![Michelle Perrot à Paris, en 1943.](https://medias.liberation.fr/photo/1162468-isa291jpg.jpg?modified_at=1539190513&width=960)
Michelle Perrot à Paris, en 1943.
Photo collection privée
La rédactrice en chef du «Libé des historien·nes» évoque son travail pionnier sur l’histoire des femmes et des classes populaires. Retour sur un demi-siècle de carrière d’une grande intellectuelle qui a puissamment renouvellé la discipline.
Spécialiste mondialement reconnue de l’histoire des femmes et des classes populaires, Michelle Perrot est l’auteure d’une œuvre qui a permis de renouveler la discipline en donnant la parole à ceux et celles qui en ont été le plus souvent privés : les ouvriers, les détenus, les femmes. Quand nous la rencontrons chez elle, à quelques pas du jardin du Luxembourg à Paris, nous sommes frappés par sa chaleur et sa bonhomie lumineuse. Elle nous raconte simplement, et avec générosité, son histoire et l’histoire qu’elle a portée et animée avec passion depuis plus d’un demi-siècle, où domine son engagement citoyen, depuis la guerre d’Algérie, avec Pierre Vidal-Naquet, son collègue à l’université de Caen, jusqu’à #MeToo, qu’elle a mis en une du Libé des historien·nes, dont elle est aujourd’hui la rédactrice en chef.
Vous êtes passée de l’histoire du monde ouvrier à l’histoire des femmes, de l’histoire sociale «par en bas» à l’histoire du genre. Quel a été le fil rouge de votre recherche ?
Je suis d’abord séduite par l’histoire économique et sociale qui s’impose à moi comme une espèce d’évidence parce qu’elle est sérieuse, «scientifique», qu’elle met le social au cœur, l’économique comme explication, et le culturel comme superstructure. Par ailleurs, pour la fille que j’étais, au lendemain de la guerre, la classe ouvrière triomphait. Le choix de travailler sur celle-ci s’imposait, c’était un choix scientifique, idéologique et éthique. 1968 a été un tournant dans mon rapport à l’histoire. Je vais à Jussieu, j’adhère complètement au mouvement des femmes qui s’installe dans les universités, j’y participe et, par-delà l’engagement, la question devient pour moi «qu’est-ce que je peux dire, en tant qu’historienne, sur les femmes ?». S’il y a un fil rouge, c’est dans l’histoire que j’ai souhaité faire de ces zones de silences et de ces zones d’ombres, de ces vies ordinaires qui font l’histoire.