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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 22 décembre 2011


Le Point - Publié le 15/12/2011 à 01:51

Affaire Agnès. Un magistrat peut-il anticiper le risque de récidive ?

CLAUDE ASKOLOVITCH

Avoir un gosse devant soi, deviner son destin tragique et admettre qu'on n'y pourra rien, tout juge que l'on est."Je sais qu'un jour il sera jugé pour meurtre ou pour viol", assure Sabine Orsel, responsable de l'Union syndicale des magistrats (USM), quand elle se souvient de Clément, connu dans un ancien poste de juge des enfants. Un gosse marqué, suivi dès l'âge de 3 ans, placé. Violences, vols, incarcération, centres éducatifs fermés - Clément a tout fait, jusqu'à frôler le pire avant 15 ans."Enfermé, il détruisait les sanitaires, les autres internés finissaient par le détester parce qu'on leur coupait l'eau ; on l'a placé dans un centre d'une réputation impeccable ; après dix jours, il est entré dans la chambre d'une fille, a commencé à la déshabiller de force. Si personne n'était intervenu, il la violait."
Pourquoi parler de Clément quand la France aujourd'hui n'a peur que de Mathieu, cet ado de 17 ans, violeur et meurtrier présumé d'Agnès, 13 ans, au Chambon-sur-Lignon ? Parce que les drames ne sont pas seulement imprévisibles. Mathieu, violeur présumé en attente de procès pour une agression antérieure, pourtant placé dans un lycée-collège mixte, illustrerait, selon le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, les "dysfonctionnements" d'un système promis à la réforme sans fin. En réalité, un fonctionnement normal ne garantit rien. Il y a à Nîmes un juge d'instruction et un expert psychiatre qui ont estimé Mathieu réinsérable. Contrairement à Clément le prédestiné, Mathieu était entouré d'une famille concernée. Le jeune homme était suivi. La récidive, en matière de viol, est ultraminoritaire. Rien n'était écrit mais le pire est arrivé."Nostradamus n'existe pas", dit Gérard Rossinelli, vice-président du syndicat des psychiatres hospitaliers. Il expose la nuance entre la fragilité psychiatrique d'un individu, décelable par un praticien, et sa dangerosité criminelle : "Là, nous ne savons pas l'appréhender. Un simple entretien individuel avec un criminel présumé ne permet certainement pas de poser des prédictions !" Cette incertitude accompagne tous ceux qui font écran entre la société et ceux qui la menacent.
Dérapage. Ils sont juge des enfants, juge d'instruction, juge des libertés et de la détention, juge d'application des peines. Ils ont la clé d'une liberté pour des individus potentiellement dangereux, pas encore jugés ou déjà condamnés. Ils peuvent se nourrir ou se couvrir d'un avis d'expert. Ils sont aussi tenus par la loi. Le principe général fait prévaloir la liberté sur la détention."Il faut deux juges pour mettre quelqu'un en détention - un juge d'instruction et un juge des libertés et de la détention, par exemple -, mais un seul pour libérer quelqu'un", dit Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. La justice des mineurs pense réinsertion : il était important que Mathieu reprenne une scolarité ! Les détentions sont limitées dans le temps, et chacun fait ce qu'il peut."Clément va revenir chez lui bientôt, avec deux petites soeurs qu'il peut mettre en danger, dit Sabine Orsel.Les psychiatres se sont refusés à le déclarer malade, pour ne pas se charger de lui."
Conclusion ? Les juges gèrent contraintes et contradictions. On vit avec l'inquiétude de mal faire."Mettre quelqu'un sous mandat de dépôt ou l'en faire sortir, c'est un choix qui vous ronge", confie Bonduelle. Lui, juge d'instruction, se souvient d'une affaire qui l'accompagnait jour et nuit. Des jeunes gens, accusés de viols et d'actes de barbarie, incarcérés avant leur procès."Certains menaçaient de se suicider en prison, tentaient des passages à l'acte. Et, en même temps, la gravité des faits, leurs antécédents justifiaient leur détention." Bonduelle a tenu sa position. Il aurait pu avoir tort. Cela ne signifie rien. La justice n'est pas une science exacte. Elle reflète aussi les inégalités sociales."J'ai déjà laissé des violeurs avérés en liberté avant leur procès - où ils ont été condamnés, se souvient Sabine Orsel.Des fils de notables ayant dérapé dans une soirée arrosée. Ils étaient devenus étudiants, ils avaient conscience de leur acte, le risque de récidive n'existait pas."
Les magistrats se plaignent de leur solitude au moment de la décision. Mais la collégialité, réclamée par les syndicats, ne supprimera pas la malchance."Je sais juger des faits passés, affirme Henri Ody, vétéran du siège, délégué de l'USM à Caen.Mais je ne sais pas prédire l'avenir d'un individu." C'est pourtant la demande - contradictoire - de la société et du politique : stigmatisée pour sa cruauté à Outreau, la justice est soupçonnée d'imprévoyance au Chambon-sur-Lignon. Savoir, prévoir. Punir par anticipation. Ne pas se tromper. Michel Mercier, ministre de la Justice, veut "améliorer l'étude de la dangerosité d'un individu". Un débat de fond : contre la psychiatrie française, réputée intuitive et empirique, certains réclament un aggiornamento anglo-saxon ; la méthode "actuarielle", faite de statistiques qui détermineraient le potentiel explosif d'un individu."Je refuse le scientisme bêta, dit le psy et criminologue Roland Coutanceau.Mais l'aveu d'impuissance est aussi insatisfaisant. En délinquance sexuelle, il y a des facteurs dans un premier passage à l'acte qui méritent que la société et la justice soient prudentes pour la suite - s'il y a eu séquestration ou usage d'une arme, par exemple. N'en faisons pas une norme, mais gardons-le à l'esprit."
Tout-répressif. La tentation de la norme existe pourtant. L'affaire du Chambon, c'est une première, est venue effacer des clivages idéologiques. L'opinion politique est allée un cran plus loin vers le tout-répressif. Des responsables socialistes ont réagi aussi vite que la droite sarkozyste, et dans des termes comparables. Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, a réclamé des centres d'éducation fermés pour des mineurs "dans la situation" de Mathieu : précisément ce que veut François Fillon. La gauche lorgne sur le modèle canadien et son fichier national de délinquants sexuels. C'est oublier que Mathieu, quand il a entraîné Agnès dans la forêt du Chambon-sur-Lignon, n'avait pas encore été jugé, restait un innocent judiciaire et n'aurait pu être inscrit sur aucun fichier.

Un fait divers = une loi

Lorsqu'un fait divers fait irruption dans l'actualité, les gouvernements - surtout de droite - ont le réflexe d'annoncer une réforme censée éviter qu'une telle horreur ne se reproduise. Ce fut le cas à la suite des affaires Guy Georges, Bodein, Fourniret, du pédophile Francis Evrard, de l'assassinat de la joggeuse Nelly Crémel, d'Anne-Lorraine Schmitt dans le RER ou de Laetitia Perrais en 2011. En sept ans, cinq lois sur les criminels sexuels ont été adoptées. Trois mesures ont ainsi été décidées après le meurtre d'Agnès. Une modification des procédures d'évaluation de la " dangerosité " des " criminels violents ". Les chefs d'établissement devront être informés des faits reprochés à un élève au moment de l'inscription. Dans l'attente du jugement d'un mineur, le ministère public préconisera son placement en centre d'éducation fermé.


De la variabilité du diagnostic en psychiatrie

Ses auteurs observent en effet une évolution des diagnostics dans le temps. Au départ, ladistribution des diagnostics était la suivante :L’un des reproches souvent faits aux psychiatres concerne la (prétendue ?) labilité de leurs diagnostics. On dit ainsi que l’OMS aurait constaté, dans une étude ancienne, la variabilité importante des pathologies avancées, chez des patients réexaminés par des professionnels différents. Réelle ou fantasmée, une telle subjectivité des psychiatres dans l’énoncé d’un diagnostic a alimenté le rejet des « étiquettes » nosographiques par les adeptes du mouvement antipsychiatrique. Comme le souligne l’éditorialiste de The American Journal of Psychiatry, les « efforts pour améliorer la validité des diagnostics psychiatriques » doivent donc faire l’objet d’une attention constante. Mais l’évaluation de la stabilité des diagnostics est une démarche rarement entreprise, en raison notamment des difficultés logistiques (nécessité d’un « groupe stable d’investigateurs sur une longue période »). William Coryell  commente les constatations d’une étude prospective[1] de ce type examinant la stabilité des diagnostics au long d’un suivi de dix ans, chez 470 sujets vus à l’origine pour des « troubles psychotiques » (psychotic disorders).
29,6 % de troubles schizophréniques ou apparentés ;
21,1 % de troubles bipolaires avec caractéristiques psychotiques ;
17 % de dépression sévère avec caractéristiques psychotiques ;
2,4 % de psychose induite par une drogue, le solde étant étiqueté « autres psychoses ».

Mais dix ans après, la distribution de ces diagnostics a évolué : près de la moitié des patients (49,8 %, soit 20 % de plus) sont alors considérés comme schizophrènes ; le nombre de diagnostics de troubles bipolaires a augmenté dans une moindre mesure (24 %, soit 3 % de plus) ; celui des dépressions sévères avec caractéristiques psychotiques a baissé (à 11,1 %), et celui de psychose induite par une substance s’est au contraire accru (ayant presque triplé pour atteindre 7 %). Globalement, une modification du diagnostic a concerné « à un moment ou à un autre » plus de la moitié des patients (50,7 %). Si « la plupart des diagnostics » initiaux de schizophrénie ou de troubles bipolaires (respectivement 89,2 % et 77,8 %) sont conservés à 10 ans avec « une stabilité remarquable », on constate que la « reconnaissance » d’une schizophrénie intéresse, une décennie plus tard, un tiers supplémentaire de patients (+32 %). Ces décalages diagnostiques reflètent des modifications perçues cliniquement. En particulier, 15 % des sujets considérés au départ comme « bipolaires » sont étiquetés ensuite « schizophrènes », en général du fait de l’augmentation de la symptomatologie négative et d’une pauvreté de leur socialisation. L’auteur de l’éditorial remarque aussi que les symptômes d’hypomanie et les antécédents familiaux de troubles bipolaires peuvent aider à reconnaître plus tôt les sujets bipolaires. En définitive, comme le risque de « mauvais diagnostic » (risk of being misclassified) à un stade précoce de la maladie est réel, « y compris plus de deux ans après la première hospitalisation », les auteurs de l’étude citée, Bromet et al., conseillent de « réévaluer le diagnostic à chaque moment du suivi. »
[1] Evelyn J. Bromet & al. : « Diagnostic shifts during the decade following first admission for psychosis » Am J. Psychiatry 2011; 168-11: 1186–1194.


Dr Alain Cohen

William Coryell : Diagnostic instability : how much is too much ? Am J Psychiatry, 2011; 168-11: 1136–1138

Freud, Wittgenstein, Lacan ; la sublimation en acte

Théâtre de l’action
Le travail de Wittgenstein est un lieu de rencontre privilégié avec la psychanalyse de Freud et Lacan. En effet, à partir de 1919 il critique Freud sur la base d’une lecture somme toute assez restreinte (L’interprétation des rêves (1900), Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient (1905)) et Lacan, héritier auto désigné de Freud, commente Wittgenstein à partir du Tractatus logico-philosophicus. Ici, la philosophie et la psychanalyse s’observent et s’interpellent. Si Freud, Wittgenstein et Lacan ne se sont pas rencontrés, ils sont en dialogue à travers le thème de la sublimation. Nous retiendrons les diverses acceptions de ce concept : déplacement libidinal, solution au refoulement de pulsions, symptôme d’une dénégation (Freud, 1910, pp.63, 79, 114)[1], transgression du principe de réalité, dérivation perverse, symptôme de l’amour courtois (Lacan, 1986), mise en retrait, évitement d’exigences intenables, transpositions dans le champ de l’esthétique (Wittgenstein, 1966). Pour Freud et Lacan, ce concept central non défini dans la Métapsychologie (Freud, 1915), nourrit la théorie de l’inconscient, se nourrit de lui et évolue d’une façon notable. De son côté Wittgenstein en fait l’expérience dans sa pratique philosophique sans le conceptualiser. Cette dernière sublimation que nous dirons « philosophique » se rapproche de la sublimation quasi physico-chimique des sentiments dont parlait déjà Nietzsche dans Humain, trop humain. En effet, pour lui, dans chaque sentiment humain se trouve un reste sublimé du sentiment opposé :
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VENDREDI 2 DÉCEMBRE 2011


Analytique de la chair

Guy-Félix Duportail
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Novembre 2011 – Cerf – “Passages”
Mon corps est-il un objet parmi d'autres dans l'espace ou bien crée-t-il l'étendue qu'il perçoit jusqu'à l'écho des étoiles ? À quelle spatialité suis-je assujetti pour être relié « de l'intérieur » au monde et aux autres corps qui m'entourent ? Les dimensions de l'espace sont-elles des coordonnées de la matière morte ou sont-elles des variations modales de mon esprit ? C'est à la découverte de la spatialité du corps vivant que nous invite Guy-Félix Duportail dans son « Analytique de la chair ».
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Investissements d'avenir : candidature de Lyon pour un institut hospitalo-universitaire (IHU) dédié au cerveau et à la santé mentale (CESAME)

En Europe, 1 personne sur 3 est frappée d'une pathologie en lien direct ou indirect avec le cerveau.

Le projet Lyonnais d'institut hospitalo-universitaire (IHU) CESAME se propose de répondre à ce défi. Candidat au programme « Investissements d'avenir » (Grand Emprunt), il revendique un rapprochement entre les connaissances du cerveau, les maladies cérébrales et les activités mentales opérant ainsi une réelle ouverture des neurosciences à la santé mentale et à la société. Le projet s'appuie sur des compétences internationalement reconnues et diversifiées.

Largement soutenu par les mondes académique, hospitalier et industriel, le projet CESAME dispose de tous les atouts pour la création d'un pôle d'excellence hospitalo-universitaire apte à développer des thérapies innovantes rapidement transférables vers la pratique médicale. Il fédère d'ores-et-déjà un tissu industriel désireux de s'associer à sa démarche de valorisation économique. Son budget s'élève à 248 MEuros.

Le leitmotiv de CESAME : « Un cerveau pour la vie »

« C'est la première fois qu'un centre dédié aux liens entre cerveau et santé mentale va réunir maladies neurologiques et maladies psychiatriques sous une même bannière», affirme François Mauguière, Directeur de la Fondation Neurodis et porteur du projet CESAME.

Le nouvel IHU Cerveau et Santé Mentale appréhende en effet le cerveau dans ses quatre dimensions et en tant qu'organe unique :

   * « plastique » en constante évolution au cours de son développement et des apprentissages,
   * « opérationnel » pour percevoir, agir, se souvenir, décider,
   * « émotionnel » pour s'ouvrir à l'autre et s'épanouir,
   * « social » pour comprendre la société, s'y adapter et contribuer à son évolution... pour toute la vie.

L'Institut CESAME déclinera ainsi 4 axes thématiques :

   * développement neural, dégénérescence et réparation cérébrale,
   * dysfonctionnement des réseaux neuronaux et remédiation,
   * neuro-protection, réadaptation et interfaces cerveau-machine,
   * psychopathologies, troubles cognitifs, santé mentale et société.

Porté par le Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur Université de Lyon et initié au sein de la Fondation Neurodis, le projet d'institut hospitalo-universitaire CESAME a été déposé le 5 novembre 2010 auprès de l'Agence Nationale pour la Recherche (ANR).

Caractérisé par son originalité et l'unanimité qu'il a rapidement faite parmi tous ses partenaires (industrie, collectivités locales, structures à vocation sociale ou économique), CESAME s'appuie sur une masse critique forte, doublée d'une grande diversité de compétences dans le domaine

   * de la neurologie,
   * de la psychiatrie,
   * des neurosciences et
   * des sciences humaines et sociales.

Il associe les 3 universités lyonnaises.

Son siège sera établi sur le Neurocampus Lyon Santé Est, au coeur d'un périmètre de 100 hectares qui rassemble toute l'excellence de la recherche, des soins et de l'enseignement. En effet, ce lieu compte déjà :

   * le premier Hôpital Universitaire européen consacré à la neurologie et la neurochirurgie,
   * le Centre Hospitalier Psychiatrique Le Vinatier,
   * la plate-forme d'imagerie multimodale CERMEP,
   * des plates-formes technologiques, ainsi que
   * l'ensemble des structures de recherche en neurosciences de Lyon.

Un CESAME mérité pour Lyon


La valeur du dossier de candidature et la différenciation de Lyon reposent sur :

   * le positionnement historique en matière de neurosciences et l'expertise scientifique de 34 équipes de recherche d'excellence impliquées,
   * l'engagement de plus de 30 partenaires industriels de la pharmacie, de l'imagerie et des technologies médicales mais aussi de la simulation, des jeux, de la robotique, et de l'ingénierie cognitive, ainsi que le soutien des Pôles de compétitivité Lyonbiopôle et Imaginove, et de l'Alliance pour la Recherche et l'Innovation dans les Industries de Santé (ARIIS),
   * la synergie avec les recherches et actions en sciences humaines et sociales.

Largement ouvert sur le monde extérieur, et en adéquation avec les politiques nationale et européenne de recherche, l'IHU CESAME, qui prône le rapprochement entre connaissances du cerveau, maladies cérébrales et activités mentales, pourrait se concrétiser en une réponse originale à des enjeux stratégiques.

Le budget s'élève à 248 MEuros dont 80 MEuros pourraient être mobilisés dans le cadre du programme Investissements d'avenir (Grand Emprunt).



Freud : le père de la psychanalyse, héros de BD
06/12/2011

Plus de 70 ans après la mort du père de la psychanalyse, Corinne Maier et Anne Simon mettent en images avec Freud (Dargaud) la vie de celui que beaucoup considèrent comme l’un des hommes les plus importants du XXe siècle.



Les auteurs en un clin d’œil : Essayiste et psychanalyste, Corinne Maierest l’auteur de plusieurs best-sellers comme Bonjour paresse et No Kid.Anne Simon a de son côté reçu le prix Jeunes Talents au Festival de bande dessinée d’Angoulême en 2004.



Pourquoi on aime ce livre : Connu pour avoir été le premier à s’être penché sur les méandres de l’esprit humain, Sigmund Freud n’en est pas moins un personnage historique secret et mystérieux. Bien loin des essais et des biographies traditionnelles, avec cette BD, Corinne Maier et Anne Simon offrent au lecteur une plongée amusante et colorée dans le Vienne du début du XXe siècle. Reprenant un à un les cas les plus marquants de la carrière de Freud, elles parviennent à redonner vie au géant, retracent son ascension vers la gloire avec humour et second degré. En effet, à des années lumières du personnage sombre et austère que l’on imagine souvent, le Freud de Maier et Simon est un petit homme drôle, spirituel et charismatique. Ainsi lorsque ses livres brûlent dans les autodafés nazis, il se réjouit non sans ironie : "Quel progrès ! Au Moyen Âge, ils m’auraient brûlé. A présent, ils se contentent de brûler mes livres ! ".



Car, c’est aussi ça Freud : un témoin de la montée du nazisme, mort en 1939, juste avant de voir l’Europe sombrer comme il l’avait prédit. Et un homme engagé : "Ma langue est l’Allemand, mon œuvre est allemande mais, vu la montée de l’antisémitisme, je préfère me dire juif" déclarait-il à la radio allemande en 1938.   



Le regard critique : Irréprochable pour ce qui est des faits et des dates, Freud a toutes les qualités d’une biographie exemplaire mais manque parfois d’une touche d’imagination et de folie.



La page à corner : La psychanalyse n’est pas qu’affaire de médecins, c’est toute son époque qu’elle aura marqué. Les surréalistes, à commencer par Magritte et Dali, sont ainsi connus pour avoir puisé une partie de leur imaginaire dans les travaux du docteur Freud. C'est de leur esthétique onirique que s'inspire Anne Simon lorsqu'elle met en images la représentation freudienne du cerveau humain (p.42). 


Emma Aurange


Quantified Self (1/3) : Mettre l’informatique au service du corps




Assister à une conférence du Quantifed Self (QS), comme c’était le cas de cette première édition européenne, qui se tenait à Amsterdam, c’est faire l’expérience étrange d’être parmi des gens obnubilés par la mesure de soi et qui interrogent sans cesse ce qu’ils mesurent d’eux-mêmes. C’est être confronté à une multitude de personnes – les “quantifiés” – qui part leurs pratiques mêmes, semblent se distinguer du commun des mortels : “Nous ne sommes pas comme les autres personnes” reconnaissait Gary Wolf en introduction de ces deux jours. Bardés d’outils, d’applications, de techniques de soi et de méthodes, que bien souvent ils inventent en faisant, ces cobayes d’eux-mêmes vous font entrer dans le monde étrange d’une pratique réflexive sur soi-même, visant à faire sens d’une accumulation de données et de chiffres. Le numérique et ses capteurs, qui transforment le réel en données, devenus facilement accessibles et combinables, sont les armes qu’ils utilisent pour partir à la conquête d’eux-mêmes. Leurs motivations sont multiples, mais si le mouvement (car c’est bien d’un mouvement dont il s’agit, qui possède ses gourous (Gary Wolf (@agaricus) et Kevin Kelly (@kevin2kelly), les cofondateurs), ses rencontresson forumson média (@quantifiedself), son mantra (“Que faites-vous ? Comment le faites-vous ? Qu’avez-vous appris ?”) et qui documente lui-même ses actions) est principalement rattaché à des problématiques de santé personnelle, c’est qu’il y a pour beaucoup une motivation à comprendre leur métabolisme que les outils traditionnels et la médecine peinent à satisfaire. Le QS ressemble à une étrange officine qui fabriquerait autant de médications personnelles qu’elle a d’adeptes. Il est frappant de constater que la plupart des “quantifiés” cherchent d’abord à résoudre un problème de santé personnel ou qui les touche personnellement, en constituant leur propre diagnostic et leur propre pharmacie.

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ROUBAIX / SANTÉ MENTALELe Trusquin, pour se tracer une nouvelle vie
Le Trusquin, c'est le nom d'un instrument qui sert à effectuer des tracés en menuiserie. C'est aussi un atelier thérapeutique de l'établissement public de santé mentale rue de Saint-Amand. On y apprend à peindre et à fabriquer des objets. Et à reprendre pied tout simplement.
DELPHINE TONNERRE > delphine.tonnerre@nordeclair.fr
Depuis onze ans, dans l'ancienne usine Boléro, rue de Saint-Amand, en toute discrétion, un atelier thérapeutique appelé « Le Trusquin » accueille des personnes qui ont connu un passé psychiatrique assez lourd, des épisodes psychotiques notamment.
« Une fois le traitement trouvé et leur état stabilisé, les personnes rentrent chez elles. On peut alors les accueillir, sur indication de leur psychiatre, dans cet atelier », explique Joseph, leur infirmier. C'est le Dr Alexandre, de l'EPSM, qui en a eu l'idée en mars 2000. C'est lui qui a voulu donner ce nom, le trusquin, un objet qui sert à tracer sur le bois. Symbolique pour des personnes un peu perdues parfois.



Derrière de larges fenêtres, des postes de travail. Un atelier menuiserie au rez-de-chaussée, avec des outils traditionnels (ciseaux à bois, maillet...), un autre pour la peinture à l'étage. Les encadrants, Jean-Jacques et Patrick, ont suivi une formation pour ce nouveau métier : « Le contact avec les stagiaires est plaisant ».

Les stagiaires arrivent à 8h30, participent aux activités, prennent leur repas, fourni par l'hôpital Lucien-Bonnaffé dont ils dépendent. Puis retour aux activités jusqu'à 15h30. Les objets étaient un temps fabriqués pour Emmaüs et la Ressourcerie. Depuis peu, les jouets en bois s'accumulent sur les tables.
L'infirmier qui supervise l'atelier rappelle que « dans une proportion non négligeable, un problème peut arriver une seule fois dans une vie. » En clair, on peut aussi guérir d'une pathologie mentale. Mais il faut du temps, des soins, et un entourage bienveillant.
C'est ce que Claudio a trouvé. Il a passé trois ans au Trusquin. « J'étais tendu, stressé, explique-t-il, j'ai été bien accueilli. » Ce qu'il retient de son passage ? « On s'est bien amusés, on a bien travaillé, je reviens les voir souvent. Je suis venu leur dire que je suis papa d'une petite fille, je me sens beaucoup mieux. » Plus des patients 
mais des stagiaires L'équipe écoute attentivement. Brigitte, cadre infirmier, et toute l'équipe se souviennent de Claudio, son rire, ses danses, ses difficultés aussi, et sa volonté de les surmonter qui a fini par payer.
Slimane, éducateur, est arrivé depuis un an et demi. Il aide les stagiaires à chercher une formation ou un emploi, en milieu protégé, plus rarement en milieu classique, après leur passage au Trusquin. Un passage qui dure en moyenne dix mois. « Une petite année, le temps nécessaire pour se poser, reprendre confiance en soi », dit-il. Ce ne sont plus des patients mais des stagiaires. Il leur faut réapprendre des gestes simples, retrouver des horaires.
Au-delà de l'activité, le dialogue se noue. Le but n'est pas d'en faire des menuisiers ou des peintres, mais bien de leur réapprendre les habitudes du travail, parfois aussi d'en faire le deuil. « Il y a toujours un bénéfice à repenser sa vie autrement », résume l'infirmier. Une soixantaine de personnes, essentiellement des hommes - il n'y a eu que quatre ou cinq femmes - sont passés depuis sa création au Trusquin.
Intéressant, l'atelier thérapeutique est situé dans l'ancienne usine Boléro. « Les stagiaires côtoient les salariés des entreprises dans la cour.
Pour une fois, ce sont eux qui portent la blouse blanche, ils discutent », explique Brigitte. Une sorte de retour en douceur à la vie normale.
w Le Trusquin ouvre ses portes vendredi 2 décembre de 10h à 16h30, avec un petit-déjeuner et une visite des ateliers le matin. La vente des objets en bois est réservée au personnel de l'établissement.


ISERE/3 ANS APRES LE MEURTRE DU COURS BERRIATPsychiatrie : comment concilier soins et sécurité ?

La psychiatrie n’est pas une affaire de chiffres. Et pourtant ! Si l’on en croit des médecins grenoblois, il y a dans la” file psychiatrie” 1 300 personnes suivies par les différents centres médico-psychologiques dépendant du centre hospitalier Alpes-Isère de Saint-Égrève. Malheureusement, il n’y aurait pas tout à fait quatre médecins pour les suivre. Le décalage entre ces deux chiffres prend encore un peu plus de sens si l’on considère qu’environ 10 % de ces malades peuvent présenter un danger s’ils ne sont pas suivis ou ne prennent pas leur traitement. Et l’équation peut même faire peur si l’on écoute certains médecins.
« Là où il faudrait au moins une heure d’entretien avec le patient, on ne peut consacrer que 10 minutes »
« Il faudrait pouvoir accorder à ces patients au moins une heure une fois par mois. Dans les faits, c’est plutôt 10 minutes d’entretien avec la nécessité d’évaluer le patient et aussi de renouveler son traitement. Sauf que l’on ne parle pas de rhume… On parle de troubles de la personnalité qui peuvent, dans certains cas, aboutir à des expressions violentes. »
En bref, le cauchemar des médecins, c’est l’affaire Guillaud (lire en page 3). « il n’y a pas assez de moyens en psychiatrie générale pour traiter correctement tous les cas. On fait face à une explosion du nombre de cas de schizophrénie, notamment à cause d’une certaine banalisation du cannabis ».
Déjà deux agressions graves à Grenoble depuis la fin de l’été
Un autre médecin complète. « Le problème, c’est que certains ont besoin d’un traitement pour ne plus avoir d’hallucinations. Mais dès qu’ils commencent à aller mieux, ils arrêtent le traitement et rechutent, lentement ou pas, dans des délires. »
Rien que depuis la fin de l’été, deux agressions graves ont eu lieu à Grenoble et sont le fait de personnes souffrant de schizophrénie. Des personnes qu’il n’est pas nécessaire, selon ces médecins, d’enfermer en permanence, mais qui doivent être encadrées et entourées. « Pour l’instant, il n’y a pas d’hôpital de jour à Grenoble. L’hôpital de jour, c’est l’endroit où un malade va venir pour faire des activités, pour avoir un contact avec du personnel qui le connaît », expliquent les spécialistes. « Parfois, il suffit d’un signe pour savoir qu’un patient va mal et peut basculer. C’est une question d’expérience et de connaissance du patient. Mais si on n’a pas cette possibilité de les voir souvent, on ne peut pas les suivre et faire de prévention. Après l’affaire Guillaud, tout ce qui a été fait, c’est de remonter la hauteur des clôtures. Ce n’est pas de cela dont on a besoin », raconte une infirmière du CHAI.
Pour Diane Bourdery, médecin psychiatre responsable de l’unité post-urgences, il y a quand même eu des changements positifs. « Un pôle urgences dans les locaux des urgences du CHU a été créé, il y a aussi la loi du 5 juillet dernier qui représente des contraintes pour nous, mais qui est un plus pour les patients. Les sorties sont beaucoup plus balisées, nous devons définir des programmes de soins en externe. Il y a des avancées. Le drame de 2008 a réellement changé les mentalités de beaucoup de nos confrères, cela a été un choc et certains ont quitté l’hôpital public depuis cette affaire, parce que c’est une grosse responsabilité que d’avoir à s’occuper de tels patients. »
« Il ne faut pas se voiler la face, nous manquons de moyens. Tout ce que nous faisons de plus qu’avant, nous le faisons à moyens constants. Il y a toujours trop peu de lits dans les différentes unités de psychiatrie. Lorsque certains sortent en essai pour un week-end, il arrive que l’administration réattribue très rapidement son lit à un autre patient. Mais si le premier revient au cours du week-end parce qu’il est angoissé par le monde extérieur, les confrères sont obligés de faire un choix, en gardant le cas le plus sérieux. Pour mes confrères, je sais que c’est une réelle angoisse. »