L’héroïne du roman de l’écrivaine américaine fait une cure de somnifères et d’anxiolytiques. Pour disparaître à elle-même ? Electrisant.
« Mon année de repos et de détente » (My Year of Rest and Relaxation), d’Ottessa Moshfegh, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude, Fayard, 302 p.
L’héroïne de Mon année de repos et de détente, d’Ottessa Moshfegh, a tout pour elle : jeune, blonde, mince, diplômée de Columbia et riche héritière, elle mène une existence oisive dans un luxueux appartement new-yorkais. C’est dans ce cadre doré qu’elle a un jour décidé de sortir du système, de la manière la plus discrète et socialement acceptable qui soit : en ingérant, chaque jour, un insensé cocktail de somnifères et d’anxiolytiques prescrits, en toute légalité bien sûr, par une psychiatre complaisante. La litanie des noms de médicaments et de molécules, égrenée page après page, compose une complainte lancinante de la vie moderne, et une étrange poésie émerge de l’onomastique hypocrite de l’industrie pharmaceutique. Dans cet espace de liberté morbide agencé par les doses croissantes de substances qui intercalent un filtre toujours plus opaque entre elles et la réalité, l’héroïne élabore ses journées, et Moshfegh son récit, à une cadence bizarrement répétitive dont la monotonie finit par devenir envoûtante.