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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 22 décembre 2011


Enfants adoptés : quand la blessure de l'abandon devient une force

LEMONDE | 10.12.11 | 

Nombre de psys ont ausculté les blessures des enfants adoptés et les difficultés des familles adoptantes. Mais qu'en est-il de ces enfants parvenus à l'âge adulte ? La blessure originelle de l'abandon a-t-elle cicatrisé grâce à l'amour de la famille adoptive et au sentiment de filiation qu'elle a fait naître ? Ou, au contraire, est-elle toujours à vif, et ce d'autant plus quand il y a des secrets de famille ? Pour les adoptés, le sujet est sensible. Beaucoup craignent que l'étiquette d'enfant abandonné ne leur colle à la peau. Comme si, pour la société, cela faisait d'eux des êtres à part, marqués dans leur chair.

"Quand je glisse à quelqu'un que j'ai été adoptée, cela suscite souvent un malaise, raconte Hélène Jayet, 34 ans, née sous X et adoptée à 3 mois et demi.On me dit volontiers : "Oh, pardon, je suis désolé, je ne savais pas." Alors que pour moi, c'est une chance. Ce n'est pas un abandon, mais un don." Sur LeMonde.fr, Laurent (le prénom a été changé), 38 ans, témoigne : "J'ai effectivement été adopté. J'en suis fier et ne m'en cache pas, bien au contraire. Mais surtout, je ne remercierai jamais assez ma mère de m'avoir offert une vraie famille. Aujourd'hui, je suis marié, j'ai trois enfants. Je suis bien dans ma tête."
Diane Drory, psychologue, psychanalyste et coauteure avec Colette Frère du livre Le Complexe de Moïse. Paroles d'adoptés devenus adultes (De Boek, 280 p., 19 €), insiste sur l'importance de ne pas stigmatiser les personnes adoptées."Si elles ont pu traverser l'épreuve de l'adoption, c'est qu'elles ont en elles une incroyable force de vie. Il faut leur faire confiance, ne pas les victimiser. Et ne pas attribuer toutes les difficultés qu'elles rencontrent à l'adoption."
"DOUBLE LOYAUTÉ"
Les enfants adoptés sont confrontés à une double dette que les psychothérapeutes familiaux nomment "double loyauté". Comme l'explique Nicole Prieur, psychothérapeute, philosophe et auteure de Raconte-moi d'où je viens (Bayard Jeunesse, 2007), ils reçoivent la vie de leur mère biologique et les moyens de la vivre dignement de leur famille adoptive, ce qui provoque des tiraillements. "Souvent, les enfants adoptés choisissent d'être loyaux envers leur famille adoptive ; et répondent plus que dans les autres familles à leurs attentes", poursuit Nicole Prieur.
Cette loyauté exacerbée peut se traduire par des choix professionnels contrariés, correspondant plus aux désirs des parents qu'à leurs propres envies. "Parvenir àdevenir un traître heureux ne va pas de soi", souligne Nicole Prieur. Parfois, ce sont les relations aux autres qui sont marquées par l'évitement des conflits. Enfin, sur le plan amoureux, d'aucuns jettent leur dévolu sur des êtres qui ont les mêmes blessures qu'eux, espérant ainsi réparer leurs histoires douloureuses mutuelles. Selon Nicole Prieur, le danger serait toutefois pour eux de surinvestir le couple et les enfants, au détriment des ajustements nécessaires à l'équilibre familial.
La question des origines peut resurgir avec force lors de certains événements de la vie : naissance, deuil, échec professionnel, rupture amoureuse... Dans Le complexe de Moïse, Marie-Claire raconte le manque de sa mère biologique lorsqu'elle était enceinte : "Ton absence, je la gère, ou plutôt je l'étouffe. Mais quand mon ventre se fait plus rond, je n'en peux plus. La vie bouge en moi comme elle a bougé en toi. Et toi tu n'as pas fait face, tu as disparu." Une étape douloureuse, mais parfois salvatrice : "Le fait d'être mère et de ne pasabandonner son bébé répare quelque chose de la propre histoire de ces femmes."
Les hommes vivent sans doute cette période moins viscéralement puisqu'ils ne portent pas le bébé. "Mais lorsque le père regarde le visage de son enfant, il remarque leurs ressemblances, par exemple. Cela le renvoie forcément à ses origines", dit Diane Drory.
UNE IDENTITÉ TOUJOURS EN CONSTRUCTION
Lorsqu'on avance en âge, la question de savoir d'où l'on vient se fait plus insistante. Sur LeMonde.fr, Claude (le prénom a été changé), 70 ans, adopté à l'âge de 2 ans, évoque son parcours. "Aujourd'hui, je vis dans une douleur permanente, alors que je ne me suis jamais posé de questions avant. Je ne supporte plus le cri, le rire, le mouvement d'un enfant à la terrasse d'un café", raconte-t-il. Les questions existentielles se posent à cet âge de la vie. Or, dans l'histoire des adoptés, il y a un morceau amputé qu'il faut restaurer.
Hélène Jayet s'y essaie grâce à son métier de photographe. Aux Beaux-Arts déjà, ses dessins parlaient d'identité. Les adoptés, elle les photographie, elle les filme, elle leur donne la parole. Elle s'attelle à la création d'un webdocumentaire sur le sujet. Ses objectifs ? Faire tomber quelques clichés ("Les adoptés sont forcément malheureux"), donner des outils aux familles adoptives et surtout offriraux adoptés la possibilité de mettre en mots leur histoire. Eux qui ont souvent du mal à évoquer leur ressenti. La résilience, cette capacité à rebondir après des épreuves, passe aussi par la créativité. Cependant, elle n'est jamais acquise. Notre identité est toujours en construction. "La résilience de l'adopté, c'est sans doute d'accepter, comme tout un chacun, que l'identité est mouvante", souligne encore Diane Drory. "La blessure de l'abandon m'a donné une force, revendique Hélène Jayet. C'est elle qui donne aux adoptés leur vive sensibilité et leur ouverture au monde."


Comment concilier les démarches « psy » et « spi »

De nombreux chrétiens qui suivent une psychanalyse ou une psychothérapie ont également un accompagnateur spirituel. Certains préfèrent se tourner vers des sessions de guérison intérieure
« Sur huit, nous sommes cinq actuellement en analyse ou en thérapie », confie l’un des membres d’une équipe parisienne de la Communauté vie chrétienne (CVX), mouvement laïc de spiritualité ignatienne. C’est pourquoi une de ses réunions mensuelles a été consacrée à partager et à prier sur les incidences d’une telle démarche. 

Un moment « très riche », selon ce membre de CVX, ayant montré que « ce peut être une décision spirituelle que d’entamer un travail sur soi, que le psy choisi soit chrétien ou non ».

Depuis une trentaine d’années, de nombreux catholiques sont entrés ainsi en psychanalyse ou en psychothérapie et l’on peut considérer que l’ère de la méfiance de l’Église est révolue. 

Des clercs psychanalistes dès les années 1950

Après le temps des pionniers dans les années 1950 (Albert Plé, Louis Beirnaert, Marc Oraison…), les décennies suivantes ont vu la liste des prêtres ou religieux et religieuses psychanalystes s’allonger (Maurice Bellet, Denis Vasse, Jean-François Noël, Daniel Duigou, Isabelle Le Bourgeois…), sans parler des psychanalystes laïcs assumant l’étiquette de « chrétiens ». 

« Sans doute sommes-nous plus d’une centaine, mais encore peu en France se revendiquent ouvertement comme tel », estime Anne-Marie Saunal, psychanalyste et théologienne, qui anime un groupe mensuel de réflexion au Forum 104, chez les maristes de la rue de Vaugirard à Paris, sur « l’articulation entre psy et spi », avec des thérapeutes et des accompagnateurs spirituels.

De fait, l’approche de la vérité sur soi, qui est au centre de la cure analytique, rejoint la tradition judéo-chrétienne d’une « vérité qui rend libre » (Jn 8, 32).

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Des Français développent une imagerie fonctionnelle du cerveau de nouvelle génération


Mickael Tanter et coll.* présentent l’article princeps sur une nouvelle technique d’imagerie qui dépasse l’IRM fonctionnelle en sensibilité et en résolution : le « fUltrasound » ou imagerie fonctionnelle par ultrasons du cerveau. Elle permet de visualiser en temps réel l’afflux du sang dans une région activée du cerveau.

Suivre en direct le développement d’une crise d’épilepsie dans un cerveau à partir d’un foyer ne fait plus partie de la science-fiction. C’est possible chez l’animal et devrait bientôt l’être chez les humains. Et les possibilités de suivre le développement du langage ou de voir comment le fœtus pense devraient suivre de peu.

Le « fUltrasound », développé par les chercheurs français, offre la possibilité d’observer les tout petits vaisseaux du cerveau et donc de visualiser finement l’activité cérébrale. Pour augmenter la sensibilité de l’écho-Doppler conventionnelle, les chercheurs ont développé une imagerie ultrarapide, capable de mesurer les mouvements du sang sur l’ensemble du cerveau plusieurs milliers de fois par seconde (contre quelques dizaines de fois jusqu’alors). Ce qui permet de détecter le flux dans de très petits vaisseaux, dont les variations subtiles sont liées à l’activité cérébrale.


Les travaux préliminaires sont très intéressants et impressionnants. Des membres de l’équipe ont filmé en temps réel la réponse du cortex cérébral lorsqu’on stimule les moustaches (vibrisses) d’un rongeur. Un afflux sanguin apparaît très nettement au niveau du cortex somatosensoriel, témoignant de l’activité de la zone.


Les chercheurs ont également filmé une crise d’épilepsie qui se propage à partir d’un foyer et gagne l’ensemble du cerveau d’un rat. « Nous avons maintenant le moyen de localiser un foyer », témoigne Mickael Tanter, ce qui n’était pas le cas antérieurement. « Nous espérons tester la méthode chez les nourrissons dans l’année qui vient. » En effet, pour l’instant ce type d’imagerie ne peut être appliqué à l’adulte en raison de l’épaisseur de l’os. Mais chez le nourrisson, la fontanelle offre une bonne proximité entre la barrette échographique qui délivre les ultrasons et le cerveau. Elle peut aussi être utilisée en peropératoire chez un patient trépané, pour étudier, par exemple, un foyer épileptique.


Cette imagerie fonctionnelle du cerveau par ultrasons va aussi intéresser la recherche en neurosciences.
Dr BÉATRICE VUAILLE

* CNRS/INSERM, équipe « Physique des ondes pour la médecine », dans « Nature Methods », juillet 2011.

08/07/2011 

Parution – Le Troisième sexe. Etre hermaphrodite aux XVIIe et XVIIIe siècles

Parution – Le Troisième sexe. Etre hermaphrodite aux XVIIe et XVIIIe siècles


Patrick Graille, Le Troisième sexe. Etre hermaphrodite aux XVIIe et XVIIIe siècles, Arkhe éditions, 2011, 215 p.
Du XVIIe au XVIIIe siècle, période où la répression judiciaire côtoie l’aube de libérations sexuelles, l’hermaphrodite est perçu à l’image de sa dualité corporelle.
Pour les uns, il incarne la neutralité, la perfection, voire un idéal ; pour les autres, il figure l’altérité, la violation des bonnes moeurs, l’équivoque dans l’excès. Disséqué, au sens d’analyser minutieusement, du latin dissecare, couper en deux, cet être incertain engendre de nouveaux rapports aux fables du passé, d’insolites utopies inspirées d’Ovide ou de la Bible, ainsi que des textes scientifiques, souvent normalisateurs et moralisateurs, derrière lesquels sévit une législation coercitive, source d’éclatants procès. Entre savoirs et fantasmes, son  » sexe paré d’ombre « , pour reprendre la formule d’Empédocle, offre ainsi le paradoxe d’affirmer et d’infirmer, de fissurer la raison de ces époques.
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Schizophrénie : une étude confirme le défi de l’observance du traitement


Menée auprès d’infirmiers psychiatriques et de psychiatres de nombreux pays, l’étude du laboratoire Janssen s’est intéressée à la non observance du traitement chez les patients schizophrènes, à ses causes et à ses conséquences.

La schizophrénie est une maladie grave et plus courante qu’on ne le croit : l’association américaine des psychiatres estime que sur l’ensemble de la population mondiale, 
un individu sur cent sera atteint de schizophrénie à l’âge de 45 ans.

Non guérissables par définition, les symptômes de la schizophrénie se traitent néanmoins de mieux en mieux : depuis le milieu des années 1950, les médicaments antipsychotiques se sont nettement améliorés. Mais le progrès pharmaceutique n’est rien sans une 
« réelle implication du patient, une adhésion au traitement », a insisté lundi Pierre Michel Llorca, chef du service de psychiatrie au centre médico-psychologique (CMP) du CHU de Clermont-Ferrand, dans le cadre du congrès du Collège européen de neuropsychopharmacologie (1). Médecins, infirmiers et soignants sont en effet quotidiennement confrontés au défi de l’observance des traitements.
Les traitements injectables au long cours plébiscités
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Parution – Fabriquer la vie

Parution – Fabriquer la vie


Bernadette Bensaude-Vincent et Dorothée Benoit-Browayes, Fabriquer la vie, Paris, Editions du Seuil, 2011, 192 p.
Au slogan des nanotechnologies : « manipuler les atomes », répond maintenant un projet encore plus ambitieux : « fabriquer du vivant ».
Après que la biologie moléculaire a permis de déchiffrer le code génétique et d’analyser les programmes génétiques, on envisage désormais de les réécrire pour obtenir des organismes « à façon ». Le projet fait rêver et stimule l’imagination des pionniers de la biologie de synthèse. Ils promettent de transformer le charbon en méthane grâce à des bactéries reprogrammées, de ressusciter les mammouths et pourquoi pas les humains… Après les industries mécaniques et les industries chimiques, verrons-nous un nouvel âge industriel, celui des machines biologiques ?
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Les nanoparticules pourraient perturber les fonctions cérébrales

lequotidiendumedecin.fr 27/10/2011
      
Une étude publiée dans « Biomaterials », une revue du groupe Elsevier, suggère qu’une exposition chronique aux nanoparticules de dioxyde de titane (nano-TiO2) « pourrait entraîner leur accumulation dans le cerveau avec un risque de perturbation de certaines fonctions cérébrales ».
L’étude, disponible en ligne, a été réalisée par un groupe de chercheurs français du CEA et de l’université Joseph-Fourier de Grenoble. Grâce à un modèle cellulaire, utilisé par l’industrie pharmaceutique pour tester les candidats médicaments lors d’études précliniques, Émilie Brun et col. ont montré qu’une exposition aiguë et/ou chronique in vitro aux nano-TiO2 entraînait leur accumulation dans les cellules endothéliales cérébrales. Ces nanoparticules altèrent en effet la barrière hémato-encéphalique, structure essentielle pour la protection du cerveau, et provoquent une inflammation cérébro-vasculaire. Les chercheurs ont également observé une diminution de l’activité de la P-glycoprotéine, une protéine présente dans les cellules endothéliales et dont le rôle est de bloquer les toxines susceptibles de pénétrer le système nerveux central.
C’est en s’interrogeant sur les résultats d’une étude chez le rat qui avait montré que des nano-TiO2 instillées par voie nasale étaient détectées dans le cerveau, principalement dans l’hippocampe et le bulbe olfactif, que les chercheurs ont développé leur modèle. Comment des nanoparticules pouvaient-elles se retrouver dans le cerveau, alors que ce dernier est normalement protégé des éléments toxiques par la barrière hémato-encéphalique ? Le modèle qu’ils ont alors développé pour répondre à la question présente les principales caractéristiques de la barrière in vivo, y compris humaine, en associant deux types de cellules : des cellules endothéliales cultivées sur une membrane semi-perméable et des cellules gliales. D’où leur crainte d’un effet in vivochez l’homme.
Les nanoparticules de dioxyde de titane sont produites à l’échelle industrielle et sont utilisées dans de nombreux produits, comme des peintures, des cosmétiques (protections solaires) ou des systèmes de dépollution (revêtements autonettoyants).
› Dr L. A





LUNDI 21 NOVEMBRE 2011


Philosophies des possessions

Didier Debaise
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Décembre 2011 – Presses du Reel
Tout au long du XXe siècle, une série de théoriciens, plus ou moins minoritaires, introduisent un nouveau genre de questions, faisant directement communiquer la philosophie avec les sciences sociales, la psychologie et l'esthétique.
Comment un individu se constitue-t-il par des activités possessives? Avec quelle intensité un être en possède-t-il un autre ?

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LUNDI 21 NOVEMBRE 2011


Art et éthique

Carole Talon-Hugon (dir.)
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Novembre 2011 – PUF
Des oeuvres d'art moralement transgressives défrayent régulièrement la chronique.
Inversement, un certain nombre d'artistes contemporains affirment poursuivre, par leurs œuvres, des buts éthiques. Critiques et spectateurs s'interrogent sur la place de cette dimension éthique, négative ou positive, dans la valeur globale de l'œuvre. Est-elle légitime ? 

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mardi 20 décembre 2011


Plus que d’une pénurie de lits, la psychiatrie souffre d’une mauvaise organisation

LEMONDE | 20.12.11
En trente ans, le nombre de lits d'hospitalisation complète en psychiatrie a chuté de plus d'un tiers.
En trente ans, le nombre de lits d'hospitalisation complète en psychiatrie a chuté de plus d'un tiers.AFP/PATRICK BERNARD
Le plan "Psychiatrie et santé mentale" a été lancé début 2005 par l'ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy à la suite de l'émotion soulevée par le meurtre, en 2004, d'une infirmière et d'une aide-soignante par un patient schizophrène de l'hôpital de Pau, alors en rupture de soins. Le plan avait pour objectif premier de décloisonner la prise en charge en psychiatrie, en évitant, dans la mesure du possible, l'hospitalisation à temps complet pour privilégier la prise en charge en extra-hospitalier. "Or, le recours à l'hospitalisation est demeuré excessif, notamment faute de solutions d'aval, mais aussi de possibilités suffisamment développées de prises en charge alternatives en amont", note la Cour des comptes.
Dans leur rapport, les magistrats financiers déplorent ainsi un usage disproportionné des hospitalisations à temps complet en rappelant qu'ils entraînent "une forte coupure du patient avec son milieu social et familial". Les structures extra-hospitalières alternatives à l'hospitalisation existent – appartements thérapeutiques avec présence intensive de soignants, atelier ergothérapeutique avec activités ludiques et sportives, prises en charge alternatives à la gravité de la pathologie du patient – mais "restent insuffisamment nombreuses au regard des besoins".
Selon la Cour des comptes et contrairement aux idées reçues, la France ne souffre pas d'une pénurie de lits en psychiatrie. La Cour relève en revanche que les capacités d'hospitalisation complète sont fréquemment saturées. Les quelque 57 408 lits en psychiatrie ont permis de réaliser 18,8 millions de journées d'hospitalisation en 2010, soit 89,5 %, un taux global d'occupation très important.
Un nombre de lits en diminution et une inégale répartition géographique.
Un nombre de lits en diminution et une inégale répartition géographique.Cour des comptes, d'après DREES
Pour la Cour, cette saturation est liée en partie à une durée de séjour moyenne de l'ordre de 30 jours (six fois plus importante qu'en hôpital général) et à des séjours trop répétitifs. Elle s'explique, notamment, par une absence d'alternatives en séjour d'aval. Or, cette situation de "suroccupation continuelle provoque des effets pervers""l'absence de place en cas d'urgence conduit parfois à recourir à l'hospitalisation sans consentement" afin de parvenir à hospitaliser des patients qui pourtant n'en relèvent pas; les moyens et les personnels soignants sont focalisés sur les hôpitaux au détriment des prises en charge extra-hospitalières.
La Cour qualifie ainsi d'"inadéquates" nombre d'hospitalisations longues réalisées en psychiatrie: en 2009, la part des séjours de plus de six mois était de 5,6 % et celle des séjours de plus d'un an, 3,3 %. Beaucoup de ces patients, dont certains très handicapés mentalement, pourraient être réorientés, soit dans des structures de soins alternatives, soit en structures médico-sociales, une fois leur handicap psychique reconnu.
La Cour donne l'exemple de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) où 971 patients en séjour prolongé (plus de dix mois) résidaient dans les hôpitaux en 2007. Seuls 282 (29 %) ne pouvaient pas être réorientés dans d'autres structures. Les autres l'étaient potentiellement, notamment dans le secteur médico-social: parmi eux, 15,5% étaient hospitalisés depuis plus de quinze ans, dont 5,8 % depuis plus de vingt-six ans.
Cette occupation de lits inadéquate réduit fortement la disponibilité de l'hôpital: un patient qui occupe une place pendant un an empêche quelque 12 autres hospitalisations de trente jours. Ce système inadapté génère des coûts importants: une hospitalisation complète coûte 450 euros par jour, soit plusieurs fois le coût complet, intervenants sociaux inclus, d'une prise en charge ambulatoire ou à temps partiel. Pour la Cour des comptes, l'enjeu réside donc dans une meilleure organisation du secteur: "Le redéploiement des moyens par l'hospitalisation de patients réorientables devrait permettre de dégager de nouvelles ressources pour des prises en charge alternatives."
Adrien Maillard

lundi 19 décembre 2011



Le Point.fr - Publié le 15/12/2011 à 14:32

Le manuel américain des troubles mentaux déshumanise la médecine et veut à tout prix faire entrer les malades dans des "cases".

Le Pr Maurice Corcos part en guerre contre le fameux DSM (Diagnostic and Statistical Manuel) américain. Ce psychiatre et psychanalyste, qui dirige le département de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte à l'institut mutualiste Montsouris de Paris, s'insurge contre "le nouvel ordre psychiatrique", tel qu'il est enseigné aujourd'hui dans les facultés de médecine. Et il le fait savoir dans le livre qu'il vient de lui consacrer*. Il regrette la seule prise en compte des faits et donc la disparition de toute interprétation subjective, ce qu'il considère comme une grave régression pour les malades. Et il s'emporte contre la réduction des existences à de simples accidents biologiques.
Dès l'introduction, le ton est donné : "La pensée stérilisée par l'apprentissage à répondre efficacement à des QCM (questionnaires à choix multiples) pour valider leurs examens" réduit les étudiants en psychiatrie à "collecter les symptômes que leur impose le DSM, les additionnant sans fin, puis les soustrayant pour aboutir à un résultat qu'ils livrent joyeux comme le bon élève qui a vaincu une équation à une inconnue. Mais l'équation a plusieurs inconnues et l'homme, surtout quand il devient "fou", sont une machine déréglée qu'aucune check-list ne parviendra à résumer..."

Système pervers

Le Pr Corcos compare le DSM à l'invention d'une notice universelle pour les machines délirantes détraquées, à l'usage de médecins informaticiens phobiques de la clinique... Rien de moins. Avec cet instrument, l'ambition du psy n'est plus d'entrer dans l'expérience intérieure du patient, mais de répondre à son excentricité par une cohérence objective. Ce spécialiste dénonce donc ce système pervers qui a été mis au point pour que les chercheurs des différents pays puissent travailler sur une base de critères diagnostiques commune et ainsi comparer efficacement leurs travaux. Mais les malades, dans tout ça ?
La manière de les observer, Maurice Corcos la compare à celle des touristes qui, dans les musées, les sites archéologiques ou les mariages, passent la plus grande partie de leur temps l'oeil rivé au viseur de leur caméra, sans jamais regarder vraiment ce qui se passe et sans se l'approprier sensoriellement. "Aux tableaux mentaux, ils substituent mentalement des images électroniques, c'est-à-dire un imaginaire virtuel, car sans affect." Le réel n'est donc jamais abordé directement par ces psychiatres, qui se réfugient aussi très souvent derrière des imageries médicales (notamment l'IRM) pour tenter de comprendre la situation.
Les deux premiers DSM (en 1952 et en 1968) étaient "inscrits dans leur époque, où les questions de la subjectivité et du sens n'étaient pas encore considérées comme accessoires", souligne le spécialiste. D'ailleurs, les différents courants de pensée avaient été invités à participer à leur rédaction. Mais, depuis, le monde "scientifique" a pris le pouvoir. L'Amérique est parvenue à promulguer un nouvel ordre mental. L'ultrascientisme, la rentabilité aveugle, la frénésie technologique, voire la barbarie mécanique et froide règnent en maîtres. C'est pourquoi Maurice Corcos espère que les psychiatres - au moins français - vont finir par dénoncer "le nouveau contrat social qui veut les aliéner" et qui tente d'enfermer l'humain dans des cases, afin de répondre aux demandes d'une société qui ne veut plus de désordre ni de folie. Sera-t-il entendu ?
L'homme selon le DSM, éditions Albin Michel, 234 pages, 20 euros

Le divan n'a pas dit son dernier mot.


Au moment même où l'on assiste à une diminution progressive de l'influence de la psychanalyse dans bon nombre de services de psychiatrie au profit des approches neurobiologiques, s'est ouvert à Sainte-Anne l’Institut Hospitalier de Psychanalyse. Le lieu, ouvert depuis mai 2011, propose des consultations psychanalytiques gratuites et accessibles à tous ainsi qu'une riche plate-forme de formation à la psychanalyse pour les psychologues et les internes en psychiatrie. Village gaulois ou témoignage de la capacité de la psychanalyse à innover et à se transformer ?
Autant laisser tout de suite à la porte les préjugés que vous pouvez avoir sur l'hôpital psychiatrique, ses soignants revêches et ses corridors dont le mobilier et l'éclairage justifient à eux seuls l'entrée en dépression sévère : à l'Institut Hospitalier de Psychanalyse de Sainte-Anne, l'hospitalité commence précisément par le soin apporté aux locaux et l'idée que ça n'est pas parce qu'une personne est en état de grande souffrance psychique qu'elle n'est pas sensible au beau. Le lieu a été créé en mai 2011 par une figure de la psychanalyse en France, Françoise Gorog. Pendant longtemps, elle a été la seule femme mais aussi la seule lacanienne se revendiquant comme telle à diriger à Sainte-Anne un service de psychiatrie. Ateliers d'écriture, de cuisine, de philo, de danse ou de relaxation proposés aux patients, possibilité de revenir aux ateliers ou en accueil déjeuner après l'hospitalisation, patients en tenue de ville, psychiatres tous formés à la psychanalyse et ne portant pas de blouse blanche, séminaires de psychanalyse et de sciences humaines pour le personnel soignant... Outre l’extrahospitalier, les deux pavillons qu'elle a dirigés pendant plus de vingtannées, l'un ouvert, l'autre fermé, ont été des modèles de ce que la psychiatrie hospitalière peut donner de mieux quand elle cesse de se vautrer dans la frénésie sécuritaire pour se concentrer enfin sur ce que devrait être sa mission première : prendre soin de nos fous. Françoise Gorog fait partie de ces soignants qui n'hésitent pas à aller passer les fêtes de Noël à l'hôpital auprès des patients, ou à aider les infirmières à nettoyer l'appartement enseveli sous les détritus d'une personne en voie de clochardisation. A l'heure où, du fait des terribles restrictions budgétaires dont pâtit la psychiatrie en France, les réunions d'équipes dans un nombre grandissant de services se limitent de plus en plus à un triste jeu de chaises musicales pour pouvoir gérer à flux tendu le manque de lits disponibles, son départ du Secteur 16 de Sainte-Anne en mai dernier en a inquiété beaucoup – mais aussi réjoui ceux qui considèrent la psychanalyse comme un bibelot exotique dont la place doit désormais se cantonner aux bibliothèques ou aux musées.
« Quitter le modèle de la médecine à deux vitesses
pour nous rapprocher de celui de la psychanalyse pour tous. »
Philosophe, Françoise Gorog constate : « Quand j'ai commencé ici, la file active était de 800 malades, quand j'ai laissé le secteur 16, en mai dernier, nous étions à 2500 malades. Entretemps, le personnel médical et psychologique s'était accru de peut-être un quart de plus grand maximum. Avec la politique d'austérité qui se dessine, il faut quand même être réalistes. »
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