des Assedic (de droit privé) et de l’ANPE (entreprise publique). Le chômeur est désormais stigmatisé car, comme l’avait subtilement formulé Raffarin en son temps, « La France ne doit pas être un parc de loisirs ! » Pôle Emploi a définitivement cassé le lien entre ses agents et les chômeurs, au profit des multinationales de l’intérim.
Le libéralisme s’attaque même aux arbres. Ayant perdu 40% de ses recettes publiques, l’Office National des Forêts doit trouver de nouveaux capitaux pour s’autofinancer. Alors, on coupe du bois à tour de bras au détriment de la biodiversité.
Reprenant la formule de Robert Castel, l’auteur explique comment nous sommes passés d’une société de marché à « une société devenue marché », dans laquelle, comme l’avait proclamé notre kleiner Mann, roi du lapsus, « l’homme n’est pas une marchandise comme les autres », postulant par là-même qu’il était une marchandise.
Pour l’auteur, les syndicats n’ont pas trouvé la parade à cette déferlante. Elle cite Laurence Théry, inspectrice du travail : « Le déplacement de la politique de contrôle du corps du taylorisme vers le psychique, de l’extériorité vers l’intériorité, rend ainsi problématiques les stratégies de contre-pouvoir et de résistance qui peuvent endiguer ce processus d’appropriation de l’individu par les forces du travail. » On le voit bien lorsque Sarkozy reçoit Thibault et Chérèque à sa table : voilà des gens de bonne compagnie, des “ partenaires ”. Désobéir n’est pas républicain pour les hiérarchies syndicales, c’est un acte individuel. Ces hiérarchies proposent des “ journées d’action ” qui s’égrènent sans que les luttes soient réellement fédérées, mieux : confédérées. Défendre les travailleurs face aux menées des Parisot, Kessler et Lagarde ne consiste plus simplement à défendre les salaires et les emplois. Les organisation syndicales doivent désormais s’intéresser à l’“ intime ” des travailleurs, à leur vécu subjectif. Elles doivent aussi prendre en compte des revendications politiques comme, par exemple, la renationalisation d’EDF. En outre, les syndicats peuvent-ils encore se vivre en “ partenaires sociaux ” alors que l’action militante est criminalisée, que des travailleurs isolés sont terrorisés.
Les travailleurs doivent également se réapproprier leur propre discours. Face à un kleiner Mann qui avilit la langue car il a rabaissé la fonction présidentielle, il ne faut plus accepter que la classe dirigeante « vide les mots de leur sens, les corrompent, les dépravent. » Il faut retrouver les valeurs de la Résistance (Weissman revient sur le comportement obscène du Président de la République au plateau des Glières) pour empêcher que Sarkozy ne « liquide son héritage social. »
Bernard GENSANE
La désobéissance éthique
Élisabeth Weissman
Code EAN / ISBN : 9782234063495
Date de parution : 04/2010
Copyright © Editions Stock, 2010
Un livre de plus qui nous explique magistralement, avec rigueur et humanité, pourquoi et comment la classe dominante française met à mort l’État, les valeurs républicaines, la citoyenneté, la solidarité, la société au sens classique du terme.
Préfacé par ce grand résistant que fut, et demeure, Stéphane Hessel, La Désobéissance éthique nous introduit d’emblée dans le drame que connaissent trop de travailleurs français aujourd’hui : le suicide d’hommes et de femmes qui retournent contre eux la violence de leur existence en entreprise ou en usine. L’auteur rappelle la réaction spontanée des autorités face à ces actes, comme le mépris de Didier Lombard, P-DG de France Télécom, évoquant une « vague suicidaire ». Il ne leur suffit pas d’éviscérer les services publics : il leur faut stigmatiser ceux qu’ils broient.
Depuis, en gros, Chirac/Raffarin, les dirigeants français ont décidé d’appliquer au public les méthodes du privé. Comme le court terme et les gains de productivité sont privilégiés par rapport à l’intérêt général et aux investissements à long terme, mieux vaut amputer le pied d’un diabétique que de lui prodiguer des soins plus coûteux mais qui lui laisseront ses deux pieds.
Une seule solution : la résistance, dont la désobéissance est un des aspects. Weissman revient longuement sur l’action d’Alain Refalo et des collègues qui, à sa suite, ont refusé de ficher les élèves et d’accroître le fossé entre les gosses de riches et les gosses de pauvres. À l’inverse de Sarkozy qui est dans la « haine de l’autre », Refalo et les “désobéisseurs” (Weissman explique la différence entre les mots “ désobéisseur ” et “ désobéissant ”) sont dans la fraternité, la solidarité et le respect, simplement parce qu’ils estiment que les enfants doivent être protégés et non pas jetés dans la concurrence dès l’âge de trois ans. À l’État, bras armé du marché, Refalo oppose la désobéissance civile, l’action dans la non-violence qui « renvoie la violence à celui qui l’actionne. ». Pour lui, la répression est une reconnaissance. En le sanctionnant durement, « l’administration reconnaît que son action l’inquiète et admet qu’elle constitue une véritable menace. » Faut-il s’étonner que les parents d’élèves de la PEEP et SOS Éducation (une officine proche de Darcos) l’aient si durement critiqué ? On verra également des professeurs des écoles refuser les évaluations en CE1 et CM2 (150000 sur 700000 en CM2) car « la publication de résultats combinés à la suppression de la carte scolaire aurait pour conséquence la mise en concurrence des élèves, des parents et des enseignants. » Ces enseignants ont bien compris que l’évaluation (portant exclusivement, comme par hasard, sur les maths et le français) était un outil nécessaire à la privatisation de l’enseignement primaire. En outre, évaluer, c’est adapter l’individu au monde libéral, c’est « modeler un homme nouveau », un homme « réduit à lui-même », avec la concurrence « inscrite au plus profond de lui-même », qui pourra tout au long de sa vie s’adapter aux exigences du capitalisme. L’auteur revient sur la LRU, très familière aux lecteurs du Grand Soir, et l’évaluation dans l’université, qu’elle assimile, reprenant une analyse de Michel Saint-Jean, animateur de Sauvons l’Université, à « une police et une instrumentation à des fins strictement économiques et utilitaristes de la pensée scientifique. » De plus en plus sous pression, les enseignants sont les Français qui se suicident le plus (39 pour 100000 ; moyenne nationale : 17). Et ce n’est pas la financiarisation de leur travail, le paiement à l’acte incompatible avec l’esprit de la Fonction publique, qui risque de les rasséréner.
En 2004, le ministre de Robien met en place une “ Base élèves ” que l’inspecteur d’académie des Pyrénées-Orientales qualifiera de « plus grande source d’information sur l’immigration. » À partir de 2005, on cherche à dépister les “troubles de conduite” chez les enfants dès le plus jeune âge. Dans un rapport tristement célèbre de 2004, le député UMP Jacques-Alain Bénisti établit un parallèle entre le bilinguisme des enfants de migrants et le risque de délinquance : « Seuls les parents, et en particulier la mère, ont un contact avec leurs enfants. Si ces derniers sont d’origine étrangère, ils devront s’obliger à parler le français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer ». Ce rapport qualifie même de « patois » les langues maternelles des enfants de migrants. En 2005, Bénisti reconnaît son erreur en précisant que le bilinguisme est une chance pour l’enfant.
La mauvaise foi, le déni, sont les meilleurs freins à la résistance. Pour bien comprendre ces conduites, Weissman fait appel à Sartre pour qui tout individu « peut tirer argument des circonstances pour expliquer pourquoi il n’a pas le courage de faire usage de sa liberté et de se comporter en homme libre. » Résistants et libres furent assurément les juges du tribunal d’Orléans qui, en 2006, relaxèrent des faucheurs d’OGM, considérant qu’ils avaient agi « au nom de l’intérêt général, pour le respect du droit à la santé, à l’environnement et en application du principe de précaution, valeurs générales qui sont plus importantes que la protection du droit de propriété. »
Sarkozy et les marchés s’en prennent également aux malades mentaux. Le chapitre consacré par l’auteur à l’enfermement est insoutenable. Les asiles doivent être rentables et les aliénés criminalisés. Cinquante ans d’effort pour humaniser la psychiatrie ont été balayés par Sarkozy en quelques semaines. En direct du Café du Commerce, notre kleiner Mann nous expliqua que les fous étaient des délinquants présumés potentiellement dangereux, alors qu’ils comptent parmi les citoyens les plus exposés à la violence. 70 millions d’euros seront consacrés à la “ sécurisation ” des asiles, mais on supprimera des centaines de poste de soignants. Voir à ce sujet : http://www.legrandsoir.info/L-hopital-psychiatrique-d-Auch-en-lutte.html
La Poste est désormais l’“ entreprise ” où le “ client ” est le plus plumé en France. Pour les agents, résister relève de l’héroïsme. Prendre en compte les clients économiquement faibles relève de la gageure. La politique de la direction est d’écœurer les usagers du service public en leur faisant croire que tout ira mieux lorsque La Poste sera entièrement privatisée (alors qu’on la renationalise outre-Manche). Même chose à EDF/GDF, dont les gros actionnaires sont proches de Sarkozy. Comme il faut rétribuer ces actionnaires, les investissements ont diminué de moitié ces dernières années. Il faut vendre au client ce dont il n’a pas besoin, le déréguler dès que possible. Alors saluons le courage des Robins des Bois qui rétablissent le courant chez des chômeurs. Ils risquent gros.
On n’insistera pas trop sur la politique du chiffre de Besson, fier en octobre 2009, d’avoir expulsé trois Afghans dans un vol conjoint franco-britannique, avec l’accord forcément tacite du bon docteur Kouchner. Du chiffre, les policiers en font aussi lorsque, au lieu de traquer des délinquants, ils se posent au coin d’une rue pour faire du contrôle routier. Les pandores pourraient eux aussi se révolter car 12000 postes ont été supprimés en cinq ans dans la Police nationale, de par la volonté du plus grand flic de France, au profit des polices municipales et privées.
Autre description hallucinante : celle du climat qui règne désormais à Pôle Emploi, ce monstre totalement inefficace résultant de la fusion des Assedic (de droit privé) et de l’ANPE (entreprise publique). Le chômeur est désormais stigmatisé car, comme l’avait subtilement formulé Raffarin en son temps, « La France ne doit pas être un parc de loisirs ! » Pôle Emploi a définitivement cassé le lien entre ses agents et les chômeurs, au profit des multinationales de l’intérim.
Le libéralisme s’attaque même aux arbres. Ayant perdu 40% de ses recettes publiques, l’Office National des Forêts doit trouver de nouveaux capitaux pour s’autofinancer. Alors, on coupe du bois à tour de bras au détriment de la biodiversité.
Reprenant la formule de Robert Castel, l’auteur explique comment nous sommes passés d’une société de marché à « une société devenue marché », dans laquelle, comme l’avait proclamé notre kleiner Mann, roi du lapsus, « l’homme n’est pas une marchandise comme les autres », postulant par là-même qu’il était une marchandise.
Pour l’auteur, les syndicats n’ont pas trouvé la parade à cette déferlante. Elle cite Laurence Théry, inspectrice du travail : « Le déplacement de la politique de contrôle du corps du taylorisme vers le psychique, de l’extériorité vers l’intériorité, rend ainsi problématiques les stratégies de contre-pouvoir et de résistance qui peuvent endiguer ce processus d’appropriation de l’individu par les forces du travail. » On le voit bien lorsque Sarkozy reçoit Thibault et Chérèque à sa table : voilà des gens de bonne compagnie, des “ partenaires ”. Désobéir n’est pas républicain pour les hiérarchies syndicales, c’est un acte individuel. Ces hiérarchies proposent des “ journées d’action ” qui s’égrènent sans que les luttes soient réellement fédérées, mieux : confédérées. Défendre les travailleurs face aux menées des Parisot, Kessler et Lagarde ne consiste plus simplement à défendre les salaires et les emplois. Les organisation syndicales doivent désormais s’intéresser à l’“ intime ” des travailleurs, à leur vécu subjectif. Elles doivent aussi prendre en compte des revendications politiques comme, par exemple, la renationalisation d’EDF. En outre, les syndicats peuvent-ils encore se vivre en “ partenaires sociaux ” alors que l’action militante est criminalisée, que des travailleurs isolés sont terrorisés.
Les travailleurs doivent également se réapproprier leur propre discours. Face à un kleiner Mann qui avilit la langue car il a rabaissé la fonction présidentielle, il ne faut plus accepter que la classe dirigeante « vide les mots de leur sens, les corrompent, les dépravent. » Il faut retrouver les valeurs de la Résistance (Weissman revient sur le comportement obscène du Président de la République au plateau des Glières) pour empêcher que Sarkozy ne « liquide son héritage social. »
Bernard GENSANE
La désobéissance éthique
Élisabeth Weissman
Code EAN / ISBN : 9782234063495
Date de parution : 04/2010
Copyright © Editions Stock, 2010