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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 16 février 2011

Un jour dans leur monde

C'est l'hôpital psychiatrique au sens populaire du terme. Ils y séjournent quelques jours ou des années : les patients affectés par des maladies mentales diverses y vivent dans un rapport à la réalité généralement altéré, voire annihilé.

Reportage.


Dans le hall de Bellevue, une dame âgée est assise à une table, elle ne bouge pas, absorbée par ce qu'elle seule sait. « Elle reste là toute la journée, comme ça. C'est sa place. Parfois, un autre patient la rejoint », indique Pierre Girardet, le chef de la psychiatrie. Aux temps ignorants où l'on parlait encore des « fous », on eut désigné Bellevue du mot « asile ». Tout ceci est révolu. Surtout à Bayonne où la psychiatrie est un service du centre hospitalier. Mais l'homme du dehors ne peut le nier : y pénétrer relève de la confrontation.

Toute l'hospitalisation publique du Pays basque se fait entre ces murs, dans le quartier Cam de Prats. « Vous avez en ce moment 119 patients. Ils sont ici pour des durées variables. Cela peut-être pour quelques jours. Certains sont là depuis deux ans. » La variété des cas explique celle des séjours. Un seul point commun à tous : ces patients « décompensent » (lire par ailleurs), ont un commerce souvent difficile avec la réalité.

« Des millions… »


Bien des peurs se greffent sur la notion très vaste de maladie mentale. La faible fraction des cas spectaculaires nourrit craintes autant que fantasmes. La statistique, elle, reste imperméable : « Sur les 119 patients actuellement hospitalisés, une ou deux personnes sont potentiellement dangereuses», situe le médecin psychiatre. «J'ai connu ailleurs un patient qui avait mangé sa fille. Ici, ce sont plutôt les patients qui sont victimes d'une société qui n'est pas faite pour eux. »

Au premier étage, l'aile « Errobi ». « C'est un service difficile, avec des pathologies lourdes. » On y entre comme dans n'importe quel autre : pas de verrou, l'attention des infirmières et aides médico-psychologiques (AMP) suffit. « C'est un service ouvert », insiste Josiane, infirmière depuis vingt ans en psychiatrie. « On n'est pas sans arrêt à les surveiller. Les patients nous suivent de très près. C'est même plutôt nous qui essayons de nous en défaire. »

Passe justement l'un d'eux, papy à l'air goguenard. A notre adresse : « Des millions, des millions, des millions… » Puis s'en va. « Vous avez de la chance, sourit Josiane. Il vient de remplir votre compte en banque de millions d'euros. Patrick (1) fait la fortune des gens par le pouvoir de la pensée. » Force mentale également employée à guérir de mille maladies. Patrick fait aussi les rois. Lors d'un précédent passage, nous étions pour lui « M. le maire ».

Cigarette autorisée

Le bonhomme tient dans ses mains un paquet de « Lucky Strike ». La cigarette compte parmi les singularités des « la psy ». Un patio permet d'en griller une. « C'est une dérogation à l'hôpital », éclaire Pierre Girardet. Et « une sorte d'anxiolytique », reconnaît Laure, une autre infirmière. Elle travaille dans le pavillon voisin, « la Rhune », équipé d'un fumoir. L'équipe médicale y traite la crise. Souvent, les malades arrivent du service des urgences psychiatriques, basé sur le site de Saint-Léon. « Un délire peut durer dix, quinze jours. »

La crise peut-être violente. Une « chambre d'isolement » vient d'être créée. Dans une chambre « classique », on observe des détails qui situent ce service de la raison évaporée : une caméra, le miroir de la salle de bain facilement amovible, le lit n'a pas d'angles mais des arrondis, il est scellé au sol… Dans une porte, un trou, œuvre d'un malade. Sur un mur, une couche de peinture détonne : « Le mur a été refait, il était défoncé », renseigne Laure.

Retour à « Errobi ». Quelques chambres demeurent fermées. « Des patients dangereux pour eux-mêmes et les autres », désigne Jessy. Parmi eux, il y a Mickaël. « Vous voulez le rencontrer ? On va le lui demander. » Avant d'entrer : « Vous devriez enlever vos lunettes, il aime bien. » Ni meubles, ni effets. Tout objet présente un potentiel de blessure pour ce garçon d'une vingtaine d'années. Le jeune homme est couché dans un coin, sur un matelas. « Tel que vous le voyez, il a beaucoup progressé. Je l'ai vu dormir nu sur une simple bâche », confie Josiane.

Mickaël porte un casque, pour le protéger lorsqu'il se cogne la tête contre les murs. La vitre de la porte d'entrée est brisée : c'est lui. « Du verre sécurité… » Le garçon peut développer une force terrible. Josiane relève sa manche droite sur un avant-bras rougi. « Il ne m'avait pas vue depuis longtemps, il m'a saisi le bras et a serré très fort. Ça n'avait rien d'agressif. »

Seul

Il ne parle pas, Mickaël. « mais il communique et il comprend ». Le regard et les gestes permettent l'échange. A ces attitudes, les infirmières comprennent qu'il n'a pas vraiment envie de nous voir. Alors nous sortons. Depuis le couloir, on entend son cri profond.

Quel sens a la vie de Mickaël ? Quelles possibilités d'accomplissement ? Plus simplement de plaisir ? « Son état oscille. Dans les bons moments, on peut l'amener à la piscine, manger au Mc Do. Il faut être modeste », préconise Pierre Girardet. L'ordinaire parfois bousculé n'est pas rien. Et c'est toujours avec le personnel de l'hôpital. Car plus personne ne vient voir Mickaël. « Les gens, comme lui, dont plus personne ne veut, on les trouve ici. »

(1) Tous les noms des patients ont été modifiés dans cet article.

IMMERSION Le Centre hospitalier de la Côte basque, grand vaisseau aux 3 000 employés et 1 200 lits est en pleine restructuration. Pendant sept semaines, tous les lundis, « Sud Ouest » pose son regard sur quelques aspects de sa vie. Aujourd'hui, la psychiatrie.

Bayonne · Pyrénées-Atlantiques


dimanche 13 février 2011

Critique"Leçons sur la volonté de savoir. Cours au Collège de France, 1970-1971", de Michel Foucault : Michel Foucault en toute liberté

LE MONDE DES LIVRES


Alors que paraissent ses premiers cours au Collège de France, plusieurs ouvrages permettent de réévaluer le legs de celui qui est aujourd'hui le philosophe le plus lu et le plus commenté de la deuxième moitié du XXe siècle. L'occasion pour son compagnon Daniel Defert de rappeler que "les pistes qu'il explorait étaient interprétables selon des idéologies conflictuelles
" et qu'aucune lecture univoque ne saurait épuiser la richesse d'une telle œuvre.


Considéré comme un extrémiste pour sa défense des minorités et des exclus, attaqué par les historiens qui le jugeaient trop philosophe et par les philosophes qui le trouvaient trop historien, accusé d'avoir soutenu la révolution islamique en Iran en 1979, voué aux gémonies par des puritains fous qui virent en lui un assassin transmettant le sida, Michel Foucault est aujourd'hui, plus de vingt-cinq ans après sa mort, le penseur de la deuxième moitié du XXe siècle le plus lu et le plus commenté dans le monde, autant par les spécialistes des études culturelles et les tenants du libéralisme que par les post-marxistes et les théoriciens de la littérature, de l'art et de l'histoire des sciences. Aucune lecture univoque ne saurait épuiser la richesse d'une telle œuvre.

Proche de la deuxième gauche, Foucault a laissé un immense héritage conceptuel, permettant une nouvelle approche universelle de la sexualité, de la folie, de la médecine, de la psychopathologie, de la philosophie et des grands savoirs institués : science, économie, politique, droit. Il est mort trop tôt pour avoir le temps d'aborder tous les thèmes qui le hantaient. Du coup, le rassemblement des textes et entretiens (Dits et écrits, Gallimard, 1994) et l'établissement des cours qu'il donna au Collège de France, de 1970 à 1984, qui s'ajoutent à des ouvrages classiques somptueusement écrits, n'en sont que plus fascinants : on y trouve pêle-mêle toutes les formes d'une pensée en perpétuelle effervescence.

En 1970-1971, pour la première année de son cours au Collège de France - ces Leçons sur la volonté de savoir qui paraissent aujourd'hui et annoncent l'ensemble à venir -, Foucault décide de montrer, à travers un commentaire des grands textes de la Grèce ancienne (Hésiode, Aristote, Homère, Sophocle, les Sophistes), éclairés par Kant, Spinoza et Nietzsche, comment chaque époque produit des discours visant à départager le vrai et le faux, le juste et l'injuste, le pur et l'impur. En un mot, il s'agit pour lui de mettre en évidence comment, derrière l'ordre apparent des mots et des choses, se constituent des énoncés transgressifs : désordres, rituels, césures, failles.

Ainsi s'affrontent sans cesse plusieurs types de savoirs, entre volonté de souveraineté et désir de vérité : haute autorité monarchique de l'Un, d'une part, disparité engendrée par la négation de toute unité, de l'autre.

Au cœur de ces Leçons, Foucault consacre un chapitre entier à la pièce de Sophocle, Œdipe roi, qui témoigne, selon lui, et de façon emblématique, d'un moment originel d'affrontement, pour la pensée occidentale, de tous les types de savoirs. Il donnera six variantes de ce commentaire, après la conférence du 12 mars 1971, "Le savoir d'Œdipe", ajoutée ici par l'éditeur dans ce volume programmatique.

Pour éviter que ne se réalise l'oracle d'Apollon, qui lui avait prédit qu'il serait tué par son fils, Laïos, époux de Jocaste et descendant de la famille des Labdacides, remet son nouveau-né à un serviteur après lui avoir percé les pieds. Au lieu de le conduire au mont Cithéron, celui-ci le confie à un berger qui le donne à Polybe, roi de Corinthe sans descendance. Parvenu à l'âge adulte, Œdipe, croyant fuir l'oracle, se rend à Thèbes. Sur le chemin, il croise Laïos et le tue au cours d'une rixe. Il résout l'énigme de la Sphinge puis épouse Jocaste qu'il n'aime ni ne désire et dont il aura quatre enfants. Quand la peste s'abat sur la cité, il enquête pour savoir la vérité que Tirésias, le devin aveugle, connaît. Un messager, l'ancien serviteur, lui annonce la mort de Polybe mais lui raconte aussi comment il l'a recueilli autrefois des mains du berger. Jocaste se pend et Œdipe se crève les yeux.

Pour les Grecs, Œdipe est un héros tragique atteint de démesure. Il se croit puissant par son savoir et sa sagesse mais il est contraint de se découvrir autre que lui-même, une souillure qui trouble l'ordre des générations, un "boiteux", fils et époux de sa mère, père et frère de ses enfants, assassin de son géniteur.

Lorsque Freud s'empare de cette affaire en 1896, il détourne la signification grecque de la tragédie pour faire d'Œdipe un héros coupable de désirer inconsciemment sa mère au point de vouloir tuer son père, liant ainsi la psychanalyse au destin de la famille bourgeoise moderne : destitution du père par les fils, volonté d'une fusion avec la mère, comme figure première de tous les attachements affectifs.

Critiquant cette réinvention freudienne, Foucault affirme que la tragédie œdipienne met en scène l'affrontement entre différents types de savoirs : procédure judiciaire de l'enquête, loi divinatoire, souveraineté transgressive, savoir des hommes d'en-bas (le messager, le berger), connaissance vraie du devin. Et il en tire la conclusion qu'il s'agit là d'un schème fondateur : tout savoir unificateur peut être battu en brèche par le savoir d'un peuple et par celui du sage (Tirésias). En devenant impur, Œdipe perd le savoir sur la vérité, il ne peut plus gouverner : "Œdipe ne raconte pas la vérité de nos instincts et de notre désir, affirme Foucault, mais un système de contrainte auquel obéit, depuis la Grèce, le discours de vérité dans les société occidentales."

On voit donc ici de quelle manière Foucault se confronte au discours psychanalytique, dont il fait un moment de la constitution d'un nouveau savoir sur l'homme. Et c'est pourquoi, en 1976, dans La Volonté de savoir, premier volume d'une Histoire de la sexualité, dont le titre est emprunté à ce premier cours, il transformera Freud en une sorte d'Œdipe réinstituant le pouvoir symbolique d'une souveraineté perdue (la loi du père) mais affrontant la montée en puissance des trois figures rebelles de la femme hystérique, de l'enfant masturbateur et de l'homosexuel. Manière de penser les fondements d'une histoire de la psychanalyse.

Mais, au-delà de cette confrontation, ce superbe commentaire d'Œdipe traduit la conception politique de Foucault. Loin de tout anti-humanisme - terme dont il avait horreur -, il fait de la liaison entre le savoir du sage et celui de la société civile la condition de l'émergence d'un véritable discours démocratique capable de renverser les souverainetés archaïques.

L'établissement du cours par Daniel Defert à partir de notes manuscrites, sa présentation, la bibliographie et les index - dont un des termes grecs - sont parfaits. Voilà donc une belle restitution de la parole foucaldienne, à travers laquelle on a l'impression d'entendre la voix métallique du philosophe s'adressant à la foule de ses auditeurs, sans le moindre effet oratoire, avec parfois ses deux mains posées le long de son visage.

LEÇONS SUR LA VOLONTÉ DE SAVOIR. COURS AU COLLÈGE DE FRANCE, 1970-1971, suivi de "Le savoir d'Œdipe" de Michel Foucault. Edition établie sous la direction de François Ewald, Alexandro Fontana et Daniel Defert. Gallimard/Seuil, "Hautes études", 318 p., 23 €.

Un Cahier de L'Herne consacré à Michel Foucault paraîtra le 2 mars.


Elisabeth Roudinesco

samedi 12 février 2011

"Foucault va au cinéma", de Patrice Maniglier et Dork Zabunyan : quand le philosophe fait son cinéma

LE MONDE DES LIVRES
Critique

10.02.11

Dans Ce qu'aimer veut dire (POL, voir "Le Monde des livres" du 7 janvier), où il raconte son amitié avec Foucault, Mathieu Lindon évoque la petite bande de copains qui avait l'habitude de se retrouver dans l'appartement parisien du philosophe, au début des années 1980. L'écrivain y utilise souvent le mot "séance" pour décrire une sociabilité fondée sur la consommation simultanée de drogue et de films. Pendant leurs "trips" d'acide, en effet, Foucault et ses fidèles regardaient Citizen Kane ou un épisode des Marx Brothers. C'était toute une organisation, qui entraînait parfois quelques complications : "On a juste commis l'erreur de ne pas avoir installé l'écran et, surtout, le projecteur et la première bobine avant la projection qui a lieu à l'autre bout de l'appartement, écrit Lindon, (...) ça met un temps fou, notre état nous rendant peu aptes à ce genre de manipulations techniques."

Que le cinéma puisse faire tourner la tête, ou du moins qu'il soit apte à bousculer notre existence, et même à y faire surgir des questions vertigineuses, cela relevait de l'évidence pour Foucault. Du reste, sans avoir jamais bâti une véritable "théorie" de l'expérience filmique, les textes qu'il lui a consacrés ont beaucoup nourri la critique et la pratique du septième art. Dans un bref essai intitulé Foucault va au cinéma, Patrice Maniglier et Dork Zabunyan méditent cette rencontre du producteur de concepts avec l'image en mouvement. Leur livre est rédigé d'une plume solide, claire, enthousiaste. A l'instant de le refermer, on voudrait pouvoir se réfugier dans une salle obscure avec, pour tout viatique, une lampe de poche et les oeuvres de Foucault.

La démarche des deux jeunes philosophes ne relève pourtant pas de ce que l'on nomme désormais la ciné-philosophie. Loin d'envisager le cinéma comme un support qui viendrait simplement porter la philosophie à l'écran, les auteurs le définissent comme "un partenaire, un rival, une inspiration, où s'expérimente ce que veut dire, concrètement, penser autrement". Ici, l'effort consiste donc à repérer "les relais, voire les courts-circuits qui peuvent exister entre la production cinématographique et les livres de Foucault", comme le souligne Dork Zabunyan.

A cette fin, les auteurs étudient le fonctionnement de plusieurs films : non seulement Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère, de René Allio (1976), directement inspiré de l'ouvrage éponyme de Foucault, mais aussi Nuit et brouillard, d'Alain Resnais (1955), ou Hitler, un film d'Allemagne, de Hans-Jürgen Syberberg (1977). A chaque fois, il ne s'agit pas de constater que ces films illustrent les thèses de Foucault sur la sexualité, la folie ou le pouvoir, mais de montrer que cet art se confronte aux mêmes problèmes et les explore selon ses propres modalités.

Parmi ces problèmes proprement métaphysiques, les auteurs insistent sur notre rapport au temps, notre façon de distinguer passé et présent, bref sur notre manière de vivre l'histoire. Au fond, écrit Patrice Maniglier, la pensée de Foucault et la pratique du cinéma posent une seule et même question : qu'est-ce qu'un événement ?

L'une comme l'autre opèrent un même pas de côté, ou plutôt un même décadrage par rapport aux repères établis : elles ont en commun de chercher un devenir alternatif, plein de ruptures et de discontinuités, irréductible au temps des chronologies ; elles partent en quête d'un rapport non légendaire au passé, qui ferait de l'histoire tout autre chose qu'un savoir figé : un outil critique à l'égard du présent.

FOUCAULT VA AU CINÉMA de Patrice Maniglier et Dork Zabunyan. Bayard, "Logique des images", 168 p., 21 €.

Signalons que la parution de ce livre s'accompagne d'une programmation spéciale à la Villa Arson de Nice. Jusqu'au mois d'avril, une cinquantaine de films y seront projetés afin de montrer comment les questions posées par Foucault peuvent se trouver explorées au cinéma. Tél. : 04-97-03-01-15. Sur le Web : Villa-arson.org.



« Hallucinantes » révélations sur Chopin

Mozart mort à 35 ans, Schubert à 31, Mendelssohn à 38, Schumann à 46, Arriaga à 21... Génie musical et longévité ne font pas forcément bon ménage. Chopin en est un autre exemple, fauché dans la fleur de l’âge, à 38 ans, non pas de tuberculose comme on le croyait jusqu’à présent mais, selon des chercheurs polonais, d’une fibrose kystique, maladie génétique qui atteint les poumons. Hypothèse qui n’a pu être étayée cependant, le gouvernement polonais refusant qu’on fasse un test ADN sur le cœur du compositeur, conservé à Varsovie. Mais ce n’est pas tout, d’autres chercheurs, espagnols, cette fois-ci, appartenant au service de radiologie et de neurologie de l’hôpital de Lugo ont cherché à comprendre l’origine des hallucinations dont souffrait le compagnon de George Sand à travers justement les témoignages de celle-ci.

« Je vis émerger du piano ces créatures maudites »

Dans leurs travaux publiés dans Medical Humanities, un des titres du groupe BMJ, les deux neurologues rapportent plusieurs exemples des hallucinations dont fut victime Chopin. Ainsi, dans une lettre à la fille de George Sand, le compositeur rapporte qu’au cours d’un concert privé à Manchester, alors même qu’il interprétait sa Sonate en si mineur, il fut contraint d’abandonner précipitamment son instrument : « Je vis émerger du piano ces créatures maudites apparues déjà par une nuit lugubre dans un monastère ». George Sand avait déjà raconté dix ans avant cet épisode que le cloître du monastère de Majorque « était pour lui plein de terreurs et de fantômes » et qu’une autre fois, toujours aux Baléares, alors qu’il pleuvait fort et qu’ils se promenaient, Chopin s’était mis à confondre rêve et réalité, se voyant « noyé dans un lac », persuadé qu’il était « d’être mort lui-même ». Parfois, encore, des fantômes l’appelaient ou l’étreignaient quand ce n’est pas la mort qui frappait à sa porte...

Dans leur étude, les chercheurs espagnols notent que Chopin se souvenait parfaitement de ses hallucinations qui survenaient en général le soir et qu’elles coïncidaient à des épisodes de fièvre ou d’infection aiguë. Dans ces hallucinations visuelles, l’image de la mort revenait souvent. Autant d’éléments qui font penser aux chercheurs de Lugo que Chopin soufrait dune épilepsie, focalisée sur le lobe temporal. En effet, ce type d’épilepsies produit des hallucinations visuelles brèves et fragmentaires, s’accompagnant d’un sentiment d’angoisse intense, « exactement comme celles dont Chopin disait souffrir », conclut Manuel Vazquez Caruncho et Francisco Branas Fernandez.
L’ARS Ile-de-France met le cap sur le médico-social

L'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France a annoncé mardi qu'elle engagerait près de 125 millions d'euros supplémentaires sur trois ans pour permettre la création de plus de 6.000 places dans le secteur médico-social (accueil des personnes âgées et handicapées). «44,9 millions seront dédiés aux établissements et services en faveur des personnes âgées dépendantes et 79,2 M seront alloués aux structures et services en faveur des personnes handicapées», a indiqué l'ARS dans un communiqué, précisant qu’un «effort plus particulier sera déployé pour la Seine-Saint-Denis et pour Paris.»




Nos gènes lisent-ils le DSM ?

C’est pratiquement devenu un lieu commun de dire que l’autisme « relève des troubles psychiatriques ayant la plus forte connotation d’hérédité » rappelle l’éditorialiste de The American Journal of Psychiatry. Pourtant, les recherches permettant de corroborer cette thèse courante restent confinées à « une poignée » d’études sur des jumeaux et à des échantillons de population généralement réduits. De surcroît, alors que plusieurs études ont déjà éclairé l’aspect génétique dans certaines affections psychiatriques chez l’adulte (troubles anxieux, dépressions, addictions et, plus récemment, troubles de la personnalité), il existe moins de travaux comparables sur la composante génétique en pédopsychiatrie.

Autre constat : nos modèles (patterns) étayant la susceptibilité génétique  (inhérente à certains troubles psychiatriques) ne s’identifient pas aux catégories du DSM actuelles. L’auteur résume ce fait en des termes pittoresques : « Nos gènes ne semblent ni avoir lu le DSM-IV, ni respecté particulièrement les catégories diagnostiques que ce manuel a établies ! » Cette présentation sarcastique souligne les limitations de nos schémas physiopathologiques et nosographiques : malgré leur pertinence éventuelle, ceux-ci ne restent que des approches parcellaires pour cerner la complexité des situations réelles. Dans l’exemple des « troubles du spectre autistique » (TSA, selon l’expression consacrée en anglais, pour autism spectrum disorders), la problématique révèle une « forte connotation héréditaire » (highly heritable), mais partage cette susceptibilité génétique avec plusieurs autres affections pédopsychiatriques : TDAH[1], tics, troubles de l’apprentissage, etc. Par exemple, presque 75 % des facteurs de risque génétique relatifs aux TSA sont partagés avec le TDAH. Et dans les fratries officiellement « non touchées » des sujets avec autisme, environ 9 % de leurs proches présentent toutefois des antécédents de retard de langage ou de traits autistiques.

Si nos gènes ne se conforment pas à notre nosographie, celle-ci devra donc, tôt ou tard, se conformer aux réalités génétiques.

[1] Troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité
Dr Alain Cohen

Kendler KS : Advances in our understanding of genetic risk factors for autism spectrum disorders. Am J Psychiatry 2010 ; 167-11 :1291–1293.
Publié le 28/01/2011
Inégalité de fréquence des maladies mentales, reflet des inégalités sociales

Des études ont montré qu’une répartition équitable des revenus dans un pays est corrélée de manière directe avec des indicateurs comme l’indice de confiance ou l’état de santé, et de façon inverse avec le taux de violence. En particulier, rappellent les éditorialistes du British Journal of Psychiatry, « les maladies mentales sont plus fréquentes dans les sociétés plus inégalitaires. » Dans une société basée sur la concurrence, expliquent-ils, cette association reflète la « sensibilité humaine aux relations sociales et à l’impact de la différence des revenus sur la hiérarchie sociale. »

Et cette vulnérabilité aux inégalités socio-économiques touche aussi l’Europe : au Royaume-Uni, le fardeau des troubles psychiatriques (burden of mental health problems) est ainsi très élevé, puisqu’on estime qu’« un million d’enfants (soit 10 % des jeunes britanniques entre 5 et 16 ans) souffrent d’une maladie mentale. » Aperçu : dans un établissement secondaire, sur 1 000 élèves, 50 souffrent d’une dépression sévère, 100 sont « en détresse » (distressed), 15 présentent un trouble obsessionnel compulsif, et 5 à 10 % (surtout des filles) un trouble des conduites alimentaires. Et cela ne s’arrange pas avec l’âge : « Au Royaume-Uni, une enquête menée en l’an 2000 a montré que 23 % des adultes ont souffert d’une affection psychiatrique au cours des douze mois précédents », 4 % connaissant même « plus d’un trouble. » Constat identique aux États-Unis : « Un Américain sur quatre est concerné par une problématique psychiatrique dans l’année écoulée et, au cours de leur vie, plus de la moitié des adultes éprouvent une maladie mentale. »

Selon des données collectées par l’OMS [1], cette association observée entre les inégalités sociales et la fréquence des maladies mentales concerne les pays riches, sauf l’Italie qui se distingue par « un niveau de troubles psychiatriques plus faible que celui attendu en fonction de ses inégalités de revenus. » Doit-on y voir une conséquence de sa fameuse loi 180 [2] , un hasard heureux, ou l’effet d’une exception culturelle (ou autre) ?

[1] http://www.hcp.med.harvard.edu/wmh/
[2] http://italie.alliance-psychiatrie.com/
Dr Alain Cohen

Pickett KE et Wilkinson RG : Inequality: an underacknowledged source
of mental illness and distress. Br J Psychiatry 2010; 197: 426-428.

Publié le 01/02/2011

Les  Livres de Psychanalyse

Mort et travail de pensée. Points de vue théoriques et expériences cliniques
François Pommier et Régine Scelles


Février 2011 – Erès – Coll. La Carnet psy

Tout deuil sollicite le sujet et ses liens aux autres et lui rappelle douloureusement son ontologique dépendance à l'autre.
La perte d'un être cher est transformée par la pensée afin que l'espace qu'a occupé l'absent soit modifié ; faute de pouvoir remplacer l'autre, on le recrée. La création, le travail de pensée que suscite la confrontation à la mort sont évoqués dans ce livre comme ce qui permet au sujet de ne pas mettre en jeu le travail impossible qui viserait à recréer « comme avant », comme si la perte n'avait pas eu lieu, mais permet de devenir « comme après » : reconstruire plutôt que reconstituer.
Les auteurs proposent à la réflexion des dispositifs d'aide qui peuvent être mis en place lors de la perte réelle d'un être cher mais également lorsque les deuils non faits, non terminés resurgissent sur une autre scène, dans une temporalité décalée.


Psychanalyse et Non-Psychanalyse
Psychanalyse théorique / Théorie de la psychanalyse
15 janvier 2011

Que peut la psychanalyse pour les pratiques sociales ?

On peut voir les sciences humaines se donner couramment des "airs" psychanalytiques dans la mesure où, bien souvent, elles utilisent la thèse d'un "inconscient structuré comme un langage" sans toujours reconnaître leur dette à l'égard de la doctrine analytique. Hypothèse : l'"analycité" serait la condition de possibilité des sciences humaines comme le langage est la condition de l'inconscient. Par-delà les prétentions objectivistes (plus ou moins légitimes, ce n'est pas notre problème) de la sociologie et des sciences sociales en général, par-delà l'écriture ambiguë de l'Histoire "entre science et fiction", il reste à établir la dette contractée par les "pratiques sociales" à l'endroit de la psychanalyse, d'autant qu'elles sont directement confrontées à la réalité éthique et politique du sujet. Ces pratiques d'aide sociale, d'éducation, de formation, etc., se fondent toutes sur une forme de transfert mais ne peuvent ni en produire la théorie, ni évidemment se contenter d'importer la technique inventée par Freud (l'association libre et son écoute flottante) dans le cadre de la pratique analytique. Comme la cure, elles font intervenir acte et structure (de langage) mais sans viser les mêmes finalités puisqu'elles ne s'adressent pas au "même" : l'une parle exclusivement au sujet en tant que tel, alors que les autres ont affaire à l'individu socialement aliéné, soit l'assujet.

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vendredi 11 février 2011

Comment traiter la mauvaise observance thérapeutique en psychiatrie ?

Accroître l’efficacité des traitements anti-psychotiques, diminuer de façon significative les rechutes, prolonger les rémissions, améliorer la socialisation, réduire sensiblement le fardeau des dépenses de santé, et les conséquences violentes de ces affections : agressivité, suicide… Si cette utopie médicale devenait réalité : « nous penserions qu’il s’agit d’une percée miraculeuse, digne d’un Prix Nobel, ou d’une nouvelle incroyable » écrit l’éditorialiste du British Journal of Psychiatry. Alors que l’on aurait « simplement » obtenu une meilleure adhésion du psychotique à son traitement.

L’auteur commente en effet une étude hollandaise récente [1], montrant l’impact décisif d’une meilleure observance, à la fois sur la réduction de la symptomatologie (appréciée autant par le malade lui-même que par un observateur) et sur le risque de réadmission ultérieure en milieu hospitalier. Cet « effet puissant » des médicaments psychotropes sur la prévention des rechutes critiques et des hospitalisations constitue d’ailleurs un bon argument pour convaincre les intéressés de poursuivre leur traitement, même lorsqu’ils ne perçoivent pas toujours un mieux-être appréciable au quotidien. Malgré une difficulté intrinsèque dans les essais thérapeutiques sur ce thème (à savoir que les sujets peu enclins à suivre leur traitement ne consentiront pas non plus à participer à ces études, de sorte qu’ils se détournent ainsi de travaux dont ils pourraient être les premiers bénéficiaires !), une telle recherche confirme la pertinence d’une approche psychothérapeutique visant à augmenter l’observance.

Ce type d’intervention (Treatment Adherence Therapy, TAT) représente pour l’auteur une « innovation » importante dans le suivi des patients psychotiques, mais sa portée concrète demeure limitée par le déni des troubles chez les patients et /ou la méconnaissance du bénéfice thérapeutique des médicaments prescrits. Il faut donc poursuivre la recherche du « meilleur format » de ces thérapies promouvant l’observance, guidé par ce que l’auteur appelle « la sagesse » (wisdom), autrement dit par le bon sens du clinicien.

[1] A.B.P Staring & coll. : « Treatment adherence therapy in people with psychotic disorders » : randomised controlled trial » Br J Psychiatry 2010 ; 197-12 : 448–455.
Dr Alain Cohen

David AS : Treatment adherence in psychoses. Br J Psychiatry 2010 ; 197 : 431-432.Publié le 10/02/2011 

Haut les flingues !

Décidément, certaines recherches ne peuvent provenir que du pays de l’Oncle Sam ! Sous prétexte de permettre la « défense de la Constitution » (Second amendement) [1], on sait en effet que les États-Unis ont une politique très laxiste en matière d’armes à feu. Et la conjonction explosive de ce cadre complaisant avec la psychopathologie conduit immanquablement à une prolifération des homicides et des suicides par armes à feu !

The American Journal of Psychiatry propose une étude apportant une information nouvelle : dans cette atmosphère de violence, liée à la possession banalisée d’un « flingue », le risque de suicide par arme à feu est aussi fonction de… l’altitude de l’état ! Au passage, notons que les données sur l’altitude des lieux émanent notamment de la célèbre NASA, une institution rarement évoquée dans les publications psychiatriques !

Une réserve doit être faite toutefois, à propos des données sur la possession des armes à feu, car la législation des États-Unis n’impose pas à leurs détenteurs une déclaration obligatoire (en 2008, la Cour Suprême a même invalidé une loi du District de Columbia imposant cette déclaration à Washington et a réaffirmé « le droit de chaque Américain à posséder une arme »). Par conséquent, la fiabilité des statistiques sur la possession des armes à feu n’est pas assurée, faute de fichier central, et il s’agit au mieux d’estimations réalistes. Néanmoins, on observe une « corrélation positive entre le taux de suicide (après ajustement pour l’âge) et l’altitude de la région » (county elevation).

Cette corrélation positive entre le niveau d’autolyse et l’altitude moyenne du site est retrouvée d’ailleurs pour les suicides par arme à feu comme pour les autres formes de suicide. Selon les auteurs, cette association est indépendante des autres facteurs de risque (comme le nombre d’armes à feu ou la densité de population) et semble traduire un effet délétère propre de l’altitude : celle-ci représenterait en elle-même un facteur de risque particulier, en relation probable avec « les effets du stress métabolique [2] associé à une légère hypoxie », source chronique d’une vulnérabilité neuronale et psychique.

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxi%C3%A8me_amendement_de_la_Constitution_des_%C3%89tats-Unis
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_m%C3%A9tabolique

Dr Alain Cohen


Namkug Kim et coll. : Altitude, gun ownership, rural areas, and suicide. Am J Psychiatry 2011 ; 168-01 : 49–54.
Publié le 03/02/2011


mercredi 9 février 2011

Théâtre et psychiatrie









Prix: €12.00


Comment, à partir de l’expérience ludique du jeu théâtral, devient-il possible d’entrer en relation avec des patients psychotiques ? La scène leur permettrait de faire l’épreuve de cette chose passée qui n’a pas encore trouvé de lieu psychique, leur donnant ainsi l’occasion d’une présence, objet concret d’élaboration. Le jeu théâtral aiguillonne la pratique clinique et aide ainsi les soignants à remettre en chantier l’idée même de relation thérapeutique.

Quand le patient devient « acteur »...
Dominique Friard
Le jeu théâtral
Patricia Attigui
Théâtre et langage du corps
Anne Brun
Winnicott et le jeu
Éric Jacquet
« Le spectacle éphémère », contre le tout thérapeutique
Catherine Azzola, Jocelyne Robert, Jean Maisondieu
« L’art est la forme la plus élevée et la plus subtile de la sensualité »
Madeleine Abassade
« Mâcher ses mots... »
Vanessa Roma, Jean-Luc Sudres, Arnaud Rykner, Françoise Galinon, Régis Bernadet
« Le théâtre humanise »
Malika Kèchkèche, Max Narèce
Jouer de l’humain
Fabrice Clément, Majida Ghomari
« Le théâtre... parfois, ça soigne... »
Marc Leroy

Pour télécharger les articles, cliquer ici


Psychanalyse et création
La cure et l'œuvre
Michel LAPEYRE


« J’ai donné comme titre à mon séminaire : Psychanalyse et création, pour pouvoir prendre plutôt que donner des leçons auprès de l’art et du “poète”. C’est urgent, à mon avis, pour retrouver le sens de ce qu’est la psychanalyse. Il n’y a rien de pire que de faire de la psychanalyse un idéal de connaissance et de vie (de savoir et de jouissance) à quoi l’on sacrifie tout. Ça ne veut pas dire pourtant, au contraire, qu’il s’agit de relativiser la psychanalyse. Freud dit souvent que les acquis d’une cure peuvent se perdre (même chez et pour l’analyste). Ailleurs, il envisage que les conquêtes de la civilisation et de la culture, y compris, pourquoi pas, la psychanalyse elle-même, puissent être détruites. Alors, dit-il, nous recommencerons sur de nouvelles bases, nous reconstruirons à nouveaux frais. Vu la peine que lui a coûté la découverte de l’inconscient, vu les souffrances et les persécutions qu’il a dû subir et endurer pour la défendre, la promouvoir, la transmettre, cette remarque de Freud m’a fait réfléchir, et même pousser ma réflexion à l’extrême. »

La matière première de cet ouvrage a été fournie par les notes rédigées par Michel Lapeyre entre janvier et juin 1998 pour le séminaire de recherche qu’il dirigeait. Restituer la pensée toujours vivante de l’auteur, rendre hommage au chercheur aujourd’hui disparu : telles sont les ambitions de ce livre qui plongera le lecteur au cœur d’une réflexion passionnante sur les processus créatifs.

Michel Lapeyre (1946-2009), psychanalyste (APJL et EFPCL), a animé plusieurs séminaires de l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan. Il a dirigé pendant une dizaine d’années l’équipe de recherches Cliniques au sein de l’Université de Toulouse-le Mirail. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages dont Clinique freudienne, Au-delà du complexe d’oedipe, Le complexe d’oedipe et le complexe de castration (Anthropos) et, ultime opus en 2010, Papillonnage : lettres sur la psychanalyse(APJL).


Les grimaces de Messerschmidt
28.01.11
Le destin du sculpteur autrichien Franz-Xaver Messerschmidt (1736-1783) ressemble à celui du Greco. Après sa mort, en 1614, le peintre grec devenu espagnol s'efface des mémoires. Il ne ressuscite qu'à la fin du XIXe siècle, mais devient vite un peintre universel. Messerschmidt a été oublié un siècle et demi et n'est réapparu qu'il y a deux à trois décennies. Aujourd'hui, il est au Louvre, après Vienne et New York, et les trente œuvres exposées suscitent une forte rumeur de curiosité.

D'autres similitudes expliquent que leurs histoires soient si proches. Ils ont eu tous deux de leur vivant une réputation de bizarrerie ou de folie. Leur art n'a guère de points communs avec celui de leurs contemporains. Et surtout, ils se donnent le même but, fixer passions et sentiments à leur paroxysme, et cherchent dans la même direction, celle des déformations expressives. Greco exagère étirement et maigreur et fait de la figure le signe presque pur d'une vertu ou d'un vice.

Messerschmidt étudie la face humaine de très près dans les instants où ses muscles sont crispés par des mimiques, des grimaces, un cri, une moue. Ainsi obtient-il ce qu'il appelle des "têtes de caractère". On en compte 49, que son frère a cédées à un collectionneur en 1793. Ce dernier les montre cette année-là dans un hôpital viennois, puis les revend, toujours en un seul ensemble, hélas dispersé en 1889. Quelques-unes ne sont du reste toujours pas localisées. Ce que leur auteur a fait auparavant est assez bien connu. Né dans le Jura souabe, il étudie à l'Académie des beaux-arts de Vienne à partir de 1755, travaille pour la cour et réalise des portraits en bronze de l'impératrice Marie-Thérèse et de figures du monde intellectuel viennois, dont le médecin magnétiseur Franz-Anton Mesmer.

Professeur adjoint à l'Académie en 1769, il se voit refuser le titre de professeur en titre à l'unanimité de ses collègues en 1774, en raison de son caractère difficile. Ulcéré, il quitte Vienne après avoir liquidé ses biens, passe par Munich et s'établit en 1777 à Presbourg - Bratislava aujourd'hui -, où il meurt six ans plus tard.

Il semble qu'il commence ses têtes vers 1771 et continue à Presbourg jusqu'à sa mort, tout en exécutant des portraits pour vivre. D'après le témoignage de l'éditeur et homme de lettres berlinois Friedrich Nicolai, qui lui rend visite en 1781, il se plaignait d'hallucinations, se réclamait d'une chasteté absolue et présentait quelques signes psychopathologiques sur lesquels il est impossible de formuler un diagnostic faute d'éléments suffisants.

De l'ordre dans lequel les têtes ont été modelées, on ne sait rien. Les titres qu'elles portent aujourd'hui leur ont été donnés pour la présentation de 1793 : titres posthumes et sans valeur. On ne sait pas plus si Messerschmidt les regroupait en catégories. Tout ce qu'il est permis d'affirmer, c'est qu'elles sont en étain, en plomb, en alliage des deux métaux, ou, plus rarement, en albâtre, creusé avec une habileté prodigieuse.

Il n'y a donc qu'une solution, les examiner attentivement en tournant autour, comme la présentation le permet au Louvre. La plupart montrent un homme entre 50 ans et 60 ans, glabre, crâne rasé, nez épais fort, nuque et bouche larges, menton lourd. Sans doute ce type tient-il de l'autoportrait, puisque, selon Nicolai, Franz-Xaver Messerschmidt se pinçait et se piquait pour s'observer dans un miroir. Mais il existe quelques têtes chevelues et une coiffée d'une sorte de toque.

Dans chacune, les muscles faciaux sont contractés différemment, de sorte que la physionomie suggère un état psychique différent. Si l'hilarité ou l'ennui qui âaille se reconnaissent sans peine, d'autres attitudes sont équivoques ou indéfinissables. Mensonge ou raillerie ? Mépris ou méditation ? Fureur ou angoisse ? Si ces œuvres produisent une impression si forte, c'est parce qu'elles paraissent d'une simplicité épurée à l'extrême - pas de vêtements, pas de détails vains - et que cette épuration est bien loin de simplifier leur interprétation. Ainsi celui qui regarde se trouve-t-il renvoyé au souvenir de ses propres incertitudes devant les visages de ses semblables. Qu'y lire ? Quel caractère deviner à travers leurs traits ? Le plus souvent, on n'en sait rien.

Le traité de Johann Kaspar Lavater, L'Art de connaître les hommes par la physionomie, qui a fondé la science nommée physiognomonie, a paru entre 1775 et 1778, quand Messerschmidt se mettait au travail. Ce livre, très populaire, a inspiré tout le XIXe siècle, de Balzac jusqu'à l'invention de la photographie judiciaire. Des décennies plus tard, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés en la matière, et les têtes de Franz-Xaver Messerschmidt continuent à poser leurs énigmes sans réponses.

"Franz-Xaver Messerschmidt (1736-1783)". Musée du Louvre
, Paris 1er. Louvre.fr. Du mercredi au lundi de 9 heures à 18 heures, mercredi et vendredi jusqu'à 22 heures. Entrée : 10 €. Jusqu'au 25 avril.
Philippe Dagen


L’USP dit NON ! au fichage social en psychiatrie

Dans un communiqué daté du 31 janvier 2011, l’Union Syndicale de la Psychiatrie dénonce l’usage illégal par l’Etat du Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (RIMP), et annonce qu’elle saisit la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Dans l’espoir que cette saisine constitue un coup d’arrêt à l’avancée du fichage en psychiatrie...
6 février 2011

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Un tiers des personnels de la Sécu était en grève mardi

Un appel à la grève dans les organismes de sécurité sociale a été suivi mardi par quelque 33 % des personnels, pour appuyer notamment des revendications salariales. À Paris, entre 1 900 personnes (selon la Préfecture de police) et 5 000 personnes (selon les syndicats) ont manifesté depuis la place de la Nation jusqu'au siège de l'Ucanss (Union des caisses nationales de Sécurité sociale). Les syndicats ont déploré des violences des forces de l'ordre contre des manifestants, alors qu'une délégation était reçue par l'Ucanss. L'appel à la grève avait été lancé par une intersyndicale comprenant notamment les fédérations nationales CGT, FO, CFTC et CFE-CGC des caisses d'assurance maladie, de retraite, d'allocations familiales et de l'Acoss. Leurs revendications portent sur une revalorisation salariale, mais aussi sur l'arrêt des suppressions de postes. « Il y a eu plus de 9 000 suppressions depuis 2003 et environ 6 000 sont déjà prévues pour les prochaines années » a déploré Dominique Didier, de la fédération des organismes sociaux CGT. Les organismes de Sécurité sociale emploient environ 160 000 personnes. Une réunion paritaire sur les salaires a été fixée au 15 février. Les syndicats ont prévu d'appeler à une nouvelle journée de mobilisation à cette occasion.
660 médecins s'opposent aux chambres individuelles payantes à l'AP-HP

660 médecins ont signé une lettre ouverte à la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour s'opposer à l'expérimentation de facturer aux patients les chambres individuelles, a annoncé le Mouvement de défense de l'hôpital public (MDHP). Les signataires, parmi lesquels des grands noms des hôpitaux publics parisiens et le député UMP Bernard Debré (lui-même urologue), dénoncent « cette séparation en chambres, 1ère classe, payantes et chambres, 2e classe, non payantes ». Ils estiment que « le fait de disposer d'une chambre à un lit lorsqu'on est malade paraît de nos jours indissociable de la qualité de vie exigible à l'hôpital ». Les médecins signataires soulignent que contrairement à cette décision, ils attendaient au contraire de la nouvelle directrice générale Mireille Faugère « la poursuite des suppressions des chambres à plusieurs lits, qui achèverait l'humanisation des hôpitaux commencée il y a 40 ans avec la suppression des salles communes ». Depuis le 1er février, les patients hospitalisés à Bichat, Beaujon et Bretonneau, au nord de Paris, à la Pitié-Salpetrière au sud et à Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis), doivent acquitter 45 euros par jour s'ils désirent une chambre individuelle. « L’expérimentation que l'AP-HP va engager (...) doit lui permettre d’évaluer concrètement l’impact de ce dispositif pour ses patients avant d’envisager sa généralisation », avait indiqué le 19 janvier la direction de l'AP-HP. « Ces dispositions ne s’appliquent évidemment pas aux patients nécessitant une hospitalisation en chambre individuelle pour raisons médicales », de même qu'aux bénéficiaires de la CMU (couverture médicale universelle) et de l'AME (aide médicale d'Etat), avait-elle alors précisé. Les patients peuvent se faire rembourser s'ils disposent d'une mutuelle. Dans les autres régions françaises, certains CHU facturent déjà aux patients les chambres individuelles.
AFP
07.02.11





Le premier "bébé-médicament" français est né
07.02.11








Le professeur René Frydman dans son bureau
de l'hôpital Béclère à Paris, en novembre 2010.
AFP/FRED DUFOUR


Le premier "bébé-médicament" en France, qui permettra de soigner l'un de ses aînés pour lequel il est un donneur compatible, a vu le jour à l'hôpital Antoine-Béclère à Clamart (Hauts-de-Seine), ont annoncé les professeurs René Frydman et Arnold Munnich.

Indemne d'une grave maladie dont souffrent ses aînés, la bêta-thalassémie, le petit garçon, né le 26 janvier, permettra de soigner l'un d'eux, pour lequel il est un donneur compatible. La bêta-thalassémie, dont il existe des variantes plus ou moins sévères, est une maladie due à un gène commandant la production d'un composant essentiel de l'hémoglobine qui transporte l'oxygène dans les globules rouges.

Le petit Umut-Talha (en turc "notre espoir"), qui pesait 3,650 kg à sa naissance, est "en très bonne santé", a indiqué le professeur Frydman. Les parents, d'origine turque et âgés d'une trentaine d'années, et leur enfant sont rentrés chez eux, dans le sud de la France.

UN "BÉBÉ DU DOUBLE ESPOIR" SÉLECTIONNÉ APRÈS FIV

Ce bébé-médicament, que les spécialistes appellent "bébé du double espoir", est né par fécondation in vitro après un double diagnostic génétique pré-implantatoire permettant le choix des embryons. Cette procédure de double diagnostic a permis de s'assurer d'une part que l'enfant était indemne de la grave maladie génétique dont souffrent les premiers enfants de la famille, mais aussi qu'il pouvait être donneur compatible avec l'un de ses aînés malades. Cette compatibilité tissulaire permet d'envisager ultérieurement une greffe de sang du cordon ombilical qui a été prélevé après sa naissance, afin de soigner un de ses aînés.

Des naissances de "bébé-docteurs" ont déjà eu lieu dans le monde, mais c'est la première fois en France. Les Etats-Unis ont commencé il y a une dizaine d'années, et quelques naissances ont été signalées plus récemment en Europe, en Belgique et en Espagne. La loi française de bioéthique de 2004 et ses décrets d'application, parus en décembre 2006, autorisent cette pratique après accord de l'Agence de la biomédecine, d'où "cette première naissance HLA compatible", fruit de la collaboration des équipes médicales et biologiques de l'hôpital Necker et de l'hôpital Antoine-Béclère.

En Espagne, le premier bébé-médicament, Javier, né en octobre 2008, a permis grâce au sang de son cordon ombilical de guérir son aîné Andrés, souffrant également d'une bêta-thalassémie majeure. Andrés n'a plus besoin des transfusions sanguines, auparavant nécessaires pour le maintenir en vie, précisaient ses médecins.

René Frydman, gynécologue, chef de service à l'Hôpital Antoine-Béclère à Clamart

"Il n'y a rien d'eugénique dans la naissance du bébé-médicament"
08.02.11

L'annonce de la naissance du premier "bébé-médicament", dans la nuit du lundi 7 février, a déclenché une importante vague de réactions. Le professeur René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Antoine-Béclère et "père scientifique" de cet enfant, revient sur cette naissance particulière et les enjeux qu'elle soulève, le tout sur fond d'examen du projet de loi sur la bioéthique à l'Assemblée.

Comment a été conçu ce premier "bébé du double espoir" ?

Lorsque ce jeune couple est venu vers nous, il avait déjà deux enfants atteints de la bêta-thalassémie [une maladie due à un gène commandant la production d'un composant essentiel de l'hémoglobine, qui permet de transporter l'oxygène]. Les parents, qui n'ont pas de problème de fertilité, désiraient que leur troisième enfant soit épargné par cette grave maladie.

Nous avons donc procédé à une fécondation in vitro pour six embryons. Deux d'entre eux avaient des gènes sains, dont un était en plus compatible avec le sang de la cadette de la fratrie. Les parents ont souhaité que les deux embryons soient implantés, sans être certains que l'enfant à naître pourrait guérir leur fille [en pratiquant une greffe de cellules-souches présentes dans le sang du cordon ombilical qui a été prélevé].

Etait-il nécessaire de mettre au monde cet enfant pour guérir sa sœur ? Un simple don de cellules-souches n'était-il pas envisageable ?

Théoriquement, oui. Mais il faut savoir que toutes ces demandes ont d'abord été examinées par l'agence de biomédecine. Une recherche de sang compatible a été effectuée, et il était également nécessaire d'établir que l'enfant avait réellement besoin d'une transfusion, puisque certaines maladies génétiques peuvent être moins prononcées. Ces deux critères étant réunis, nous avons pu procéder à la fécondation.

Est-on sûr de pouvoir guérir la sœur grâce à cette méthode ?

Non, comme toutes les interventions, nous ne sommes sûrs de rien. Il y a 90 % de chances de réussite de la greffe, mais cela n'est pas garanti.

Ce matin, Mgr André Vingt-Trois et Christine Boutin ont critiqué cette démarche, évoquant "une instrumentalisation de l'être humain au service des autres" ou encore une philosophie "eugéniste". Que souhaiteriez-vous leur répondre ?

Je crois qu'il faudrait sortir des dogmes, et regarder la vie. Je ne vois pas dans cette histoire où se situe l'instrumentalisation. Je tiens à rappeler que le couple désirait un enfant, certes sain, mais sans garantie de compatibilité avec leur fille.

L'enfant qui vient de naître n'a été altéré ni dans son psychisme, ni dans son physique. Nous avons effectué un prélèvement sur le placenta. Jusqu'à preuve du contraire, le placenta n'est pas la personne !

Le diagnostic préimplantatoire a révélé que l'enfant était sain. Nous n'allions pas remettre à ce couple, qui a déjà deux enfants malades, un troisième embryon atteint par la bêta-thalassémie ! Nous ne sommes pas sadiques à ce point !

Nous acceptons simplement le principe selon lequel tout ce qui vient de la nature n'est pas bon. Notre rôle de médecins est d'éviter que le destin génétique s'abatte sans que le couple ait eu le choix.

Ce nouvel enfant, Umut-Talha – en turc "notre espoir"– a été mis au monde il y a près de deux semaines. Avez-vous attendu que le projet de loi sur la bioéthique soit débattu à l'Assemblée nationale pour annoncer sa naissance ?

Pas du tout. Nous avions besoin d'être certains de deux choses : que tout allait bien pour l'enfant, notamment du point de vue tissulaire, mais également que la quantité de sang prélevée sur le placenta était suffisante.

Quelle est votre opinion à propos de ce projet de loi ?

Je pense que si l'on désire obtenir des résultats, il faut travailler, innover, et faire de la recherche. Il nous a par exemple fallu trois ans de combat et de lobbying pour obtenir de pouvoir congeler des ovules. Auparavant, cela était assimilé à de la recherche sur les embryons. La France, qui grouille pourtant d'hommes et de femmes de talents, arrive dix ans après les autres concernant le "bébé du double espoir".

Je trouve que le blocage auquel on assiste aujourd'hui est encore plus pesant qu'il y a vingt ans. J'ai le sentiment qu'une chape de plomb s'abat sur la pensée. Ce n'est pas logique, d'autant que nous avons mis en place un certain nombre de garde-fous.

Chaque semaine depuis trente ans, j'entends parler de risques de dérives. Nous n'en avons pas connu, grâce à notre système d'encadrement, mais celui-ci est trop présent aujourd'hui. Nous pourrions l'alléger sans porter atteinte à nos principes. Il faut sortir de ce climat de suspicion. Personne n'est obligé de passer par un diagnostic préimplantatoire. Il n'y a rien d'eugénique dans cette histoire, car l'eugénisme est imposé à la population.

J'espère que la naissance d'Umut-Talha fera avancer les choses. Mais nous ne devons pas laisser un groupe religieux imposer son point de vue dans un pays qui se veut laïque, même si nous devons respecter les convictions de chacun.

Propos recueillis par Vincent Matalon



"Les Récidivistes.
Représentations et traitements de la récidive XIXe-XXIe siècle"

J.P. Allinne et M. Soula

Faut-il reprendre à son compte des catégories d’État sans en interroger la genèse et la construction, sans dépasser le langage impersonnel et neutralisant du droit, sans en analyser l’efficience et les effets ? Faut-il admettre que les « récidivistes », désignent historiquement un même groupe homogène et véhiculent les mêmes impensés, les mêmes peurs, les mêmes fantasmes depuis plus de deux siècles ? Ou faut-il poser comme point de départ à toute tentative de compréhension des objets " récidive" et "récidivistes " que ce sont des catégories juridiques historiquement situées, des construits politiques qui se sont imposés par la force du droit et qui ont perduré au prix de changements de sens masqués par l’apparente neutralité de la qualification juridique. Tentant d’ouvrir cette seconde voie, cet ouvrage se propose de redonner aux « récidivistes » une dimension historique, d’analyser la consolidation de cette catégorie au XIXème siècle et les raisons et les effets de sa permanence, dont on mesure aujourd’hui encore toute l’actualité. Fruit d’une rencontre de chercheurs issus de différentes disciplines (Histoire, Socio-histoire, Droit, Histoire du droit, Sociologie), ,Les récidivistes essaie d’éclairer la question en multipliant et confrontant les points de regard dans la perspective d’embrasser le plus largement un objet tout à la fois juridique, historique, politique et sociologique. C’est au prix (de la poursuite) d’une telle discussion interdisciplinaire que les enjeux liés à la récidive peuvent être mis à jour et par la suite analysés et éclairés.

Faut-il reprendre à son compte des catégories d’État sans en interroger la genèse et la construction, sans dépasser le langage impersonnel et neutralisant du droit, sans en analyser l’efficience et les effets ? Faut-il admettre que les « récidivistes », désignent historiquement un même groupe homogène et véhiculent les mêmes impensés, les mêmes peurs, les mêmes fantasmes depuis plus de deux siècles ? Ou faut-il poser comme point de départ à toute tentative de compréhension des objets " récidive" et "récidivistes " que ce sont des catégories juridiques historiquement situées, des construits politiques qui se sont imposés par la force du droit et qui ont perduré au prix de changements de sens masqués par l’apparente neutralité de la qualification juridique. Tentant d’ouvrir cette seconde voie, cet ouvrage se propose de redonner aux « récidivistes » une dimension historique, d’analyser la consolidation de cette catégorie au XIXème siècle et les raisons et les effets de sa permanence, dont on mesure aujourd’hui encore toute l’actualité. Fruit d’une rencontre de chercheurs issus de différentes disciplines (Histoire, Socio-histoire, Droit, Histoire du droit, Sociologie), ,Les récidivistes essaie d’éclairer la question en multipliant et confrontant les points de regard dans la perspective d’embrasser le plus largement un objet tout à la fois juridique, historique, politique et sociologique. C’est au prix (de la poursuite) d’une telle discussion interdisciplinaire que les enjeux liés à la récidive peuvent être mis à jour et par la suite analysés et éclairés.
La violence des femmes
Histoire d’un tabou social

de Chistophe Regina
Présentation de l’éditeur

La place des femmes dans nos sociétés fait plus que jamais débat. Christophe Régina se revendique du même féminisme qu'Élisabeth Badinter : toute prétention à l’égalité se doit d’être totale. C’est en ce sens qu’il a mené et rédigé son étude sur la violence des femmes. Derrière ce thème, il livre une véritable réflexion sur le genre.

L’auteur définit le concept de violence tel qu’il l’acceptera pour l’ensemble de ses analyses : la violence est une impatience dans le rapport avec autrui, un moment dialectique de difficulté sociale. S’appuyant sur de nombreux témoignages de femmes violentes ou de personnes ayant subi la violence d’une femme, ici retranscrits, il s’attache à qualifier la violence des femmes en termes de pratiques et en termes de perceptions. Durant des milliers d’années, la réalité de la violence des femmes a toujours été transformée, détournée. Ces mensonges restent prégnants aujourd’hui. Il revient notamment sur les hommes battus par des femmes. Ils seraient 130 000 chaque année en France. Pourtant aucun centre d’accueil n’existe pour eux dans notre pays, aucune campagne d’information n’est diffusée. Parallèlement, l’auteur questionne les campagnes sur les violences faites aux femmes. Par exemple, Amnesty International n’envisage à aucun moment les violences exercées par des femmes et contribuerait à la mondialisation de la femme victime.

Concernant l’infanticide maternel, l’opinion publique et les médias se prennent de passions. Si le meurtrier est le père, la compassion disparaît. L’existence même de ces crimes pose la question du lien qui unit les parents à leurs enfants et remet en cause le concept selon lequel une femme est une mère. L’auteur, tel Simone de Beauvoir, rappelle que la maternité n’est ni un devoir ni une obligation mais une possibilité. Christophe Régina montre ici la persistance des stéréotypes de genre. Par exemple, il est admis que les crimes de femmes seraient surtout liés à des affaires amoureuses et qu’ils ne seraient pas motivés par l’argent. Or 74 % des meurtres commis par des femmes sont liés à l’argent. De même, l’auteur revient sur la cruauté dont les femmes seraient incapables. Que dire d’Irma Gresse, SS à Ravensbrück puis à Auschwitz condamnée à mort pour crimes de guerre, assassinats sommaires, fusillades massives, humiliations sexuelles ?

L’auteur, Christophe Regina, prépare une thèse sur Les expressions de la conflictualité féminine à Marseille au siècle des Lumières

Table des matières ici


Violences juvéniles urbaines en Europe
Histoire d’une construction sociale
de Xavier De Weirt [2], Xavier Rousseaux [3] (dir.)

Présentation de l’éditeur

De nos jours, dans les villes, la violence des jeunes alarme, inquiète. « Ils sont de plus en plus violents, de plus en plus jeunes », entend-on régulièrement de l’opinion publique. Pourtant, ces commentaires ne reposent sur aucune base scientifique fiable : ils relèvent d’un discours construit depuis près de deux cents ans sur des faits peu représentatifs et des impressions non critiquées.
Jusqu’ici, ville et violence, jeunesse et violence, voire jeunesse et ville étaient analysées de manière séparée ; en revanche, la problématique de la violence des jeunes dans l’espace public urbain n’avait pas donné lieu à des recherches croisées.
Par la confrontation systématique des sources (répressives, discursives) et selon une pluralité d’approches méthodologiques (travail sur archives, enquête orale), les auteurs de ce livre, historiens, criminologues ou sociologues, tentent de cerner l’écart existant entre perception et réalité du phénomène aux différentes périodes de l’histoire.
Sur la base de recherches récentes, ils proposent de mieux comprendre quand, comment et pourquoi s’est construite dans la société européenne cette représentation de la jeunesse comme vecteur de violence associé à la vie urbaine.

Table des matières ici

« L'éducation thérapeutique entraîne à repenser l'organisation de l'hôpital »

Alors qu'elle est inscrite dans la loi, l'éducation thérapeutique (ETP) conduit, pour fonder son action pédagogique, le clinicien à développer son sens clinique. Voire l?hôpital à se réorganiser. En effet, l'éducation nécessite que les soignants maîtrisent des compétences de soins et que l'organisation des soins favorise l'intégration de temps d'éducation. En attendant, sur le terrain persiste un flou tant pour le financement que dans l'attribution des autorisations de programme. Bilan d'étape avec l'un des pionniers en France de ce concept.

Entretien avec le Pr Rémi Gagnayre


Décision Santé-le Pharmacien Hôpital. 2011 sera-t-il l'an I de l'éducation thérapeutique

Pr Rémi Gagnayre*. D'une certaine manière, la publication des décrets relatifs à la loi HPST installe l'éducation thérapeutique et lui a procuré une reconnaissance, une visibilité. La loi est un accélérateur et incite à opérer des changements rapides. Maintenant, si l'on inscrit cet épisode dans l'histoire de l'éducation thérapeutique qui reste à écrire, on est plutôt dans la continuité. À cet égard, était-il nécessaire de passer par une loi ou opter plutôt pour le développement d'une pratique intégrée aux soins ? La réponse est loin d'être simple.

D. S.-P. H. Qu'est-ce que la loi a changé ?

Pr R. G. Avec la loi, une pratique et le champ d'étude qui l'accompagne sont désormais jugés indispensables à la prise en charge des maladies chroniques bien sûr, mais aussi aiguës. En effet, au-delà des maladies historiques comme le diabète ou l'asthme, certaines situations spécifiques comme la survenue d'escarres, un traitement de courte durée par exemple nécessitent des apprentissages ponctuels. Ce qui change, c'est d'abord la nature des motivations des professionnels. Entre ceux qui s'intéressent à l'éducation thérapeutique par intéret personnel et ceux qui y sont conduits par la force de la loi, on a là une forte hétérogénéité des demandes. À ce premier creuset d'hétérogénéité s'ajoute un second degré corrélé à la création des agences régionales de santé. Elles disposent en effet du pouvoir pour délivrer ou non des autorisations de programme. Mais nul ne connaît vraiment les critères qui leur permettent de sélectionner un programme et d'en écarter un autre. Si des critères méthodologiques sont établis, d'autres critères liés aux politiques de santé régionales sont certainement utilisés, alors qu'ils ne sont pas toujours connus des acteurs. Au total, on dispose certes d'une loi qui reconnaît et impulse une direction. Mais l'instrument c'est-à-dire la grille administrato-sanitaire reste parfois peu clair.

D. S.-P. H. Comment aujourd'hui ces programmes sont-ils financés ?

Pr R. G. Si le versant technico-méthodologique a été au cSur des préoccupations et largement débattu, le volet financier a été traité avec une grande pudeur. Reste qu'un projet de circulaire portant sur le financement des programmes d'éducation thérapeutique devrait préciser les possibles modalités. À cet égard, rappelons qu'autorisation ne veut pas dire financement.

D. S.-P. H. Justement, les laboratoires pharmaceutiques qui ont été écartés de l'élaboration et de la mise en Suvre des programmes d'éducation thérapeutique ne seront-ils pas dans un second temps invités à participer au financement ?

Pr R. G.
C'est ce qui semble envisagé dans les possibilités de financement des programmes que l'on peut faire. L'industrie pharmaceutique a compris depuis longtemps l'intérêt de financer des programmes d'éducation thérapeutique au titre de son image par exemple, mais pas seulement& Certains laboratoires ont joué un rôle majeur dans l'essor de l'ETP. Le développement des écoles de l'asthme par exemple où le laboratoire GSK s'est impliqué dès la création est un exemple. C'était une prise de risque pour ceux qui au sein du laboratoire ont participé à cette aventure.

S'il ne sert à rien de diaboliser les laboratoires pharmaceutiques, l'essentiel est plutôt d'envisager les procédures de contractualisation. Il s'agit aussi de savoir en quoi consiste le retour attendu par le financeur, quelles sont les conséquences pour le patient, le système de soins de leur investissement. L'important est de l'analyser systématiquement et de se donner les moyens de pouvoir dire non.

Quant aux autres acteurs comme les mutuelles, les caisses d'assurance à l'exception de la MSA pionnier dans la mise en Suvre de programmes d'éducation thérapeutique n'ont pas encore pris toute la dimension de ce champ de pratiques et d'étude.

D. S.-P. H. Vous avez toujours défendu le principe que l'éducation thérapeutique devait être uniquement dispensée par des soignants. Cette position est-elle tenable, alors que s'aggrave la crise démographique ?

Pr R. G.
Au cours de la XVIIe journée de l'Ipcem2 qui s'est déroulée en novembre dernier, André Grimaldi a rappelé pourquoi l'éducation devait être thérapeutique en rappelant entre autres, la complexité, l'incertitude des traitements. Pour quelques années encore et de par son champ d'action, l'éducation thérapeutique doit être conduite par des soignants dotés de compétences en physiopathologie, en pharmacologie. Soulignons que l'éducation thérapeutique est aussi une formation continue au contenu. Il y a un rapport évident entre les propositions éducatives et les enjeux thérapeutiques.

Certes, le défi de masse est une véritable question. Pour autant, je ne suis pas certain qu'il faille étendre le principe de dispenser l'éducation thérapeutique par le plus grand nombre possible d'éducateurs qui ne verraient pas les patients dans le cadre d'une relation thérapeutique et qui ne pourraient pas assurer la maîtrise des contenus. Je ne parle pas ici des expériences menées avec les patients ressources qui intègrent les équipes médicales pour la conception et l'animation des programmes d'éducation thérapeutique.

En revanche, il peut être légitime de réfléchir sur les formats d'éducation. Pour l'instant, le législateur a retenu la notion de programme qui renvoie à des modalités précises selon le temps d'éducation plus ou moins long. On peut envisager des formats plus réduits, plus courts.

Qu'est-ce qu'un format ? C'est une modalité d'intervention dépendant du contexte et du temps dédié qui permet de mobiliser avec le patient une compétence, une attitude estimée utile pour aider le patient à gérer une situation. En ce qui concerne le médecin généraliste, des travaux en cours formalisent par exemple ce que peut être un temps dédié à l'éducation. Cependant, cette éducation nécessite quand même de revoir les conditions d'exercice, les temps de consultation, en fonction de la situation de santé des patients et des types de rémunération.

D. S.-P. H. Certains auteurs comme Philippe Barrier3 remettent en cause le concept même d'éducation thérapeutique.

Pr R. G.
Je ne pense pas qu'il le remette en cause. Il préconise une autre dénomination « instruction normative de santé » au regard de ces travaux sur l'autonormativité. Cependant, dans son ouvrage, il ne récuse pas le pédagogique. Bien au contraire.

À noter que nous avons mis beaucoup de temps à stabiliser ce terme, l'éducation, qui en France a toujours soulevé de nombreuses interrogations en référence à sa double étymologie, à savoir faire advenir la personne et la nourrir avec un va-et-vient extériorité-intériorité. Notons qu'actuellement, on ne revient pas sur cette dénomination, d'autant plus que la nouvelle loi de santé publique confirme ce terme. Même si le terme éducation a été dévoyé, celui-ci reste un beau mot. Il garde toute sa pertinence, notamment dans le domaine de la santé.

En revanche, dans les pays anglo-saxons, on parle de « patient education » (éducation du patient). Bref, c'est un beau mot.

D. S.-P. H. Dans les pays étrangers, on parle donc d'éducation pour la santé et non pas d'éducation thérapeutique ?

Pr R. G.
On observe deux champs contigus, dont le continuum reste encore à expliciter. l'éducation pour la santé et l'éducation du patient. Il y a la reconnaissance pour l'existence de deux champs : celui où l'on est « indemne » de toute affection. Dans ce cas, les interventions visent à promouvoir une réflexion sur le maintien de sa santé. En cas de survenue d'une maladie second cas une éducation est proposée, dite du patient qui tient compte de cet événement de vie. Ces deux entités ne renvoient pas aux mêmes dynamiques ou ressorts motivationnels. En France, on a donc ajouté le qualificatif de thérapeutique suite aux propositions de groupe de travail de l'OMS-Région Europe en 1998 pour souligner qu'elle tire son origine des interactions entre l'intelligibilité de soi, la maladie et les soins. Elle représente une action complémentaire et intégrée aux soins qui confère au patient des compétences pour se prodiguer pendant une période donnée ses propres soins.

L'un de ses objectifs, à savoir qu'elle s'occupe des traitements, des prises en charge soignantes pour rendre le patient compétent à équilibrer les rapports et permettre au malade d'être un peu soignant un moment donné. Elle renforce l'idée qu'il s'agit d'une fonction éducative soignante en premier lieu versus éducation pour la santé où le spectre d'intervenants est plus large.

D. S.-P. H. Le partage de savoir ou de pouvoir entre le soignant et le patient n'a-t-il pas été un frein à la diffusion de l'éducation thérapeutique ?

Pr R. G.
Certainement. En particulier, la croyance fort entretenue dans la formation initiale des soignants que le patient serait un réceptacle des choix, décisions sans participation active à leur élaboration. L'avancée consiste en la présence d'un patient avec ses représentations, son histoire, ses réaménagements, sa logique puis ses décisions apparaîssent désormais comme une donnée concrète. Avec l'éducation thérapeutique, le patient acquiert une présence agissante. L'une des conséquences de cette attitude se traduit pour le clinicien par une plus grande sensibilité clinique, parce qu'il doit privilégier le principe d'éducabilité et le préférable thérapeutique. Finalement, par l'ETP, il devient de plus en plus soignant.

D. S.-P. H.
Faut-il être empathique lorsque l'on dispense une éducation thérapeutique ?

Pr R. G.
Oui d'une certaine manière. Mais ce qui doit être dominant dans la pratique d'éducation thérapeutique est plutôt l'élucidation de la logique de l'autre. Il s'agit d'approcher la compréhension du patient et de la relier à des réussites, des difficultés. Cela s'inscrit dans une attitude classique de l'éducateur. Par ce moyen, on écoute alors davantage. On s'efforce non pas d'être d'accord mais de s'accorder avec le patient. Il découle par cette attitude pédagogique, une approche empathique du patient. Il faut bien sûr éviter tout relativisme où la parole du patient serait toute puissante. L'éducation thérapeutique n'est pas un long fleuve tranquille. Elle se nourrit d'opposition respectueuse, de référence différente à l'origine d'accord ponctuel. Tout ne se vaut pas.

D. S.-P. H.
En période de crise économique, l'éducation thérapeutique n'est-elle pas un luxe ?

Pr R. G. Oui, et c'est un luxe selon l'étymologie du mot qui doit être accessible au plus grand nombre de personnes.
C'est déontologique de favoriser l'accès à des compétences de soins, à une compréhension de soi. L'éducation thérapeutique ne peut se réduire à une technique. Ce n'est pas du « counseling ou du coaching ». Elle représente un changement de perspective avec une répercussion sur la dimension organisationnelle des soins que l'on sous-estime souvent. Rappelons que les hôpitaux sont structurés à partir d'une logique biomédicale et actuellement selon des contraintes économiques. Cependant, ces établissements sont aujourd'hui confrontés à la chronicité et à la multifactorialité des histoires médicales. En un sens, l'éducation thérapeutique est un signal parmi d'autres d'une nécessaire réorganisation, avec comme paradoxe qui devrait être anticipé par les décideurs que l'élévation du niveau éducatif des patients ou des aidants naturels vis-à-vis de leurs autosoins entraîne des temps de lâcher-prise, et par conséquent la création de lieux de soins le permettant.

La haute technologie médicale est indispensable. Simplement, il faut en envisager le pendant humain au sens émotionnel, cognitif et perceptif. L'éducation thérapeutique est l'opportunité de repenser les espaces, les scénographies du soin, l'organisation du travail. Là où elle se dispense, elle révèle encore un lieu de marginalité institutionnelle, au sein duquel une pensée alternative est encore autorisée. Souhaitons que la loi soit l'occasion de favoriser ces lieux.

1. Médecin et professeur en sciences de l'éducation. Université Paris XIII, Bobigny.

2. L'Ipcem participe à la réflexion sur le thème de l'éducation thérapeutique, notamment par des colloques et des formations. Cf. leur site Internet www.ipcem.org. Décision Santé organise sur ce sujet une formation intitulée "éducation therapeutique: favoriser l'apprentissage du patient" les mardi 22 et mercredi 23 mars 2011 : voir le site www.decision-sante.com rubrique formation

3.La blessure et la force, Éd PUF 2010, 18 euros.

Article du : 21.01.2011


Le gène du suicide n’est pas encore identifié, heureusement ?

Le suicide constitue l’un des événements les plus tragiques auxquels les psychiatres se trouvent confrontés dans leur pratique, et malgré les efforts de maintes générations de médecins, le passage à l’acte suicidaire demeure aussi commun que difficile à prévoir. Il est donc tentant d’essayer de réduire cette marge d’imprévisibilité, en recherchant notamment des facteurs génétiques de prédisposition au suicide. « Sonder le génome pour comprendre le suicide » : une idée d’autant plus plausible qu’on connaît avec certitude certaines familles (comme celles du philosophe Ludwig Wittgenstein et de l’écrivain Ernest Hemingway) comportant plusieurs cas de suicide.

Portant sur près de 2 millions de variants génétiques chez près de 6 000 sujets avec troubles bipolaires et 3 000 avec dépression majeure, une étude récente n’a toutefois pas pu mettre en évidence un éventuel « gène du suicide. » En particulier, elle n’a apporté aucune confirmation du rôle de 19 gènes dont l’implication était pourtant suspectée. Par conséquent, aucun test génétique n’est actuellement envisageable pour prédire une majoration du risque suicidaire. Et heureusement, pourrait-on dire, vu la réaction possible devant une telle révélation !

Plusieurs mécanismes contribuent sans doute à ce résultat négatif, explique l’auteur. D’une part, le suicide survient souvent chez des sujets jeunes, avant toute procréation : ils meurent donc avant d’avoir pu transmettre le(s) gène(s) éventuel(s) de prédisposition au suicide qu’ils portaient. Autre hypothèse : le(s) gène(s) concerné(s) pourrai(en)t être un (des) varian(t)s rare(s), demandant des études sur des échelles de population bien plus grandes. Enfin, il est difficile de départager le rôle des gènes et celui de l’environnement, en particulier le rôle interférant tenu peut-être par les médicaments antidépresseurs, généralement prescrits chez les sujets (déprimés) enrôlés dans ce type d’études sur l’épidémiologie du suicide.

Recruter à cet effet des cohortes de personnes dépressives introduit-il un biais systématique ? Il semble que non, car la prédisposition génétique au suicide (apparemment indéniable) serait « indépendante de toute (autre) susceptibilité génétique à une maladie mentale », de sorte que les résultats observés chez des sujets dépressifs seraient a priori transposables pour d’autres populations. Au total, en l’absence de « gène du suicide » précis et donc de tout « dépistage » génétique possible d’une telle prédisposition, le meilleur indicateur d’une éventuelle susceptibilité au suicide demeure l’anamnèse personnelle et familiale.                
Dr Alain Cohen

Uher R et Perroud N : Probing the genome to understand suicide. Am J Psychiatry, 2010 ; 167-12 : 1425-1427.
Publié le 26/01/2011



Détecter la schizophrénie grâce aux scanners

Les cerveaux de personnes atteintes de schizophrénie fonctionnent différemment que ceux des personnes dites "normales", ressort-il d'une étude menée par le psychiatre anversois Jan Van Hecke auprès de patients qui ont dû effectuer des tâches alors qu'ils étaient dans un scanner, peut-on lire mardi dans le quotidien Gazet van Antwerpen.

"Cette différence en terme d'activité cérébrale doit aider à diagnostiquer plus rapidement et plus certainement la maladie et ainsi la soigner", explique le psychiatre anversois.

"Aujourd'hui, près d'une personne sur cent est confrontée à la schizophrénie durant sa vie. En Flandre nous estimons en ce moment que cela concerne près de 30.000 personnes. Pour la grande majorité le diagnostic ne sera posé qu'après une crise ou une psychose. La plupart de ces patients ont déjà alors un long parcours derrière eux. Plus vite le bon diagnostic est posé, meilleur sera le traitement".

Le professeur a cherché, pour son doctorat, une méthode de détection plus fiable. Il a utilisé pour cela des scanners MRI qui montrent quelle zone du cerveau est active lorsqu'une personne effectue un exercice cérébral et cette méthode a montré une différence entre les personnes atteintes de schizophrénie et les autres. (belga)
01/02/11





Le secrétariat à la Jeunesse lance une mission sur le suicide des jeunes

La secrétaire d'État à la Jeunesse Jeannette Bougrab a confié jeudi au psychiatre Boris Cyrulnik une mission sur le suicide des enfants et des jeunes, la deuxième cause de mortalité des 16-24 ans en France, derrière les accidents de la route, a-t-elle indiqué à l'AFP.

La secrétaire d'État à la Jeunesse Jeannette Bougrab a confié jeudi au psychiatre Boris Cyrulnik une mission sur le suicide des enfants et des jeunes, la deuxième cause de mortalité des 16-24 ans en France, derrière les accidents de la route, a-t-elle indiqué à l'AFP.

Bien que plusieurs faits divers récents aient mis en lumière des cas de suicides de jeunes adolescents ou d'enfants (9 et 14 ans), Mme Bougrab a précisé avoir décidé de lancer cette mission avant ces événements.

"On refuse de voir notre propre échec, à savoir que des enfants se donnent la mort, c'est quelque chose qu'on a du mal à concevoir et à imaginer", a-t-elle affirmé.

"C'est un phénomène complexe, qui commence dans la toute petite enfance et qu'il faut aborder de manière évolutive et non pas ponctuelle", a-t-elle poursuivi.

L'idée de la mission est de s'interroger sur tout l'environnement de l'enfant, sa famille mais aussi "le lien social" en général, comme les assistantes maternelles qui peuvent aider à la détection des enfants fragiles ou encore les associations qui proposent des activités aux jeunes (sport...).

"Le lien social protège et offre des référents adultes auxquels peut s'adresser l'enfant en souffrance", selon Mme Bougrab.

Le rapport, que M. Cyrulnik doit remettre en juin, ne s'attaquera pas en revanche à la question de la prise en charge sanitaire (psychiatrie, médicaments...).

En janvier, une fillette de 9 ans, souffrant de diabète chronique, a mis fin à ses jours en se jetant du cinquième étage de l'appartement familial dans la banlieue lyonnaise, tandis qu'une adolescente de 14 ans a tenté de mettre fin à ses jours en sautant du quatrième étage de son collège de Seine-Saint-Denis.

Si le suicide d'enfants est considéré comme très rare par les psychiatres, le suicide représente environ 16% des causes de décès chez les 16-24 ans, selon l'Inserm. En 2008, l'Inserm a dénombré 26 suicides chez les 5-14 ans et 529 chez les 15-24 ans.
AFP
03/02/2011