La romancière et essayiste française Viviane Forrester, est décédée mardi à l'âge de 87 ans. Elle est l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages, dont l'Horreur économique, devenu un des contre-symboles de la mondialisation dans ses aspects les plus négatifs, traduit en 30 langues et vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaire. Arnaud Spire l’avait rencontré à la sortie de son essai pour l’Humanité. Nous reproduisons son entretien.
Vivianne Forrester, romancière, essayiste, auteur notamment de «Van Gogh ou l'enterrement dans les blés» au Seuil, ne s'attendait pas à ce que son essai, «l'Horreur économique», publié chez Fayard en août 1996, rencontrât un tel succès auprès de millions de personnes mises entre parenthèses par le traitement qu'inflige l'ultralibéralisme au travail. Elle a réussi le tour de force de faire d'une expression empruntée au poète Arthur Rimbaud et extraite des «Illuminations», un slogan désormais familier sur les banderoles du mouvement social français. Exergue du poète: «Certains soirs, par exemple... retiré de nos horreurs économiques... Il frissonne au passage des chasses et des hordes...». Se retirer des horreurs économiques, est-ce encore possible à notre époque? La sombre imprécation anticapitaliste de Viviane Forrester parle indéniablement à des millions de gens. Sans travail, sans droits, sans papiers, sans toit. En cette période préélectorale, elle attend des partis politiques qu'ils prennent en compte de façon réaliste, actuelle, et moderne, la situation.
Votre livre est paru à un moment où trois Français sur quatre oscillaient entre la peur et la révolte face aux dégâts causés par le système économique. C'est dans ce climat que «l'Horreur économique», déjà tiré à plus de 300.000 exemplaires, est devenu un best-seller. Comment l'expliquez-vous ?
Vivianne Forrester. Le succès de «l'Horreur économique» est d'abord un signe politique très important. Cela signifie que les gens sont vraiment en éveil et pas du tout endormis. Cela a une dimension internationale puisqu'on en parle dans tous les pays avant même que le livre ne soit traduit. Enfin, je trouve émouvant qu'une expression de Rimbaud soit présente sur les banderoles des mouvements sociaux. Après tout, Rimbaud s'est beaucoup intéressé à la Commune et c'est justice qu'un vers de lui puisse encore émouvoir et mobiliser.