Freud, mal aimé en France
Une somme sur des rapports tumultueux.
Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL
Vingt-cinq ans déjà qu’Alain de Mijolla compulse des archives d’histoire de la psychanalyse. Et deux ans pour la rédaction de cet énorme livre qu’est Freud et la France, 1885-1945 (947 pp., PUF, 49 euros, à paraître le 13 janvier), qui sera suivi d’un deuxième volet, La France et Freud, 1946-1981 (jusqu’à la mort de Lacan). Le psychanalyste et fondateur de l’Association internationale d’histoire de la psychanalyse (AIHP) a opté pour un parti pris chronologique, année après année. Dans un récit fouillé et méticuleux,il croise les événements, les protagonistes et les débats scientifiques du moment. Cette somme, destinée à être un instrument de travail, suit la lente progression du personnage de Freud et de ses idées dans le milieu médical et culturel français à travers correspondances privées, témoignages et articles.
Le fondateur de la psychanalyse a très peu séjourné en France. Mais les quelques mois qu’il passera aux côtés du professeur Charcot à la Salpêtrière en 1885 seront déterminants. Il reviendra à Paris, très brièvement, en juin 1938, quand il fuit Vienne pour Londres.
Les rapports de la psychanalyse avec la France ont dès le début été compliqués. «Les Français ont toujours été hostiles à Freud à cause de Pierre Janet et des théories qui existaient en France avant lui. La psychanalyse a eu du mal à rentrer et a été éreintée. Le Livre Noir [2005, ndlr] n’a rien inventé, tout ce qui est dit contre Freud est dit depuis 1914.» Alain de Mijolla, qui prise peu les querelles d’école, souligne que depuis la mort de Freud, les batailles se font autour de la formation. Son livre montre que la psychanalyse fut l’œuvre d’un penseur génial, diffusée non sans heurts dans un pays a priori rétif.
A noter qu’est aussi sorti en octobre un portrait sonore en 2 CD intitulé «Sigmund Freud, Dans l’intimité d’un génie», où l’on entend la voix du maître et des témoignages du premier cercle (dont Marie Bonaparte, Anna Freud, Gaston Bachelard), Radio France-INA, 22 euros.