« Condamnés au comique », les philosophes ? C’est ce que déclarait le philosophe Günther Anders, dans années 1960, en soutenant qu’il existe entre les philosophes et les clowns une étroite proximité. Et c’est à cette proximité secrète, nécessitant un éclairage circonstancié tant celui-ci peut sembler hasardeux, que s’attache Daniel Payot dans Les Philosophes et le temps des clowns (Circé, 2022).
En croisant ses lectures stimulantes de Günther Anders, mais aussi d’Ernst Bloch, Walter Benjamin, Siegfried Kracauer et surtout Theodor Adorno, l’auteur, professeur de philosophie de l’art à l’université de Strasbourg, creuse cette affinité entre la figure du clown et celle du philosophe. Son tour de force consiste à identifier des motifs communs chez deux êtres que tout oppose a priori ; des motifs qui tiennent moins à une capacité à faire rire aux éclats les foules qu’à témoigner auprès d’elles d’une certaine énergie inquiète. Ce que les clowns et les philosophes partagent, c’est au fond leur manière de s’insérer dans leur temps, d’y trébucher en tentant d’en dire quelque chose, d’en traduire les mouvements incertains.