«Comment rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus ?», demandait François Hollande au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) lorsqu’il l’a saisi en janvier. Ce qui renvoie à la question suivante : peut-on aller pour cela jusqu’à hâter un peu la mort du mourant ? Oui, proposait sur ce point la commission Sicard en décembre 2012 : «Lorsque la personne en situation de fin de vie […] demande expressément à interrompre tout traitement susceptible de prolonger sa vie, il serait cruel de la laisser mourir ou de la laisser vivre, sans lui apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la mort.» Non, a répondu le CCNE début juillet : «Le maintien de l’interdiction faite aux médecins de provoquer délibérément la mort protège les personnes en fin de vie, il serait dangereux pour la société que des médecins puissent participer à donner la mort.» L’instance éthique se range donc résolument derrière la distinction ayant orchestré l’équilibre général de la loi Leonetti, la fameuse distinction entre le «laisser mourir» et le «faire mourir». Elle continue de condamner absolument tout acte qui pourrait précipiter la mort.
Jimmy P. Psychothérapie d'un Indien des plaines, le nouveau film d'Arnaud Desplechin, est adapté d'un livre de Georges Devereux. Publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1951, cet ouvrage, à la croisée de l'anthropologie et de la psychanalyse, a ouvert la voie à l'ethnopsychiatrie. C'est le seul livre qui retranscrive le verbatim exact d'une psychanalyse.
Juif d'origine hongroise, né en 1908 à Lugos, en Transylvanie, Georges Devereux s'installe à Paris au milieu des années 1920. Il se consacre à l'ethnologie et à l'anthropologie. Contemporain de Claude Lévi-Strauss, qui l'aidera beaucoup à la fin de sa carrière, il fait de l'Amérique du Nord son terrain d'étude favori. Il s'intéresse aux Indiens Mohaves, auxquels il consacre une thèse. Il intègre ensuite le Winter General Hospital de Topeka (Kansas), alors l'un des premiers hôpitaux américains à traiter les troubles psychologiques et psychiatriques des vétérans de la seconde guerre mondiale.
Le livre de Georges Devereux et le film d'Arnaud Desplechin racontent l'analyse d'un Indien Blackfoot, Jimmy Picard, qui a combattu en France durant la seconde guerre mondiale. Souffrant de nombreux troubles (migraines, vertiges, perte d'audition...), il est admis à l'hôpital de Topeka. Le diagnostic de schizophrénie est envisagé, mais, dans le doute, les médecins font appel à un psychanalyste spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.
Savant solitaire, sans patrie ni frontières, ce dernier soigne Jimmy Picard en respectant les préceptes de Topeka tels qu'ils sont énoncés par Elisabeth Roudinesco dans sa préface à Psychothérapie d'un Indien des plaines : "Soigner l'homme malade, l'adapter à son environnement, le guérir en prenant en charge son corps, son âme et son bonheur." Après sa mort, le 28 mai 1985 à Paris, les cendres de Devereux ont été transférées, ainsi qu'il l'avait lui-même souhaité, dans le cimetière mohave de Parker, au Colorado.
Pourquoi avoir adapté un tel livre ?
Je l'avais lu il y a longtemps, au moment de sa sortie en France. J'en avais déjà utilisé des bouts dans Rois & Reine, en 2004 - des morceaux de dialogue entre Mathieu Amalric et son analyste, Elsa Wolliaston. Je voulais partir sur autre chose, sur une question politique.